Grosse actualité pour Smockey qui n’est pas inconnu des visiteurs de thomassankara.net. D’abord le sacre du meilleur rappeur du continent… ce n’est pas rien. Les kora2010 sont une des distinctions les plus importantes, si ce n’est la plus importante du continent, bien que contestées. Cette édition, la première hors d’Afrique du Sud a reçu une volée de contestation dans la presse, surtout pour des questions d’organisation, l’absence de certaines vedettes. Mais là n’est pas notre propos.

Smockey et son trophée gagné au Kora 201

Il ne nous appartient pas de déclarer si ce prix est mérité, nous ne sommes pas des spécialistes du RAP, et ne connaissons que très peu les autres musiciens du continent. Mais nous devons avouer que nous avons découvert le RAP à travers Smockey, qui sous des airs de jeunes révoltés un peu butés, cache un être profondément sensible, travailleur, créatif en étant aussi un des pionniers de l’introduction des musiques locales dans les morceaux de RAP.

Son énergie lors des concerts en hommage à Thomas Sankara à Ouagadougou en 2007 avait attiré notre curiosité, alors que nous ne le connaissions pas du tout. Curiosité qui nous avait amené à acheter un CD. Nous l’avons écouté près de 6 mois plus tard, eh oui, le rap n’est pas notre tasse de thé, pour en éprouver cette fois comme une révélation. Le RAP est bien autre chose que ce que nous déverse ces nombreux frimeurs, soutenus par les multinationales collant au “marché”, déversant leur violence gratuite sur fond de petites nanas quasiment à poil se tortillant les fesses, dont les écrans sont envahis pour mieux cacher. Mais derrière cette vitrine, se cache, celui plus profond, expression d’une jeunesse révoltée, que ce soit en Afrique ou dans les quartiers populaires des pays occidentaux.

Alors, est-ce le meilleur, nous n’en savons rien, mais un musicien de qualité ça oui, sans aucun doute. Et engagé jusqu’à s’attirer pas mal d’ennuis comme nous le rappellerons plus bas! Notamment lors de la sortie du “A qui profite le crime” (voir à l’adresse http://thomassankara.net/?p=610 ) qui évoque la mort de Sankara. Suite à de nombreuses pressions notamment en direction de ses proches, il avait du renoncer à inclure ce morceau dans son album.

Mais c’était pour mieux sauter. Tous ces ennuis, loin de le faire rentrer dans le rang, n’ont fait que le conforter dans ses engagements dans les combats de société, pour la justice et la liberté, aux côté de la jeunesse de son pays dont il est un des portes paroles. Il est désormais de tous les morceaux collectifs que ce soit le soutien aux étudiants en 2008, par le morceau “ A balles réelles ” un morceau réalisé en avec Sams’K Le Jah (voir à l’adresse http://www.citizensforearth.info/Smockey-et-Sams-K-Le-Jah-s-associe,41, ) qui se sont fait tirer dessus lors des manifestations revendicatives ou plus récemment le CD produit par les “Artistes Unis pour Norbert Zongo” (voir le clip à l’adresse [http://www.dailymotion.com/…>http://www.dailymotion.com/video/x7r9nj_clip-artistes-unis-pour-norbert-zon_music] ) à l’occasion du 10eme anniversaire de l’assassinat du célèbre journaliste alors que la justice burkinabé n’a officiellement toujours pas désigné ni condamné les coupables.

Et voilà que devant 3000 personnes, les people de Ouagadougou triés sur le volet, dont de nombreuses personnalités, Guillaume Soro ou même Blaise Compaoré et sa femme, non seulement Smockey est déclaré vainqueur, mais en plus il a l’outrecuidance de dédier son prix à Thomas Sankara, KWamé NKrumah et à Patrice Lumumba! En bon communicateur, Smockey a fait un petit clin d’oeil à son public. Ces trois dirigeants sont ceux à qui il rend aussi hommage à la fin de la chanson “50 ans 2 dépendance”, la chanson phare de son nouvel album.

Parait-il que Blaise Compaoré aurait laissé paraître un sourire… jaune sans doute. Une sortie très applaudie semble-t-il. Mais certains n’ont pas apprécié.

La vidéo



Cette sortie de Smockey parait pourtant bien dans la droite ligne de son engagement, et c’est plutôt son silence qui aurait été étonnant.

Il se trouve pourtant quelques plumitifs pour l’attaquer violemment. Ainsi le journaliste Ousséni Ilboudo, dans l’Observateur, en profite pour ressortir la version du pouvoir sur l’assassinat de Thomas Sankara, version selon laquelle les deux camps étaient engagés dans une course de vitesse et que celui de Blaise Compaoré a été le plus rapide pour éliminer Thomas Sankara” L’Histoire a voulu que ce fut l’enfant terrible de Ziniaré qui ait dégainé plus vite” pour poursuivre dans la politique fiction : ” Pour faire dans la politique fiction, si la Faucheuse avait jeté son dévolu sur Blaise, on peut parier qu’on ne l’aurait pas pleuré outre mesure. Fin comme il l’était, on peut du reste imaginer que le président du CNR aurait mis une telle situation sur le dos de l’impérialisme international et de ses valets locaux ; qu’il aurait fait des funérailles nationales pour Blaise ; et que la Révolution aurait suivi son cours presque normal. Blaise n’a pas eu cette intelligence, on devrait dire ce cynisme politique. Et d’ailleurs le mensonge ne serait pas passé parce que lui, c’est lui, et Thom. Sank., c’est Thom. Sank.” Blaise Compaoré manquerait d’intelligence? On laisse la responsabilité de cette affirmation à l’auteur de l’article. Quand au manque de “cynisme politique” je me demande bien quel burkinabé ou quel observateur de la vie politique burkinabé pourrait souscrire à une telle affirmation.

Plus loin Ousséni Ilboudo, développe la thèse selon laquelle, Smockey aurait manqué de témérité car ” Car si on peut “agresser” sans crainte le chef, c’est du même coup reconnaître que le jeu politique, malgré ses nombreux travers, est maintenant décomplexé, et qu’il y a une incontestable liberté d’expression et d’opinion qui ne s’use, il est vrai, que si l’on ne s’en sert pas.”. Ousséni Ilboudo omet bien sur de rappeler les difficultés qu’a rencontrées Smockey lors de la sortie de son album, les pressions multiples à l’encontre de sa famille, jusqu’à ce qu’il prenne la décision de retirer le morceau “A qui profite le crime” de l’album. Sans compter, les menaces de mort contre Sam’K Le Jah dont on ne connaît toujours pas les auteurs, ni celles qui ont touché la rédaction du Reporter et le journaliste Ahmed Newton Barry de l’Evènement. M. Ilboudo, une suggestion… et si vous enquêtiez sur la célérité de la police dans ce genre d’enquête, les possibilités de retrouver les auteurs de mails … Il semble que le Burkina Faso se positionne pour être en pointe dans la lutte contre la cybercriminalité.

Smockey a pu se justifier ainsi lors d’une conférence de presse le 4 mai pour la sortie de son nouvel album : “Il n’est écrit nul part dans la Constitution qu’un citoyen doit se prosterner devant son président… Quand j’ai reçu mon trophée, j’ai été agréablement surpris de constater qu’il y avait un micro sur le podium ; car au Kundé il n’y a jamais de micro. Je me suis donc emparé du micro, un moment que j’attendais depuis longtemps“. (propos rapportés par un autre journaliste du Nouvel Observateur qui signé RV Honla (voir http://www.lobservateur.bf/spip.php?article14036 ).

Mais la palme de l’attaque revient plutôt encore à un certain Faèz, journaliste à l’Opinion, journal aux ordres… financé par le pouvoir dont les journalistes mangent dans la main des “grands” de ce pays… Voilà ce qu’il écrit sous le titre annonciateur “artistes engagés ou vulgaires hypocrites” dans le numéro 52 de l’Opinion daté de mi-avril 2010. ” Pour revenir à notre Kora ou plutôt au « Kora de Smockey », à en croire mon oncle qui s’en démarque sans aucune concession, il laisse un goût quelque peu amer, une odeur fétide et des émanations pestilentielles, probablement un mélange de vomi et de déjections.” Excusez du peu… Et oui les plumitifs du pouvoir sont payés pour ce genre d’insanité. L’Opinion se sert d’une interview bidonnée d’un nouveau quotidien ” le Révolutionnaire” pour poursuivre ses attaques. L’interview ayant en effet été réalisée avant la remise des prix, mais se présente comme si elle avait été faite après. Bien évidemment, l’article est encore l’occasion de vanter Blaise Compaoré “l’homme de paix” contre Sankara qui “a conduit une guerre contre un pays voisin“. Exit les interventions au Liberia, en Sierra Leone, le soutien à Savimbi de l’UNITA, sans parler du récent conflit en Côte d’Ivoire. Mais notre pseudo journaliste n’à que faire de la réalité. Ce qui compte c’est de faire plaisir à ceux qui le payent.

Nous dispenserons les lecteurs de thomassankara.net d’autres citations extraites de l’article qui s’emploie plus à insulter les artistes, Sams’K le Jah dont le nom n’est pourtant pas cité a aussi son petit couplet, qu’à informer les lecteurs. Disons en tout cas que le forum qui suit l’article (voir à http://www.lefaso.net/spip.php?article36326 ) est révélateur du peu d’impact de ce type d’articles sur l’Opinion, car la jeunesse y exprime très massivement son soutien à Smockey qu’il considère dans leur ensemble comme leur porte parole.

Mais les dirigeants de ce pays n’ont donc pas d’autres plumitifs que ce genre de journaliste aigri aux ordres? On a les laudateurs qu’on mérite n’est-ce pas? Mais nous pensons qu’il est de notre devoir d’informer de par le monde quels sont les journaux qui soutiennent le pouvoir et de donner un exemple de leur contenu. Chacun jugera. Ainsi va la “démocratie” au Burkina Faso, dirigé par un “homme de paix”. On paye des journalistes pour insulter les têtes qui dépassent… peine perdue… Au Burkina on connait le système. A tel point qu’à peine 25% de la population s’est inscrite sur les listes électorales. Mais à l’extérieur, les moyens sont puissants via les médias pour nous imposer une image positive du Burkina qu’il est bon que nous rétablissions quelques vérités.

Mais revenons à la musique… l’actualité de Smockey c’est aussi la sortie du disque “présidents d’Afrique” de Didier Awadi (voir à http://www.presidentsdafrique.com /) dont nous reparlerons. Smockey a travaillé avec Awadi sur le morceau “La patrie ou la mort” un hommage à Thomas Sankara

Mais c’est aussi la sortie d’un nouvel album. Smockey ne fait pas que parler, il travaille beaucoup. Il fait tourner son studio, produit des jeunes rappeurs, et compose… pour nous livrer des productions toujours très riches musicalement les unes que les autres. Du rap, mais du rap trempé dans la tradition musical de son pays. Nous ne vous ferons pas la critique de son dernier album que nous n’avons pas encore écouté si ce n’est le morceau “50 ans 2e dépendance”. Un morceau d’une très grande importance qui probablement fera date tant il frappe juste et fort. D’ailleurs, transmis pour écoute aux militants de SURVIE, il a déclenché des vagues de compliments.

Vous trouverez le clip de “50 ans 2e dépendance” à l’adresse http://www.youtube.com/watch?v=khk-nTEeHyo

En attendant de l’écouter nous-mêmes en entier, laissons donc à de vrais journalistes burkinabés la tâche de parler donc de ce nouvel opus…

Nous vous livrons donc ci-dessous le compte rendu de la conférence de presse du 4 mai 2010 et une critique de son nouvel album de Merneptah Noufou Zougmoré, journaliste au bimensuel l’Evènement numéro 187 du 10 mai 2010 .

Bruno Jaffré

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Cravate, costard et pourriture Une peinture musicale de la société africaine

Merneptah Noufou Zougmoré

Le patron du studio Abazon vient de mettre son 4 è album sur le marché de disque. L’opus a été présenté aux journalistes au Centre culturel français/ Georges Meliès (CCF/GM) le 4 mai dernier. Il comporte 12 titres bien enlevés. Les mélomanes savent que Serge Martin Bambara alias Smockey n’a pas sa langue dans la poche. Il dénonce les travers de la société africaine dans chacune de ses créations musicales. Ayant choisi le Rap comme mode d’expression artistique, de la première oeuvre jusqu’au dernier opus, il peint musicalement la situation de pourriture de la société africaine. Cravate, costard et pourriture, le titre éponyme dénonce la délinquance au col blanc dont l’apparat des malfrats peut tromper les incrédules mais pas des personnes avisées. La génération spontanée des riches, Les dessous de table dans l’administration, l’affairisme sous le prisme de la religion est mise à nu par cette œuvre. Un appel est fait aux travailleurs de se syndiquer pour répondre au vœu d’un chant de lutte qui dit ceci : “solidarité mes frères, solidarité mes sœurs, c’est l’union qui nous rend forts”. Un hommage est rendu également aux chauffeurs à travers un featuring avec la griotte Dédé.

Ces derniers vivent des conditions difficiles de travail. Ils ne se reposent pas assez, ils sont la proie des brebis galeuses dans les forces de l’ordre et ne sont pas déclarés à la caisse pour faire valoir après de longues années de bons et loyaux services leurs droits à la retraite. Ce morceau a été réalisé grâce à la collaboration d’une structure du nom de OMD. Pour faire plus chatoyant et rester toujours dans le même registre, un clip a été tourné par le groupe de Zouglou, les patrons de la Côte d’Ivoire, on retrouve la thématique du désespoir de la jeunesse dans le titre clipé. Zongo, l’humoriste ivoirien, fait le désespéré en partant à la recherche du bonheur, le baluchon en bandoulière. Une particularité dans l’album, la participation des deux instrumentistes traditionnels. Biri dans le Bissako et Sibi Zongo, un malveillant violoniste de Koudougou. L’image de Biri est connue déjà du grand public à travers le titre ” yama “. Il revient cette fois-ci encore dans ce dernier opus.

Sibi Zongo est une nouvelle rencontre entre la tradition et Smockey. Son timbre envoûtant et sa maîtrise de “roudougou ” le (violon) ne laisse personne indifférent. Sibi Zongo est à l’image de Mathias Kaboré de Barma, une localité située à quelques encablures de Ouagadougou, grand “roudwabda ” (violoniste), il aurait pu s’il était toujours vivant apporter une touche aussi au Rap. C’est pour cela que dans le deuxième titre où Sibi pose sa voix, il pose une problématique d’un intérêt particulier. La connaissance de l’utilité des hommes de traditions pendant qu’ils sont en vie. Le meilleur des rappeurs africains 2010 fait œuvre utile en ramenant ces hommes en surface. Car ils sont des détenteurs du savoir musical ancestral. Une source intarissable, dans lequel les artistes devraient toujours aller puiser. Une autre actualité concernant toujours Smockey, il a été désigné meilleur rappeur africain 2010 par les Kora. Ce prix a été dédié aux leaders panafricanistes qui se sont battus pour une Afrique véritablement indépendante. Le nom de Thomas Sankara figurait parmi les noms cités et une bonne frange de la jeunesse a salué cette dédicace.

Merneptah Noufou Zougmoré

Source : http://www.evenement-bf.net/pages/culture_187.htm#smock

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