Il y a vingt ans A Tenkodogo, l’algarade qui a mis le feu aux poudres
D’après l’histoirien Eric Hobsbawn : « notre époque est celle de la grande mythologie historique. L’histoire est plus que jamais révisée ou même inventée par des gens qui ne souhaitent pas connaître le passé véritable, mais seulement un passé qui s’accorde à leurs intérêts ». Avant lui, d’autres ont soutenu que l’histoire est toujours écrite par la plume des vainqueurs. Or, c’est en s’abreuvant à la source de la vérité que l’on peut éviter de sombrer à nouveau dans les erreurs du passé. Après tout, ne dit-on pas que qui ignore son passé, compromet son avenir ? A quelques jours de la célébration du vingtième anniversaire de la fin brutale du régime des capitaines qui tentait une expérience révolutionnaire dans ce pays qui s’appelait encore « la Haute-Volta », nous avons jugé nécessaire d’édifier les jeunes générations sur cette page sombre de notre histoire dans la mesure où les protagonistes (ou plus exactement les survivants) nous y invitent. Pour une affaire aussi complexe, il serait prétentieux de croire en détenir toute la vérité. Mais il n’est pas non plus inutile de partager les zones connues et susciter le témoignage des uns et des autres afin que le puzzle de cette tragédie soit rapidement reconstitué au profit de la mémoire collective. Comme l’a écrit un confrère français : « les hasards du calendrier sont parfois narquois ». C’est ainsi que la célébration du 4è anniversaire du DOP à Tenkodogo le 2 Octobre 1987 a coïncidé avec la visite du Premier ministre israélien Ytzhak Shamir à Lomé alors que le Burkina Faso révolutionnaire avait reçu quelques années bien avant, le chef de l’OLP, Yasser Arafat à Ouagadougou et à Manga. Le long discours prononcé par le leader du LIKOUD et ancien terroriste (SHAMIR qui était recherché pour l’assassinat d’un diplomate norvégien par les Nations Unies au moment où la Palestine était sous mandat britannique alors qu’il dirigeait le parti Irgun était lourd de menaces à l’endroit du régime burkinabè soupçonné de vouloir déstabiliser l’ami Eyadéma. Cette intervention qui collait bien au personnage d’Yitzhak Shamir, faite dans la soirée n’a pas tellement retenu l’attention des Burkinabé polarisée sur les événements de la matinée à Tenkodogo. En effet, à cette même date du 2 Octobre 1987, tout le gratin politique du Conseil national de la Révolution s’est ébranlé dès potron-minet vers la capitale du Boulgou pour commémorer le Discours d’orientation qui tient lieu de programme politique de la Révolution démocratique et Populaire (RDP).
La conciliation de classe au pilori
Bien que ce 4ème anniversaire se déroule dans une ambiance délétère au sein de l’organe dirigeant du régime, aucun parmi les nombreux habitants de la ville de Tenkodogo sortis massivement ne pouvait imaginer qu’à cette occasion allait se jouer le destin de la jeune expérience conduite par le quarteron d’officiers depuis la nuit historique du 4 Août 1983. Pour les observateurs avertis de la scène politique pourtant, passée l’incubation, la crise qui minait le système avait atteint sa phase tertiaire à l’occasion du discours prononcé par le Président Thomas Sankara à Bobo-Dioulasso le 4 Août 1987 et qui se voulait un diagnostic sans complaisance de la situation. En substance, le Président du CNR admettait les nombreuses erreurs commises, notamment dans le domaine des droits de l’homme et la fatigue des populations en raison du rythme très accéléré du processus engagé. Il demande aux camarades de se faire un peu de place dans le cœur pour ceux qui ne sont pas encore en harmonie avec le DOP. Il lance quelques piques à l’endroit de ceux qui, parmi eux, caressent le rêve de raccrocher, mais qui se font encore des scrupules. En des termes plus ou moins ésotériques, il aborde la question du parti dans lequel devraient se fondre toutes les organisations politiques se réclamant du CNR. « Il nous faut rectifier » a-t-il même assené dans ce message conciliant qui a suscité contre toute attente un tollé au sein de certaines de ses organisations dites de gauche avec à leur tête l’Union des Communistes Burkinabè (U C B). Pour ces organisations, prôner la conciliation de classe tel que l’a fait Sankara à Bobo-Dioulasso relève de la pure démence. A Tenkodogo, ce 2 Octobre 1987, c’est cette tendance qu’a défendue dans son discours le représentant des CDR d’université Jonas Somé. Clouant au pilori la conciliation de classe, Jonas Somé soutient : « L’unité selon le D.O.P ne peut se faire que selon l’approfondissement de la lutte des classes tant il est vrai que partout il y a la contre-révolution. Le DOP, nous éclaire sur ce point : ils ne sont sensibles et ne comprennent que le langage de la lutte de classes révolutionnaire contre les exploiteurs et les oppresseurs des peuples. Notre révolution sera pour eux la chose la plus autoritaire qui soit ». Cette sortie surprenante a obligé le Chef de l’Etat à abandonner le discours qu’il avait préparé pour défendre sa position et à se lancer dans l’improvisation. Il déclare qu’il vaut mieux faire un pas avec tout le peuple que d’en faire mille sans le peuple. A l’issue de son intervention, il sèche le reste des manifestations et reprend le chemin de Ouagadougou. Le climat devient explosif alors que le pays prépare un important forum anti-apartheid dont l’organisation a été confiée à un Comité dénommé « Bambata ». Ismaël Diallo (actuel représentant du secrétaire général des Nations unies au Burundi) en est le président. D’aucuns se demanderont comment l’opinion d’un étudiant peut mettre ainsi le feu aux poudres ? La réponse est simple : Jonas Somé n’est pas n’importe qui. Il est élève-officier et a, à ce que l’on dit, des liens de parenté avec Blaise Compaoré, le N°2 du régime au domicile duquel il a passé ses vacances à Pô. De plus, son appartenance à l’U C B est bien connue. D’ailleurs, quelques jours après cet incident, il est survenu à Bobo-Dioulasso à l’occasion de la lecture du rapport du P.R.P (Pouvoir révolutionnaire provincial) du Houet à Bobo-Dioulasso. Un passage laconique de ce rapport fait cas du soutien de ce PRP au discours des étudiants. Pour les proches du Président Sankara, le rajout a été fait par le journaliste Ahmed Yago sous la dictée de Wattamou Lamien, son ministre de tutelle présent à Bobo-Dioulasso pendant les faits. Le Docteur Thomas Sanou, Haut commissaire de la Province du Houet et président du PRP convoque un meeting de clarification pour marquer sa distance. Manifestement, cet homme qui a été le plus populaire des personnalités ayant dirigé cette province a été dégoûté par la chose politique depuis le dénouement sanglant du 15 Octobre 1987. Officiellement, l’incident de Tenkodogo a été clos avec la remise au Président du Faso d’une autocritique rédigée par Jonas Somé. Des sources très bien informées indiquent que le texte a été rédigé avec l’aide de Kilimité Théodore Hien (à l’époque Secrétaire général adjoint des CDR) dans un bureau du Service de la santé des forces armées, c’est-à-dire dans l’enceinte de l’actuel lycée Marien N’Gouabi. Malheureusement, les choses ne se sont pas arrêtées et le pays a vécu dans la psychose permanente avec la guerre des tracts jusqu’à cette date fatidique du 15 Octobre 1987. Visiblement et contrairement à la version officielle, « Les démocrates Unis » ont fait un travail de bénédiction sur lequel nous reviendrons dans nos prochaines éditions.
Michel Zoungrana
Source : L’indépendant du 2 octobre 2007 http://www.independant.bf/article.php3?id_article=920?&sq=arti
> Il y a vingt ans A Tenkodogo, l’algarade qui a mis le feu aux poudres
c’est plutot curieux que somé jonas soit aujourd’hui muet sinon inconnu sans occuper de poste important ni politiquement ni militairement. d’autres nettement moins bien en vue a l’époque sont devenus incontournables aujourd’hui et vivent aisement mahdou
> Il y a vingt ans A Tenkodogo, l’algarade qui a mis le feu aux poudres
Jonas Somé est maintenant militaire.
Selon l’Evènement du 25 octobre 2008 : “Jonas Somé, ancien PMKaliste a depuis rejoint l’armée dont il est aujourd’hui un officier supérieur. ” (voir à l’adresse http://www.thomassankara.net/ecrire/articles.php3?id_article=683 ou à l’adresse http://www.evenement-bf.net/pages/dossier_1_150.htm.
C’est en note de l’article.