Nous avons trouvé ce document aux archives du ministère des affaires étrangère. Il est accompagné de commentaires sous forme de télégramme diplomatique, TD 429 daté du 17 avril 1984, classé dans le dossier HV 7. 3. 3., rédigé par de Jacques Leblanc, l’ambassadeur de de France.

La retranscription en fichier texte a été assuré par Tangi Bihan.

Il s’agit d’une conférence “de presse”, selon le télégramme diplomatique, prononcé devant les cadres de la fonction publique le 14 avril 1984. La retranscription semble bien avoir été réalisée par un membre du personnel de l’ambassade de France à partir d’un enregistrement radio que nous ne possédons malheureusement pas. Si tel est le cas, ce document ayant été jusqu’ici introuvable dans la presse burkinabè, c’est que les français ont accordé à cette conférence une importance particulière.

Dans ce document qui ne semble pas être complet, Thomas Sankara traite de deux sujets. La grève des instituteurs et les licenciements massifs qui ont suivi (environ 1400) et d’une part les rapports avec la France d’autre part.

Le premier sujet tient la place la plus importante. On se rappelle que les instituteurs ont été appelé à la grève du 20 au 22 mars 1984 à l’appel de leurs syndicats le SNEAHV (Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta), après l’arrestation de plusieurs dirigeants accusés de “complot contre le sureté de l’État” par le pouvoir. La proximité explique sans doute la virulence avec laquelle il s’en prend aux grévistes.

On se rappellera cependant que, dès le 7 août 1983, le SNEAHV s’était opposé au CNR (Conseil national de la Révolution), appelant la population à se démarquer du CNR “autre appellation du fascisme”. D’autre part, les dirigeants de ce syndicat sont membres du FPV (Front populaire voltaïque), le parti de Joseph Ki Zerbo, sont il est question dans les propos de Sankara, qui subit rapidement les attaques des révolutionnaires notamment pour avoir soutenu le CMRPN (Comité militaire pour le redressement national), le régime précédent issu lui aussi d’un coup d’État.

Cette épisode est encore controversé aujourd’hui. Selon différentes informations recueillies ici ou là, les membres du CNR, qui avaient menacé longuement les instituteurs de licenciement en cas de grève ne pensaient pas qu’elle aurait une telle ampleur. Et lorsque l’on a commencé a faire l’inventaire des grévistes, Thomas Sankara eut un mouvement de recul. Son entourage lui aurait alors conseillé de ne pas revenir sur une décision prise sous peine de n’être plus crédible par la suite et d’attendre pour en réintégrer. Mais la réalité de ce qui s’est passé au sein de l’instance dirigeante de la Révolution reste à confirmer. Et ça reste difficile tant qu’on ne retrouve pas des documents qui rendent compte de réunions de l’époque..

Thomas Sankara s’étend très longuement sur le licenciement de près de 1400 instituteurs, le syndicat avançait à l’époque le chiffre de 2600. On y retrouve là cette rhétorique récurrente chez lui dans laquelle il oscille en permanence entre sanctions pour ceux qui s’opposent à la révolution et pardon pour ceux qui reconnaissent leurs erreurs et souhaitent réintégrer les rangs de la Révolution. Il laisse éclater sa colère. Avec parfois ces menaces de mort à mots à l’encontre de ceux qui persistent dans leur opposition qui surtout continuent de comploter.  : “Nous sommes à bout de patience. Nous ne mettrons plus personne en prison. En tout cas, ceux de cette catégorie-là, nous ne les mettrons plus en prison, nous les empêcherons simplement de nuire. Et si des gens veulent mourir, qu’ils meurent vite parce que le prix du bois est en train de monter et la terre se durcit pour creuser leur tombe.”

Il prend ensuite la défense tous ceux qui ont été recrutés alors pour palier à ces licenciements, souvent peu diplômés mais qui seraient plus efficaces car révolutionnaires.

Avec le recul nous savons qu’aucun membre du SNEAHV n’a été fusillé. Thomas Sankara promet dans cette intervention la réintégration de ceux qui auront fait leur autocritique. Plusieurs ont été réintégrés, et lorsqu’il signe une circulaire demandant la reprise des salariés injustement licenciés en août 1987, il rencontre une forte opposition de ceux qui sont en train de se regrouper autour de Blaise Compaoré pour comploter contre Thomas Sankara.

Jacques Blanc, l’ambassadeur de France, ne relève, dans ses commentaires que les propos concernant la  France. Pour lui “Le Président Sankara donne une séries d’indications éclairantes concernant les relations entre la France et le Burkina”.

La première concerne les preuves des coups de main récents contre la Haute Volta. Jacques Blanc trouve “éclairant” le refus exprimé par Thomas Sankara d’exhiber ces preuves. Et il cite le longs passages ou le Président explique qu’exhiber ses preuves donneraient des pistes pour connaitre les sources des renseignements burkinabè.

La deuxième remarque concerne le refus “de porter sur la place publique ses griefs à l’encontre des dirigeants des pays qu’il suspecte d’apporter une aide aux opposants politiques exilés”. Et il cite le passage où il parle de la France et des États-Unis. Ces deux comptent tous deux, dit-il, de nombreux ressortissants qui doivent continuer à vivre heureux en Haute Volta.

La troisième remarque concerne les armes françaises. Thomas Sankara explique qu’on l’accuse d’avoir reçu des armes de la Libye pour préparer le coup d’État du 4 août 1983, mais que personne n’évoque les armes reçues de la France. Et il cite le passage où Thomas Sankara explique que la France avait aussi livré des armes à l’époque où Jean Baptiste Ouedraogo était président du CSP du 11 novembre 1982 au 4 aout 1983. Jacques Le Blanc reconnait cette livraison d’armes, mais la justifie en expliquant qu’il s’agissait d’une commande effectuée par le CMRPN.

Bruno Jaffré


le Capitaine Thomas Sankara répond à des cadres lors d’une conférence des cadres de la fonction publique

Question – Camarade Président, j’ai une question d’actualité à vous poser. Suite au licenciement des enseignants du SNEAHV, il y a eu un certain nombre d’autocritiques qui vous sont parvenues et il y a aujourd’hui un débat au sein de l’opinion par rapport à cette question. Faut-il prendre en considération ces autocritiques, faut-il les négliger ? Il y a un débat tout autour et il semble que la réforme définitive est entre vos mains et j’aimerais bien savoir votre point de vue là-dessus, parce qu’il me semble que cette conférence des cadres est une occasion trop belle pour la laisser échapper par rapport à vos positions sur ces autocritiques. Je vous remercie.

Thomas Sankara – Vous me posez une question sur le SNEAHV. Sur les licenciés du SNEAHV. Je crois que les choses n’ont été dites assez clairement. Il faut que ce soit clair pour tous, pour nous, pour vous, pour le SNEAHV et pour l’opinion internationale qui s’ingénie à fabriquer des rumeurs et des positions, parce qu’il y des radios qui ont annoncé que j’ai reçu le SNEAHV et leur ait dit ceci ou cela. On ne s’est jamais vus. LE SNEAHV ne sait pas comment est organisé le bureau de la Présidence, moi je ne sais pas qui compose le bureau du SNEAHV.

Première vérité indiscutable, première position sur laquelle nous ne reviendrons pas du tout, ce n’est que les enseignants militants ou non du SNEAHV qui n’ont pas fait grève conservent leur poste tant qu’ils ne se mettront pas en travers de la Révolution. Première vérité.

Deuxième vérité, deuxième position sur laquelle nous n’allons jamais transiger, c’est que les Voltaïques qui se sont lancés, à l’appel des CDR, pour aller remplacer les grévistes du SNEAHV, conservent leur poste tant qu’il y aura ici la Révolution. Rien ne pourra les enlever de là. Ils peuvent être tranquilles. On peut tout dire. On peut tout écrire. Eux, ils ont leur poste. S’ils sont conformes à la Révolution ils finiront inspecteurs, conseillers pédagogiques, ou ils iront plus loin, ils finiront ministre de l’Éducation Nationale. Peut-être que c’est eux-mêmes qui dirigeront le SNEAHV, je n’en sais rien. Mais ils ont et conserveront leur poste. Il n’est même pas question de penser un seul instant que l’on pourrait diminuer leur nombre ; on ne diminuera pas leur nombre, tous ceux qui ont été retenus conservent leur poste. Vaille que vaille, coûte que coûte, tant qu’ils seront, bien sûr, en conformité avec la Révolution.

S’ils vont là-bas, ils se comportent de manière opportuniste, de manière cupide simplement en montrant que c’est de l’argent qui les a attirés et que demain, pour peu que l’on lance un tract disant « revendiquons pour 5 % de plus » il est en tête en disant qu’il veut 5 % de plus, alors qu’il a oublié le sacrifice que nous lui avions demandé, le sacrifice que nous-même nous faisons aujourd’hui pour que lui-même ait le poste, on dira donc, camarades il y a maldonne, il y a erreur d’orientation. Votre camp n’est pas ici. Mais autrement, ils se sont jusque-là, au terme des rapports qui se sont produits, ils se sont comportés de manière excellente. Nous les félicitons, nous les encourageons et nous les assurons que leurs postes sont aussi garantis tant que nous-même serons là. Il n’est pas question, non, même s’il faut pour cela sortir quatre fois plus de militaires dans les rues, ils auront leur poste. Même si les parents d’élèves qui se sont laissé intoxiquer par certains éléments du SNEAHV vont retirer leurs enfants. Même s’il n’y a plus d’élèves en classe, eux, ils conserveront leur poste. Ça, c’est clair.

Maintenant, conserver les licenciés ? Mais, ils ont fait un choix entre deux déclarations. Nous, par la voie du ministre de la Défense, nous avons dit il y a grève, mais attention, les informations sont en notre possession et qui, soit dit en passant, se confirment de jour en jour, démontrent qu’il y a la volonté de manifeste d’engager un combat contre le CNR, un combat de déstabilisation.

Il est vrai que certains instituteurs se sont laissés manipuler, abuser, mais qu’ils fassent attention, parce que ceux qui ont lancé la grève savent pourquoi. Ils savent pourquoi, parce que ce sont des mots d’ordre qui leur ont été donnés.

Il y avait une date prévue pour la déstabilisation. On leur a dit, au Ghana on va lancer un assaut. Les gens sont partis du Togo et de la Côte d’Ivoire. Nous l’avons déclaré à la radio et nous en avons les preuves. Les gens sont partis du Ghana et du Togo pour lancer l’assaut contre le Ghana parce qu’ils se sont dit, aujourd’hui, pour faire tomber Rawlings, il n’y a rien d’autre que de tirer dans les rues.

Là-bas on ne croit plus à la mobilisation avec les pancartes ; par contre en Haute-Volta, pour déstabiliser, il faut les pancartes, il faut les mots d’ordre de grève parce qu’en Haute-Volta ce sont toujours les syndicats qui font tomber les régimes. Donc, à chacun de ces deux régimes, on a prévu une stratégie appropriée. Nous, la grève ; au Ghana un groupuscule pour opérer. Nous étions au courant de cela.

C’est vrai, la rumeur ne rapporte pas que des choses fausses. Mais le rumographe, c’est-à-dire l’instrument qui mesure les rumeurs, le rumographe nous donne parfois des indications qu’il faut revérifier. C’est ainsi que lorsque le rumographe a indiqué que oui, Rawlings … C’est vrai ! Certaines choses sont vraies mais, lorsqu’on dit qu’il est malade, qu’il est blessé, qu’il est souffrant, qu’il est mourant, c’est faux, il se porte bien. Si je dis qu’il se porte comme un charme on me fera un procès d’intention. Mais il se porte bien, comme un révolutionnaire. Mais nous étions bien au courant, les camarades ghanéens nous en avaient parlé, nous aussi, nous leur avons donné les informations que nous avions, on a fait des recoupements. C’était indiscutable. Ainsi donc, ces naïfs, qu’ils soient du côté ghanéen ou du côté voltaïque, se sont lancés à l’action sans prendre de précautions ; c’est pourquoi les ghanéens, du côté Ghana, sont allés lancer leur opération alors qu’on les attendait. Ils auraient pu quand même différer cela. Non, on leur a dit, faites-le, le succès est garanti, les Voltaïques ne peuvent pas soutenir le Ghana parce qu’eux-mêmes on va les occuper à autre chose. Faites-le, il y aura du soutien étranger. Il y a des pays qu’on attaque et ils n’ont jamais répondu. Jamais ils n’ont répondu sur ces attaques-là. Ils savent que c’est vrai, parce qu’ils savent que les gens sont partis de leur pays pour attaquer le Ghana ; ils savent que certains qui sont partis de là-bas et qui n’ont pas été tués, malheureusement sont revenus et ont continué d’occuper les maisons qu’ils avaient louées et les populations de leurs pays sont au courant. Ils ne veulent pas se ridiculiser en diffusant des démentis. C’est vrai, nous le savions.

De même qu’ici, bien sûr, il y a des militants sincères du SNEAHV ; bien sûr, dans la direction, il y a des gens peut-être qui ont été abusés, je n’en sais rien, mais nous savons qu’il y a des éléments de la direction qui savaient très bien ce qui se faisait ; c’est pourquoi ils n’ont pas voulu lancer un mot d’ordre de grève normal comme il se devait pour respecter les 12 ou 15 jours de préavis. Ils n’ont pas voulu les respecter, tout simplement parce qu’ils avaient reçu le mot d’ordre, ils avaient reçu leurs consignes, il leur avait été dit dans la répartition des tâches « vous, débrouillez-vous, coûte que coûte, pour lancer la grève, nous on se débrouille pour le reste ». C’était la part du travail qu’ils devaient faire. Ils ont répandu des rumeurs que tel syndicat nous soutient, que tel autre va nous appuyer, ils ont fait croire que… ils ont tout imaginé. Ils ont même donné l’impression qu’ils étaient forts et puissants, parce que pour eux, coûte que coûte, il fallait que au bout du 25 mars, il y ait un changement et que les Voltaïques soient très occupés ici. Nous avons dit : laissez leur faire la grève. Nous nous comporterons normalement. On ne mettra pas les troupes en alerte, on ne fera rien. Mais, après la grève, nous aussi, nous allons parler.

C’est la raison pour laquelle au même moment, pendant qu’au Ghana il y avait l’attaque, c’est le moment où on a appelé Joseph Ki-Zerbo à la télévision française FR3, pour qu’il ait un entretien, un débat. Manifestement, il était de trop dans ce débat. Cela se sentait, cela se voyait. Vous pouvez le voir dans la cassette. Mais on avait besoin de rappeler à l’opinion internationale qu’il y a un Africain membre de l’Internationale socialiste, qu’il y a un Africain qui est Voltaïque et qui a une grande valeur scientifique, grande valeur historique, que des petits enfants en Haute-Volta sont en train de tracasser. On avait voulu consolider la position de Ki-Zerbo. C’est pourquoi on l’a appelé pour l’entretien.

On n’a pas choisi n’importe quel entretien. On aurait pu lui demander de parler de l’Homme ou de la Préhistoire. On n’a pas pris ce sujet-là. On lui a demandé de parler de la faim dans le monde. Parce que l’on sait que quand on dit faim dans le monde, on dit faim en Afrique, quand ont dit faim en Afrique c’est aussi les pays du Sahel, dont la Haute-Volta. Donc, nécessairement, bien que le gouvernement français ait dit à Ki-Zerbo, sur nos protestations, de ne pas faire état de la Haute-Volta, tout a été fait pour que, en ne parlant pas de la Haute-Volta, l’opinion internationale fasse tout pour découvrir par Ki-Zerbo les Voltaïques. C’est une tactique que les journalistes connaissent très bien. Nous aussi, nous le savons. Tout a été mis en œuvre pour qu’ils parlent d’un sujet qui intéresse et qui attendrit les bonnes âmes et souvenez-vous de cette vieille femme qui est intervenue à la télévision française pour dire que les haricots verts de Haute-Volta « moi je ne les achète pas, parce que ce sont de pauvres paysans qui les produisent ».

Souvenez-vous aussi de la question délicate où on lui demandait quels sont les chefs d’État qui sont en conformité avec leur façon de vivre. Il a cité beaucoup de chefs d’État, sauf la Haute-Volta, pour qu’on soit obligé de se poser la question : mais pourquoi les Voltaïques ne citent pas la Haute-Volta ? C’était fait exprès. Mais il a cité des noms. Nous avons beaucoup de respect pour ces chefs d’État, mais nous lui laissons la responsabilité, à lui, de dire que ces gens-là sont des modèles. En tout cas, les peuples de certains chefs d’État ne lui pardonneront jamais cela et nous savons aussi que la réaction au niveau des Africains a été très négative contre lui alors que les gens s’attendaient à ce qu’il dénonce ce que l’on voulait dénoncer, il est allé encenser ceux que l’on critique. Mais c’est lui seul qui a la responsabilité de mener son combat anti populaire comme il en a l’habitude. Mais le choix n’a pas été fait au hasard. Nous savons.

On l’a choisi pour un entretien, souvenez-vous en duplex, c’est-à-dire qu’il discutait avec quelqu’un qui était loin, c’était avec Rocard. Rocard, le ministre de l’Agriculture, celui qui, dans les débats au niveau de la CEE, est responsable, traduit la politique française pour dire si oui ou non il faut apporter de l’aide à tel ou tel autre pays. Parce que Rocard était, souvenez-vous, à l’époque, à Bruxelles, et il y avait une mésentente entre les chefs d’État, les chefs de gouvernement là-bas. Mme Thatcher avait pris une position qui avait chamboulé beaucoup de choses et l’opinion internationale était braquée sur Bruxelles. On avait laissé le soin au ministre de l’Agriculture d’en discuter et à l’époque, le ministre de l’Agriculture, n’importe quel mot venant de lui était bien ressenti. Souvenez-vous aussi qu’à l’introduction, le journaliste a dit ceci : il y aura Michel Rocard à l’entretien, nous présumons que l’entretien sera fort intéressant, compte tenu du fait que Michel Rocard est un homme qui parle très peu et qui apparaît peu à la télévision. On est allé chercher « l’oiseau rare » pour mieux mettre en relief notre Ki-Zerbo, notre historien, notre savant-saveur.

Ainsi donc, ils discutaient en duplex, c’est-à-dire que ce n’était pas seulement la télévision française, mais Rocard était à Bruxelles et Ki-Zerbo à Paris et ainsi donc, tous les Européens suivaient cela. Souvenez-vous aussi que l’on a fait intervenir des gens qui, à partir des États-Unis, donnaient leur position. C’est-à-dire que l’on a voulu que le monde occidental, que ce soit en Europe, que ce soit aux États-Unis, que tout le monde soit au courant de cela. Le maximum de gens. Il y a eu des entretiens, même politiques pour lesquels on n’a pas déployé tant de moyens. La date était bien choisie. Le cadre était bien choisi. Les interlocuteurs étaient bien choisis. Celui qui représentait le comité de lutte contre le faim, le français, j’ai oublié son nom, il a tenu à dire que lui, il est certes le président du comité de lutte contre la faim dans le monde mais il a également été secrétaire de l’Organisation catholique contre la faim. Il n’est pas n’importe qui et il sait à qui il s’adresse. Bref, on a voulu dire aux catholiques, voilà les bons capucins qui pensent à vous.

Mais j’insiste pour dire que si le SNEAHV est parti en grève, c’est sur instructions. Si le SNEAHV est parti en grève, c’est parce qu’ils avaient reçu 250 000 $. J’insiste, c’est vrai, nous avons reçu les preuves. Nous les avons. La seule chose que nous ne puissions pas faire, c’est les étaler. Ils ont reçu les 250 000 $, les gens sont venus vérifier.

Comme la frontière était surveillée, ils ont rendu compte de la façon dont la frontière est surveillée, de la façon dont on peut corrompre les policiers, les gendarmes, les douaniers pour entrer en Haute-Volta. Ils ont même cité « avec la bagatelle de 3 000 F on peut quand même entrer ». C’est ce qu’ils ont dit dans leur télex. Ils ont pris contact avec certains parents de Ki-Zerbo, nous sommes au courant. Ils ont pris contact avec certains officiers par l’intermédiaire des épouses de ces gens-là, nous sommes au courant. Même s’ils nient. Ce sont eux qui ont cité le nom de ces personnes, ce sont eux qui ont cité les noms des femmes. Ce n’est pas nous. Et puis, ce sont eux qui passent leur temps à faire le croquis de l’aéroport de Ouagadougou, le croquis du Conseil de l’Entente, qui passent leur temps, disait Afrique Nouvelle, quand on dit que le Conseil des ministres se tient à des endroits divers, mais comment ce journal a pu se préoccuper de cela. C’est parce que c’est une question importante pour l’assaut final.

Eh bien, nous, nous sommes là, à la Maison du Peuple à Ouagadougou, le peuple de Haute-Volta et nous les attendons. Ce n’était donc pas le fait du hasard et quand nous insistons pour que les gens n’aillent pas en grève, ce n’était pas parce que nous sommes contre la grève, ce n’était pas parce que nous sommes contre le droit de grève, nous nous sommes battus en son temps pour le droit de grève, nous n’avons jamais pris de décision contre le droit de grève, jamais.

Nous avons dit simplement qu’il ne fallait pas qu’on nous mette dans l’obligation de confondre ceux qui ont fait la grève consciemment contre nous pour des raisons de déstabilisation et ceux qui sont venus là trompés. Nous avons des parents qui ont fait la grève parce qu’on les a abusés, tant pis pour eux. Eh bien, le calcul était fin. D’ailleurs quand vous leur demandez « pourquoi vous avez faut grève », « c’est pour libérer nos camarades qui ont été arrêtés ». Vous leur dites, « mais avant que vos camarades ne soient arrêtés, vous aviez commencé à développer une campagne que vous conduisiez, vous aviez même rompu avec le CNR et déjà la grève était connue ». Ils disent « oui, mais c’est à cause du ministre de l’Éducation Nationale. Nous ne l’aimons pas. » Quand vous leur demandez « mais le 7 août, il n’y avait pas de ministre de l’Éducation Nationale ? Pourquoi vous avez déclaré que vous étiez contre le CNR ? » Ils disent « Ah, vous savez… » Et ils s’arrêtent là.

Il faut comprendre. Il faut comprendre ces gens-là, quand ils ont entendu les coups de feu, enfin, quand ils ont su qu’il y avait un coup d’État, ils ont commencé à jubiler et ils croyaient que c’était leur coup d’État qui s’était fait. Parce que nous, nous sommes militaires, et moi j’étais à l’État-major et je voyais les armes qu’on embarquait, je savais, nous savions. Nous étions là à la réunion de l’État-major quand certains officiers s’étaient levés pour dire, bon d’accord la situation est trouble, il faut envoyer tant de canons dans tels régiments, il faut faire ceci, cela. Nous le savions, nous connaissions leurs plans. Quand même, on a lu dans les mêmes bouquins ! Donc, nous pouvons déjà, à la démarche de quelqu’un, savoir qu’il vous manque quelque chose. Nous le savions, et nous avons dû envoyer des gens pour intercepter, par ci, par-là, des armes.

Lorsqu’on nous dit que nous avons reçu des armes de Kadhafi, mais nous avons aussi les armes de la France. Vous savez qu’il y a eu 50 tonnes d’armes que la France a envoyées à Jean-Baptiste Ouédraogo ici à l’époque. Nous avons d’ailleurs eu tort, on aurait dû organiser une cérémonie de réception pour remercier la France et dire que dans la phase du 17 mai au 4 août, il y a eu deux pays qui nous ont aidés, qui nous ont amené des armes : Kadhafi, c’est ce que l’on dit dans presse, et la France, Mitterrand, c’est ce qui n’est pas dit. Il faut que les gens le sachent. Ces armes sont là et on s’en sert. On s’en sert et on entend les gens avec ça, c’est bon.

Donc, concernant le SNEAHV, ceux qui ont été en grève, il y a eu une déclaration de bonne foi du CNR par la voie d’un de ses responsables et il y a eu de l’autre côté, les propositions de certains éléments « F pévistes » qui sont à la tête du SNEAHV. Il fallait faire un choix. Sur le CNR, ou sur les éléments « F pévistes », mais ils ont choisi de ne pas nous suivre, mais ce n’est pas notre faute. Lorsqu’au Ghana, ils ont « canardé » les gens, ils sont venus nous remercier, « ah oui, vraiment les informations que vous nous aviez données étaient exactes et cela correspond parfaitement au scénario tel que vous l’aviez indiqué ». C’est bien, il faut le faire s’ils viennent encore, si on est informé d’un autre coup d’État, on va vous en parler. Si vous aussi, vous êtes au courant, vous nous en parlez. C’est comme cela. On s’entraide mutuellement. Le jour où l’un a chaud, on commence déjà à se préparer.

Donc, il faut licencier. C’est irrévocable. Il faut licencier. Ce que nous continuons de faire et cela répond un peu à une question qu’avait posée le camarade de la Santé qui est venu tout à l’heure parler, c’est que même licenciés, même dégagés, même suspendus, ils sont toujours des Voltaïques. Nous les considérons comme des Voltaïques et nous leur donnerons tout ce que nous pourrons donner aux Voltaïques, c’est-à-dire, en particulier, la possibilité de venir à la Révolution. La possibilité de se mettre en conformité avec la Haute-Volta, avec sa Révolution quelles que soient les phases dans lesquelles nous allons nous trouver, ce qui veut dire que le CNR prendra son temps pour les regarder vivre. Demain, s’il n’y a pas de recrutement d’ouvriers dans une entreprise, s’ils se présentent, si les CDR disent « un tel avait fait la grève, mais nous avons remarqué qu’il s’est corrigé », si les CDR donnent leur caution, nous allons réexaminer son cas et il aura un autre emploi.

Peut-être même que nous serions prêts, si nous avons des postes budgétaires au niveau de l’Éducation Nationale, pourquoi pas, à reprendre ceux d’entre eux qui nous ont été indiqués par le peuple comme étant des éléments qui ont réellement fait leur autocritique. Je ne parle pas des élèves, non, je ne considère pas cela, non. Moi, je parle de ceux qui, à partir du terrain, les éléments vraiment acquis à la Révolution voltaïque, de ces gens-là. C’est pourquoi, nous ne leur fermons pas la porte ; non, nous ne leur fermons pas du tout la porte, même de la fonction publique, même de l’Éducation Nationale ; nous leur disons que nous avons pris toutes les dispositions pour que ceux d’entre eux qui vont s’amuser à aller perturber les classes, il leur soit appliqué la sanction ultime. On ne peut plus les dégager, ils sont déjà licenciés. Alors, tout élément de ce type-là, licencié, qui vient là, est un trouble-fête et on les traites comme tel avec toutes les armes dont nous disposons. Nous avons donné cette autorisation. Nous la donnons cette autorisation. Celui qui va perturber la rentrée des classes, tant pis pour lui, si non content d’avoir été licencié, il n’a pas assez d’argent dans son compte pour qu’il achète un cercueil pour lui, c’est son problème. Ceux qui vont encore s’amuser à leur réunion de subversion pour tenter ceci ou cela, si nous les prenons, vraiment, je tiens à leur dire que nous sommes déjà suffisamment à bout de patience à force de les suivre, de les filer, d’enquêter sur eux, etc. Nous sommes à bout de patience. Nous ne mettrons plus personne en prison. En tout cas, ceux de cette catégorie-là, nous ne les mettrons plus en prison, nous les empêcherons simplement de nuire. Et si des gens veulent mourir, qu’ils meurent vite parce que le prix du bois est en train de monter et la terre se durcit pour creuser leur tombe.

Donc, concernant le SNEAHV, nous vous disons clairement que nous protégeons tous ceux qui ont eu confiance en la Révolution, que ce soient des enseignants qui n’ont pas été en grève, certains d’ailleurs par hésitation, mais tous ceux qui ont eu confiance en la Révolution, tous ceux qui ont joué la carte de la Révolution, nous leur assurons la protection avec tous nos moyens, même militaires. Nous assurons la protection de ceux qui sont venus à la Révolution pour se sacrifier au profit de la Révolution, au profit du peuple voltaïque, parce qu’ils sont les éléments du peuple et nous disons à ceux qui ont été en grève, du SNEAHV, que nous ne leur fermons pas la porte. Nous prendrons le temps. Et ce temps, ce n’est pas eux qui doivent le définir. Nous avons le temps pour voir ce qu’ils sont en train de faire sur le terrain réellement et ce que nous pourrons faire pour eux. Au minimum, ils sont des Voltaïques et ils seront considérés comme des Voltaïques et s’ils tombent malades, ils vont à l’hôpital, on les soigne par les médecins Voltaïques. Quand il y aura les transports urbains, ils pourront acheter le ticket et monter dans le bus voltaïque, bus qui a été acquis grâce au sacrifice qu’eux avaient refusé. Cela ne fait rien. Nous leur concédons cela. S’il y a des postes, s’il y a le Sourou, s’il y autre chose, même à l’Éducation Nationale si nous voulons des enseignants, s’ils se présentent, leurs références professionnelles seront prises en compte, mais surtout l’enquête quant à leur capacité, à leur véritable reconversion. Cette enquête sera prise en compte.

Donc, voyez-vous, nous ne sommes pas, comme eux le pensent, des gens bornés. On n’a pas décrété les licenciements pour le plaisir de le faire. Nous ne sommes pas non plus des sentimentalistes : « ils peuvent faire ce qu’ils veulent, on va essayer de les amadouer. » Non. Nous leur disons, à eux comme à d’autres, celui qui veut, il fait ce qu’il veut. Nous mettons simplement chacun en garde en fonction de ce que nous, nous savons comme étant le bien du peuple, comme les menacent qui planent sur le peuple. C’est tout. Ils ont tenté. Peut-être qu’ils comprendront que entre la déclaration du ministre de la Défense et le tract qui les appelait à la grève signé par un des leurs, il y avait un choix qualitatif à faire, c’était celui de la déclaration du ministre de la Défense. S’ils ont compris cela, ce sera le premier pas pour faire confiance, et s’ils nous font confiance, sur le terrain ils le démontreront. Et s’ils le démontrent, nous aussi nous démontrerons que effectivement nous donnons la place et la possibilité à chacun de se refaire, de se reconvertir, parce que nous savons que la Révolution n’est pas née qu’avec des révolutionnaires.

Mais nous ne pouvons manquer de dire toute notre déception, car des responsables et des cadres voltaïques chargés de former les futurs responsables de demain se laissent manipuler comme cela. Mais dans certaines autocritiques, si elles sont sincères, elles dénotent de la part de ceux qui ont osé faire et la grève et cette autocritique une attitude de moutons de Panurge. « Ah, moi, je ne voulais pas, c’est untel, comme je mange chez lui, c’est pourquoi il m’a… » Mais toi, tu es fonctionnaire, tu reçois ton salaire, pourquoi tu vas manger chez lui d’ailleurs. Et vas faire la grève ! Ce sont ces soucis là que nous voulons éviter. Nous avons voulu éviter cela. Ou bien, il y a ceux qui font la grève qui disent « moi, je n’ai fait la grève que le matin, mais le soir quand j’ai compris… » Mais quel soir tu as compris ? Tu ne pouvais pas comprendre dès le départ ? Même les tout petits avaient compris qu’il ne fallait pas faire grève. Non, quand on voit que ce sont des gens comme cela qui sont chargés de former des cadres voltaïques et qui valent cela, ce n’est pas bon. Nous ne pouvons pas l’accepter. Cela nous inquiète.

Il y a des parents d’élèves qui se disent « mais on va confier les enfants à des personnes qui ne sont pas expertes, qui n’ont pas la compétence, qui n’ont pas la formation requise, alors que les enseignants que l’on a licenciés sont formés pour cela ». Je dis à ces parents-là, « moi je n’envoie pas mon fils chez quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il veut dans la vie ». Ça, c’est la première des choses. J’envoie mon fils chez quelqu’un qui peut lui enseigner ce que moi-même je voudrais comme détermination dans la vie. Donc, je ne l’envoie pas chez quelqu’un qui a fauté, qui fait la grève, qui ne fait pas la grève et qui finit par la faire, non. Celui qui est venu au nom de la Révolution est plus compétent que celui qui est parti au nom de la grève parce qu’un bon révolutionnaire peut tenir la place de quinze réactionnaires. Un nouvel enseignant qui est d’accord pour se battre ou mourir pour le peuple peut faire vingt fois plus qu’un instituteur qui, au lieu de faire la classe, passe son temps à faire de l’intoxication au niveau des élèves, au niveau des parents d’élèves.

C’est vraiment triste et je tenais à dire qu’au niveau de nos enseignants, les gens doivent se ressaisir et ils doivent se déterminer. On ne doit pas faire la grève et demain dire « moi je regrette d’avoir fait grève », vous ne devez pas regretter. Vous devez dire, je suis content d’avoir faire grève ou alors pas du tout.

Alors qu’il soit bien clair pour tous, le 16 il y a la rentrée, le 16 toutes les dispositions sont prises pour que la rentrée se passe normalement, en particulier pour que les nouveaux enseignants prennent leur place. Celui qui ne veut pas envoyer son fils parce qu’il y a les nouveaux enseignants, il est libre de le garder chez lui et d’ouvrir une école privée. D’ailleurs, on arrive de ce côté aussi. Par contre, celui qui veut envoyer son fils à l’école, il peut le faire en toute quiétude, parce que ces nouveaux instituteurs vont enseigner le sens de la responsabilité. Et les anciens instituteurs qui n’ont pas fait la grève auront eux aussi compris qu’ils avaient bel et bien raison. Ils étaient dans la position la plus juste.

Mais que jamais, on ne nous pose plus de questions sur le SNEAHV. Notre position est claire. Il n’y a plus de question à poser. Si on vient nous dire qu’on a arrêté quelqu’un qui est venu à l’école pour tenter de boycotter les classes, pour tenter d’agresser le nouvel instituteur, il n’y a pas de réponse, parce qu’on a déjà répondu. Ça c’est clair.

Par contre demain, dans un mois, dans 10 ans ou dans 100 ans, si on dit à ces gens revenez, il n’y a pas de question, c’est clair dès aujourd’hui. Je pense avoir répondu à la question et dans tous les cas, c’est maintenant les actes sur le terrain qui vont nous dire, qui vont nous permettre de comprendre davantage au cas où l’on n’aurait pas suffisamment compris les paroles, ce sont les actes sur le terrain. Le CNR n’est pas aveugle, il n’est pas brutal, il n’est pas fasciste, au contraire il est ferme, d’une fermeté lucide, d’une fermeté clairvoyante, d’une fermeté démocratique et populaire en faveur du peuple voltaïque, d’une fermeté qui donne à chacun la chance de ne pas commettre de bêtises. On vous avertit, on vous prévient, on vous informe, et après on vous dit « bon, nous, nous ferons telle chose ». Vous, vous avez fait la grève, vous avez fait ce que vous vouliez, on vous a laissé faire, on n’a envoyé personne en classe dans les écoles pour frapper les instituteurs ou pour vous ramener de force, maintenant c’est à nous de parler, voilà ce que nous disons : fermeté avec tous les moyens jusqu’à la dernière énergie contre tous ceux qui ne voudraient pas suivre, compréhension avec une lucidité totalement révolutionnaire vis-à-vis de ceux qui feront sincèrement leur mea culpa, et le mea culpa sincère en politique se fait, l’autocritique se fait par les actes, et cela on le verra. Vous venez le jour nous dire que vous faites l’autocritique et la nuit vous allez faire des réunions, on va voir cela.

Intervention d’un inconnu

Question – La militarisation de la ville de Ouagadougou de plus en plus croissante et celle des autres villes est telle que certains détracteurs de la Révolution estiment que celle-ci est venue non pas pour sauvegarder le peuple, mais pour le bâillonner. Encore, s’il vous plaît, une petite remarque : le grand nombre de milices qui est là, pour entourer par-ci par-là. Pouvez-vous nous assurer que cette milice est là pour sauvegarder le peuple et non pas pour nous bâillonner ? Parce que cela fait peur aux gens

Thomas Sankara – Laissez le camarade exposer son point de vue, il a parfaitement le droit de le faire et nous avons parfaitement le droit de lui dire qu’il a tort. Parce que nous avons le droit de lui dire qu’il a tort et il a tort. La vérité étant révolutionnaire, je pense qu’il sera d’accord avec nous quand nous nous serons expliqués.

Il y a la militarisation oppressive et la militarisation défensive. Sortir les armes pour défendre le peuple, quoi de plus normal ? Vous, vous êtes civils. Chaque fois que l’on parle de mercenaires, et c’est vrai qu’il y a des mercenaires, c’est vrai que plusieurs fois il y a eu des plans, c’est vrai que plusieurs fois on a tenté d’assassiner des gens, c’est vrai que plusieurs fois on a tenté d’enlever des gens, c’est vrai que plusieurs fois on a tenté de faire un débarquement ici avec l’avion d’une compagnie qui dit travailler pour la Haute-Volta. Le jour où il y aura des Bob Denard qui vont débarquer ici, qui vont se mettre à bombarder tout ce qui bouge y compris sur votre femme, sur vos enfants, vous allez demander « mais que font les militaires ? » L’exemple du conflit Mali-Haute-Volta, à cette époque, vous vous souvenez de toute la littérature artistique qui a été produite ici même à la Maison du Peuple pour célébrer le courage de nos vaillants combattants. C’est depuis cette époque que chacun a pris goût aux tenues militaires. Il n’était pas homme celui qui ne portait pas le treillis. Vous vous en souvenez très bien. Cela veut dire que tant qu’il y a danger et danger il y a, il doit être nettoyé. Je reconnais qu’il y a un point faible.

Nous ne pouvons pas, pour vous faire prendre conscience de la nature du danger, vous expliquer tout. Si nous vous expliquons tout, nous créerons chez vous la torpeur. Nous créerons la torpeur et la panique. Soit nous créerons la démobilisation, soit nous créerons chez vous également une réaction de xénophobie contre certains peuples et nous n’en voulons pas du tout. Soit aussi, il y a aura une pagaille monstre dans ce pays et surtout ce que nous craignons aussi, c’est que nous allons compromettre les sources qui nous informent et tous nos services de renseignements. Si je veux vous démontrer qu’il n’y a pas plus d’une semaine un débarquement devait se faire ici et n’a pas pu se faire, il faut que je vous dise la vérité. Si je vous la dis, ce sont des circuits de renseignements qui sont « grillés ». L’opinion internationale, lorsqu’elle insiste pour que chaque fois on donne les preuves c’est pour connaître nos sources de renseignements. Comment nous avons fait pour savoir que dans le cabinet de tel ministre français il y a eu untel qui a fait ceci, qui a fait cela, et si on le dit on va révéler certaines choses. Comment nous avons fait pour savoir que untel a pris l’avion à tel endroit et est parti là-bas, que le nonce apostolique a reçu de l’argent pour héberger un opposant voltaïque, qu’il y a eu des réunions chez tel Président de la République, on ne peut pas le dire.

D’abord, si on dit le nom du pays, le peuple voltaïque finira par confondre le peuple de ce pays et les dirigeants. Cela nous n’en voulons pas. Vous avez vu que nous n’avons jamais voulu dire « à l’assaut du peuple français », il y a des Français ici et il faut qu’ils vivent heureux. Nous n’avons jamais dit « à l’assaut du peuple américain », il y a des Américains ici et tant qu’ils veulent vivre en respect avec les Voltaïques il faut qu’ils vivent heureux. Mais nous avons toujours dit qu’il y a des Américains, des Français, des Nigériens, des Ivoiriens, il y a des Voltaïques même, qui travaillent contre la Haute-Volta. Il y a des blancs et des noirs qui travaillent contre la Haute-Volta et nous avons des preuves de plus en plus convaincantes. Nous avons des lettres de certains individus à des chefs d’État, des réponses de chefs d’État à certains individus et nous menons aussi ce que nous pouvons mener comme bataille auprès de ces chefs d’État pour les contraindre, pour les bloquer, pour les amener et les réduire au silence en exhibant un bout des preuves. On ne montre jamais toutes les preuves. C’est une règle de police et là je m’excuse nous devons retenir le silence.

Eh bien, sais-tu camarade que, chaque fois, nous qui sommes les dirigeants, et vous aussi qui êtes simplement habitants de Ouagadougou, vous risquez votre vie. Vous vous souvenez, il y a eu un danger qui a traversé le ciel de la Haute-Volta, c’était le 24 octobre je crois. J’étais à Niamey, mais dans la nuit vers 22h, certains ont vu cela et s’en souviennent. Mais ce danger-là n’est pas innocent. Nous avons fait faire les analyses et nous sommes en mesure de dire d’où il est venu et qu’est-ce qu’il venait faire. S’il était tombé à Ouagadougou, c’est une erreur de guidage qui l’a amené là-bas, du côté de Tiébélé. S’il était tombé à Ouagadougou, c’était un malheur pour vous. L’engin n’aurait pas choisi où se trouve Sankara.

Donc, il faut des militaires pour nous défendre et nous en avons besoin de plus en plus. Maintenant, si les militaires terrorisaient les gens, d’accord ! Hier, il y avait moins de militaires que cela dans les rues, mais qu’est-ce que l’on constatait ? Que les militaires frappaient les civils. C’est pas les militaires qui violaient les jeunes filles partout ? C’est pas ces officiers qui faisaient sortir les militaires parce qu’on a dit à tel officier « n’entrez pas dans le spectacle là-bas à Bobo-Dioulasso, il va arriver les soldats ». « Fouettez-moi tout ce monde-là », jusqu’à blesser certains élèves là-bas. Qu’est-ce que vous préférez ? Que les militaires restent en caserne mais qu’ils sortent de temps en temps pour vous fouetter ou bien qu’ils sortent et que de plus en plus ils soient des éléments intégrés à vous ? Ou bien, il y a des pays à côté de nous qui, chaque jour, critiquent dans leur presse : « Oui, voilà, ils font la Révolution, ils ont bâillonné le peuple, il y a des militaires partout, partout, à chaque centimètre il y a des militaires armés, pointant leur fusil et risquant de vous “canarder” ». C’est vrai, il faut que nos gens soient plus armés que cela. C’est que l’on n’a pas eu encore assez de moyens. On va les armer davantage. Quand on aura les radars, on va les installer. Quand on aura les avions de chasse, on va les installer. Parce que nous ne le faisons pas contre le peuple, mais contre les ennemis du peuple et pour sauvegarder la sécurité du peuple. Mais ceux qui le disent, nos ennemis qui sont à l’étranger qui le disent, eux, ils n’ont pas beaucoup de militaires dans les rues, mais ils en ont dans les casernes qui agissent en « Tonton Macoutes ».

À l’État-major et au Haut-Commandement voltaïque, il n’y a pas d’étranger, officiers de la Défense, il n’y a pas d’étranger, ce sont des Voltaïques, entre eux ils font ce qu’ils peuvent. Quand ça marche, ça marche, quand ça échoue, ils recommencent. Simples Voltaïques, cela vaut mieux. Maintenant dans les pays qui nous entourent, où est-ce qu’il n’y a pas d’assistance à ce niveau ? Pire, ils ont des troupes. Il y en a même qui ont des troupes logées chez eux. Vous croyez que ces troupes-là sont pour la sécurité du peuple ? Alors moi je préfère, au lieu d’un bataillon à côté pour nous sécuriser, parce que cela a été proposé aussi, nous, nous préférons la lutte du peuple au bataillon bien organisé du Président. Et nous préférons ouvrir nos casernes largement pour que les civils y entrent, pour que les militaires en sortent, pour qu’il y ait cette symbiose indispensable plutôt que d’avoir quelques troupes d’élite comme ceux qui nous critiquent, qui eux maintiennent des troupes étrangères pour les protéger et ne veulent pas de troupes dehors.

Chez eux vous ne voyez pas de militaires, vous ne voyez pas de policiers en tenue et en armes, mais c’est curieusement ici, alors qu’il y a plein de militaires arrêtés avec des armes, moi-même j’en ai ici, trois sur moi, c’est ici, alors qu’il y a beaucoup d’armes prêtes à tirer, à tuer, comme vous semblez vouloir le dire ou en tout cas, répéter l’argument de la réaction, c’est curieusement ici, que vous pouvez vous lever et parler librement devant le peuple, devant le Président, devant tout le monde. Il y a des pays où vous ne voyez pas les militaires, vous ne voyez même pas de policiers, mais vous ne pouvez pas parler, vous ne prononcez pas le nom du chef. Je vous assure, si vous ne le saviez pas, dans ces pays-là, dès que vous êtes légèrement à l’écart de ce que l’on a dit de faire, vous ne dansez pas comme on dit de danser, que vous ne chantez pas comme on dit de chanter, la nuit vous disparaissez. Cous disparaissez seulement, tranquillement. Nous on a préféré vous fusiller en plein jour quand on ne sera pas d’accord avec vous. On vous prend. Allez ! Untel est convoqué à la Place de la Révolution, poteau n°5, pour être pendu. Et s’il ne vient pas, nous ne répondons plus de sa sécurité. C’est tout. Il sera obligé de venir pour être pendu. Nous, nous préférons cela publiquement au lieu de tourner.

C’est la raison pour laquelle il y a des militaires, c’est la raison pour laquelle il y aura des militaires, c’est la raison pour laquelle les militaires acceptent maintenant de former les civils et de leur montrer que nous ne sommes pas seulement militaires à connaître le maniement des armes. Vous, civils, vous pouvez aussi les connaître et vous avez accès à ces armes. Souvenez-vous, les jeunes filles CDR quand elles sont allées à Pô, elles ont tiré au pistolet, elles ont tiré au fusil, elles ont tiré à la Kalachnikov, elles ont tiré aux mitrailleuses, elles ont même tiré au RPG 7, RPG 7 qui est là-bas au Liban, qui a fait beaucoup de choses et qui, ailleurs, au Tchad, a fait tomber aussi beaucoup de choses qui volent en l’air. Donc, le peuple a accès au savoir militaire. Le peuple y a accès et plus nous aurons les moyens de former le peuple, plus nous vous formerons tous pour que vous soyez des tacticiens. On n’a pas besoin d’être militaire pour faire la guerre. Si la guerre vient, elle vous menace vous et votre famille et à ce moment vous allez demander : « mais où sont les militaires ? » Ils n’ont pas le droit de dormir. Donc laissez-nous faire notre travail, laissez-nous sortir et nous apercevoir que nous ne sommes pas assez nombreux et vous dire : « vous aussi, venez, prenez votre fusil et soyez à nos côtés » « Demain, Camarades, prenez une tenue. »

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