Publié dans le numéro 11 du 10 octobre 2013 du Courrier confidentiel http://www.courrierconfidentiel.net/
«Blaise Compaoré a prétendu qu’il était malade lors qu’il préparait un coup d’Etat. Non, il n’était pas malade». C’est Ernest Nongma Ouédraogo, ministre de la Sécurité sous la Révolution, qui le dit. Et il ne s’arrête pas là : «J’ai été choqué, très choqué lorsqu’après le coup d’Etat, le Front populaire, dirigé par Blaise Compaoré, a qualifié Sankara d’autocrate et de ‘traitre’». Dans cette interview, le «Monsieur Sécurité» du Président pendant la période révolutionnaire, se prononce sur certaines questions… toujours brûlantes.
Propos recueillis par Hervé D’AFRICK
Courrier confidentiel: Où étiez-vous le 15 octobre 1987, à 16h 30 mn ?
Ernest Nongma Ouédraogo : J’étais dans mon bureau au cabinet du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité.
C’est de là que vous avez appris le coup d’Etat ?
Oui. C’était presqu’à l’heure du sport de masse. Nous nous préparions à aller sur le terrain. Certains y étaient déjà. Mais subitement, les coups de feu ont alerté tout le monde. Nous n’avons donc pas pu aller, ce jour-là, au sport. Partout c’était la débandade.
Vous étiez ministre de la Sécurité de Thomas Sankara. Et vous étiez sans doute bien au parfum des événements. Que s’est-il exactement passé ce jour-là ?
C’est ce jour-là que Blaise Compaoré a choisi pour faire son coup d’Etat. Il prétendait qu’il était malade alors qu’il préparait son coup.
Avez-vous des éléments précis qui vous permettent d’argumenter cela ?
Le coup d’Etat était dans la rue. Tout le monde subodorait, tout le monde sentait, tout le monde voyait venir les événements. Mais en réalité, beaucoup ne croyaient pas à un coup d’Etat. On ne pouvait pas imaginer que Blaise Compaoré ferait un coup d’Etat à Thomas Sankara.
En tant que ministre de la Sécurité, vous deviez être à la pointe de l’information. Saviez-vous, personnellement, qu’il devait avoir un coup d’Etat le 15 octobre ?
C’est le Président qui avait des éléments précis. Nous ne faisions que collecter des indices que nous lui transmettions. Mais il recevait des informations d’un peu partout, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Il y avait tout de même une étroite collaboration entre le Président et le ministre de la Sécurité. Et à ce titre, vous disposiez, sans doute, d’éléments précis…
L’opinion était déjà informée que des choses se tramaient. Nous avions pratiquement les mêmes informations que ce qui circulait dans l’opinion.
Après le coup d’Etat, avez-vous cherché à savoir ce qui s’était réellement passé ? Par exemple les identités des personnes qui ont tiré sur Sankara et les autres…
Immédiatement après le coup d’Etat, j’étais en prison. J’ai été enfermé à la gendarmerie, puis transféré au Conseil de l’entente. Je n’étais donc pas en position de faire des recherches afin de savoir la vérité.
Que vous reprochait-on au point de vous emprisonner ?
Je ne sais pas. Personne ne m’a jamais accusé de quoi que ce soit.
Rien ? Absolument rien ?
Après le coup, il y a eu des rafles et j’ai été enfermé, comme beaucoup d’autres citoyens.
Combien de temps êtes-vous resté en prison ?
J’ai été libéré le 4 août 1988.
Avec le recul, comment analysez-vous les événements du 15 octobre 1987 ?
Blaise Compaoré voulait le pouvoir. Il a trouvé une opportunité pour faire son coup
et il l’a fait.
Dans son livre «Thomas Sankara et la Révolution au Burkina Faso», Me Apollinaire Kyélem, avocat au Barreau du Burkina Faso, affirme qu’il y a eu au moins cinq tentatives d’assassinat contre Sankara avant le coup d’Etat du 15-Octobre. Confirmez-vous cela ?
Oui, il y a eu des tentatives d’assassinat avant le coup d’Etat. Mais je ne saurais vous préciser le nombre. Il y a même eu un cas où les auteurs ont été jugés et exécutés.
Concernant ce cas, que s’est-il passé exactement ?
Je n’ai pas le dossier en tête. Peut-être que les services de police et de gendarmerie pourraient vous donner les détails. Ce sont eux qui ont mené l’enquête.
En tant que ministre de la Sécurité, vous deviez être sans doute bien informé de ce qui s’est passé…
Mais je n’étais pas l’enquêteur.
Selon Me Kyélem, la première tentative d’assassinat contre Sankara était prévue pour se dérouler pendant la cérémonie du 4 août 1987 à Bobo Dioulasso. Le ministre de la Sécurité était-il informé de cette tentative ?
Il y a eu plusieurs tentatives. Mais comme je vous l’ai dit, moi je ne reçois que des indices des services de renseignements que je transmets au Président.
Que révélaient exactement ces indices ?
Qu’il y avait une tentative d’assassinat ou un coup en préparation. Mais les services de renseignements ne donnaient pas de noms, ni de véritables précisions. Cela permettait cependant de mettre les services de sécurité en alerte. Et c’est ce que nous avons fait, le ministre de la Défense et moi. C’était très délicat. Blaise Compaoré était le confident du Président, il était le chef de certaines régions militaires de Pô. Dans ce contexte, il était difficile pour les services de renseignements de dire certaines choses. Les informations que nous recevions étaient donc souvent évasives.
Voulez-vous dire que l’une des erreurs de Sankara, c’est de s’être entouré de personnes qui incarnaient, presqu’au même titre que lui, la réalité du pouvoir ?
Pas du tout. De toutes les façons, ils ont pris le pouvoir ensemble. Ils étaient organisés bien avant leur accession au pouvoir. Et quand ils sont arrivés au pouvoir, il était convenu que Sankara serait le Président, que Blaise occuperait tel poste, Lingani tel poste et Henri Zongo tel autre. On ne peut donc pas reprocher à Sankara d’avoir confié quoi que ce soit à qui que ce soit. C’est une organisation interne au Conseil national de la révolution. La résultante, c’est qu’il y a des camarades qui n’ont pas joué le jeu jusqu’au bout.
Vous parlez notamment de qui ?
De Blaise Compaoré bien sûr.
Il dit pourtant qu’il était malade, couché, lorsqu’il a entendu les coups de feu…
Ce n’est pas vrai. Il n’avait absolument rien.
Vous en êtes sûr ?
Oui. Je confirme qu’il n’était pas malade. Il a pris du temps pour préparer son coup.
Et il a prétexté qu’il était malade alors que ce n’était pas vrai. Comment Sankara, que l’on dit très réfléchi, a bien pu se faire avoir jusqu’à ce point ?
Il avait une confiance absolue à Blaise Compaoré, au point qu’il ne pouvait pas se méfier de lui. Même quand on lui fournissait certaines informations, il faisait semblant de ne pas croire. Mais il savait. Il avait toutes sortes de sources de renseignements.
L’une des erreurs de Sankara en matière de gestion du pouvoir est donc d’avoir eu totalement confiance à ses collaborateurs immédiats ?
Tout à fait.
S’il fallait reprendre la Révolution, si Sankara était dans son rôle de chef d’Etat, que lui auriez-vous conseillé ?
Je lui aurais dit d’être prudent. Ce n’est pas normal d’être aussi confiant sans limite. On te choisit pour diriger mais il faut être prudent et contrôler de temps en temps ce qui se passe.
Blaise Compaoré joue-t-il bien actuellement ce rôle ?
Oui ! Blaise Compaoré est plus prudent, plus suspicieux. C’est le mieux organisé. Il a tiré les conséquences de la situation qui prévalait avant qu’il ne soit Président.
A-t-il vraiment confiance en quelqu’un ?
Je ne crois pas.
Est-ce, selon vous, la bonne manière en matière de gestion des hommes et du pouvoir ?
Oui. Et je crois qu’il a raison. Sinon, il serait tombé depuis longtemps. S’il tient toujours, c’est qu’il est prudent et vigilant. Ce que son prédécesseur n’avait pas eu comme comportement.
Le pouvoir de Sankara a failli aussi basculer le 2 octobre 1987, à Tenkodogo, lors de la célébration du 4e anniversaire du Discours d’orientation politique. Une tentative d’assassinat était, là aussi, en préparation. En avez-vous eu connaissance ?
Bien sûr. Les services de renseignements nous avaient rapporté cette information.
Malgré toutes ces informations, vous n’avez pas pu prévoir le 15 Octobre et déjouer le coup d’Etat ?
Même si nous l’avions prévu, nous ne savions pas avec précision le jour, la date, l’heure, etc. Et même si nous le savions, pouvions-nous empêcher ou convaincre Thomas Sankara d’aller au Conseil de l’entente ? Ce n’est pas possible. C’est au Conseil que le coup d’Etat s’est produit.
C’était assez surprenant. Sankara n’était pas seul; il aurait pu faire de la résistance.
Mais tout s’est passé comme s’il s’était retrouvé tout seul ce jour-là…
Vous savez, à un moment ou à un autre, le chef se retrouve tout seul. Et en plus, personne n’était plus proche de Sankara que Blaise Compaoré. Les gardes de Thomas Sankara ne pensaient pas que Blaise irait jusqu’à l’assassiner. Sankara lui-même ne pensait pas que Blaise ferait cela. Peut-être le fait que Blaise prenne le pouvoir était concevable, mais assassiner Sankara comme un chien était inimaginable.
Dans sa Proclamation, le Front populaire, dirigé par Blaise Compaoré, traite Thomas Sankara d’ «autocrate», de «traître à la Révolution d’Août». Comment avez-vous apprécié cela ?
Je n’ai jamais été aussi écoeuré. Si cela venait de quelqu’un d’une autre unité militaire, ça aurait été déjà inconcevable, mais venant de Blaise, ça l’est encore plus. C’est très choquant. Connaissant les deux hommes, ce n’était pas imaginable que Blaise parle de cette façon de Sankara. J’étais violemment choqué mais c’est aussi cela, Blaise Compaoré.
Avec le recul, comprenez-vous pourquoi Blaise Compaoré a tenu un tel discours ?
Je ne comprends pas parce que ce n’était pas utile de tenir ce discours. Je ne crois pas que c’était indispensable qu’il tienne ces propos. Blaise lui-même a compris plus tard que ce n’était pas bien, puisque quelques jours après, il a changé de discours. Il a affirmé que Sankara était un ami et qu’il s’était trompé. Cela est différent de ce qu’il avait dit dans la Proclamation.
Ainsi prenait fin la Révolution…
Tout à fait.
La famille de Sankara, notamment Mariam et les enfants, ont quitté le Burkina, direction le Gabon, puis la France. Comment cela s’est-il organisé ?
C’est sur intervention de différentes personnalités étrangères, notamment le Président du Gabon et d’autres. Ils ont demandé qu’il n’y ait pas de tracasseries à l’encontre de la veuve et des orphelins.
La France a-t-elle aussi intervenu pour cela ?
Je n’ai pas de preuves. Mais c’est fort possible.
Sankara avait pourtant traité la France de néocolonialiste…
Bien sûr. C’est le néocolonialisme français qui était mis à l’index. Je trouve cela normal.
Pensez-vous que certains présidents ou certaines forces politiques extérieures
au Burkina aient apporté un appui au coup d’Etat du 15-Octobre ?
Sincèrement sur cette question, je n’ai pas d’indices. Mais je sais que certains
pays étaient informés et en ont, à leur tour, informé Sankara.
De quel pays s’agit-il ?
J’ai entendu dire que le Congo l’a informé du coup d’Etat qui était en préparation.
On parle aussi de Libériens qui auraient apporté un appui aux auteurs du coup d’Etat. Qu’en pensez-vous ?
Il s’agit d’Anglophones.
Du Liberia ou d’autres pays ?
Pourquoi pas ? Ce qui est sûr c’est qu’ils s’exprimaient en anglais.
Etaient-ils au Burkina pendant le coup d’Etat ?
Ils étaient là pendant les jours qui ont précédé le coup d’Etat.
Vous étiez informé donc de leur présence. Officiellement, pourquoi étaient-ils au Burkina ?
Officiellement, c’étaient des étrangers en visite au Burkina. Comme on accueillait des
militaires et des civils d’autres pays, ils ont naturellement attiré l’attention de tout le
monde mais on n’a pas cherché à les identifier. On ne s’est pas trop intéressé à eux.
On a l’impression que les services de sécurité sous la Révolution étaient défaillants. Vous aviez des indices mais pas d’informations très précises. Qu’est-ce qui justifiait cela ?
Il n’y avait pas de défaillance. Nous avions un organe qui se retrouvait périodiquement pour faire le point de la situation. Il y avait la police, la gendarmerie, les services de renseignements des armées. Les Comités de défense de la révolution (CDR) nous informaient aussi de temps en temps.
Dans le livre “Sankara, Compaoré et la Révolution burkinabè” de Ludo Martens, le capitaine Gilbert Diendéré affirme que ses hommes étaient allés pour arrêter Sankara, mais que ce dernier a été le premier à tirer. Et que, c’est en ce moment-là que les hommes qu’il dirigeait ont ouvert le feu, et l’ont abattu ainsi que douze autres personnes. Qu’en pensez-vous ?
Ça c’est la version de Diendéré. Il y a d’autres versions qui sont plus plausibles. Lorsqu’il a été informé qu’il y avait des soldats dehors, il a dit à ses camarades dans la salle «Restez, c’est de moi qu’ils ont besoin ». Et au moment où il sortait de la salle, il a été abattu. Comment peut-il voir autant de militaires armés et se mettre le premier à tirer alors qu’il a dit aux autres de rester dans la salle de réunions ?
Jusqu’à présent, on ne sait pas si c’est vraiment le corps de Sankara qui se trouve dans la tombe érigée à son nom par le gouvernement au cimetière de Dagnoën, à Ouagadougou. Sa famille a demandé une expertise à la Justice, qui jusque-là, n’a pas été réalisée. Comment analysez-vous cela ?
Pourquoi refuse-t-on de faire l’expertise ?
C’est précisément cela qui crée le doute. Personnellement, je pensais que c’était le
corps de Sankara qui était dans cette tombe. Mais le fait que la famille demande l’expertise et que les autorités refusent montre qu’il y a quelque chose de suspect.
Les autorités affirment, selon certaines sources, qu’il ne faut pas déranger les morts…
Ce sont les mêmes autorités qui assassinent et se soucient de la paix des cadavres que de la paix des veuves et des orphelins. Ce sont des prétextes certainement farfelus. Je pense qu’il faut ouvrir la tombe et procéder aux vérifications.
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Source : Le Courrier Confidentiel N°44 du 10 octobre 2013 http://www.courrierconfidentiel.net/index.php/affaires-brulantes/585-le-ministre-de-la-securite-de-sankara-parle
Le ministre de la scurit de Sankara parle Le Prsident pouvait-il vraiment chapper ce coup dEtat ?
Le camarade Ministre a fait preuve d’une incomptence d’un niveau exceptionnel. Malgr toutes les ressources qu’il avait, ses informations taient du mme calibre que celui de l’opinion. C’est affligeant ! Mme degr d’incomptence que le Lion qui tait au courant de l’minence du coup d’Etat, de son auteur, etc. et qui n’a rien malgr qu’il dirigeait une unit d’lite post seulement 100 Km de la capitale. Que dire des CDR, la police politique ? silencieux…
Avec a, on peut mieux comprendre Sankara quand il dit que toute tentative de coup d’tat par Blaise sera invitablement un succs. Sankara a t trahit certes par Blaise mais aussi par toutes ces personnes qui n’ont pas bien fait leur travail.
Le ministre de la sécurité de Sankara parle… «Le Président pouvait-il vraiment échapper à ce coup d’Etat ?»
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