Ce discours est prononcé à l’occasion du premier anniversaire de la Révolution. Il a été déniché par Daouda Coulibaly, devenu membre de l’équipe du site, dans les archives du quotidien Sidwaya. Qu’il soit ici remercié.

Thomas Sankara reconnaît,  « une apparence d’hésitation, de tâtonnements, de recherche fébrile et jamais concluante de solutions concrètes, d’improvisations juxtaposées, d’incohérences et de contradictions qui ont pu inquiéter nos militant », mais il met ça sur le compte de la « fête », sans laquelle il ne saurait y avoir de révolution,  du « défoulement » et le « l’euphorie légitime ». Il ne s’agissait là que « d’aiguillons », chargé de former la peuple, au travail sans lequel point d’avancement, afin qu’il apprenne à se mobiliser et à s’organiser. En quelque sorte, une vision pédagogique et surtout dialectique de la Révolution. Il faut qu’elle avance au rythme de la prise de conscience du peuple qui elle-même progresse au fur et à mesure des réalisation de la Révolution.

Il égrène tout au long du discours un premier bilan des réalisations.

Il réaffirme des orientations déjà énoncées dans les discours précédents, priorité à l’agriculture, consommation des produits locaux et création d’une industrie de transformation, construction d’infrastructures pour améliorer les conditions de vie de la population, satisfaction des besoins élémentaires,  et la réaffirmation de l’indépendance nationale et la retour de la dignité.

Il ne dit pas mot de la crise qui a éclaté au CNR suivi par le départ du PAI, le parti qui avait le le plus de ministre. Ce parti avait émis des critiques sur la gestion de la Révolution. Il comptait en son sein de nombreux cadres du pays.

Thomas Sankara fait une allusion une courte à la grève des instituteurs de 1984 qui s’est traduite par le licenciements de 1400 d’entre eux.

Pourtant il emploie les termes « respect et considération » en évoquant les syndicats. Thomas Sankara veut sans doute encore préserver leur soutien et éviter un affrontement. La création des CDR dans les services et les entreprises durant l’année écoulée a été très mal acceptée par les syndicats. D’autant plus que Pierre Ouedragogo, le secrétaire général des CDR avait même laissé entendre qu’ils pourraient entrer en concurrence avec les CDR.

Bruno Jaffré


 

Camarades militantes et militants de la Révolution démocratique et populaire.

Il y a tout juste un an, les soldats, sous-officiers, officiers de l’armée nationale et des forces paramilitaires, soutenus par le peuple et par tous ceux qui ont dressé barricade et se sont insurgés de façon massive et généralisée contre la domination du peuple et la politique représentée par le régime issu du coup d’État réactionnaire du 17 mai 1983, se sont vus obligés d’intervenir dans la conduite des affaires de l’État pour rendre à notre pays son indépendance et sa liberté, et à notre peuple sa dignité.

Depuis, le Conseil national de la révolution, le gouvernement révolutionnaire et le peuple voltaïque se sont mis au travail.

Face à cette mobilisation continue sans précédent dans l’histoire de notre pays, le monde entier surpris s’interroge :

– Pourront-ils réussir ?

– Arriveront-ils à apporter à boire et à manger à ce peuple travailleur longtemps humilié à qui il est enfin donné l’occasion de s’éveiller à la vie et qui se met debout pour assumer avec courage et une détermination légendaire son destin depuis si longtemps confisqué par une oppression multiforme ?

Les esprits, il est vrai, avaient été conditionnés pour admettre que la bonne volonté et le courage ne suffisent pas ; les grandes questions quotidiennes de santé, d’éducation, de chômage, les grands défis économiques relèveraient de la compétence de grands spécialistes, voire d’hommes politiques prétendument plus qualifiés.

L’année révolutionnaire qui vient de s’écouler a été marquée par une apparence d’hésitation, de tâtonnements, de recherche fébrile et jamais concluante de solutions concrètes, d’improvisations juxtaposées, d’incohérences et de contradictions qui ont pu inquiéter nos militants.

Tout cela procède pourtant de la logique qui veut qu’il n’y ait pas de révolution sans fête. Il nous fallait donner le temps et la possibilité à la multitude venue à la révolution d’exprimer son légitime défoulement. Il nous fallait laisser à cette adhésion euphorique inconsciente ou sentimentale le temps de cette fête, voire de la kermesse.

Nous avons posé cependant çà et là des actes qui ont été autant de tests et autant d’aiguillons. Des tests de mobilisation et d’organisation de notre peuple à travers la construction des barrages, des cités du 4 août, des magasins Sovolcom, des travaux d’intérêt collectif de reboisement, etc.

Des aiguillons pour l’amener à comprendre que la révolution est synonyme de travail, de difficultés et de sacrifices. Dans cet ordre d’idées, certaines mesures restrictives de privilèges que nous avons eues à prendre, bien qu’incontestablement justes, n’ont pas manqué de susciter des interrogations, de l’incompréhension, et parfois une baisse d’enthousiasme chez les moins convaincus.

Il nous fallait aussi s’assurer que les masses ont bien assimilé les mots d’ordre et compris les objectifs qui leur étaient assignés. Nous avons ainsi refusé d’être investis de pouvoirs messianiques et évité les fuites en avant par un travail patient et profond d’explication et de conscientisation du peuple.

Bref, nous avons accumulé ensemble beaucoup d’expériences qui sont autant de richesses et d’acquis pour la révolution. Cette Révolution du 4 août que le peuple voltaïque appelait de tous ses vœux et qu’il apprécie depuis, parce qu’il a la certitude, la conviction profonde qu’elle est venue pour le servir et qu’elle est, depuis, son œuvre.

Les masses populaires convaincues de la juste orientation du gouvernement révolutionnaire, ne cessent de poser des actes courageux qui apprennent à ceux qui pourraient encore en douter que c’est  désormais avec elles, avec le CNR porteur de leurs espoirs qu’il faudra compter, et que c’est avec son gouvernement qu’il faudra désormais traiter.

De toute évidence, les Burkinabè ont marqué la différence avec les régimes antérieurs qui avaient suscité dans les premiers moments de leur existence des espoirs réels vite déçus, trahis par des individus serviles et sans scrupules qui étaient venus pour se servir et non se mettre au service des masses.

Ceux qui présidaient à distance à la composition des équipes gouvernementales et qui s’accrochent aux lambeaux de rêves que sont leurs hommes de paille doivent comprendre que le temps des pouvoirs par procuration est définitivement révolu au Burkina Faso.

Peuple du Burkina-Faso,

depuis le 4 août, tu as démontré chaque jour ta détermination à construire toi-même et de tes mains les fondements matériels de ton existence. Tu as construit aérodromes, bâti des ouvrages d’art, des logements, tu as refait routes et ponts, construit dispensaires et écoles ; grâce à toi, le Sourou a démarré.

Avec l’aide de tes amis, Tambao sera bientôt une réalité tout comme le sera l’exploitation à ton seul profit de l’or de Sebba, des phosphates de Kodjari et les multiples richesses de ton sous-sol découvertes ou à découvrir.

Depuis le 4 août, grâce à la mobilisation tu enregistres des victoires dans le domaine de la santé, de l’habitat, du logement, de l’éducation, des transports et des circuits de distribution. Ta culture est vivifiée et s’épanouit chaque jour davantage. Grâce à toi nous avons des finances plus saines et dignes qui refusent la prostitution et la mendicité, notamment pour assurer la paie de ses fonctionnaires.

Nous enregistrons de meilleures entrées des impôts et notre douane est attelée à sa purification.

Ensemble, nous avons su mettre fin aux hésitations du gouvernement qui osait encore, après le 17 mai 83 qui l’a vu naître, s’arroger le droit de se qualifier “Conseil de salut du peuple”.

Nous avons entamé la moralisation de notre société, procédé à la révolutionnarisation de l’appareil d’État et de la vie de tous les secteurs.

De manière résolue, tu as accepté de t’attaquer aux tâches pour le développement.

Des médias, mal informés ou à la solde des puissances d’argent solidaires de tes ennemis que nous combattons, nous ont dépeint sous des traits qui ont multiplié la confusion et la méfiance vis-à-vis du Burkina ; mais la réalité est toute autre.

Peuple laborieux du Burkina Faso,

tu as accordé respect et considération aux syndicats qui sont la première organisation de classe ouvrière, fer de lance de toute révolution vraie. Ils ont été consultés pour les décisions nationales d’importance. Les récentes mesures qui ont été prises contre les participants à la grève pro-impérialiste déclenchée par la direction réactionnaire du SNEAHV sont la preuve que le CNR ne frappe pas aveuglement mais s’impose une démarche faste de lucidité, de discernement, de vérité et de justice.

Dans le domaine extérieur, nous avons retrouvé notre dignité. Nous participons activement et de façon critique et vigilante à la vie de diverses organisations en Afrique et dans le reste du monde.

Nous luttons avec les armes que nous avons contre le colonialisme, le néo-colonialisme, le racisme et l’apartheid.

Enfin, nous avons opéré une ouverture diplomatique vers des pays que les régimes antérieurs ont marqués du sceau de l’interdit.

Peuple du Burkina, après un tel bilan dont tu peux être légitimement fier, mais qui souligne l’immensité de la tâche qu’il nous reste à accomplir, quelles perspectives se dégagent à toi au seuil de cette nouvelle année révolutionnaire ?

Tes qualités de courage et d’ardeur au travail, ton sens élevé de dignité et de l’honneur sont autant de raisons d’espérer. Pour consolider tes espérances, nous conduirons à leur terme les grands projets économiques et nous réaliserons les grands équilibres. Le Conseil révolutionnaire économique et social (CRES) dont des séminaires studieux avaient permis d’esquisser les contours, verra bientôt le jour pour être un partenaire du pouvoir qui permettra de prendre en compte le monde des opérateurs économiques.

Un programme sera mis en place pour la résorption de ce chômage, chômage dont nous avons hérité et qui se prolongerait de manière dramatique si nous n’avions décidé de l’affronter en révolutionnaires.

Nous veillerons à la consolidation du pouvoir populaire en clarifiant la ligne politique de la RDP.

Les statuts des CDR serviront à corriger les insuffisances organisationnelles. Toutefois, en étant un guide pour l’action, ils devront être amendés et réajustés par l’expérience révolutionnaire vécue par notre peuple. C’est ainsi que nous pourrons constamment les purifier.

Au niveau de l’instance politique suprême, le Conseil national de la révolution, des mesures seront prises de façon à consolider son rôle dirigeant et à le prémunir des égarements, des déviations, des idéologies érosives petite-bourgeoises.

Le peuple accapare ses armes, et les gardiens des armées vont au peuple, ce qui n’est qu’un juste retour de leur part vers leurs origines retrouvées.

C’est cette doctrine de défense populaire qui nous permet d’aligner aujourd’hui l’une des armées les plus massives et surtout l’une des plus mobilisées et des plus combatives d’Afrique, et cela sans incidence sur notre budget.

Le peuple concevra ses besoins économiques, fixera ses nouveaux objectifs à travers des économies qui se créent, produira et gérera directement ses biens.

L’exploitation des magasins Sovolcom, des cités du 4 Août sera exemplaire.

L’UREBA (Union révolutionnaire des banques) est l’outil qui viendra en appui à ces programmes populaires de développement qui s’étendront d’octobre 1984 à décembre 1985.

Cette vision de notre avenir économique implique à son tour une nouvelle stratégie de croissance économique. C’est pourquoi le CNR a choisi de faire de l’agriculture le moteur, le levier principal de notre développement économique et social.

Le choix du secteur agricole comme moteur de notre développement se justifie à plusieurs titres :

1) La stratégie de développement qui a cours jusqu’à présent au Burkina Faso n’a pas donné les résultats escomptés. Cette stratégie qui a consisté à investir en priorité dans les secteurs les plus rentables, avec l’espoir que les efforts de ces investissements se cumuleront pour provoquer le développement des autres secteurs, a plutôt contribué à l’accentuation de la désorientation de l’économie nationale et à l’aggravation des inégalités sociales entre populations urbaines et populations rurales.

De même, la concentration de la plupart des activités industrielles et commerciales dans les principaux centres urbains (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) a abouti à l’aggravation de l’inégalité entre la ville et la campagne.

2) L’économie burkinabè est une économie essentiellement agricole. En effet, non seulement la population rurale représente 90% de la population totale.

Après vingt et trois (23) années d’indépendance, le problème majeur de l’économie voltaïque demeure son incapacité intrinsèque à assurer l’autosuffisance alimentaire des populations. En d’autres termes, la production vivrière agricole actuelle ne permet même pas à chaque burkinabè de consommer 180 kg de céréales par an, norme généralement admise.

En ce qui nous concerne, notre volonté de faire de l’agriculture le moteur de notre développement n’a rien à voir avec les priorités que les différents plans ont accordées par le passé au secteur rural.

Par cette option il s’agit pour le CNR :

1°) de concentrer réellement l’essentiel des efforts d’investissement et de modernisation dans le secteur de l’agriculture et de l’élevage, principalement en faveur des productions vivrières.

Cette politique de modernisation sans laquelle aucun progrès social notable et durable n’est possible sera fondée sur :

– l’accroissement des rendements agricoles,

– l’aménagement effectif de toutes les superficies aménageables,

– et le réaménagement des structures de production agricoles.

En ce qui concerne le réaménagement des structures de production il s’agit essentiellement d’entreprendre la mise en œuvre de la réforme agraire dans le but, d’une part, d’une meilleure organisation du monde rural et, d’autre part, de favoriser l’intégration de l’agriculture et de l’élevage.

Le maintien et l’augmentation des productions agricoles seront obtenus grâce à une politique des prix rémunérateurs pour les producteurs ruraux, agriculteurs comme éleveurs.

S’agissant de l’hydraulique, une attention toute particulière lui sera accordée. La maîtrise de l’eau constitue un facteur déterminant, non seulement pour la réalisation des progrès attendus de l’agriculture, mais également pour le développement de l’activité économique de l’homme en général. Notre politique de l’eau vise en somme un double but :

– offrir d’ici 1990, 20 à 30 litres d’eau potable par jour et par homme dans les zones rurales,

– favoriser l’essor agricole par une utilisation rationnelle des disponibilités en eau.

Dans le cadre de la réalisation de ce dernier objectif on accordera la priorité à la construction de petites retenues d’eau, à la mesure des moyens financiers et du niveau technologique des populations concernées. Cette priorité que nous accordons à la réalisation de ces ouvrages de petite et moyenne dimension, n’altérera en rien l’importance des grands projets d’aménagement agricole de dimension nationale, tels que Bagne, le Sourou et la Kompienga.

La création d’agro-industries utilisatrices de matières premières agricoles locales sera l’appui indispensable à l’agriculture.

Le réaménagement des structures du marché national se fera de manière à privilégier la consommation des produits agricoles et des produits agro-industriels fabriqués dans notre pays, par nous-mêmes. Dans ce domaine tous les comportements imitatifs liés aux vestiges néocoloniaux et petit-bourgeois seront systématiquement combattus.

C’est seulement par la mise en chantier d’une telle politique économique qu’il nous sera possible de bouleverser utilement et positivement les statistiques :

– en réalisant à terme l’autosuffisance du pays en produits de consommation de base, produits vivriers notamment, et en biens de production, tels que les biens d’équipement technique et les biens intermédiaires,

– en assurant la couverture des infrastructures sociales vitales pour les masses laborieuses dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’habitat et de la culture,

– en éliminant notre dépendance économique par la restauration des grands équilibres économiques et financiers, en particulier par la diminution progressive de la dépendance commerciale et financière.

La révolution sera clarifiée et sa ligne consolidée. Le CNR sera mieux structuré. De nouveaux bureaux CDR seront mis en place.

Nous encouragerons les femmes à s’organiser dans des structures révolutionnaires. Si d’autres ont pu souligner, en d’autres temps, que la savane offre l’avantage de se voir et d’éviter le croc-en-jambe, ils ont oublié d’en souligner les inconvénients possibles qui sont de laisser les hommes évoluer, même divaguer, zigzaguer sans aucune limite, ni à gauche, ni à droite.

Maintenant, nous avons commencé à placer des limites que nous avions senties nécessaires sous le CSP1 qui avait restreint les possibilités de divagation et d’errements de la moralité. Mais c’était encore un boulevard. Maintenant, avec le CNR, ce boulevard s’est rétréci à la minceur d’une corde raide qui ôte toute possibilité de s’écarter de la juste ligne. Il est des cadres Burkinabè qui oublient très souvent que s’ils ont pu aller à l’école, bénéficier d’une bourse d’études, c’est grâce aux sacrifices consentis par le peuple auquel ils doivent tout.

Le nouveau rythme que nous allons prendre sera très exigeant pour tout travailleur, pour tout fonctionnaire, pour tout cadre dont nous attendons plus de dévouement dans la tâche qui lui est confiée, plus d’esprit d’initiative qui en feront des hommes capables d’évoluer en dehors des schémas scolaires et universitaires, des hommes riches d’un non-conformisme positif.

Le CNR est ouvert à tous, y compris à tous ceux qui l’ont combattu par ignorance. Tous ceux qui ont perdu leurs privilèges, ceux qui ont eu des parents sanctionnés aussi bien que ceux qui ont perdu le paradis de leur pouvoir personnel.

Le CNR, sans être une passoire, est ouvert à toutes les bonnes volontés, à tous les patriotes, pourvu qu’ils adoptent et appliquent de façon conséquente la ligne de la RDP.

Il faut que nos travailleurs, à travers leurs structures (CDR et syndicats) s’apprêtent à assumer effectivement leurs responsabilités sur les chantiers, dans les usines; pour que, de masses de manœuvres électoralistes, ils deviennent des acteurs conscients et des moteurs dirigeants de l’économie burkinabè, constituant le premier pas du passage de l’état de classe en soi à l’état de classe pour soi.

Les syndicats auront un rôle encore plus significatif. Nous accorderons davantage d’importance à ceux qui se situent dans la voie révolutionnaire, à tout syndicat dont la pratique est anti-impérialiste. CDR et syndicat sont complémentaires, et c’est celui qui sera le plus efficace, le plus apte à défendre sur le terrain les intérêts matériels et moraux des travailleurs qui aura leur confiance.

Peuple du Burkina Faso, la vigilance est une exigence révolutionnaire face à ceux qui n’ont pas encore compris que les masses populaires mobilisées sont une force irrésistible.

Nos ennemis, les ennemis du notre peuple, doivent comprendre qu’ils ont été battus par l’adversaire le plus fort, c’est-à-dire le peuple, le peuple sur qui ils ne pourront jamais prendre une quelconque revanche.

Nous avons fait preuve de patience, de beaucoup de patience. Mas si la violence est le seul moyen susceptible de leur faire entendre raison, le CNR se fera un devoir de la leur appliquer dans toute sa rigueur.

Fermes contre nos ennemis, nous le serons aussi envers les interprétations erronées de la RDP, les phénomènes érosifs et tous ceux qui, par leur comportement, sapent l’édifice révolutionnaire.

Ils sont de plus en plus nombreux qui adhèrent à la RDP, résolument, timidement, ou dans l’hésitation. Cela est encourageant.

Nous déplorons cependant que des Burkinabè trouvent le temps de théoriser stérilement pendant que leur peuple avance.

Toutefois certaines critiques nous sont un apport utile, surtout lorsqu’elles sont assorties d’un patriotisme sans ombre et d’une pratique sociale admirable. Nous espérons que l’esprit scientifique rigoureux nous fera nous retrouver tôt ou tard, avec ceux-là qui n’ont pas encore compris que la révolution est, à côté de toute théorisation, une transformation révolutionnaire du réel et du vécu.

Pour ce grand jour anniversaire, ma pensée va également aux anciens ; à ces anciens que des éléments non révolutionnaires, par des interprétations erronées, ont condamné de façon péremptoire, jetant sur eux l’anathème pour en faire des damnés de la révolution. J’affirme que les anciens ont eux aussi leur place dans la révolution qui a besoin de leur expérience positive et dynamique. Nous les invitons à s’organiser dans les quartiers, les secteurs, les villages, et nous les convions à ce grand défi pour l’avenir où ils peuvent encore et doivent faire beaucoup et dans leurs limites objectives.

Les Burkinabè, en tant que peuple révolutionnaire, sont attachés à la paix, à une amitié qui, au lieu de privilégier ces rapports entre dirigeants, travaillent à consolider les liens entre les peuples.

Le Burkina Faso, en tant que pouvoir des masses populaires, considère que la paix dans le monde ne peut venir que d’une amitié vraie entre les peuples.

Nous affirmons, et nous y croyons profondément, que celui qui aime son peuple ne peut qu’aimer les autres peuples. Les peuples qui s’aiment ne sauraient se combattre et se menacer mutuellement d’apocalypse.

Dans notre politique d’ouverture, nous irons à tous. Beaucoup nous ont déjà accueillis. Nous irons aussi aux autres, régimes, et dirigeants d’orientations politiques diverses, surtout de prédispositions ondoyantes vis-à-vis de notre peuple. Même à ceux qui nous attendent avec des baisers de Judas, nous devons aller à eux mais dans la vigilance avec un esprit critique, un esprit de combattant, débarrassé de tout défaitisme et dans le souci de rapprocher nos peuples. Quant à ceux qui ont choisi délibérément de soutenir les ennemis du peuple burkinabè, nous restons convaincus que leur propre peuple leur barrera la route dans leurs desseins funestes et antipopulaires, avant de leur exiger des comptes.

Le Burkina-Faso n’entend donner de leçons à personne, parce qu’il n’entend en recevoir de personne. Il sait par expérience que la révolution ne s’exporte pas. Mais il sait aussi que sa révolution est un acquis pour tous les peuples révolutionnaires du monde. C’est pourquoi il la donne en partage avec ses succès et ses échecs.

Le Burkina Faso ne soutiendra jamais une rencontre qui a pour but de discuter d’intérêts égoïstes d’homme-institutions au lieu de ceux des peuples. Il défendra sa ligne révolutionnaire avec fermeté à travers des organisations internationales à caractère politique, économique, scientifique et culturel.

Pour ce grand jour anniversaire, nous tenons à féliciter tous les Burkinabè, toutes les organisations qui ont œuvré pour l’avènement de la Révolution. Nous réservons une pensée émue à l’endroit de nos illustres disparus tombés sur le champ de bataille dans la nuit du 4 août 1983. Cette même pensée va également à ceux tombés avant et après le 4 août 1983 pour la cause de la révolution en gestation, ou déjà grandissante, enfantée par les luttes auxquelles ils ont pris part.

Nous félicitons la jeunesse burkinabè pour sa mobilisation et sa vigilance. Nous félicitons l’armée qui a réussi à transformer radicalement des structures réactionnaires en citadelles révolutionnaires, s’attaquant même aux privilèges. Nous sommes sûrs qu’elle saura, de sa propre initiative, surprendre notre peuple par de nouveaux sacrifices.

Nous félicitons la jeunesse burki [texte manquant, supposé : nabè et aussi l’armée qui,] malgré le poids des traditions, luttent pour leur émancipation sectorielle et pour celle du peuple tout entier.

Nous félicitons les paysans, les intellectuels patriotes, le peuple travailleur, tous ceux qui de manière résolue ou non soutiennent la révolution.

Nous remercions tous les peuples du monde qui se sentent solidaires de notre révolution. Et je voudrais dire que nous associons, à cette joie, les pays qui, si légitimement, se réjouissent avec nous de nos ennemis communs, et dont les témoignages de solidarité soutenue balaient les rêves d’un isolement dans lequel ces mêmes ennemis souhaitent chaque jour nous confiner. Toutefois, cette joie ne nous enivre pas au point de nous faire oublier la situation de ceux qui poursuivent la lutte pour s’affranchir de la domination de ceux dont le 4 août 1983 nous a déjà débarrassés.

Camarades burkinabè,

des concitoyens nous ont déçus, très déçus. Avant même la naissance de la révolution il y a en a eu qui se sont déclarés engagés à la combattre. Quand elle a vu le jour, des hostilités se sont manifestées. Nous leur avons donné des avertissements. Nous les avons assignés à résidence dans l’espoir que nous finirons par être compris. Cette clémence nous a valu d’être taxés de sentimentalistes. En dépit de cette main tendue, leurs complots, leurs manœuvres ont continué. Nous avons été contraints d’interner les plus irréductibles d’entre eux. Hélas, la volonté acrimonieuse de déstabilisation s’est engagée dans une escalade de complots. Ils ont ébranlé notre pacifisme. La légalité et la légitimité révolutionnaires nous ont dicté contre eux la volonté du peuple. Et la sanction ultime fut opposée à leur forfait.

Néanmoins, cette fermeté dont nous avons prouvé que nous sommes capables, ne nous empêche pas d’écouter, d’observer et de continuer de tenter de racheter. C’est pourquoi nous avons choisi de libérer certains éléments qui serviront de test, et dont l’attitude vis-à-vis de la RDP déterminera, dans une large mesure, le sort de ceux qui restent détenus.

Camarades burkinabè, je vous invite à comprendre tout cela, et à rester vigilants.

Peuple du Burkina Faso, bonne fête, joyeux anniversaire révolutionnaire.

Gloire éternelle à notre peuple. La patrie ou la mort, nous vaincrons.

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