La profanation est intervenue le 27 juillet 2011. L’épitaphe tombale a été démolie. La dalle centrale de la tombe a essuyé des coups de pioche. Un liquide faisant penser à du sang a été versé sur la tombe.
C’est la consternation… Le premier ministre a même fait une déclaration réprouvant cet agissement et promettant une enquête. Mais plus personne ne croit dans ce pays à une justice. Le vaste mouvement de révolte, commencé en février, qui a enflammé le Burkina durant trois mois, plaçait au centre de ses revendications une véritable justice

La tombe profanée (photo Gabriel Kambou)

Mais pourquoi une telle rage sur une tombe? Un dérangé? On ne peut l’exclure mais on ne peut écarter le possibilité d’un acte de malveillance d’origine politique. Ainsi Fidel Toé, ancien minsitre de Sankara, et membre de la direction de l’UNIR/PS, parti se réclamant de Sankara nous à déclaré : ” Je pense personnellement que ce sont quelques nervis du pouvoir qui pensent qu’il faut des sacrifices justement là-bas pour obtenir le maintien de leur régime et de leurs faveurs diverses. On nous dit qu’il y aura une enquête, ce en quoi je ne crois point. On monte sur ses ergots pour dire que seront svèrement punis ceux qui ont posé ces actes!!! Mais on ne dit mots de la recherche de la vérité ni des assassins qui sont responsables des morts qui dorment dans ces tombes. Je pense que l’opinion publique s’est assez émue pour amener le pouvoir à aller dans le même sens que lui: la condamnation de cette profanation“.

La tombe profanée (photo Gabriel Kambou)

Tous les 15 octobre une cérémonie de commémoration est organisée au cimetière. L’année 2007, une marée humaine se pressait à cet endroit difficile à contenir. Mais plus régulièrement elle est un peu devenue un lieu de pèlerinage permanent de ceux toujours plus nombreux qui reconnaissent la portée de l’action et de la pensée de Thomas Sankara, y compris les touristes de plus en plus nombreux à faire du cimetirèe de Dagnoen un lieu de passage obligé. Cette tombe est ainsi devenue un enjeu politique.

La foule autour de la tombe le 15 octobre 2007 (photo Bruno Jaffré)

Mais ce n’est pas tout. Les avocats de la famille en ont fait aussi un enjeu judiciaire. A force de blocage de la justice burkinabè, ils s’étaient adressés au comité des droits de l’homme de l’ONU. Les premières déclarations de ce comité en 2006, avant le retournement de 2008, avait demandé entre autres que l’on vérifie si cet endroit était bien celui où était enterré Sankara. Il existe certes un témoignage d’une personne ayant enterré Sankara et ses camarades à cet endroit (voir à l’adresse http://thomassankara.net/?p=470). Mais on entend dire ça et là que le pouvoir aurait pu transférer le corps ailleurs.

Un doute semble se faire jour du côté des avocats de la famille. D’où une procédure lancée il y a un peu plus d’un an pour demander la reconnaissance de l’ADN pour la comparer avec celle des enfants. Elle est de nouveau bloquée au Burkina. Une telle lenteur ne peut qu’aller dans le sens du doute. C’est aussi une nouvelle initiative supplémentaire dans le feuilleton judiciaire pour que l’affaire ne tombe pas dans l’oubli.

Mais par ailleurs, on ne peut manquer de rapprocher la date de cette profanation avec celle du dépôt de la demande d’enquête parlementaire en France déposée début juillet en France. Une initiative guère relayée par les médias français alors qu’il s’agit d’une nouvelle initiative importante puisqu’elle porte le débat au sein des institutions démocratiques françaises. Au Burkina, par contre elle a été largement évoquée dans la presse mi-juillet. On peut imaginer la rage de ceux qui ont tenté sans succès de faire oublier Thomas Sankara. Car voilà près de 24 ans qu’il a été assassiné, et son rayonnement ne cesse de grandir. Mais la vérité est là. Sankara est le grand leader révolutionnaire africain de la fin du 20eme siècle. La référence de la jeunesse. On reconnait aujourd’hui la qualité de son action bien au-delà des cercles révolutionnaires. Un grave échec pour ceux qui se sont acharnés à le salir.

Bien sur, on pourra nous rétorquer : “mais Blaise Compaoré est au pouvoir, Sankara a été assassiné, la révolution est morte“. Certes mais quel piteux spectacle vient de nous donner le pouvoir en place après 24 années de pouvoir. Blaise Compaoré, qui avec le soutien des réseaux français, avait cru s’être refait une virginité, au point de devenir “un homme de paix”, voit tous ces efforts annihilés. L’accord dont il avait été à l’initiative en Côte d’Ivoire a produit une guerre civile, tandis qu’il a perdu sa crédibilité auprès des bailleurs de fond, après le satisfaction de nombreuses revendications financières, suite au mouvement social des ces derniers mois.Un pays qui qui vient de s’enflammer, une jeunesse presque unanimement mobilisée contre l’injustice, une armée ridiculisée dont certains éléments se sont comportés comme des voyous, des pontes du CDP, le parti au pouvoir, qui ont du fuir leurs villages, leur maison devenant une cible privilégiée des manifestants.

Oui ils sont perdus. La peur les gagne comme elle gagne Blaise Compaoré, paniqué à l’idée de devoir quitter le pouvoir tant son passé est lourd, paniqué à l’idée de devoir rendre des comptes. En plus plusieurs dirigeants français ont déjà laissé entendre qu’il fallait qu’il parte en 2015. A tel point que ses courtisans proposent son amnistie dès maintenant alors qu’en principe il doit rester au pouvoir jusqu’en 2015 .. si tant est qu’il tienne jusque là.

Sankara est entré dans le panthéon des grands hommes de l’histoire de ce monde, Blaise Compaoré en sortira par une toute petit porte. On comprend que certains enragent….

Bruno Jaffré

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une vidéo le lendemain de la profanation





Filmé par Gabriel Kambou

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La déclaration de Mariam Sankara

C’est avec une émotion et une consternation profondes que nous, membres de la famille du président Thomas Sankara, avons appris l’horrible nouvelle de la profanation de sa sépulture dans le cimetière de Dagnoën, à Ouagadougou. Face à un tel acte d’une horreur inqualifiable, nous ne pouvons qu’exprimer notre colère et notre indignation, mais aussi notre condamnation avec la plus grande fermeté.

Attaquer ce sépulcre, supposé être celui du président Thomas Sankara, est indiscutablement une insulte à sa mémoire et à celle de tous ceux qui sont tombés à ses côtés. Tout laisse à penser que les lâches auteurs de cet acte barbare ont voulu, à travers cette profanation, souiller ce grand homme qui, même mort, continue manifestement à gêner les auteurs et les commanditaires de son assassinat.

Au-delà de son ignominie, contraire aux valeurs séculaires de la société burkinabè, cet acte est symptomatique du refus de justice qui continue d’entourer son assassinat mais, de façon plus générale, de l’impunité qui constitue le lit du régime Blaise Compaoré.

Il nous apparaît également évident que cette profanation qui, semble-t-il, s’est accompagnée du déversement d’un liquide étrange sur la tombe, vise indiscutablement à contrecarrer l’action que nous avons engagée devant les juridictions du Burkina Faso pour que soit démontré et certifié que le corps du président Thomas Sankara repose effectivement dans une des treize tombes hâtivement creusées dans la nuit du 15 octobre 1987.

Cette action initiée depuis plusieurs années vise, pour nous, à lui assurer son droit effectif et inaliénable à une sépulture digne et à permettre à toute la famille Sankara, à mes enfants et moi-même de commencer enfin le travail du deuil que ceux qui l’ont lâchement assassiné nous ont empêché de faire jusqu’à ce jour.

Cette ignoble et inacceptable profanation vient confirmer un fait déjà patent à l’époque : le projet machiavélique de mausolée et de réhabilitation lancé à cor et à cri en son temps par le régime de Blaise Compaoré n’était que de la poudre aux yeux pour essayer d’endormir la vigilance de ceux qui, partout dans le monde, se battent pour que la lumière soit faite sur cet assassinat et qu’éclate la vérité.

Nous exigeons donc que tous les moyens soient mis en œuvre par l’Etat burkinabè pour appréhender et sanctionner les auteurs de cet acte barbare afin que ce type d’agissement ne demeure pas impuni ; même si nous sommes sans illusion quant aux suites qui seront réservées à nos requêtes, compte tenu de l’impunité qui règne en maître au Burkina Faso.

L’affaire de l’assassinat du président Thomas Sankara, celle du journaliste Norbert Zongo ou, plus récemment, la mort du jeune Justin Zongo et bien d’autres sombres histoires démontrent suffisamment cette impunité.

Appelons tous les Burkinabè à se mobiliser contre l’impunité, face à laquelle nul n’est à l’abri.

Montpellier, le 29 juillet 2011

Pour la famille,

Mariam Sankara

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La déclaration des organisations panafricaines d’Allemagne

A propos de la profanation de la tombe présumée de l’illustre
président panafricain Thomas Sankara, survenue le jeudi 28 Juillet 2011

Les organisations poursuivant la lutte panafricaine en Allemagne ont
appris avec consternation et indignation que la sépulture du regretté Thomas Sankara aurait été profanée par un acte de vandalisme le jeudi 28 juillet 2011.

Cela signifie que 24 ans après le terrible jeudi noir du 15 octobre
1987, date de son assassinat, il n’est toujours pas donné au frère
Thomas Sankara de reposer en paix.

Outre l’acte de vandalisme en soit, on aurait versé sur les lieux un
liquide de nature douteuse.

Cet acte très barbare va non seulement à l´encontre de notre vision
du monde et de la société panafricaine, selon laquelle chaque défunte ou défunt a droit au respect le plus strict. Lorsque celui là même qui, en illustre combattant, a donné de sa vie pour une Afrique libre et prospère est en bute à une telle violence posthume, cela ne peut que confirmer l´agonie morale qui tend à s’installer dans nos pays.

Au vu de ces faits, les organisations panafricaines d’Allemagne
unissent leur voix pour condamner avec vigueur ce crime intolérable.
Rappelant les assurances données par le gouvernement Burkinabé quant à la sécurité de la sépulture de son ex président, les
organisations panafricaines en Allemagne entendent rappeler la
nécessité de l’ouverture d’une enquête sérieuse dans les plus
brefs délais afin d’éclaircir l’opinion publique sur les circonstances dans lesquelles ont a pu se produire cet acte ignoble et les responsabilités, et de s’assurer que les auteurs de l’acte en
lui-même ainsi leurs commanditaires silencieux seront appréhendés,
traduits en justice et dûment condamnés.

Des actes de ce genre ajoutent aux malheurs de notre très chère
Afrique qui n´en fini pas de souffrir.

Nos organisations tiennent à réitérer leur soutien à la famille de
Thomas Sankara et aux initiatives qui luttent pour que justice soit
rendue a ce digne fils de l´Afrique. Cette peine incommensurable, elles la partagent avec elles.

Fait en Allemagne, le 2 Août 2011

AK. Panafrikanismus München e.V. Augsburger Str.13, 80337 München, Deutschland

PAN-AFRICAN WOMEN’S EMPOWERMENT AND LIBERATION ORGANIZATION (PAWLO-Germany) e.V.
Postfach 60 10 54, 14410 Potsdam, Germany

Senegalesische Vereinigung im Lande Hessen e.V. Im Weimel 12, 60439 Frankfurt

AFRICAN UNION CONVENTION E.V Postfach 2906, 37081 Göttingen, Germany.

PHOENIX E.V. – FÜR EINE KULTUR DER VERSTÄNDIGUNG Büsackertr. 11; 47179 Duisburg, Germany

Arbeitskreis Panafrikanismus Bonn Postfach 121001, 53112 Bonn, Germany

IDEE EUROPE ALLEMAGNE, Postfach 12 01 80, 53043 Bonn, Germany

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Le déclaration de la Fondation Thomas Sankara pour l’Humanité

“Le coeur du méchant ne s’est toujours pas attendri”

Le jeudi 28 juillet 2011, la population de Ouagadougou et celle d’ailleurs apprenaient par voie de presse la profanation de la tombe de feu le président Thomas Sankara, intervenue courant mercredi 27 juillet : l’épitaphe tombale a été démolie. La dalle centrale de la tombe a essuyé des coups de pioche. Du sang a été versé sur la tombe, faisant penser à du sacrifice sur la tombe.

Assassiné depuis le 15 octobre 1987, le président du Conseil national de la révolution (CNR), président du Faso, se repose au cimetière de Dagnoën, il y a maintenant vingt quatre (24) ans. Depuis lors, des mystères entourent les treize tombes des treize camarades assassinés et enterrés à la sauvette en cette nuit du 15 octobre 1987. Les enterrements ont été donc faits sans la présence d’aucun membre des familles.

Au moment où le dossier Thomas Sankara refait surface avec l’introduction d’une requête de douze députés burkinabè auprès de l’Assemblée nationale française, pour déterminer le rôle éventuel de la France dans l’assassinat du président Thomas Sankara, la destruction de ce qui est supposé être la tombe du président Sankara vient encore comme une machette sur la tête des peuples africains qui n’ont eu droit ni à une sépulture digne à la hauteur de la personnalité du président du CNR, ni à des obsèques nationales ou à des funérailles selon la culture africaine. Pis, des membres de la famille Sankara ont été contraints à l’exil depuis lors. Les gifles ont donc été encore redoublées car le cœur du méchant ne s’est toujours pas attendri.

Faut-il voir dans cet acte une relation de cause à effet ? En tout état de cause, la Fondation Thomas Sankara pour l’humanité prend l’opinion nationale et internationale à témoins sur l’acharnement dont continue d’être victime feu le président Thomas Sankara. Elle prend également acte des déclarations du gouvernement sur les antennes de Radio France internationale (RFI), condamnant cet acte et l’exhorte à tout mettre en œuvre pour situer les responsabilités telles que le préconise déjà le gouvernement à travers les déclarations de son porte-parole sur les antennes de RFI. En tous les cas, un dicton burkinabè dit ceci : ‘’Si vous faites bagarre avec un fou et que vous le terrassez, c’est que vous êtes physiquement plus fort que lui. Mais, si vous le terrassez et vous le trainez à terre par les pieds, cela signifie tout simplement que ce fou n’a pas de famille, ni de parents proches dans les environs’’.

Le président Jonas HIEN

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