Burkina Faso: Flambée des prix – l’analyse du Groupe du 14 février

 

Par le passé, il a existé des situations parfois dramatiques et pour lesquelles le gouvernement n’avait pas jugé nécessaire de nous associer, d’une façon ou d’une autre. C’est notamment pour les cas les plus récents, la situation née de la crise ivoirienne et la situation résultant des manifestations des militaires en colère, en décembre 2006.

Nous sommes donc satisfaits aujourd’hui, qu’après avoir aussi discuté avec les représentants des opérateurs économiques et des commerçants, avec ceux des autorités coutumières, avec les représentants des différentes communautés religieuses, avec les organisations syndicales, le gouvernement songe que les partis politiques, dont c’est pourtant aussi la vocation, sont concernés par les problèmes de la nation.

Nous souhaitons que cet élargissement du dialogue aux partis politiques ne soit pas seulement lié à la présence actuelle dans notre pays de la mission du MAEP, le Mécanisme d’évaluation par les pairs, venu ausculter la réalité de la gouvernance au Burkina Faso.

Ceci dit, les partis politiques du Groupe du 14 février ont en effet quelque chose à dire sur la situation actuelle et les graves événements qui ont secoué les villes de Bobo-Dioulasso, de Ouahigouya, de Banfora et de Gourcy du 20 au 22 février 2008.

La réalité de la flambée des prix

Il faut le reconnaître, tous les Burkinabè souffrent durement depuis plusieurs mois de la flambée des prix dont la rapidité et l’ampleur dépassent tout ce qu’on a pu voir jusqu’ici.

Les prix des céréales ont grimpé, malgré les mesures annoncées par le gouvernement depuis septembre 2007. Le sac de 100 kg de mil se vend sur le marché à 16 000 F au lieu de 12 500 F il ya six mois, soit près de 30% d’augmentation.

L’huile a presque doublé de prix: lorsqu’on la trouve, la bouteille d’environ 1 litre est passée de 800 F à 1 400 F, soit une augmentation de près de 80%.

La boule de savon de Marseille que pourtant beaucoup de groupements de femmes fabriquent localement, et qui constitue l’un des principaux produits de la SN-CITEC est devenue presque introuvable, et lorsqu’on réussit à s’en procurer, son prix est passé de 250 F à 350 F, soit 40% d’augmentation.

Le lait concentré sucré qui est devenu le produit laitier par excellence se vendait de 800 à 1100 F pour la boîte de 1 kg. Aujourd’hui son prix varie selon les marques de 1200 à 1 500 F, soit une augmentation allant de 40% à 50%.

Au prix où est la viande, beaucoup de ménages même urbains ne peuvent se permettre d’en mettre, même en quantités plus réduites dans leurs sauces. Le kilo de viande avec os est passé de 1 200 F à 2000 F, soit 40% d’augmentation.

Les difficultés de la vie quotidienne

Il faut être conscient que ces augmentations, et donc la grande difficulté que les populations ont à se procurer ce qui constitue pour eux les moyens de leur survie quotidienne, sont très durement vécues par elles. Le désespoir s’est installé chez elles et l’inaction du gouvernement à cet égard leur apparaît comme un abandon inacceptable. Or les gens désespérés ont naturellement des réactions de désespoir.

La flambée continue des prix, la raréfaction des biens due à une pénurie artificiellement organisée a révélé à nos populations que le gouvernement les abandonne à leur triste sort, qu’il est impuissant à trouver des solutions à leurs problèmes quotidiens, et qu’au contraire il se montre très compréhensif à l’égard des industriels et des commerçants.

Les erreurs du gouvernement dans son approche du problème

Les explications que donne le gouvernement à son inaction et à son impuissance sont inacceptables pour les populations auxquelles on a annoncé sur tous les tons, et notamment lors des campagnes électorales que le gouvernement qu’elles avaient était le meilleur, qu’elles pouvaient espérer, qu’elles avaient la chance de vivre dans un pays qui progressait régulièrement, et que dans quelques années, le Burkina serait un pays émergent.

Au lieu de contrôler les prix pour casser les hausses abusives, au lieu de prendre des mesures dissuasives et des sanctions contre les spéculateurs et ceux qui font disparaître les stocks, le gouvernement invoque la mondialisation, le libéralisme en vigueur, la hausse du prix du baril de pétrole pour justifier la situation.

Mais ces populations n’ont jamais demandé au gouvernement de s’aligner sur la mondialisation, ni d’adopter le libéralisme, ni d’adopter une structure des taxes sur le carburant qui les frappe durement, ni de privilégier les importations au lieu de développer la production intérieure et l’utilisation des matières premières locales.

Pourquoi lorsque le baril de pétrole est passé de 25 $ à 70 $ les prix ne se sont pas envolés, mais que lorsqu’il passe de 70 $ à 95 $ tous les prix ont-ils augmenté dans des proportions inacceptables ?

La paix ne peut être que le fruit d’une politique responsable

Dans notre pays, la paix est invoquée comme une grande conquête du gouvernement. D’abord pour qu’il y’ait la paix, c’est que toutes les parties du peuple la veulent et concourent tous les jours à faire en sorte qu’elle soit préservée. Mais la paix, ce n’est pas seulement le calme apparent ou le résultat de la résignation des acteurs politiques ou des populations. Comme le disait un homme politique d’un pays voisin, « la paix, est un comportement».

Il y a la paix parce que les populations croient qu’elles peuvent avoir confiance dans les institutions. Il y a la paix tant qu’elles sont convaincues que la justice existe et qu’elles ne sont pas à la merci des plus forts. Il y a la paix tant qu’elles croient que le gouvernement est capable ou fait tout pour apporter des solutions aux graves problèmes qui les préoccupent, pour être juste dans la façon dont il s’occupe des problèmes des différentes parties de la population, et notamment de la majorité composée des plus pauvres.

Mais lorsque les populations se convainquent que le gouvernement n’est pas conscient de ses problèmes, quelle considération peuvent-elles dès lors accorder à la loi et à l’ordre ?

Les mesurettes du gouvernement

Depuis hier, le gouvernement s’est décidé à annoncer quelques mesures pratiques pour faire baisser les prix d’un certain nombre de denrées. S’est-il décidé seulement parce que les manifestations ont opéré des casses et des pillages ? S’ils s’étaient contentés seulement de marcher en ordre et de scander des slogans, comme font régulièrement sans être entendus, les organisations syndicales et le Collectif, est-ce que le gouvernement aurait tenu compte de leurs revendications ? Le Groupe du 14 février invite le gouvernement à revoir sérieusement la façon dont il répond aux revendications légitimes des organisations qui font tout de leur côté pour préserver la paix.

Les mesures annoncées par le gouvernement ont été prises dans l’urgence et la précipitation, en ne visant qu’un petit nombre de produits importés. En outre, ces mesures ne dureront que trois mois, ce qui est manifestement peu. Peut-être réussiront-elles à éteindre le feu allumé par les dernières manifestations ? Mais de l’avis du G 14, il faut aller au-delà de cette politique de pompiers.

Propositions du Groupe du 14 février

La mise en place permanente d’un système de contrôle des prix, la conservation entre les mains de l’Etat de structures et de moyens d’intervention sur l’approvisionnement des marchés, et la prise en compte en temps réel des situations de hausses de prix dès qu’elles commencent à s’installer, une concertation régulière, sérieuse et documentée avec les organisations réellement représentatives de commerçants, grands et petits, auraient été des dispositions plus sûres et plus durables pour une juste politique des prix des produits de première nécessité.

Telles sont les observations et les propositions que les partis membres du Groupe du 14 février font au gouvernement à l’occasion de cette rencontre. Ils le remercient par ailleurs de les avoir invités à cette concertation.

Ouagadougou le 28 février 2008

Les partis membres du Groupe du 14 février

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