Après les nombreux articles rendant compte de nouvelles révélations ou rappelant les éléments déjà connus,  voir  :

– “Le sénateur Johnson confirme : Blaise Compaoré a assassiné Thomas Sankara” de Rémi Rivère à l’adresse http://thomassankara.net/?p=677   

– Prince Johnson : ” Blaise Compaoré ne peut plus rien contre moi ” tiré du Libérateur à l’adresse http://thomassankara.net/?p=678 .

– “Assassinat de Thomas Sankara : le complot extérieur”, à l’adresse http://thomassankara.net/?p=679 ,

Nous vous proposons cette fois cet article paru dans l’Evènement qui renferme de nouvelles révélations.

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15 Octobre La vérité par petits bouts… au fil du temps

 

Par Newton Ahmed Barry

 

Le monstrueux complot qui a emporté le président Thomas Sankara le 15 Octobre 1987 se dévoile progressivement à mesure que passent les années et que le temps fait son œuvre. On sait de plus en plus avec exactitude les mobiles, les exécutants et les commanditaires.

Depuis deux ans maintenant, et soupçonnant les risques évidents de fuites sur les événements du 15 Octobre, le dernier cercle des inconditionnels de Blaise Compaoré a pris l’initiative de raconter le 15 Octobre à sa manière. Un cercle d’historiens du ” 15 Octobre ” favorables au président s’est même constitué et il est dirigé par un certain Marcel Kouraogo. Ce sont les historiens de la cour. Après les juges et les journalistes ” acquis “, voici les ” historiens acquis ” du régime Compaoré.

La vérité sur les événements du 15 Octobre peut être cependant difficilement et durablement travestie. Tout simplement parce que pour réussir le 15 Octobre, il a fallu mobiliser soigneusement certes, mais assez largement quand même. Le temps faisant son œuvre, les frictions et les abandons en chemin occasionnent de temps en temps des ” oublis de soi ” et certaines choses apparaissent.

Depuis le 20e anniversaire, on a fait un grand pas dans la connaissance des circonstances exactes et des conditions d’ ” anéantissement ” du président Thomas Sankara. Les témoins des conditions d’anéantissement du président ne sont plus nombreux. L'” épidémie ” de la mort a largement clairsemé les rangs. Surtout celui des exécutants. Aujourd’hui, de la vingtaine de personnes qui ont fait irruption au Conseil de l’entente, ce 15 Octobre à 16h20 mn environ, il n’en resterait plus que six (06). Les trois soldats qui avaient en charge la DCA, deux officiers, toujours en services et puis évidemment le député Hyacinthe Kafando. Des informations se précisent aussi sur le moyen utilisé. Il est maintenant admis que dès 10 heures de la journée, le dispositif était connu de nombre de soldats qui devaient participer à l’exécution du président. Thomas Sankara en a-t-il été avisé par les renseignements ? C’est possible. Puisque ce même jour, il aurait longuement reçu, l’étudiant Jonas Somé, un protégé de Blaise Compaoré, à qui il aurait tenu ces propos, au moment de se dire au revoir “…je considère que l’incident est clos. Dis-le à Blaise… “1. Thomas Sankara avait-il pensé que cela suffirait à rengainer le complot qui était déjà en exécution ? Peut-être pas. Mais il peut sembler qu’il s’est trompé sur l’heure de l’exécution du coup d’Etat. Même s’il le croyait probable, il le projetait pour certainement plus tard dans la nuit. C’est pourquoi, il s’était remis à travailler sur son projet qu’il devait exposer ce jour même à 20 heures. Espérant, qu’une fois cette réunion tenue, il n’y aurait plus de mobiles pour ses adversaires de passer à l’acte. L’analyse de Sankara n’avait sûrement pas pris en compte le degré d’hostilité dont il faisait l’objet dans la sous région. Ou encore pensait-il, simplement, que ce qui importait, c’était la cohésion du front intérieur. En réussissant à colmater le front intérieur, croyait-il, il ferait échec aux velléités extérieures. Seulement, les choses avaient pris une tournure irréversible.

En ce 21e anniversaire, on sait plus précisément que la mort du président Sankara n’était pas incidente, mais programmée dès le début de la préparation du complot qui était devenu irréversible dès le mois d’août 1987. En rendant visite aux étudiants réunis, en conférence annuelle de leur CDR à Pô, en début septembre, le président Thomas Sankara évoquait déjà, sa probable mise à l’écart. Il faisait allusion, en terme à peine voilée, à la tension qui avait prévalu à l’occasion de la célébration du 4 Août à Bobo-Dioulasso2. Pendant cette célébration, de folles rumeurs d’un projet d’assassinat du président avaient couru au point de gâcher la fête de la révolution.

Il y a donc suffisamment d’éléments documentés qui montrent la préméditation. La préparation minutieuse du coup d’Etat avec des implications extérieures très précises.

En fait, Blaise Compaoré voulait le pouvoir. Il s’y est préparé et il l’a pris quand il a jugé le moment opportun, avec cependant de grandes appréhensions. Gilbert Diendéré qui était l’officier de service au moment de la perpétration explique que ” la décision a été prise dans un climat général d’inquiétude proche de la panique “.

Quand Blaise Compaoré a été informé de la réussite du coup, il se serait d’abord effondré, puis se serait isolé pendant près d’une heure, avant de sortir faire face à la nouvelle réalité.

Un certain nombre d’enchaînements reste à éclaircir. Il a beaucoup été question de l’argent, notamment des sommes énormes qu’un certain soldat Ballora, aujourd’hui décédé, aurait transporté avec sa femme déguisée à l’occasion en une femme enceinte sur sa moto de Pô à Ouagadougou. Vers la fin de sa vie, le soldat Ballora était tombé en disgrâce. Il est mort dans la misère, comme tous ceux des soldats qui ont perpétré le coup du 15 Octobre 1987.

Il reste aussi à creuser un peu plus les implications libériennes. Les paroles de prince Johnson sont insuffisamment précises. Elles permettent simplement d’accréditer définitivement la thèse de l’implication étrangère.

Dans l’ensemble donc, la perpétration du 15 Octobre 1987 est assez bien connue dans son déroulement. Les implications sont aussi suffisamment claires et c’est peut-être pourquoi, il est difficile à Blaise Compaoré d’aller au delà de certaines contritions. La réhabilitation totale de Sankara par lui est difficile. Il lui faut s’accrocher à la thèse ” c’était lui ou moi ” pour anesthésier sa propre conscience.

Il reste que le 15 Octobre est un haut moment de l’histoire. Nous contemporains des événements, nous ne pouvons même pas nous imaginer la ferveur qui entourera cette date dans les années à venir. Chaque année, malgré les manifestations de diversion des partisans de Blaise Compaoré, ce sont des milliers de personnes qui se recueillent sur les tombes de Dag-nöen. Sur trois étrangers qui foulent le sol burkinabè, pour la première fois, au moins deux demandent à se rendre sur la tombe de Sankara. C’est indicatif de ce qu’il a pu représenter. Sankara, même mort, restera indéfiniment au service des Burkinabè.

On peut dire sans risque de se tromper que Blaise et Thomas, quand ils se sont rendus compte que leur différend était irrémédiable, ils se sont chacun préparés à réussir la séparation. Blaise Compaoré a bien préparé son coup. Thomas Sankara s’est bien préparé à l’immortalité. C’est à la postérité de juger.

Newton Ahmed Barry

1 Jonas Somé, étudiant en médecine et responsable des structures CDR de l’université avait tenus des propos forts désobligeants envers Thomas Sankara, à propos des reformes politiques qu’il préconisait. C’était au moment de la commémoration de l’anniversaire du Discours d’orientation politique (DOP), la bible de la révolution burkinabè. Jonas Somé, ancien PMKaliste a depuis rejoint l’armée dont il est aujourd’hui un officier supérieur.

2 Sous la révolution, la date du 4 Août, date de l’avènement de la révolution, était fêtée comme fête nationale.

Source : L’Evènement N° 150- 25 Oct. 2008  http://www.evenement-bf.net/pages/dossier_1_150.htm 

 

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