par Cédric Bernelas
Avant l’arrivée de Thomas Sankara, le Burkina Faso souffrait d’une dépendance envers les pays et capitaux étrangers.
Le pays africain importait beaucoup pour satisfaire une consommation bigarrée. Malgré quelques potentiels, ses terres et ses industries ne produisaient rien de performant pour améliorer son sort déjà catastrophique. De par cette aliénation, orchestrée par nos institutions financières internationales et leurs experts bienveillants, la dette augmentait au point d’asservir le Burkina, alors Haute-Volta, aux premiers rangs des nations les plus pauvres de la planète.
Tout s’ébauche en octobre 1984, lorsque Sankara lance le PPD, programme populaire de développement, instauré pour augmenter l’infrastructure du pays (barrages, dispensaires, écoles, routes, cinémas…). Mais comment financer ce projet national sans recourir aux capitaux internationaux ? Ces capitaux qui corrompent et endettent toujours les mêmes : ceux qui sont dans le besoin. En outre comment déclencher cette révolution économique par simple initiative politique ?
Je pourrais articuler mon propos autour de la réforme agraire élaborée sur les cultures de rente du coton, de l’arachide, du sésame et du karité ; ou sur la mise en place de coopératives aux moyens de productions communs. Je pourrais aussi parler de sédentarisation de l’élevage favorisant les parcs de vaccination et le développement des cultures fourragères. Et comment ne pas souligner les efforts d’indépendance énergétique ou de production locale en filiation directe avec les cultures de rentes, comme le beurre de karité pour les cosmétiques et le coton pour les pagnes…
Mais ces mesures ne seraient rien sans un travail en amont sur les mentalités additionné à une intervention musclée et décentralisée de l’Etat.
D’abord redonner de la fierté aux paysans asservis jusqu’alors, soit à « l’aide » extérieur du néocolon formateur, soit aux sagesses féodales traditionnelles; pour développer un esprit coopératif intergénérationnel et ainsi favoriser une meilleure production dans les communautés.
En finir aussi avec le paternalisme colonisateur et démontrer que la mauvaise gestion des entreprises n’est pas une fatalité en Afrique. Faire prendre conscience au peuple le niveau inadmissible de pauvreté du pays pour qu’il sacrifie à son confort et améliore le sort de sa patrie. Avec l’instauration en particulier de l’EPI, effort populaire d’investissement qui établit des salaires draconiens pour tous les fonctionnaires, permettant ainsi une augmentation des recettes de l’Etat. Ce dernier n’avait désormais plus besoin d’emprunter et donc s’endetter –ou s’assujettir- auprès des bailleurs de fonds étrangers.
Enfin l’Etat put optimiser ses investissements pour pallier aux manques ou surplus des productions diverses. Il devint le maître d’œuvre de la promotion industrielle de par sa participation majoritaire dans les sociétés privées considérées comme vitale pour l’économie nationale. Les entreprises para-étatiques, dites mixtes, avouèrent ainsi une certaine rentabilité.
A noter, par ailleurs, que le nord du Burkina recèle d’or et qu’à défaut d’être un grand exportateur de coton, ce pays aurait pu jouir du commerce du précieux métal. Malgré tout ses efforts l’Etat ne put jamais vraiment contrôler l’exploitation. Privilège et bénéfice jusqu’à ce jour de sociétés étrangères (françaises et coréennes)…
Rappelons maintenant aussi, que malheureusement l’assassinat de Sankara fut un coût d’arrêt à cette révolution économique. Le réel pouvoir politique s’insuffle via des êtres d’exceptions. Des êtres trop rares pour continuer à les oublier ou les diaboliser.
Cédric Bernelas
Source : publié le 21 mars à l’adresse http://diktacratie.com/la-revolution-sankara-un-pouvoir-sur-leconomie/