Nous publions ci-dessous un commentaire du directeur de l’Evènement, Germain Bitiou Nama, après la publication de l’intervention que devait prononcer Thomas Sankara le soir du 15 octobre 1987, le jour où il a été assassiné. Vous trouverez l’intégrale de ce document à l’adresse http://thomassankara.net/?p=1163 .

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La révolution est morte faute de révolutionnaires

Germain Bitiou Nama

Aussi longue que soit la nuit, le jour finit par se lever. Dans ce Burkina où l’on cultive à l’excès le culte du secret, toute entreprise de restauration de la vérité historique est forcément mal vue. Le chef de la révolution burkinabè a disparu brutalement voilà 24 ans. Tout a été dit ou presque sur cette séquence de notre histoire. Mais les circonstances de cette disparition avaient contribué à faire la part belle à la rumeur. Il y avait quelques temps que de l’extérieur, on savait la révolution plombée. Difficile cependant d’en saisir les contours précis. Le discours inédit de Sankara (qu’il devrait prononcé à la réunion de 20h le 15 octobre) renseigne un peu plus sur le climat délétère entre camarades.

«Jamais un point d’antagonisme ne nous a opposé. Qu’il y ait eu
divergence sur des points donnés, cela est courant… Même la liberté, la
confiance des débats entre nous qui exclue toute inutile retenue et faux tabous n’ont pas relevé un quelconque antagonisme qui justifierait ou expliquerait une si subite et hypothétique mais persistante rumeur d’opposition
.» C’est ce qu’écrit le président Thomas Sankara dans cette lettre destinée aux principaux chefs de la révolution.

Il faut donc croire qu’il s’agit d’une crise où les objectifs réels restent masqués. Mais Sankara qui n’est pas dupe choisit la seule stratégie qui vaille : entreprendre l’autopsie de la révolution pour en déceler les fondements objectifs des difficultés afin d’en proposer les remèdes. Il en conclut que la révolution est piégée par des voyous qu’il prend soin de caractériser. Ils ont «la surenchère verbale de gauche» et «la tranquille assurance que le CNR les prémunit contre toute attaque et que le parlementarisme de ce même CNR leur a ouvert des droits de minorité de blocages.» La révolution est à la croisée des chemins. Les fractions politiques au sein du CNR s’agitent.

Mais plutôt que de marquer leurs différents territoires à travers des débats idéologiques bien circonscrits, ils vont exceller dans les stratégies de la rumeur. Mais Sankara qui continuait de penser que quelque chose pouvait être fait formule des propositions à ses camarades. Et parmi elles, une retient particulièrement l’attention :
«Eliminons de nos rangs les fauteurs de troubles. Toutes les luttes sociales ont connu des aventuriers frauduleusement introduits.» On connait déjà leur portrait robot esquissé par Sankara lui-même. Si le discours était inédit, les intentions du chef de la révolution l’étaient moins.

A-t-on voulu le prendre de court ? C’est probable. Sankara était manifestement en avance sur le temps de la révolution. Il n’admettait cependant pas de pause face à des troupes désemparées et sans doute aussi démobilisées. Le héros devenu solitaire était désormais une proie facile face à ses adversaires.

Germain Bitiou Nama

Source : l’Evènement N°219 du 10 octobre 2011 http://www.evenement-bf.net/

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