27 octobre 1987 Le BIA sous les feux du Front populaire

La fosse commune de Latou à Koudougou marque d’une tache indélébile les événements du 27 octobre 1987. Le Front Populaire a fait pleuvoir du plomb sur les éléments du Bataillon d’intervention aéroporté (BIA) au motif que leur chef était entré en dissidence contre le nouveau pouvoir putschiste. Avec une exceptionnelle brutalité, Koudougou fut soumise à une atrocité immonde.

Après le 15 octobre 1987, le pouvoir du Front Populaire envoie deux émissaires chez Boukary Kaboré dit le lion pour obtenir son ralliement au nouveau pouvoir. L’un d’entre eux, Alain Zoubga, ancien secrétaire général du ministère de la Santé et ministre du même département dans le nouveau régime, est un cousin du commandant du Bataillon d’intervention aéroporté (BIA). Ils sont tous originaire du village de Poa, petite localité située à quelques encablures de Koudougou. L’autre, Emile Gouba, fut pendant un moment Haut-commissaire du Boulkiémdé. Pour la circonstance, explique Boukary Kaboré le lion, ils ameutèrent les membres influents de sa famille?: l’imam du village, son oncle paternel et le chef du village. Mais le lion affirme ne s’être pas laissé influencer par cela. A ses parents, il fit savoir qu’on veut les entraîner dans un domaine qu’ils ne maîtrisent pas. Eux savent seulement cultiver mais de la politique et des questions militaires, ils n’ont aucune connaissance. L’imam acquiesça et reconnu qu’en effet, ils n’ont pas de compétence en la matière. Le commandant du BIA et de la 3ème région militaire demanda alors aux émissaires de convier Blaise Compaoré, Lingani ou Henri Zongo à Koudougou pour des pourparlers. Le lion avoue qu’il était convaincu que les deux premiers n’allaient pas venir, par ce qu’il les connaît suffisamment poltrons. Mais concernant Henri Zongo, il n’avait pas de doute.

La rencontre avec Henri Zongo a effectivement eu lieu à Poa dans son village.
En plus du capitaine Henri Zongo, il y avait Laurent Sédogo, ancien directeur du service national populaire (SNP) et aujourd’hui ministre de l’Agriculture, Alain Zoubga et Emile Gouba. Boukary Kaboré soutient qu’à cette rencontre, Henri Zongo expliqua que le 15 octobre, il était à Manga où il a passé la nuit dans l’ignorance totale des événements. C’est arrivé à Pô le lendemain qu’il fut informé de ce qui s’était passé la veille. C’est dès cet instant que le Lion comprit que tôt ou tard, Lingani et Zongo allaient passer à la trappe.

Ensuite, entre en lice Hermann Yaméogo (le président actuel de l’UNDD), l’autre parent du Lion. Ce dernier tente d’user de tact pour convaincre le Lion pour qu’il vienne à Ouagadougou parce que, dit-il, les Ouagalais ont peur que le BIA ne descende dans la capitale avec ses commandos. Il insiste pour qu’il vienne tenir un meeting afin de mettre la population en confiance. Cette proposition rencontre un niet catégorique de la part de Boukary Kaboré. Pendant que les émissaires faisaient des va et vient, Ouagadougou affûtait les armes et ne tarda pas à passer à l’assaut. Le Lion assure avoir refusé de se rebeller parce que le Président Thomas Sankara n’était plus de ce monde, et d’autre part parce que le capitaine Zongo l’avait convaincu de ce que Thomas Sankara, même vivant, n’aurait pas approuvé le projet de rébellion. Boukary le lion reçut dans ces moments tourmentés, 7 journalistes parmi lesquels il y avait une occidentale. Celle-ci lui avait demandé ce qu’il allait faire si les hommes de Blaise venaient à passer à l’attaque. “Alors là, je me battrai jusqu’à la dernière cartouche”, lui avait répondu le patron du BIA.

L’interprétation malheureuse de ce propos a permis, selon lui, à la force acquise à Blaise Compaoré de passer à l’attaque. Le 27 octobre dans la matinée, Koudougou est encerclée et soumise à des tirs intenses, sans véritable riposte. Certains militaires profitèrent d’un moment d’accalmie pour se rendre à la gendarmerie à la recherche d’un abri. Boukary Kaboré affirme qu’il n’ y a eu aucune opposition de la part de ses éléments. Son seul regret, c’est d’avoir laissé des hommes sans foi ni loi tuer de valeureux soldats en leur intimant l’ordre de ne pas verser de sang. Le lieutenant Daniel Kéré, le lieutenant Elisée Sanogo, le sous-lieutenant Bertoa Ki, le sous- lieutenant Jonas Sanon, l’élève officier Abdouramane Sakandé, l’élève officier Timothée Oubda ont été passés par les armes après que Gaspard Nidar Somé, Alain Bonkian, Laurent Sédogo et compagnies aient pris le contrôle de Koudougou. Pendant l’attaque, dans la matinée du 27, un civil est fauché par une balle perdue et décède de ses blessures. Une vieille dame est victime d’un arrêt cardiaque après qu’un obus soit tombé à proximité de sa maison. Après Koudougou, la purge s’est déportée à Bobo. Sept éléments accusés d’avoir attenté à la vie du capitaine Lamoussa Sayogo et sa femme ont été passés par les armes. Le Lion est persuadé que le Front Populaire a fait d’une pierre deux coups. On voulait se débarrasser de ses éléments. L’affaire Sayogo n’était qu’un stratagème pour parvenir à cette fin. Gendarme de formation, Sayogo était ressortissant de Bingo dans la province du Boulkiemdé.

Le nouveau pouvoir ne lui faisait pas confiance. Une des sœurs de Sayogo habitait chez le Lion à Koudougou. “On l’a fait assassiner pour jeter l’opprobre sur mes hommes”, affirme l’ex-patron du BIA.

Merneptah Noufou Zougmoré

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Témoignage d’un barbouze sur les évènements de Koudougou

Par Germain B. Nama

Dans L’Evénement n°9 du février 2002, dans une interview intitulée :?”La confession d’un barbouze”, le sergent Sibiri Gabriel Yaméogo aujourd’hui décédé revenait sur les péripéties qui ont émaillé la période d’octobre 1987. Nous proposons des extraits de son témoignage sur les événements du 27 octobre de la même année à Koudougou.

L’Evénement : Comment ça s’est passé exactement pour qu’on vous mette en route pour Koudougou ?

Il y a eu réunion au camp Guillaume Ouédraogo à l’issue de laquelle il a été décidé d’attaquer Koudougou le 27 octobre à 6 heures. Quand j’ai quitté la réunion, je suis parti à Kamboinsin, il y avait Charles le trésorier?; c’est à lui qu’on avait confié le camp. Le maximum d’éléments étaient stationnés à Laye. Charles m’a transmis le message de Gaspard dans lequel il était indiqué que je devais les rejoindre à Laye pour récupérer la DCA et les retrouver. C’est Wambi Kaboré qui m’a déposé avec une BMW à Laye. Je suis arrivé à l’entrée de Koudougou avant 4 heures du matin. Le colonel Gilbert Diendéré (NDLR, il n’était pas colonel à l’époque) envoya un message nous intimant l’ordre d’attaquer Koudougou à 6 heures du matin et de considérer tout ce qui bouge comme ennemi. C’est là encore qu’une discussion s’est engagée. J’ai dit à Maïga que l’ordre de Diendéré ne tenait pas. La population n’était pas notre cible?; c’était le camp et les militaires du BIA. Tout de suite, nous avons trouvé une solution. Quand il s’agissait d’un civil, on devait tirer en l’air, quand c’était un militaire, on ne devait pas hésiter.

A quelle heure êtes-vous arrivés à Koudougou ?

Nous sommes arrivés à Koudougou à 6 heures. Un travail préalable avait été fait. Quand certains militaires ont appris notre présence, ils se sont déshabillés, d’autres ont abandonné leurs casques et armes dans les constructions voisines et se sont habillés en civil pour fuir. Les officiers étaient en réunion avec le Lion. Quelqu’un de ces officiers était posté pour la surveillance et dès qu’ils nous ont vu, ils ont tiré et nous avons riposté. La jeep de Ki Bertoa s’est renversée. Il a pu s’enfuir?; le chauffeur et les autres se sont évanouis.

Comment était le dispositif de Koudougou ?

Diverses unités devaient attaquer, il y avait par exemple Dédougou, il y avait le groupe de Bonkian et le nôtre. Mais Dédougou n’a pas répondu au rendez-vous. C’est notre groupe et celui de Bonkian qui sont rentrés à Koudougou. Nous sommes rentrés par la voie principale.

Comment s’est passé l’exécution de Ki Bertoa

Il a été exécuté comme les autres. Kéré a été tué avant Ki Bertoa après l’exécution de la première vague. Il devrait être au nombre de 13 personnes. Le reste, c’était au compte goutte.

Comment Kéré a été tué ?

On l’a éliminé comme tous les autres.

On dit qu’on lui a mis un pneu autour du cou ?

Toutes les exécutions se sont passées devant moi?; il n’en a pas été ainsi.

Comment se sont-ils comportés quand ils ont su qu’on allait les tuer ?
Ils étaient froids. Nous aussi parce que c’était nos amis. Jean Ouédraogo par exemple buvait du dolo avec moi et Elisée était mon chef de corps.

Vous êtes revenus de Koudougou après avoir exécuté ce petit monde, le travail était-il fini ?

Nous sommes restés jusqu’en décembre à Koudougou et après on a rejoint Ouagadougou. Le Lion, nous l’avons cherché dans les églises à Goundi. Nous avons été jusqu’à Réo. C’est de Ouagadougou que l’ordre venait. Nous sommes rentrés autour du 31 décembre 1987.

Comment s’est passé l’arrestation des officiers ?

Quand nous sommes rentrés au palais (NDLR?: c’est le palais inachevé du président Maurice Yaméogo transformé en camp militaire sous la révolution), on a dit qu’ils ont pris la direction de Sabou. J’ai pris la voie puisque je suis un enfant de Koudougou et connaissant la voie, les autres me suivaient. Gaspard et Bonkian sont arrivés à Sabou, ont trouvé une jeep allemande et des habits. Un survêtement appartenant au Lion et même des armes que nous avons ramassées. On a retrouvé un sous-officier, c’est d’ailleurs eux qui nous ont appris que le Lion était dans les parages, mais qu’il les a abandonnés. On les a ramenés au palais. Kéré et les autres, on les a tués le premier jour. Kéré a été arrêté sur la route de Palogo, ils étaient deux.

Qui vous a dit qu’ils étaient là-bas ?

On avait un service de renseignement et on travaillait avec la gendarmerie. Il y avait un certain nombre d’officiers. Kéré, Elisée et bien d’autres sous-officiers, ils avoisinaient le nombre de 7 personnes.
Quand nous les avons arrêtés, Maïga est venu me dire qu’ils étaient en communication avec Ouagadougou et que les autorités les ont ordonné de les tuer. On voulait les amener à Dapoya, un quartier de Koudougou, mais comme je suis natif du coin, je n’ai pas voulu qu’ils exécutent leur sale besogne dans mon quartier. Etant le guide, j’ai pris la route de sainte Monique parce que je savais que dans les environs, il y avait un espace vide où les gens n’habitaient pas.

Qui sont ceux que vous avez conduits ?

Je conduisais la DCA et on avait mis ceux qu’on a arrêtés dans une bâchée de l’Etat de couleur jaune. Arrivés là où on devait les exécuter, ils ont garé au bord de la voie. Il y avait dans la bâchée Sanogo Elisée et un certain nombre de militaires. Sanogo ayant reçu une formation poussée, il a pu se détacher pour s’emparer d’une arme adossée à la bâchée. Maïga s’est accroupi et lui envoya une rafale n

Extrait d’une interview réalisée par Newton Ahmed Barry et Germain Bitiou Nama en 2002.

Source : l’Evènement N° 198 du 25 octobre 2010 http://www.evenement-bf.net/pages/dossier_2_198.htm

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