Thomas SANKARA à l’Etrange Rencontre
Zorn
C’est sous la forme d’un forum social pour la jeunesse que c’est tenue du 24 au 30 août 2008 à Ouagadougou l’ « étrange rencontre 2 » (E.R.2). L’E.R.2 est la deuxième édition de cette rencontre de la jeunesse du monde dont les principaux axes de réflexions tournent autour des nouvelles technologies pour permettre aux acteurs de garder « contact » et de diffuser les informations de luttes ou des événements politiques de leurs pays respectifs afin de permettre de mieux relayer les informations et créer une forme de résistance sur la scène internationale.
Thomas Sankara a été une image très présente dans les esprits et les discussions des acteurs de l’ER2. Il est ici difficile de rendre compte de toutes les discussions, de leur richesse, des pistes de réflexions, et des événements qui ont eut lieu autour de la révolution et de son leader durant l’ER2. Néanmoins nous tenterons de relayer au mieux les pistes de réflexions et certaines discussions abordées durant le mois d’août ; car d’une certaine manière, l’ER2 n’a pas seulement duré une semaine mais a commencé bien plus tôt lors des préparatifs de la semaine et s’est poursuivi dans les jours qui ont suivi la rencontre…et se poursuivent encore aujourd’hui.
1. L’avant plénière.
Avant la rencontre différents membre de clubs Sankara, de différents pays ont eu à se rencontrer pour parler et communiquer leurs expériences respectives sur les actions menées ou à mener. Deux étudiants issus de deux différents clubs Sankara du Bur
Nous vous livrons ici un résumé des idées et priorités partagées par ces acteurs:
– Créer et travailler sur une réelle unité entre tous les différents clubs. D’où l’idée d’un réseau international pouvant devenir un vecteur d’unification sur le sol Bur
– Aller plus loin que les simples projections de documentaires mais réussir à mettre sur place des actions concrètes pouvant avoir un impact positif sur la société civile.
– Continuer à récolter un maximum de témoignages des personnes ayant vécu la révolution avant que ces sources orales ne viennent à disparaître ou à être tronquées par le temps.
Plusieurs rencontres ont eut lieu entre Sams’K et différents acteurs de la rencontre. Mais pour des raisons professionnelles, Sams’K ne pouvait pas participer à la semaine de l’ER2. Par contre, avant et après la rencontre, plusieurs discussions ont eu lieu et des pistes d’actions ont été abordées avec lui. Il affirmait la nécessité de ne pas rester dans l’ombre, car c’est à son avis le meilleur moyen de rester divisé alors que si, par contre, on se montrait au grand jour, les personnes pensant la même chose pourraient s’allier et créer de réels contre pouvoirs à la politique Bur
L’artiste a également pris position par rapport aux partis politiques se réclamant du sankarisme. Faisant le constat de leur incapacité à se fédérer, il affirme la nécessité absolue que les clubs créent une unité et ne refassent pas les erreurs de leurs aînés. Pour ce faire, l’artiste et d’autres acteurs de l’ER2 ont fait le choix, ou du moins émis l’idée de laisser, dans un premier temps, les partis politiques et autres structures en dehors de la dynamique. Celle-ci pouvant servir de levier aux querelles de personnes, ou aux aspirations de carrière, contrarieraient les efforts du mouvement à s’unir.
Voici un bref résumé des pistes abordées :
– laisser les politiques en dehors des clubs et créer des structures totalement indépendantes.
– des actions concrètes dans la ligne directrice des idées de T.Sankara. (Plantations d’arbres, etc.)
– ne pas se cacher mais montrer l’existence de ces clubs pour que les actions puissent avoir lieu et ainsi pouvoir créer une réelle structure alternative.
-miser sur l’unité.
-également propager au maximum l’héritage de Sankara et ne pas laisser dire n’importe quoi sur Sankara ou sur la révolution.
2. La pièce de Carlos Ouédraogo.
Parmi les évènements artistiques, il est central de mentionner la pièce de Carlos Ouédraogo « Thomas Sankara, la lutte en marche » qui à été jouée lors de l’étrange rencontre. Car le public présent durant la pièce était très nombreux et notamment des jeunes de 14 à 29 ans étaient présents. Un des faits marquants fut lorsque M Ouédraogo, au bout des premières 15 minutes de son intervention a prononcé le nom de T.Sankara, la foule c’est mise à hurler pendant 10 minutes en signe de fierté, l’acteur ne pouvant pas prendre la parole durant ce laps de temps tellement l’émotion était vive…que dire si ce n’est que c’était magnifique et prouvait que même plus de 20 ans après sa mort Sankara était toujours présent…y compris pour une jeunesse qui ne l’a jamais connu. Durant la pièce, on a pu voir des jeunes réciter par cœur des discours du Capitaine accompagnant ainsi à voix basse l’acteur. Malgré des coupures de courant à répétition durant la pièce, l’humour et l’enthousiasme des spectateurs n’a pas faibli.
Un peu plus d’un mois après son retour sur Paris, l’acteur a avoué à un des participants de l’ER2 son bonheur d’avoir vécu ce moment à Ouagadougou ; malgré les conditions difficiles, l’émotion dégagée par le public l’avait profondément touché et restait gravée en lui.
3. La plénière.
Pendant l’ER2 j’ai animé une réunion plénière sur Sankara. Elle avait pour intitulé : « comment réfléchir avec Sankara au 21ème siècle et comme réutiliser sont héritage politique et humain dans des actions concrètes » l’idée sous jacente étant de ne plus seulement marcher dans les traces de Sankara mais de les prolonger là où ses pas ont été stoppés. L’idée était également que cette plénière puisse être la place où l’on puisse réfléchir ensemble sur les futures actions à mener et comment s’organiser pour créer un front uni.
J’ai commencé la plénière en citant une phrase de Sankara « je ne suis ni un prophète ni un messie et je ne détiens aucune vérité ».
J’ai évoqué mon intention de prendre peu la parole pour permettre un réel échange entre la table des différents intervenants de la plénière et le public ; affichant ainsi mon intention de vouloir réfléchir en commun afin de permettre l’expression d’une pluralité d’idées sur des actions concrètes à mener. Réussir à faire en sorte que tous les cerveaux réunis ce jour là puissent travailler en commun.
J’ai commencé par souligner le danger que pouvais représenter le mythe de Sankara car, si d’un côté il est une force grâce à son image toujours présente, d’un autre côté il ne peut que devenir une icône dont on aurait vidé le contenu. J’ai également évoqué l’idée de légende obscure sur Sankara ; c’est-à-dire la diffusion des images fausses et malveillantes de Sankara (action menée du haut de l’Etat Bur
Après un listage des différents domaines sur lesquels Sankara a tenté d’apporter un changement, en montrant qu’il y avait eu de grandes réalisations même si d’autres projets avaient été beaucoup moins aboutis, j’ai également évoqué la volonté de Sankara et de la révolution d’émanciper la femme et ceci jusqu’à se confronter aux pouvoirs traditionnels.
Les participants ont surtout dirigé leurs questions sur la politique même de Sankara et sur les erreurs de la révolution ou sur les erreurs personnelles de Sankara (telle que sa précipitation, le fait qu’il n’était pas forcement bien entouré etc.) Un participant s’est indigné que l’on puisse parler des conditions précaires de la femme africaine alors qu’un texte de loi du 13ème siècle au Mali évoquait le statut de la femme de façon « positive » ; il m’a interpellé sur ma légitimité pour me permettre de parler de domination masculine sur la femme africaine et qu’en gros il n’y avait aucun problème.
Un autre participant a exclusivement porté ses critiques sur la précipitation de Sankara et son manque de patience.
Le dernier intervenant à parler de dictature de la révolution et à tenté de faire un rapprochement entre Staline et Sankara.
Concernant « la question féminine », éléments de réponse : au lieu de prendre de front mon interlocuteur j’ai lu un entretien que Sankara avait eu avec le journaliste suisse J.P.Rapp.
«J.P.Rapp : Le poids des traditions séculaires voue la femme bur
T.Sankara : Les femmes Bur
La femme qui se lève à quatre heures du matin, qui doit faire 15
J’ai poursuivi en citant plusieurs phrases célèbres d’hommes et de femmes révolutionnaires pour montrer que Sankara s’inscrivait dans une histoire de pensée et qu’il était dangereux de le réduire seulement au panafricanisme. Car c’est avec également cet idée d’héritage historique international que Sankara avait pu franchir les frontières du Bur
V. Hugo : « Vous voulez les pauvres secourus, je veux la misère abolie »
P. Neruda : « Poden cortar todas las flores, pero jamas detendran la primavera »
R. Luxembourg : « La liberté n’est rien si elle n’est pas la liberté de celui qui pense autrement »
J. Roux : « La liberté n’est qu’un vain fantôme quand une classe d’homme peut affamer l’autre impunément »
H. Lefebvre : « La raison analytique est un carcan…l’utopie est un bélier »
T. Sankara : « Nous voulons être les héritiers de toute les révolutions »
Sur sa « précipitation », réponses : De grandes réalisations ont pu avoir lieu sur ces 4 années de la révolution et pas des moindres. Et si Sankara a su être « aussi précipité » c’est qu’il avait peut être pris à sa juste mesure les besoins impérieux du pays.
4. Intervention d’Odile Sankara.
Odile Sankara (sœur du capitaine T.Sankara) a également animé une soirée à l’ER2. Après sa présentation, plusieurs discussions ont eut lieu avec elle. Un des thèmes abordé lors de la soirée tourne autour des soirées commémoratives du 15 octobre. L’idée principale est qu’il est important de faire des soirées commémorative le 15 octobre, mais que fêter le 4 août pourrait avoir beaucoup plus de poids dans le sens où, au lieu de commémorer la mort et la fin, on fêterait le commencement, le moment où tout a commencé ; entraînant ainsi l’idée que tout peut arriver, que rien n’est fini. Plusieurs participants ont admis qu’il était important que l’on commémore le 4 août de manière aussi importante que le 15 Octobre. Certains participants ont également émis l’idée qu’il était important de fêter le 4 août mais que le 15 octobre les peuples des déshérités avaient perdu une importante bataille face à l’impérialisme avec la mort du P.F et que c’est aussi (le 15 octobre) le moment où Sankara est entré dans l’histoire pour devenir immortel et devenir beaucoup plus fort.
Les deux optiques sont des plus intéressantes et le débat n’est toujours pas tranché si ce n’est l’importance de réhabiliter le 4 août comme date clé de l’histoire Bur
5. Les limites dans la pratique de l’héritage de Sankara.
C’est avec honnêteté que nous devons, tout de même, vous faire part de certaines limites de l’héritage de Sankara dans les pratiques des participants lors de l’ER2. La grande majorité des participants, pour ne pas dire la totalité, étaient plus ou moins « pro-sankaristes ». Pourtant, rares ont été les hommes à passer par les cuisines pour préparer les repas. Oui, il faut préciser que sans le concours des femmes, lors de la rencontre, celle-ci n’aurait pas pu réussir. Car ce sont encore les femmes qui se sont occupées de préparer les repas, de faire la vaisselle et des autres tâches auxquelles on les cantonne permettant ainsi aux participants de débattre lors des plénières. Alors même que les participants, dans leur argumentation, condamnaient ces faits, les différents témoignages attestent d’un écart important entre discours et pratique, ce qui est malheureusement regrettable pour ce genre de rencontre.
6. La poursuite des débats.
Les débats et les commentaires ont continué jusqu’au départ de tous les participants du Bur
BILAN des idées d’actions à mener :
. Créer une charte dans laquelle tous les clubs pourraient, au niveau international, se reconnaître. Pour ce faire, l’esquisse de cette charte doit provenir des clubs du Bur
. Travailler sur l’unité des clubs Sankara et des actions à mener. Réussir à créer un réseau international qui fonctionne.
. Les universitaires participant à la vie des clubs sortiront des universités et feront un travail de conscientisation auprès des populations non universitaires. A travers notamment d’actions directes. (Alphabétisation, conscientisation etc.)
. Laisser les partis politiques en dehors de nos clubs et garder une indépendance totale face au politique.
. Travailler à recueillir un maximum de témoignages d’hommes politique et de personne ayant connu Sankara de près. Mais aller plus loin dans le recueil des témoignages, auprès de la population bur
. Prendre position sur des sujets internationaux : contre la dette, sur le conflit israélo palestinien, pour la lutte contre le sida etc.
. Promouvoir au maximum l’héritage de la révolution et de Sankara.
. Sur les questions d’environnement, actions directes et prises de position en faveur des associations qui œuvrent réellement pour la sauvegarde de la planète.
. Continuer à lutter pour l’émancipation de la femme (et cela dans toutes les sociétés…quelles soient occidentales ou africaines…)
. Combattre au maximum les mentalités d’assisté.
. Les actions faites devant être adaptées au contexte des différents pays concernés.
. Que les clubs soient un garde-fou contre le pouvoir en place au Bur
. Favoriser les actions menées contre le système de la France-Afrique décrit par l’association Survie et particulièrement sur le Bur
. Que les clubs aient aussi pour tâche de véhiculer une conscience politique solide.
. Combler nos carences de connaissances sur la révolution afin que nos membres ne se ridiculisent pas, ou ne donnent de mauvaises informations, lorsqu’ils parlent de l’action du P.F.
Zorn
Pour plus d’information sur l’Etrange Rencontre voir à http://www.etrangerencontre.org/