Noëlie Hien est l’organisatrice prix Thomas Sankara qui a commencé à préparer sa 5ème édition à Ouagadougou. Vous trouverez ci-dessous une interview dans laquelle, elle présente ce prix. Nous en avons rendu compte régulièrement depuis 2019 (voire à https://www.thomassankara.net/?s=Prix+thomas+sankara+de+po%C3%A9sie ). Car cette initiative a attiré notre attention par la ténacité, la rigueur et le sérieux de l’organisation de cette initiative.
La rédaction du site
Vous avez déjà tenu la 4ème édition du prix Thomas Sankara de poésie ? comment ça s’est passé ? Êtes-vous satisfaite ? Le nombre de partenaires augmente-t-il ? La médiatisation est-elle suffisante ?
Avant tout propos, j’aimerais profiter de l’occasion que vous me donnez pour dire merci à l’équipe du site thomassankara.net depuis le début de cette aventure. Oui, tout s’est bien passé grâce à Dieu et nos ancêtres. Je dirai que je suis un peu satisfaite par rapport aux autres éditions. En ce qui concerne les partenaires, ce sont toujours les mêmes partenaires. Un grand merci au Ministère de la Communication de la Culture des Arts et du Tourisme et à toute la presse du Burkina Faso et d’ailleurs pour le soutien depuis le début de cette aventure. C’est l’occasion pour moi de lancer un appel à ceux ou celles qui veulent se joindre à nous pour l’aventure, qu’ils peuvent nous contacter sur le 72962715 ou par email afriquewilila@gmail.com.
Parler-nous de la gagnante
La gagnante de la 4ème édition avec son poème intitulé « retours », s’appelle Marie Clotilde Bastide de nationalité française, vivant au Burkina Faso est une auteure française d’écrits poétiques et photographe. Elle a participé à deux reprises au concours du grand prix de poésie Thomas Sankara et la 4ème édition fut la bonne. Un exemple de combativité et de résilien
Wililia à l’origine de ce prix est une entreprise que vous qualifier de culturelle. Quelles sont ses autres activités ?
Mis en place en 2017, Afrique Wilila (NDLR : signifie Afrique debout) est un groupe de jeunes passionnés du patrimoine culturel culturel burkinabè et africain. Il est composé d’artistes, de journalistes, de managers et de professionnels de la culture. Pour l’instant nous sommes dans le secteur culturel qui regroupe beaucoup de domaines mais nous prévoyons élargir sur d’autres secteurs. Nous évolutions aussi dans la production et la promotion des œuvres telles que le livre et la musique en partenariat avec des maisons d’éditions et studios.
Il y a plusieurs prix Thomas Sankara qui sont décernés au Burkina, pourquoi avez-vous choisi la poésie ?
Notre choix s’est porté sur la poésie parce que de nos jours, la poésie est reléguée au second sinon au dernier plan, les recueils de poésie entassés dans nos différentes bibliothèques, n’attendent que d’être lus. Mais la poésie se réinvente et s’adapte. C’est pourquoi nous voulons apporter notre touche pour emmener la jeunesse à voir la poésie autrement à travers le slam. L’histoire nous a prouvé que la poésie, depuis longtemps participe à l’émancipation des peuples. Nous remarquons que la poésie, le slam sont généralement relégués en seconde zone. C’est dans ce sens, que nous avons initié ce concours, pour rassembler les meilleurs poètes et mettre en exergue ce domaine. L’importance de la poésie dans le processus de recherche de la liberté.
N’est-ce pas courageux ? Le pays ne compte pas beaucoup de librairies, le livre se développe difficilement. Votre partenaire de la librairie Mercury a dû fermer sa librairie à Bobo Dioulasso par exemple. Il n’y pas beaucoup d’éditeurs, voire très peu. Ceux qui se présentent comme tels arrivent-ils vraiment à accompagner les écrivains comme il se doit?
(Rires) oui effectivement mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il faut abandonner. En effet, il faut noter que la littérature burkinabè est très récente et la plupart des écrivains évoluent dans d’autres secteurs pour dire que la plupart des écrivains ne cherchent pas leur gagne-pain dans les écrits c’est juste « une passion » .
L’édition est dans un état embryonnaire au Burkina. Seuls quelques acteurs ont pris le risque de se lancer dans l’aventure. L’édition est une nouveauté sur le sol burkinabé. Jusqu’en 1995, le milieu de l’édition était détenu par des étrangers. Cependant les maisons d’éditions que nous avons n’arrivent pas à accompagner les écrivains, car en premier lieu, l’édition d’un ouvrage coup très chère au Burkina Faso et les auteurs qui y arrivent la plupart des auteurs sont laissés à eux même après la sortie de leurs ouvrages. Pas de promotion de ces livres pas d’accompagnement pour les aider à écouler. Ce qui fait que les livres sont vendus très chers dans les différentes librairies. Les jeunes et les étudiants n’arrivent pas à s’en procurer vu que les prix des livres sont élevés. Je me rappelle que, quand j’étais sur le campus, certains d’entre nous étions obligé de faire photocopier les œuvres pour les exposer. Mais aujourd’hui nous luttons contre la photocopie des œuvres car cela pénalise les écrivains.
En outre, les productions littéraires sont peu nombreuses, cela est dû aux faibles moyens des écrivains. Les maisons d’édition étant peu nombreuses, beaucoup d’entre eux publient à compte d’auteur. Le critique littéraire Salaka Sanou qualifie la littérature burkinabè d’émergente.
On a l’impression que les poètes réussissent plutôt à l’étranger qu’au Burkina et à ce titre on peut citer par exemple Angèle Bassolé. Pouvez-vous nous citer quelques poètes burkinabè que vous appréciez ?
C’est votre avis et aussi cela dépend de la compréhension « de réussir » de tout un chacun. Ils y a beaucoup de poètes qui réussissent pourtant au Burkina seulement le domaine est un peu lent car il n’y a pas beaucoup d’activités, d’opportunités sur la poésie, la littérature en générale, et de partenaires pour les accompagner. En plus la plupart préfère la poésie en mode slam. Voici quelques poètes burkinbé : Sophie Heidi Kam, Émile Lalsaga, Bernadette Sanou DAO, Boubacar DAO, Stanislas Justin DRABO, Sabari Christian DAO, Malika la slameuse, Smarty…
Est-ce que vous suivez le devenir de vos anciens gagnant (e)s ? Que deviennent-ils (elles) ? Est-ce que ce prix leur a ouvert quelques portes ?
Nous arrivons à en suivre quelques uns qui évoluent dans le domaine de la littérature. Il faut dire que ceux qui postulent au concours sont déjà des auteurs qui ont des livres sur le marché. Nous sommes souvent sollicités par des anciens pour les aider dans l’édition de leur livre, pour préfacer en leur mettant en contact avec les grands poètes.
Vous avez déjà vu défiler plusieurs gouvernements depuis le premier prix Thomas Sankara. Prennent-ils des initiatives en direction des écrivains ou des poètes ? Les semaines de la culture consacrent-elles un moment à la poésie ?
Je crois qu’il y a des initiatives à l’endroit des écrivains, des poètes en général à travers le ministère de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme puissent qu’ils sont issus de ce secteur. La semaine nationale de la culture consacre un moment à la poésie bien sûr, à travers un concours dédié à la poésie, des stands réservés aux écrivains pour l’expositions des ouvrages, des ateliers de formations, des dédicaces…
Y a-t-il aussi un vivier de poètes dans les langues nationales ? Les prenez-vous en compte dans vos compétitions ?
Oui nous avons la poésie du Mogho naaba chef suprême des mossés qui écrit des poèmes en mooré. Oh non pas pour l’instant, mais nous envisageons cela dans les éditions à venir.
Prix Thomas Sankara de poésie, Pourquoi Thomas Sankara ? Avait-il un lien particulier avec la poésie ?
Pour nous, le choix d’inclure Thomas Sankara comme nom du concours est une manière pour nous, d’appeler la jeunesse à s’impliquer davantage dans les activités qui nourrissent «l’esprit », comme le faisait le capitaine Thomas Sankara et plusieurs autres « grands esprits » Quoi de plus normal que de nommer ce concours Thomas Sankara. En plus d’être notre idole, c’est un symbole poétique pour nous . Toutes ses paroles et proverbes sont plein de poésie.
Comment voyez-vous l’avenir du prix Thomas Sankara ? Quels sont vos projets ?
Nous voulons que le grand prix soit un grand concours mondialement connu. Le prix est déjà connu mais pas assez. Les projets nous en avons tellement je peux citer quelques un de nos projets immédiats.
- Mise en place d’un serveur vocal poétique au compte de Afrique Wilila
- L’ouverture d’une maison d’édition et d’un studio pour soutenir les auteurs et artistes talentueux qui manquent de moyens pour produire leurs œuvres.
- Nous voulons nous lancer dans l’agriculture et l’élevage bio.
Propos recueillis via internet par Bruno Jaffré en août 2023
Merci Bruno pour la mention mais certains Burkinabé du milieu littéraire et culturel ne me reconnaissent pas comme poète burkinabé du fait que je ne vive pas au Burkina. Nul n’est prophète chez soi dit-on. Une anecdote m’a été rapportée par un de mes amis et collègues éditeur burkinabé. Un homme de lettres du Burkina a publié une anthologie de la poésie burkinabé. Mon ami et collègue, surpris de ne pas m’y voir lui en a demandé la raison et sa réponse a été que je ne vivais plus au Burkina. Et mon ami de lui rétorquer : « Mais une anthologie de la poésie burkinabé sans Angèle Bassolé n’est pas crédible »
Rires.
Ainsi va le Faso.
Je suis pourtant étudiée en Côte d’Ivoire, en France, au Canada et des titres comme Les Porteuses d!Afrique et Yennenga ont fait l’objet de thèses de maîtrise et de doctorat dans ces pays ainsi que de colloques universitaires. Des extrais des Porteuses d’Afrique sont inscrites sur une plaque poétique installée sur le mur d’un édifice patrimonial dans une rue très passante d’Ottawa- Gatineau et mon prochain recueil Traversées a été choisi par le conseil des arts d’une municipalité de l’Ontario( province où se trouve Ottawa) pour être sur une plaque qui sera installée dans le nouveau jardin municipal de cette municipalité.
Mais dernièrement, un ami m’a fait découvrir le travail académique d’un professeur de l’université Norbert Zongo de Koudougou, Pr Guy Landry Yaméogo sur mes œuvres qu’il étudie avec ses étudiants et sur lesquels il publie des articles et fait des conférences. Cet ami qui lui- même s’est procuré un exemplaire de mon recueil Yennenga en Moore et Français, prépare un thème de conférence la-dessus.
Donc, la tendance commence à changer et encore hier, un écrivain et critique faisant sa thèse sur l’institution littéraire
au Burkina Faso et ayant écrit un article sur la poésie burkinabé au féminin m’a contactée pour répondre à ses questions sur mes œuvres.
Je ne désespère donc pas de voir mes compatriotes me considérer comme une auteure burkinabé même si je ne vis pas au pays.
Merci à toi Bruno.