Il y a de cela juste 21 ans disparaissait physiquement le Camarade Capitaine Thomas Sankara. C’était un jeudi noir, un 15 octobre 1987. Ce jour-là, l’oiseau du malheur a frappé à la porte du peuple laborieux du Burkina Faso et donc à la porte de tous les peuples épris de paix, de justice et de prospérité véritables.
Ce jeudi noir à partir de 16 H le crépitement des armes se fut entendre partout à Ouagadougou. Les Comités de défense de la Révolution étaient stupéfaits: de Sankara et de Blaise (deux amis jadis inséparables, qui a voulu arrêter qui ? Cette question n’était pas surprenante quand on sait que le torchon qui brûlait entre les deux amis avait fini par briller fort à la rencontre de Tenkodogo. Là –bas, la division n’était plus cachée. C’était en septembre 1987, quelques jours avant le douloureux jeudi octobre.
Ce 15 octobre, les informations n’ont commencé à tomber à compte goûte qu’à partir de 19 H TU. A cette heure, nous savions à Ouagadougou que Sankara a été tué dans la longue et frémissante fusillade qui eût lieu autour du Conseil de l’Entente et de la présidence du Faso. Mais qui l’a tué? Et Blaise? Qu’est-il devenu ? Voilà des questions courantes de ce jeudi noir.
Le sort a décidé que celui qui fut considéré comme le principal artisan de la révolution en terre libre du Burkina Faso soit enterré dans une bute de patate au célèbre cimetière de Daganoin ( côté sud-est de la capitale Ouagadougou). Tout s’est passé cette nuit comme si des coupeurs de têtes venaient cacher leur butin à la hâte (ou à la wassa wassa comme on le dit là-bas). Comme pour dire que les grands hommes ont toujours fini de la sorte.
Mais, il ne pouvait en être autrement quand ont sait que la courageuse lutte que Sankara avait entreprise en terre du Burkina et pour tous les peuples d’Afrique et du reste du monde était résolument engagée et dirigée contre les intérêts majeurs matériels et moraux non seulement des prédateurs du tissu socio-économique du Burkina Faso, mais aussi des masses laborieuses d’Afrique et du reste du monde particulièrement , la révolution du Burkina avait sérieusement entamé la crédibilité des régimes réactionnaires d’Houphouët Boigny et de Moussa Traoré avec en toile de fond de régime exploiteur et oppresseur français de tous les temps sous les républicains et les socialistes.
Témoin, Sankara n’a pas manqué de dire à la face du président français François Mitterrand et de façon solennelle que d’Afrique a assez du colonialisme et du néocolonialisme, Français et d’ajouter que le temps était désormais venu d’établir entre l’Europe et l’Afrique des rapports mutuellement avantageux, d’égal à égal.
C’était un beau jour de juillet 1987 à Ouagadougou au Burkina Faso lors de la fameuse tournée africaine de 6 jours de Mitterrand. Dès lors, l’on comprenait que le capitaine Thomas Sankara constituait un grave danger pour tous ceux et toutes celles qui ont appris à vivre et qui ne peuvent que vivre du sang et de la sueur des masses laborieuses, nous voulons nommer les bourgeois du Burkina, d’Afrique et du reste du monde. Dès lors que Sankara disait ouvertement que c’est la révolution populaire qui peut sauver nos peuples, il fut considéré comme un fossoyeur des régimes ivoirien et malien qui étaient des relais du pouvoir néocolonial français. Dès lors que Sankara a été vu par les peuples africains comme porteur d’espoir, leurs ennemis l’ont déclaré ennemi à abattre. Mais comment et par qui?
Les deux régimes français et ivoirien ont dû s’investir pour la liquidation d’un président particulièrement gênant. Mais comme on le sait, l’impérialisme n’a jamais pu se défaire d’un président gênant sans utiliser ses propres collaborateurs Blaise Compaoré a tout simplement liquidé son ami et camarade de lutte “Thom Sank” (comme on aimait l’appeler dans le pays des hommes intègres) et ce n’est que 4 jours plus tard, c’est-à-dire lundi le 19 octobre 1987 que Blaise a relaté les faits dans un discours télévisé.
En résumé, Blaise a dit que Sankara s’est trompé en tant “révolutionnaire“, mais en quoi il s’est trompé, cela n’a jamais été démontré à la face du monde.
En dépit de tout ce que l’on veut dire de Sankara et sur son régime, que faut-il retenir vraiment ?
D’abord, il faut reconnaître que le président du Faso (appelé PF) était absolument opposé à la déprédation du tissu économique des masses laborieuses ; témoin il s’est investi à diminuer considérablement le train de vie des commis de l’Etat et en premier lieu le président et ses ministres.
Tenez : la voiture présidentielle n’était qu’une Renault 5.
Il a justifié cette attitude de sobriété par le fait que pour lui, le président et ses ministres ne peuvent rouler dans des voitures extraordinairement luxueuses pendant que le peuple végète dans la misère la plus humiliante. Ils doivent servir leur peuple et non s’en servir.
Sankara est mort sans pouvoir achever la seule et unique villa qu’il avait commencée depuis belle lurette.
Après le coup d’Etat sanglant qui a porté Blaise au pouvoir, la caisse noire de la présidence (aux dires des gens) ne comptait que 128.000 F. C’est la preuve que l’on peut tout dire de Sankara sauf qu’il a puisé dans les caisses de l’Etat burkinabé.
Il a par ailleurs démystifié le pouvoir et installé les Tribunaux populaires de la révolution (TPR) pour juger et punir tous ceux qui se rendaient coupables de détournements de deniers publics.
Sankara a exigé de la bourgeoisie compradore qu’elle se rende utile en finançant des travaux d’intérêt commun comme la bataille du rail, la construction de centres de santé dans presque toutes les provinces du Burkina Faso.
Le regretté Sankara a l’habitude de dire à ses frères d’arme qu’«un militaire sans formation idéologique est un criminel en puissance». Et pour dire que l’armée révolutionnaire n’est autre que celle du peuple, Sankara disait que «le militaire est un civil en mission et que le civil est un militaire en congé», travaillant ainsi à effacer toutes les barrières que l’armée de type colonial avait érigées entre elle et les populations de Haute- Volta.
Sankara, Premier ministre, n’a pas hésité à dire à son président le médecin Commandant Jean Baptiste Ouédrago que la Haute- Volta doit changer qualitativement et que sa gestion est pour le moins calamiteuse et sans avenir. C’était à la fameuse rencontre de Bobo- Dioulasso du 1er août 1983.
La suite est connue : le Premier ministre Sankara est envoyé dans les geôles de Ouagadougou. Son ami et compagnon d’arme, à la tête des parachutistes du camp militaire de Pô a tout simplement menacé de marcher sur la capitale si le camarade n’était pas libéré dans les meilleurs délais.
Cette déclaration de Pô fut absolument soutenue par le peuple laborieux de la Haute- Volta avec à sa tête une jeunesse débout comme un seul homme pour barrer la route au médecin Commandant président et aux ennemis tapis dans les vestiges du pouvoir réactionnaire et contre révolutionnaire.
Le 4 août 1983, le peuple de Haute- Volta a été libéré. En lieu et place du pouvoir de Ouagadougou, s’est érigé le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple.
Ainsi, sur cette terre d’Afrique, la cloche de la liberté révolutionnaire avait sonné. En 4 ans de régime révolutionnaire, Sankara et ses camarades ont démontré à la face du monde qu’on peut gouverner autrement et à l’avantage des masses laborieuses. Cette leçon a été largement commentée aux 4 coins d’Afrique. Aussi, par cet enseignement, Sankara a démontré que si «l’Afrique noire est mal partie», comme le prétendait René Dumont, «l’heure est venue pour elle d’amorcer un nouveau départ»
Aujourd’hui, par la faute des orientations politiques, les peuples africains sont loin du bout du tunnel.
La révolution burkinabé a propulsé le Burkina Faso bien devant sur l’échiquier socio- économique et politique africain.
La révolution burkinabé a tout au moins le grand mérite de faire comprendre aux peuples laborieux d’Afrique que leurs dirigeants les traitent comme des moyens et non jamais comme des finalités, leur souci n’ayant jamais été de servir les masses mais plutôt de se servir d’elles.
21 décembre 1949- 15 octobre 1987
Thomas Sankara a vécu et alors très pleinement. Il a montré aux peuples africains la nécessité de se battre pour la liberté même au prix du sacrifice ultime. Il s’est battu pour l’émancipation des femmes.
Aujourd’hui, l’on peut dire que la mort de Thom Sank a fait naître à travers l’Afrique des millions de Sankara car la vérité finit toujours par triompher.
Thomas Noël Sankara est mort pour que vivent les peuples.
Il vit encore aujourd’hui dans les cœurs des peuples laborieux. Ceux- ci, à n’en pas douter, viendront un jour à bout des combines démocratistes qui font chaque jour davantage leur malheur.
Tout compte fait, la victoire décisive est à eux.
Fodé KEITA