1986-Ouagadougou-Hotel Independance; je prenais le diner a la piscine avec le legendaire cineaste Ousmane Sembene.
Au milieu du repas, un jeune homme longiligne d’une trentaine d’annees, en survetement de sport et chaussures ADIDAS s’approcha de notre table , et apostropha Sembene en l’appelant d’une voix joviale:`doyen’
Ce dernier se leva souriant, embrassa le jeune homme, se tourna vers moi et dit:`Abdoul Demba , je te presente le president du Fasso’.
THOMAS ISIDORE NOEL SANKARA , l’enfant terrible ,et bete noire des puissances occidentales m’apparut ainsi sans aucune pretention. Ce fut l’une des plus grosses surprises de ma vie.
Il tourna alors vers moi son fameux regard percant d’enfant, et me dit simplement qu’il serait tres heureux de me presenter a ses tres nombreux compatriotes qui sont de ma famille.
Je fus , apres quelques minutes de conversation, completement subjugue par sa connaissance encyclopedique des grands hommes du continent; de Samory Toure, Behanzin, Elhadj Omar Tall, et Nelson Mandela qui croupissait en prison en ce temps la.
Dans la foulee, il nous revela ,que C’EST DANS SES HABITUDES , CHAQUE SOIR, DE FAIRE SON JOGGING DANS LES RUES de la capitale, avec seulement 2 gardes.
A ces mots, un frisson me parcourut l’echine.
Je sentis un malaise premonitoire.
Cette premonition, qui ne me trompe jamais, s’est confirmee le lendemain, dans les rues de Ouaga, lorsqu’un cortege de 2 voitures seulement se fraya calmement un chemin dans la foule des passants; a bord de la R5 de tete, encore une fois: THOMAS SANKARA , presque sans garde, ni motards ou fanfare: seul avec son chauffeur.
Cette fois , je dis a haute voix a mon compagnon; qu’un president africain qui se sent aussi en paix avec sa conscience, au point d’avoir un pareil comportement, ne va surement pas durer au pouvoir. Ceux qui durent ; ce sont les tricheurs , les criminels et les predateurs qui se cachent derriere un mur impenetrable de bodyguards.
L’histoire m’a malheureusement donne raison: 15 mois apres cette rencontre d’avec le capitaine SANKARA, comme un malheureux signe du destin, j’ai eu le triste devoir, lors du flash-info de 12 heures de RADIO-SENEGAL, du 15 octobre 1987; d’etre le premier journaliste senegalais a annoncer au micro son assassinat…Il venait d’avoir 38 ans…
Ainsi tombait un revolutionnaire qui a dirige son pays avec une totale simplicite, une transparence et une integrite dans la gestion des biens du peuple, jusqu’a ce jour , jamais atteintes par aucun autre president dans l’histoire de ce continent.
Jamais un president n’a ete aussi proche de son peuple comme le fut SANKARA.
Sous SANKARA, le Burkina avait atteint une totale AUTO-SUFFISANCE ALIMENTAIRE,tous les burkinabes etaient PROPRIETAIRES des maisons qu’ils habitaient, le pays connaissait le niveau de DELINQUANCE le plus bas AU MONDE, tous les soins MEDICAUX etaient GRATUITS, les mariages forces, l’excision et la polygamie etaient ERADIQUES, la taxe rurale SUPPRIMEE.
SANKARA n’a pas eleve une stupide statue a coup de milliards, il n’a pas construit d’absurdes ponts qui ne menent nulle part, ni un aeroport dont on pouvait se passer ou un grand theatre maconnique dont les milliards engloutis, auraient construit des hopitaux de standard international.
Non, Sankara a attaque les priorites et les a vaincues.
Toute la haine de l’occident a son egard, vient de cela.
Comparez ses resultats en 4 ans de pouvoir seulement, aux 50 ans d’independance du Senegal.
Il nya meme pas photo.
Au vu de ce que ce garcon a realise, tous les presidents senegalais qui se sont succedes a ce jour, devraient se cacher la face, de honte.
De Patrice Lumbumba, a Amilca Cabral; admettons que l’afrique n’a pas su proteger efficacement ses dignes fils. Par contre, nous savons garde ceux qui nous apportent que des torrents de larmes, comme Khadafi, ou Ablaye Wade.
Silence,ici ,on tue les enfants prodigues.
Jeudi 29 décembre 2011
Almamy Abdoul TALL
Source : http://abdouldemba.seneweb.com