Par Merneptah Noufou Zougmoré
L’activité artistique a été intense pendant la Révolution d’Août. Le peuple invité par les premiers responsables à libérer son génie n’a
pas marchandé son engagement. La création artistique a été particulièrement féconde.
4 Août 1984, la Révolution a un an. Le nouveau pouvoir décide de célébrer l’an 1 de l’avènement du régime. Un comité d’organisation est mis en place et avant le jour J, on s’affaire pour faire de la fête une réussite. Des artistes connus au niveau local sont associés au travail. C’est ainsi que Moustapha Laabli Thiombiano, sur les instructions du Président Thomas Sankara, invite le musicien Jamaïcain Jimmy Cliff aux festivités. Ce dernier sera effectivement présent. Deux concerts géants sont organisés à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso à la dimension de la stature internationale de l’artiste. Dans la capitale, le stade du 4 Août, nouvellement inauguré, refuse du monde. De l’an 1 à l’an 4 de la Révolution, le Burkina a vécu une tranche particulièrement riche de son histoire artistique. En août 1986,
Sankara décide de consacrer la femme à travers d’illustres représentantes africaines. Tshala Muana, Abéti Masikini, M’Pongo love, Nanyanka bell, Myriam Makeba sont les invitées spéciales du président. Un spot qui passe en boucle à la Radio nationale annonce un choc des stars. De fait, les mélomanes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso découvrent lors d’un concert géant les talents incommensurables de ces femmes africaines. Le Président Sankara les reçoit après les deux prestations et pose avec elles pour la postérité. Ram Ouédraogo, à l’époque imprésario, s’en souvient. Il assure avoir aidé à la venue des musiciennes au Burkina et pour l’occasion il s’était attaché des services des journalistes pour la couverture de la manifestation.
La couverture médiatique des festivités
Diégou Bailly de l’hebdomadaire Ivoire Dimanche, aujourd’hui disparu, Giles Obringer, le truculent animateur de Canal Tropical sur RFI, Mathias Mbarga du magazine Bingo assurent le relais à ’international. Ils parlent de changement qualitatif et quantitatif et d’une culture en mouvement. Autre dimension de la culture burkinabè, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) créé en 1969 et qui réunissait tous les deux ans les professionnels du cinéma et quelques cinéphiles connait à partir de 1985 un engouement populaire.
Moustapha Thiombiano crée la rue marchande qui devient la grande attraction des festivaliers. Il a surtout l’ingénieuse idée de récupérer la coque d’un vieil avion qu’il transporte sur la rue marchande et en fait à la fois un objet d’intérêt technologique et ludique pour enfants. L’objectif avoué du promoteur : permettre aux enfants de connaître l’intérieur d’un avion. On y pénétrait et on ressortait satisfait de savoir à quoi ressemble « un oiseau de fer » qu’ils apercevaient de temps en temps au dessus de leur tête. La rue marchande elle-même bordée de boutiques et autres espaces de curiosité que rehaussait une animation musicale assurée par les meilleurs orchestres dupays.
Le festival quitte à partir de ce moment les salles obscures pour se retrouver dans la rue où se faisaient des projections à l’intention d’un large public. La culture avait une orientation populaire pour reprendre la formule de Martin Zongo, premier responsable de Carrefour international de Théâtre de Ouagadougou (CITO).
La SNC s’installe définitivement à Bobo
Une Semaine nationale de la culture est créé pour stimuler les artistes. L’idée de départ était qu’elle soit tournante dans l’objectif de doter chaque province d’infrastructures culturelles. Après Ouagadougou, il y a eu Gaoua avec la construction du théâtre populaire Palé Nani du nom d’un artiste du Sud-ouest, Koudougou Réo 88 fermera le cycle tournant et désormais l’exclusivité de cette fête de la culture nationale revient à la ville de Sya.
En pays kassena (Nahouri), foyer incandescent de la Révolution, confie Martin Zongo, un ancien Haut commissaire au Nahouri sous la révolution, on avait inventorié le potentiel des troupes culturelles qui existaient et contribué à la création d’autre. La pratique culturelle qui s’imposait était le Djongo dont la star Bill Aka Kora est le porte flambeau aujourd’hui. L’orchestre militaire, les Missil Band créé par le premier commandant du Centre national d’entraînement commando (CNEC), Thomas Sankara, participait aussi à l’animation de la province.
Tant de grandes ambitions au niveau culturel dont certaines n’ont pu être réalisées en raison de la disparition du président Sankara le 15 octobre 1987. C’est le cas du Festival international de la musique de Ouagadougou (FESIMO). Il devrait réunir les grands groupes et artistes musiciens de la planète. Dans le spot qui avait déjà été conçu et diffusé, on avait qualifié ce rendezvous d’Audace du siècle. Moustapha Thiombiano pense cependant à la résurrection du FESIMO dont il dit être un des artisans avec le président du CNR. Il envisage organiser comme aux Etats-Unis (sa référence suprême), des Woodstock pour égayer une jeunesse désemparée avec l’objectif de redonner confiance à ces jeunes.
Ram Ouédraogo reconnaît que c’est Thomas Sankara qui l’a fait revenir au Burkina. Mais il est reparti en 1986 parce que, dit-il, il s’était bercé d’illusions. Il dit avoir utilisé ses propres moyens pour la réalisation de certains projets concoctés avec le Président Thomas Sankara. L’industrie musicale que Sankara projetait de créer avec Ram n’a pas pu voir le jour faute de moyens.
Par Merneptah Noufou Zougmoré
Source : L’Evènement N° 219 du 10 octobre 2011