Nous vous proposons, ce magnifique hommage Ă  Thomas Sankara, Ă©crit quelques jours aprĂšs son assassinat par Marie AngĂ©ligue SavanĂ© dirigeante du parti sĂ©nĂ©galais AJ/MRDN (And JĂ«f/Mouvement RĂ©volutionnaire pour DĂ©mocratie Nouvelle) et publiĂ© comme Ă©ditorial dans l’organe de ce parti Xare Bi (voir l’image). Ce document nous a Ă©tĂ© passĂ© par Sidiki Abdoul Daff, chargĂ© d’archiver les documents de ce parti qu’il nous a prĂ©sentĂ© comme “Le bras politique crĂ©Ă© par une organisation maoĂŻste en 1974 dans la clandestinitĂ©, ouvert Ă  tous les patriotes dans la lutte contre le nĂ©ocolonialisme“.
La rédaction


𝐋a 𝐑osĂ©e… 𝐋’espace d’un matin

Par Marie Angéligue Savané

Son dĂ©fi Ă©tait Ă  la dĂ©mesure des problĂšmes de l’Afrique. Ses moyens faibles. Pourtant, il voulait atteindre les cimes du bonheur. Alors, il commença Ă  pĂ©daler sur les pentes abruptes. S’il trĂ©buche, d’autres continueront.

Thomas SANKARA est tombĂ©, sous les balles de vrais Taux- amis”. Un jeudi 15 octobre 1987: la veille de la journĂ©e Mondiale de l’Alimentation.

Lui qui voulait tant nourrir à sa faim, chaque Burkinabé ! Quelques jours aprÚs le forum anti-apartheid.

Lui qui faisait de la libĂ©ration des noirs d’Afrique du Sud, un enjeu pour tout le continent.

Ces deux Ă©vĂšnements dĂ©limitent les frontiĂšres de ses rĂȘves et de ses ambitions.

Le fait national BurkinabĂ© et l’Afrique.

SANKARA, rebelle Ă  l’ordre mondial, Ă©tait aussi en dissidence avec les hiĂ©rarchies sociales et les inĂ©galitĂ©s culturelles de son pays. Il voulait le rebĂątir en s’appuyant sur ceux que l’histoire avait banalisĂ©s, marginalisĂ©s. Les paysans,les gagne-petits Ă©taient les hĂ©ros du roman qu’il avait commencĂ© Ă  Ă©crire sur la terre du Burkina Faso. Les femmes, parce qu’elles avaient Ă©tĂ© agressĂ©es aussi bien par la tradition que par l’économie moderne, elles reprĂ©sentaient le socle sur lequel il voulait fonder l’avenir.

Tom’Sank, le justicier solitaire, l’incompris, celui par qui le scandale arrive, aimait viscĂ©ralement son peuple. Pour lui, il organisera des “opĂ©rations « commandos» pour l’alphabĂ©tisation, pour la vaccination.

Il prononcera un discours d’orientation politique sur la libĂ©ration des Femmes le 8 mars 1987. Afin que son peuple bĂ©nĂ©ficie des fruits de son labeur, il lancera le mot d’ordre “produisons burkinabĂ©, consommons burkinabĂ©”.

Le Camarade président : la générosité, la tendresse, la sincérité, la simplicité, la naïveté.

La jeunesse africaine a été séduite par la vitalité, le dynamisme, la joie de vivre et le culot de SANKARA.

Il incarnait l’image d’une nouvelle Afrique pas complexĂ©e devant les “toubabs”, capable de parler franc aux “grands” du monde occidental. Il n’allait pas quĂ©mander Ă  l’ElysĂ©e, ni tĂ©lĂ©phoner au Quai d’Orsay pour couvrir un scandale ou rĂ©gler ses affaires.

Les jeunes étaient heureux, de voir enfin, un des leurs, afficher avec bonheur sa différence et effacer aussi le ridicule des présidents africains qui bredouillent devant la presse française.

Tom’Sank courait, dansait, jouait de la guitare, bref, il vivait. Ni momie, ni zombie, malgrĂ© l’angoisse qui lui prenait les tripes lorsqu’il parlait des problĂšmes de son pays si pauvre, si enclavĂ©.

“Sans carat”, c’était surtout le symbole de la probitĂ© dans cet ocĂ©an de corruption qui a envahi l’Afrique oĂč n’importe quel chef d’état, ministre ou cadre fait de la chose publique un bien personnel.

Et puis NON! Thomas SANKARA est vivant ! Son message politique et le symbolisme de ses actes sont ETERNELS.

Il nous a légué des mots, des attitudes; il nous a ouvert des pistes, creusé des brÚches. Et par ses erreurs, ses hésitations,

il nous a appris qu’il n’est pas aisĂ© de faire le bonheur du peuple.

Parce qu’il a dĂ©mystifiĂ© la fonction de chef d’état en Afrique, nous regarderons dĂ©sormais avec Ă©tonnement et mĂ©pris, nos “responsables” qui ont peur d’approcher leur peuple et qui ne leur parlent qu’à travers leurs fades discours.

Parce qu’il a su ĂȘtre un humble soldat au service du peuple, nous sourirons chaque fois devant la prĂ©tention des militaires bornĂ©s.

Mais des Sankara, nous serons des milliers, afin que crĂ©pitent partout ces bourgeons d’une aube d’espoirs.

Car Thomas n’Ă©tait pas l’homme d’une vie entiĂšre, mais la RosĂ©e du matin qui grossit, perle et meurt dans la terre africaine pour la rĂ©gĂ©nĂ©rer.

Marie Angélique Savané

 

 

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