Edition : Max Milo, Paris, novembre 2021, 292 pages
ISBN-10 : 2315010020
ISBN-13 : 978-2315010028
Nos commentaires
Si vous êtes un fidèle usager de ce présent site, vous n’êtes pas sans savoir que nous abritons la campagne Justice pour Sankara justice pour l’Afrique et que nous publions ses communiqués et rendons compte de ses activités. Nous avons hébergé plusieurs pétitions de cette campagne et en proposons encore une à la signature. Et il ne vous aura pas échappé que le juge burkinabé François Yaméogo en charge de l’enquête a demandé à la France, la levée du secret défense, que le président Macron a promis de le faire, mais il apparait de plus en plus qu’il n’a pas tenu sa promesse.
Pour le citoyen ordinaire, le secret défense est justifié par la raison d’État. Pas question de livrer des secrets militaires ou autres, le nucléaire en fait partie, qui pourrait mettre en danger notre sécurité, celle de l’État et la notre, si tant est qu’elles seraient forcément liées.
Ce livre présente le fonctionnement du secret défense et une quarantaine d’affaires, certaines sont bien connues et font régulièrement la une des journaux à chaque nouveau rebondissement, dont beaucoup de celles réunies dans le collectif secret défense dont nous parlons un peu plus loin. Malheureusement cette médiatisation ne semble pas suffire. L’État faisant, la plupart du temps, la sourde oreille. Si la presse s’y intéresse régulièrement, notamment les affaires les plus médiatisées, son pouvoir reste insuffisant parfois pour faire bouger les choses.
L’ouvrage contient de très nombreuses interviews, de membres d’associations, de spécialistes, journalistes qui ont enquêté sur certaines affaires, les faisant sortir de l’oubli. Mais il a aussi le mérite de donner la parole à de nombreuses victimes qui expliquent le calvaire qu’elles subissent, introduisant un peu d’humanité, rappelant sans cesse que la supposée raison d’État va de paire avec un profond mépris pour les victimes et leurs souffrances avec l’impossibilité pour elles de faire le deuil.
Si ce livre n’existait pas il faudrait l’écrire. Il dévoile ce qui constitue un scandale le sous-titre étant, une enquête sur les 40 affaires entravées par la raison d’État. On découvre en réalité que le secret défense est utilisé pour empêcher que n’émerge la vérité sur de nombreuses affaires ; accidents d’avion, des assassinats politiques, massacres, génocide, explosions, affaires commerciales, etc… sur lesquelles on cache la vérité essentiellement pour des raisons politiques. Comme le dit l’auteur dans son introduction « il faudrait être aveugle pour ne pas constater l’accumulation d’affaires malsaines où le secret défense paraît proche d’un écran de fumée malsain que d’un rempart vital à notre pays ! » . C’est ce que l’ouvrage s’emploie à démontrer.
Le secret défense n’avait guère attiré notre attention, reconnaissons le, jusqu’à ce que le juge Burkinabè François Yaméogo en charge de l’instruction sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons, demande officiellement la levée du secret défense sur ce qui concerne cette affaire en même qu’il lance une commission rogatoire.
On peut même dire que cette affaire est à l’origine de la création du collectif secret défense, un enjeu démocratique dont les objectifs sont de rassembler les victimes en but au secret défense, alerter l’opinion sur ses dérives et Réformer le secret défense en le soumettant au contrôle d’une juridiction indépendante. En effet c’est à la suite de la demande du juge burkinabè que j’ai pris l’initiative d’organiser lors de la semaine anticoloniale de 2017 une réunion publique (vous tomberez sur le film cette conférence en cliquant sur ce lien), sur ce thème, après avoir pris entre temps contact avec plusieurs victimes ou personnes défendant les intérêts des victimes. J’y intervenais alors moi-même ce jour-là l’affaires Sankara et ses compagnons.
Je découvrais scandalisé ces 7 premières affaires, mais aussi des victimes ou représentants de victimes qui sans relâche luttaient pour la vérité depuis parfois plus de 2, 3 ou 4 décennies sur les affaires suivantes : l’assassinat du juge Borel à Djibouti en octobre 1995, les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie en mai et juin 1945, le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye en novembre 1944, le génocides des Tutsis au Rwanda en 1994, l’assassinat des journalistes de RFI au Mali , Ghislaine Dupont et Claude Verlon en novembre 2013, l’assassinat du marocain, Mehdi Ben Barka, le 29 octobre 1965 brillant dirigeant du tiers monde à Paris, l’assassinat par la torture du mathématicien communiste Maurice Audin en Algérie en juin 1957.
Pour beaucoup nous faisions connaissance les uns et les autres, heureux de s’être rencontrés. Et nous avons alors décidé de créer un collectif dont le nombre d’affaires est passé de 8, alors, à 17 aujourd’hui, la liste publiée sur le site du collectif n’ayant pas encore intégré l’assassinat de Dulcie September, la représentante de l’ANC à Paris, assassinée le 29 mars 1988 et l’assassinat de 3 militantes kurdes à Paris, Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez le 10 janvier 2013.
Pascal Jouary a plusieurs fois participé aux réunions du collectif, rencontrant donc ses membres. Il en a interviewé plusieurs. Puis il s’est lancé dans une longue enquête, rencontré de nombreux élus, ce qui lui a permis de faire émerger d’autres affaires cachées dans les tiroirs de notre république.
Son enquête terminée, il a eu toutes les peines du monde à trouver un éditeur. Conscient de l’importance de ce sujet, il a contacté de nombreuses maisons d’édition importantes pour être publié. Elles lui apparaissaient souvent presque enthousiastes puis finissaient les unes après les autres par se désister pour différentes raisons.
Lorsqu’il a eu une écoute attentive, chez Max Milo, il était tellement soulagé qu’il ne s’est pas vraiment méfié, trop content d’avoir enfin un éditeur. Mal lui en a pris. Cet éditeur lui a collé un autre auteur qui a beaucoup réécrit le texte pour le rendre un peu plus sensationnel, ajoutant parfois des figures de style plutôt assez lourdes. Cela a donné des choses étonnantes comme le fait que l’affaire Audin, du nom du mathématicien communiste français mort sous la torture en Algérie, sous le chapitre intitulé “Anatomie de secrets tahitiens” !
Surtout, et c’est semble-t-il le seul chapitre où cela s’est produit, l’éditeur a cru bon de rajouter des notes renvoyant à des ouvrages négationnistes d’auteurs maison, dans le chapitre sur le génocide du Rwanda. Ce qui a entraîné une réaction publique de l’association SURVIE; Pascal Jouary n’a pas compris la manœuvre ou ne l’a pas vu ou ne l’a pas jugé suffisamment grave pour entrer en conflit avec son éditeur, tellement soulagé d’en avoir finalement trouvé.
Depuis les rapports avec l’éditeur sont exécrables, à telle point que Pascal Jouary a du solliciter une intervention d’une société des auteurs.
Ce livre a le mérite d’exister sur des scandales qui n’ont que trop durer, malgré quelques défauts. Il a pu bénéficier tout de même d’une bonne couverture à sa sortie et a permis de médiatiser le scandale du secret défense. Il constitue pour l’instant le seul livre de référence sur le sujet.
Nous publions ci-dessous le sommaire complet de l’ouvrage. On y trouvera un chapitre consacré à l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons. Un procès a eu lieu au Burkina qui a duré plusieurs moi. Blaise Compaoré a été condamné à perpétuité ainsi que quelques acteurs de cet assassinat. Le juge avait longtemps retardé l’ouverture du procès en attente des documents secrets défense. Un troisième lot de documents est arrivé après la clôture du dossier en vue d’organiser le procès. Mais le juge François Yaméogo avait pris soin d’opérer une disjonction entre le volet national de l’affaire et le volet international. Il semble bien selon mes informations que les documents secret défense n’ont pas été fournis comme c’est d’ailleurs le cas dans la plupart des affaires où son ouverture est sollicitée. En effet, on ne trouve aucun document issu du cabinet de Jacques Chirac qui était premier ministres, aucun document issu du cabinet de François Mitterrand qui en était le président et aucun document de la DGSE, la direction générale de la sécurité extérieure.
Bruno Jaffré
Sommaire de l’ouvrage
Introduction 7
Anatomie d’un secret : comment naissent les « affaires » 11
Entretien avec Benoît van Reeth 18
Anatomie d’un secret politique : l’affaire Robert Boulin 21
Entretien avec Fabienne Boulin Burgeat 23
Anatomie de secrets algériens : l’affaire Jean-Claude Saint-Aubin 27
Entretien avec Bachir Ben Barka 28
Anatomie de secrets indépendantistes : l’affaire Henri Curiel 31
Entretien avec Sylvie Braibant 32
Anatomie de secrets tahitiens : les affaires Jean-Pascal Couraud et Maurice Audin 35
Anatomie de secrets ferroviaires : le cas des « rapports confidentiels » 39
Anatomie de secrets maritimes : de La Jonque au Bugaled Breizh 43
Anatomie de secrets aériens : l’affaire du vol Ajaccio-Nice 49
Entretien avec Max Clanet 50
Anatomie de secrets explosifs : l’affaire de la Maison des têtes 59
Entretien avec Jeanne Cilia 61
Anatomie de secrets antiterroristes : les attentats du 13 novembre 2015 65
Entretien avec maître Olivier Morice 66
Anatomie de secrets de gendarmerie : l’affaire de l’Hypercacher 73
Anatomie de secrets policiers : l’assassinat du Père Jacques Hamel 79
Anatomie de secrets perpétuels : l’affaire Mohamed Merah 83
Entretien avec Alain Juillet 88
Anatomie de secrets mensongers : l’affaire de Tarnac 99
Entretien avec Rony Brauman 102
Anatomie de secrets djihadistes : l’affaire Lafarge Cement Syria . 109
Entretien avec Pierre-Yves Schneider 112
Anatomie de secrets militaires : l’affaire Gilles Polin 117
Entretien avec maître Jean Boudot 119
Anatomie de secrets génocidaires : le massacre des Tutsis 123
Entretien avec l’association Survie 124
Anatomie de secrets judiciaires : l’affaire Bernard Borrel 129
Anatomie de secrets burkinabè : l’affaire Thomas Sankara 133
Entretien avec Bruno Jaffré 137
Anatomie de secrets fictifs : l’affaire de Broglie 141
Entretien avec Emmanuel Rousseau 144
Anatomie de secrets financiers : l’affaire Alain Duménil 151
Entretien avec Félix Tréguer 154
Anatomie de secrets ministériels : l’affaire Bouygues 161
Anatomie de secrets publics : l’affaire de Pierre-sur-Haute 165
Entretien avec Jacques Nain 169
Anatomie de secrets technologiques : l’affaire Qosmos 173
Entretien avec Marie-Christine Dalloz 180
Anatomie de secrets de couple : l’affaire des essais nucléaires français 183
Entretien avec Jean-Marie Collin 187
Anatomie de secrets industriels : le cas Stéphane Lhomme 199
Entretien avec André Larceneux 202
Anatomie de secrets d’armement : l’affaire Luchaire 207
Entretien avec Olivier Becht 209
Anatomie de secrets commerciaux : le cas Disclose et l’affaire des frégates de Taïwan 213
Entretien avec Éric Alauzet 216
Anatomie de secrets politiques : l’attentat de Karachi et l’Angolagate 221
Entretien avec Thibault Bazin 225
Anatomie de secrets internes : les affaires Rigault, Wanké, Nut et Fiévet 229
Entretien avec Philippe Michel-Kleisbauer 236
Anatomie de secrets variés : les affaires H1N1, AZF, PKK à Paris et Bouaké 247
Entretien avec François Chauvancy 256
Conclusion 275
Principaux sigles mentionnés 277
Index des principales personnes évoquées 279
Liste des principaux ouvrages cités 289