Nous vous livrons ci-dessous un nouveau témoignage, recueilli le 3 janvier 2015 sur les ondes de OUAGAFM. L’adjudant-chef à la retraite Ollo Kambou, nous décrit avec précision les sévices subis, les noms des tortionnaires, des commanditaires, mais aussi d’autres victimes, qui ont été torturées avec lui, certains jusqu’à ce que mort s’ensuive, comme notamment le professeur Guillaume Sessouma.

Le très lourd passé de ces tortionnaires et de leurs officiers ne semblent pas trop affecter les officiers et soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) puisqu’ils font preuve d’une grande arrogance se permettant d’interrompre par deux fois, le conseil des ministre, une première fois fin décembre 2014 et une nouvelle fois le 4 février 2015. Parmi leurs revendications, on trouve notamment la nomination de Boureima Kéré, comme chef d’Etat major du président de la transition, une revendication qui a finalement été acceptée. Gilbert Diendéré a lui-même mené les négociations, entre le président Michel Kafando et le premier ministre Isaac Zida d’une part, et les frondeurs du RSP d’autre part.

Les mêmes Gilbert Diendéré et Boureima Kéré, sont désignés plusieurs fois comme supérieurs des tortionnaires et commanditaires de ces tortures. Un comble ! Nos lecteurs conviendront, nous l’espérons, avec nous, que leur place ne peut être ailleurs qu’en prison, après un procès en bonne et du forme permettant aux victimes de pouvoir témoigner et de se libérer de ces douleurs et de ce silence qui les pèsent probablement très lourdement. On espère que les états généraux de la justice prévus durant le mois de mars permettront de mettre fin à cette impunité indigne d’une démocratie

Le RSP n’a été officiellement créé qu’en 1995, mais il est directement issu de CNEC, centre national d’entrainement commando, créé par Thomas Sankara, puis commandé successivement par Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré qui en était à la tête lors de l’assassinat de Thomas Sankara. Ce témoignage montre que Boureima Kéré était déjà officier du CNEC en 1989.

Le RSP, de plus en plus en plus contesté, a décidé de d’adresser aux burkinabè, via un communiqué de presse (voir à burkina24.com) dans lequel il ne voit rien qui puisse ternir son image si ce n’est l’affaire David Ouedraogo et l’assassinat de Norbert Zongo qui ne serait que l’œuvre de militaires « obéissant en cachette probablement à des ordres d’un civil, à l’insu de la hiérarchie, pour de l’argent». Un peu facile !

Mais le RSP a bien d’autres sévices à son compte et son mentor Gilbert Diendéré, un passé pour le moins bien lourd dans les guerres régionales (voir à blogs.mediapart.fr). Les compétences du RSP ne doivent certes pas être abandonnées, mais mises au service du Burkina d’une façon ou d’une autre, ce qu’a proposé Isaac Zida et le président de la transition, mais les officiers, coupables de ces actes passés décrits ci-dessous, doivent en être expurgés et jugés. Ce qui, sans doute, satisferait, les revendications des associations de la société civile et des partis de l’ex opposition.

Nous voulons, par la publication de ce témoignage, attirer l’attention du peuple burkinabè mais aussi de la communauté internationale. Personne ne peut accepter que des tortionnaires puissent continuer à marcher la tête haute et, plus grave, se permettent d’avoir des exigences inadmissibles compte tenu de leur passé de tortionnaires. Près de 30 personne sont mortes durant l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 qui a chassé Blaise Compaoré, dont la moitié sous les balles, semble-t-il, du même RSP qu’ils commandaient tous les deux. Le peuple burkinabé ne s’est pas levé pour voir des tortionnaires accéder à des postes de responsabilité auprès du président de la transition.

Ce témoignage vient confirmer celui de El Hadj Mousbila Sankara, oncle de Thomas Sankara et ambassadeur en Libye pendant la révolution, dont vous pouvez prendre connaissance à thomassankara.net, et celui de Valère Somé dans son ouvrage «Thomas Sankara l’espoir assassiné »(voir à thomassankara.net). Mousbila Sankara a réitéré ses accusations, lors de la première manifestation pour la dissolution du RSP le 5 février 2015 sur la place de la révolution en affirmant :« Kéré est un de mes tortionnaires …] Il y a des gradés qui ne méritent pas la légitimité».

La récupération de cet enregistrement, comme sa retranscription, est un travail qui a mobilisé une dizaine de personnes. Qu’ils soient remerciés. Ajoutons que nous avons, depuis, appris que la direction de la radio refusait de céder l’enregistrement à ceux qui le demandaient. C’est donc un document précieux. Heureusement qu’un jeune burkinabé a eu le réflexe d’enregistrer l’émission avec son téléphone portable. Bravo pour sa réactivité et sa vigilance !

Et surtout merci à l’adjudant chef Ollo Kambou qui a trouvé le courage, et nous savons qu’il en faut, de faire ce témoignage.

La rédaction du site


Pour écouter l’enregistrement, cliquez sur la flèche verte, au bout de quelques secondes vous entendrez le son


Ollo Kambou – 0 mn à 8 mn

Nous n’avons pas le tout début de l’émission

Ismaël Ouedraogo : Pendant l’insurrection populaire vous étiez où?

Ollo Kambou :Ah oui j’étais là, j’etais même à koulba ( COULBA ? ). Les jeunes qui me connaissaient comme ça, m’ont aidé à dire « tonton tonton , il faut sortir par là parce que vous ne pouvez pas passer ». Et en ce temps j’etais juste à côté de l’ECOBANK. Donc ils m’ont aidé à sortir par le côté de l’ancienne ambassade des Etats-unis et j’ai continué et puis revenir à la maison.. Eh y a un qui m’a dit même que non que ce n’est pas pour les vieux qu’il faut repartir. Entre temps, au même moment, mon fils m’ appelé de France : « papa si vraiment tu nous aimes il faut vraiment retourner à la maison ». En ce temps j’étais déjà vers chez Mogho Naaba. Pour rentrer même le voir pour qu’il intervienne pour calmer certaine choses.

I. O. :Et vous connaissez très bien le Mogho Naaba?

O. K. : Oui oui, bon, il me connaissait; je ne savais même pas qu’il me connaissait puisqu’il était sportif. Moi je jouais au football j’étais aussi dans l’équipe nationale au football. Donc il me connaissait sans que je ne le sache. Donc on a échangé ce jour là, et je suis reparti.

I. O. : En vous recevant sur les enceintes de Ouaga FM aujourd’hui, à la limite, on parlera de témoignages édifiants de tout ce que vous avez vécu en tant que prisonnier militaire au Burkina Faso . Est ce que vous pouvez revenir sur votre arrestation parce que ce qui nous est revenu c’est que vous avez été arrêté le 24 /12/1989 c’est bien ca?

O. K. : Oui c’est ca .

I. O. : Comment cela s’est passé?

O. K. : Bon, c’était un samedi, je suis rentré me reposer et puis vers 17h, les éléments de l’armée de l’air, ou ils étaient en activité (je ne sais pas si c’est nécessaire de donner leur nom). Les deux sergents sont venus me trouver à 17h, me disant que ah, que le commandant, Zongo Augustin, m’appelle urgemment pour une mission. Je dis bon, ils n’ont qu’à aller. « Je vais venir tout de suite je vais prendre ma toilette et puis venir » ; ils me disent « Non non c’est urgent ! ». Ils vont m’emmener dans leur véhicule puis je vais revenir. Et puis je dis bon, j’avais ma moto, je voulais aller avec ma moto puis bon ils m’ont dit que ce n’était pas la peine . Ils vont m’emmener avec leur moto. J’ai pris place, Suis rentré m’habiller, ensuite j’ai pris place. Arrivé à la base aérienne, il y a un, bon, il est décédé d’ailleurs: le capitaine Nkieme Brice.

I. O. : Hum

O. K. : Il m’a rencontré au portail là, que ah que déjà il faut partir au conseil ils ont besoin de vous. Que Kéré qui a besoin de moi.

I. O. : Le même Kéré qui est au niveau du régiment de sécurité aujourd’hui?

I. O. : Hum

O. K. : Exactement que c’est lui qui a besoin de moi. Et il a pris un sous-officier. Les deux qui sont venus me chercher, on les a faits sortir, et puis on a appelé un autre, de venir, Wedkoum m’accompagner. Bon, c’est comme ça que l’on est parti. J’ai demandé au poste là-bas. Euh au conseil, ils m’ont dit qu’ils n’étaient pas au courant de mon arrivée là-bas. Je dis bon, où est la semen??. Ils m’ont montré là-bas. Je suis parti à la (semen ???) . Au niveau de la (semen ??) ils ont appelé et Kéré a envoyé quelqu’un me chercher donc euh. J’ai vu un soldat venir les bras ballant, il dit bon, que c’est lui qui est venu me chercher. c’est ainsi qu’il s’est mis devant, on suivait, Wendkoum qui m’accompagnait suivait. Il y a quelqu’un qui était dans l’obscurité . il a fait un signe de repartir.

I. O. : Humhum

O. K. : Il a fait un geste à wedkoum,

I. O. : Humhum!

O. K. : De retourner!

I. O. : Okay

O. K. : C’est là j’ai commencé à sentir quelque chose

I. O. : Humhum

O. K. : Qui était pourri quoi!

I. O. : Et vous avez senti que ca n’avait pas l’air très clair?

O. K. : C’est comme ca que j’ai cru qu’il y a quelque chose qui n’allait pas. Puisque moi je n’avais jamais quelque chose dans la tète que l’on pouvait un jour m’arrêter de cette manière là..

I. O. : Hum parce que vous ne vous reprochiez absolument rien .

O. K. : Non , rien rien rien moi j’étais simplement officier des sports. De la 5eme région. Officier des sports en son temps. Ça veut dire que je commandais toute l’armée à Ouagadougou la gendarmerie la police les eaux et forêts.

I. O. :Vous les commandiez tous .

O. K. : Tous en sport ; au niveau des sports. J’organisais tout. Tous les championnats inter-sports.

I. O. :Hmhum, ok

O. K. : C’est moi qui organisais ça!

I. O. : Ok

O. K. : Mon commandant de région c’était Gouba Christian là-bas. Avec son adjoint qui est Diendéré. Donc les deux c’étaient les officiers des sports.

I. O. : Quand vous êtes arrivé maintenant au niveau du conseil qu’est ce qui s’est passé?

O. K. : C’est comme ça il m’a emmené pour me donner la place. Je me suis assis et, Kéré vient , il me dis Kambou? oui ! «tu es au courant de ce qui se passe? » je dis ; « je dis oui. Que depuis les 48h je suis au courant des arrestations de part et d’autre de certains militaires et de civils. Il m’a demandé pourquoi je ne suis pas venu leur dire alors que j’étais au courant. Je lui ai répondu que «j’ai quelle mission venir lui dire cela» ? je lui ai dit que jr ne disposais d’aucune mission pour venir lui porter l’information pour lui dire quoi même, puisque je n’avais pas qualité à le faire et personne ne m’avait choisi pour lui fournir des informations. Il m’a dit : «Ah bon en tant que militaire tu pouvais nous informer». Je lui réplique en disant que je suis organisé moi je ne travaille pas comme ça.

I. O. : Kéré avait quel grade à l’époque ?

Il était capitaine je lui ai dit que ne cherche pas le nom. Auparavant on disait de moi que j’avais d’autres ambitions que je n’étais pas venu consolider le régime Blaise, il me dit qu’à leur niveau, ils ne savent pas ce que j’ai dans la tête je lui ai dit que tout militaire a prêté serment de ne jamais tirer sur un concitoyen et de ne jamais être utilisé pour tuer un concitoyen.

I. O. : Cela est-il enseigné même dans la formation de base ?

Oui à tous les échelons c’est seulement en cas de conflit entre notre pays notre patrie et un pays voisin par exemple que le militaire doit montrer de quoi il est capable. Votre titre de commando c’est en ce moment-là qu’il faut le démontrer ce n’est pas comme nos commandos de bar ici. J’ai été formé en France nous étions trois.

I. O. : Vous étiez avec qui et qui ?

O. K. Le Colonel Yenskoum (qu’ils veuillent m’en excuser) et le Colonel Bationo c’est-à-dire Bationo Joseph ils sont tous vivants.

I. O. : Au conseil, Kéré vous a demandé si vous êtes au courant de ce qui se vous avez dit oui, que s’est-il passé en suite ?

O. K. Il se passe simplement qu’on avait arrêté beaucoup de gens en ville mais au niveau du conseil, je ne savais rien.

I. O. : On vous reprochait quoi exactement ?

O. K. Au conseil quelqu’un m’a dit qu’on raconte que je veux venger la mort de Thomas Sankara, que je suis commando et que comme je suis fort en mobilisation s’il y a un coup d’état un ça va passer par moi. C’est exactement ce qu’il m’a dit. Voilà des choses qu’on me reprochait.

On m’a collé également une histoire de femme pour l’honneur du couple, je vais taire volontairement le nom de la dame mais j’ai appris après ma sortie de prison par une femme qui se trouve être une de mes élèves et dont le mari a demandé à savoir qui était son maître-nageur ? Elle lui a dit que c’est Monsieur Kambou. Réaction du mari : «Ah Kambou qui était à la base aérienne ?» Elle répondit oui le mari ajouta, si c’est lui mais c’est un grand coureur de jupon ; on a failli même le tuer à cause de telle femme. Quand j’ai appris cela, je me suis dis «tiens cette femme n’est pas n’importe quelle femme, elle fait partie de ma famille».

I. O. : La dame en question, son mari faisait quoi dans la vie ?

O. K. : C’est un militaire puisqu’il a profité de sa situation de supérieur hiérarchique pour agir ainsi. C’est un officier supérieur. Le père de cette dame travaille avec ma femme. Ils ont travaillé ensemble durant au moins 20 ans avant d’aller à la retraite. Cette femme en question est la copine de la petite sœur directe de ma femme. La dame a passé me manquer un jour quand je suis venu, on m’a informé. Elle a demandé qu’on se voie. Je m’y suis rendu et les gardes m’ont dit que ni elle ni son mari n’étaient à la maison. Et c’est cette visite ratée d’ailleurs qui s’est transformée en autre chose.

En fait cette visite, en vérité c’était par rapport à sa candidature au niveau du secteur. C’est-à-dire pour être déléguée CR du secteur, elle est venue nous voir pour qu’on l’appuie au niveau du camp Guillaume Ouédraogo puisque ce Camp faisait partie du secteur 3 de Ouagadougou. C’était donc par rapport à ça qu’elle est venue me voir. Ce sont seulement des relations politiques qui nous liaient. Voilà c’est tout.

I. O. : Nous allons toujours revenir sur votre l’histoire de votre arrestation, parce que la population veut comprendre que la population veut comprendre. Vous avez été arrêté et conduit au conseil. Après vous avez appris qu’il y a une histoire de femme dedans. Pouvez-vous vous en expliquer davantage ?

O. K. : C’est seulement à ma sortie de prison que j’ai appris cette histoire.

I. O. : Pendant votre incarcération comment étiez-vous traité, étiez-vous seul ou nombreux dans votre cellule ?

O. K. :Le premier jour, nous étions 16 personnes dans la cellule.

I. O. : Tous des militaires ?

O. K. : Non c’étaient des civils. Quand KERE m’a abordé, nous avons échangé sur pourquoi je ne suis pas venu l’informer de ce qui se tramait en ville. Je lui ai dit que je n’étais mêlé ni de près ni de loin à ce qu’il voulait me faire porter. Quand il est parti, un autre est venu et à ma vue il s’est exclamé en ces termes : classe, «qu’est-ce que tu fais là ? Tu as fait quoi ?» Puis il a continué c’était SAWADOGO Wéyélé un promotionnaire. Après lui c’est Hyacinthe Kafando qui est venu et il m’a demandé : «eh toi qu’est-ce que tu es venu chercher, c’est ton neveu que tu viens chercher ou quoi ?»

I. O. : Qu’est-ce que ce neveu avait fait ?

C’est quelqu’un qui était très très vaillant très courageux. Il n’avait peur de rien. Tout le monde le connaissait. Pendant la guerre de Noël en 1985. C’est lui qui a détruit les chars maliens. Il a lui-même conduit un char malien pour l’amener au conseil de l’entente. C’est ce type que des militaires de base voulaient tuer, je l’avais cherché partout dans les quartiers sans succès. Il s’était enfui au Ghana et on avait posté des sentinelles à la frontière du Ghana pour surveiller tous ceux qui passaient.

On a donc rapporté au conseil qu’on m’a vu là-bas on me demande pourquoi je suis parti là-bas, je leur ai dit que c’est mon neveu et que personne ne peut m’interdire de lui rendre visite. Hyacinthe me dit :« ah bon tu vas voir» puis il est parti.

Quelques minutes après, deux soldats sont venus à moi armés de kalachnikov, des armes de points qu’ils ont pointées sur moi, c’était au grand bâtiment on m’a dit de me lever et on m’a dit de monter à l’étage ; nous sommes montés à l’étage ils ont ouvert un WC et ils m’y ont mis avec un infortuné du nom de Kouka Adama il m’a demandé qui je suis ? Je lui ai répondu que je suis KAMBOU Ollo. Il m’a demandé encore qui ? Je lui ai répété que je suis KAMBOU Ollo. Il s’est écrié et il a dit que donc lui il est mort, toi tu cherches quoi ici m’a-t-il demandé ; donc on va me tuer !

Il fait tellement noir dans la cellule qu’on ne peut même pas se voir. Après cet échange avec Kouka, on est venu l’extraire de la cellule nos geôliers écoutaient ce que nous nous disions. On l’a torturé atrocement il a failli mourir ce jour-là. Il avait des blessures sur tout son corps. On est venu le déposer dans cet état piteux sans soins après lui, ce fut mon tour d’être extrait pour une longue séance de tortures dans un petit jardin. On m’a conduit en slip, il y avait huit soldats derrière moi et il y avait Gaspard devant moi.

Ollo Kambou – 8 mn à 15 mn

O. K. : Mais après les échanges on est venu les sortir. Ils m’ont mis mais ils ne sont pas sortis. Ils étaient là en train d’écouter ce qu’on va se dire. Et maintenant ils sont venus les sortir, aller torturer le gars : mon dieu ! il allait mourir ce jour là. C’est quelque souffle qui lui restait. Blessé partout, venu posé. Mais on ne peut pas se coucher aussi, pour dire qu’on va se reposer.

Après lui maintenant, on est venu m’amener aussi. Sur un petit jardin gazonnier, on m’a amené en slip, et maintenant qu’est-ce qu’ils ont fait ? Il y avait 8 soldats derrière moi, il y avait Gaspard devant moi

I. O. : Quel Gaspard ?

O. K. : : le même (Note : Gaspard Somé) qui est mort là. Un avait son colt pointé sur moi, il y a un autre qui est parti prendre le raccord du robinet, commencé à m’arroser. Il était 20h quand il commençait à m’arroser. Et les autres ont commencé à me taper comme un chien enragé. Taper, taper, taper, taper comme ça partout. Il y en a un qui m’a tapé au cou comme ça je suis tombé. Quand je me relevais un autre a tapé par dessus ma tête je ne sais pas avec quel matériel, c’est venu taper mon oeil. C’est les étoiles que j’ai vues. Et jusqu’à ce jour, l’œil qui est là n’y voit plus hein.

I. O. : C’est l’œil gauche ?

O. K. : : L’œil gauche, oui. La rétine est décollée. Complètement ! Et perte totale de l’œil.

I. O. : Donc vous avez totalement les documents qui l’attestent ? Nous sommes en radio, est-ce que vous pouvez me donner des informations…

O. K. : : La première qui m’a visité, c’est Mme Tapsoba Virginie, qui est ophtalmologiste à l’hôpital Yalgado. C’est la première qui m’a visité en 1991 quand je suis sorti.

I. O. : Effectivement, on a le certificat médical ici : “Hôpital Yalgado Ouedraogo” c’est bien cela ?

O. K. : Voilà

I. O. : Vous avez dit ça : Docteur Virginie Tapsoba, ophtalmologiste, c’est bien
cela ?

O. K. : Oui, oui

I. O. : O. K.

O. K. : Donc, j’ai tout fait. Au niveau de mes corps d’origine, personne ne veut faire le rapport de tout cela, et tout le monde fuyait puisque les gens avaient peur. Donc je suis resté avec ça. Et même quand je parle de choses… on m’a mis même à la réforme, il y a les documents aussi de réforme de l’armée, et bon je vais terminer sur ceux qu’on avait mis devant pour les tortures et on m’a torturé comme ça après on m’a ramené dans le WC là encore posé

I. O. : Et vous étiez à ce moment deux ou seul ?

O. K. : Deux

I. O. : Donc tous les deux vous avez été torturés, et ramenés dans l’ancien bâtiment

O. K. : Dans le WC-là ! On est deux- là ! On a fait une semaine là bas, dans le WC-là

I. O. : Qu’est-ce que vous mangiez ? Est-ce qu’on vous servait à manger ?

O. K. : Hé ! On nous servait à manger mais c’est pas manger ! Si on dit servir à manger c’est le manger qui peut vous aider à devenir quelqu’un… Mais c’est Dieu seulement qui nous nourrissait quoi ; c’est ce qu’on peut dire

I. O. : Il y avait combien de militaires à la porte ?

O. K. : On ne sait même pas qui est à la porte hein !

I. O. : Mais c’était les militaires qui étaient là ?

O. K. : Oui oui oui ! Mais nous on ne sait pas ceux qui sont là bas puisque ceux qui sont là, on ne les voit pas souvent. Nous étions dans l’obscurité totale, puisqu’on ne voit pas le soleil. On n’a jamais vu le soleil comme ça, pour dire qu’on a vu le soleil. Bon moi, personnellement, durant les 13 mois, c’est 2 fois j’ai vu le soleil.

I. O. : 13 mois de détention ?

O. K. : Oui

I. O. : Puisque vous avez été libéré le 27 janvier 1991 c’est bien cela ?

O. K. : Oui oui ! Donc, on ne sait pas ce qui se passe. Déjà, on a fait même des
funérailles hein le jour qu’on les a arrêtés. Même maintenant, les gens des droits de l’Homme sont venus nous sortir, et on les a vus, ils nous ont vus. Ils sont partis dire aux parents que nous sommes vivants. Les parents ne sont pas d’accord. Ils veulent nous voir de leurs yeux. Et c’est ainsi qu’ils ont organisé une autre visite et ils ont amené les parents de tous les détenus. Et ils nous ont vus. A part ces 2 jours, je n’ai jamais vu le soleil.

I. O. : Donc pendant les 13 mois de détention au niveau du conseil vous n’avez vu le soleil que 2 fois et vous avez été torturé au même titre que votre collègue, votre ami que vous avez…

O. K. : Eux-mêmes, je peux dire que, si c’est pas ma blessure, les tortures ça a dépassé ce qu’ils m’ont fait. A savoir, Sankara Mousbila l’a dit, qu’il m’excusez s’il m’entend : on ne m’a pas délégué pour parler de lui et tous les autres hein

I. O. : Mousbila Sankara aussi a subi les mêmes tortures que vous ?

O. K. : Mais on était dans la même cellule ensemble j’ai dit : nous étions 16 (détenus) ; ceux qui ont fait les 13 mois avec moi. Nous étions 16. Poda Train : il n’a jamais eu le sol là pour se coucher. Moi, je n’ai pas eu le sol pour me coucher. Les trucs de cuisine là, plateforme là, avec le bac à eau pour laver les ustensiles, je suis resté sur ça pendant les 13 mois, j’ai pas eu le sol même pour me coucher. Je prends les pieds poser dans le bac, je m’adosse un peu, après je me lève, je me change, je m’assois, c’est ainsi ! Pendant les 13 mois je faisais ça.

I. O. : Donc, après les toilettes là on vous a amenés dans un autre endroit effectivement

O. K. : Oui voilà, on est partit dans un autre endroit et maintenant, dans cet endroit là, nous étions 16 (détenus) dans la cuisine là. Et comment on fait ? Il y a le WC à côté, mais on ne voulait pas nous laisser faire les selles. On nous a amené découpées les grosses boîtes de lait là, ils ont découpé ça nous donner, et dans ça aussi, on pose à côté, et le matin on vient ouvrir on verse dans le WC qui est devant notre porte et on relave les boîtes là… et où encore on lave il y a les… bon… on lave ça et on repose pour uriner, pour utiliser ensuite. Et c’est comme ça on a fait on a fait on a fait…

de la 15è à la 24è

O. K. : Et c’est comme ça on a fait on a fait on a fait. Bon. Bon, moi je suis sorti au treizième mois, les autres sont sortis après moi, je sais pas combien de temps ils ont eu à faire après moi… bon. On est toujours … que, bon, ils sont dehors, on s’est vu, et même ça faisait rire. J’ai rencontré un, je dis : Mady ! Quand il retournait et il m’a vu là, il a pris de la tangente, il a couru même !

I. O. : Il n’a pas voulu s’arrêter ?

O. K. : Voilà !

I. O. : Il a eu peur ?

O. K. : Il a eu peur.

I. O. : Hmhm.

O. K. : Bon. Il y a un autre, comme j’ai dit, ils m’ont pas délégué pour parler à leur nom, mais je suis obligé de parler…

I. O. : Allez-y, nous vous écoutons.

O. K. : Poda Train (note: ministre de Thomas Sankara) par exemple, lui il voulait même pas que un de nous lui rende visite si on sort. Personne ne…

I. O. : Il était militaire aussi ?

O. K. : Non non non, un magistrat.

I. O. : Un magistrat!

O. K. : Oui, c’est un magistrat-là. Bon, il a dit il veut pas la visite de quelqu’un. Mais moi, comme je suis têtu, et puis c’est mon frère, je vais là-bas. Il a ses enfants qui sont mes enfants, il a sa femme qui est ma sœur, il peut pas m’empêcher de venir chez lui.

I. O. : Après pendant tout ce temps de détention, pendant tout ce temps de détention, treize mois totalement, on vous reprochait d’avoir voulu venger Thomas Sankara.

O. K. : Exactement.

I. O. : Et les autres, on leur reprochait quoi exactement ?

O. K. : Bon, que c’est des gens qu’ils financent, et la préparation quoi, du coup. […] je veux bien vous citer leurs nom, hein ? Les seize qu’on a enfermé-là…

I. O. : Vous avez les noms de toutes ces personnes-là ?

O. K. : Bien sûr, oui. je peux pas oublier. Si j’oublie, je sais que je suis pas bien aussi, hein ?

I. O. : Oui.

O. K. : Bon, je vais les citer comme ça dans ma tête, hein ? Il y avait Mousbila Sankara, Poda Train, le Magistrat, il y avait le Colonel Issouf Sawadogo, il est en activité, et y’avait Passaté, il est mort après, y’avait Tindano, lui aussi il est mort après, et y’avait Mady Ouédraogo, lui aussi il est mort aprés, Kouka Adama Ouédraogo, il est vivant, mais le choc a fait qu’il est vraiment malade, on a amputé même sa jambe, de diabète, bon, y’avait moi-même, y’avait un Zoungrana Aziz, et les gens de Koudougou, ils sont trois, il y a un vivant que je connais bien, Sama Barthélémy, un barman, les autres, c’est un tailleur et puis un cultivateur, moi j’ai pas leurs nouvelles. Donc y’avait Barry Sankara de la SONABEL, y’avait un Traoré Adama, je crois, lui c’est un compagnon de Ladji Sankara (note: Mousbila). je sais pas ce que lui est devenu parce que lui, on l’a libéré avant nous. Bon, voilà grosso modo…

I. O. : La liste de personnes.

O. K. : Voilà.

I. O. : Donc on vous reprochait d’avoir, certains, voulu financer donc un coup d’état contre Blaise Compaoré et d’autres pour avoir voulu renverser le Président Compaoré pour venger Thomas Sankara. Pendant ces treize mois de détention, vous avez dit vous avez vu le soleil deux fois seulement. Est-ce que il y avait d’autres personnes qu’on a amené au niveau du Conseil aussi ?

O. K. : Mais on se suivait. Puisque, bon, pas exemple après moi-là, cette personne ne peut dire le contraire et c’est Sessouma Guillaume qu’on a tué-là. C’est après mes tortures, c’est Guillaume qui m’a suivi. Je serais parti, comme lui aussi, sans vous mentir. Mais lui, il n’a pas supporté les coups que nous on a supportés, et il a rendu l’âme. Si on dit aujourd’hui qu’on ne sait pas, quoi quoi quoi, non. Ceux qui ont tué ce Sessouma Guillaume, ils sont là, et moi, c’est moi il a suivi dans les tortures.

C’est pas quelqu’un qui m’a dit, c’est moi qui ait vécu ça. Bon, après par exemple Gaspard qui était là avec son colt, les soldats qui me torturaient-là, ils ont aperçu que c’était moi. Il y a un qui a dit mais, que c’est notre officier des sports, j’ai entendu comme ça de la bouche de mes tortionnaires. Et ils se sont arrêtés. Et en ce moment j’ai demandé à Gaspard : Mais j’ai fait quoi ? Il dit : Ah bon, tu veux savoir ce que tu as fait ? Il a dit à un : amenez-moi la clé, je vais l’amener faire. La clé de la voiture quoi, de sa voiture, qu’il va m’amener à Kamboinsin. Et c’était quand les soldats-là, ce qu’ils ont dit-là, en même temps ils ont disparu un à un. Et pour me laisser seul. Gaspard même est parti me laisser seul. C’est après ça maintenant, Bonkian est venu aussi, il dit : bon, allez. Toi, tu as dit que tu es commando. Il faut être commando aujourd’hui, on va voir. C’est Bonkian qui me dit ça.

I. O. : Le même Bonkian, Colonel Bonkian?

O. K. : Oui. Et puis il m’amené, tu sais, il y a des trous d’eau-là, il y a un jardin, un petit jardin gasoné-là, c’est ça, c’est là-bas. Il est parti me faire… hein… (rires) engouffrer là-bas, il y a pas d’eau quoi, mais je suis rentré là-bas, m’accroupir. Il m’a mis là-bas, et puis il est parti. C’est après lui maintenant un soldat est revenu me ramener maintenant dans les WC-là, où se trouvait mon ami-là.

I. O. : L’invité de l’émission “Les grandes questions ces jours”, M. Ollo Kambou, adjudant chef, réhabilité ’92, ancien militaire. Il faut savoir qu’il est moniteur commando de formation. M. Kambou fait partie aujourd’hui de ce que l’on pourrait qualifier des victimes de la période Compaoré. Aujourd’hui M. Kambou que nous recevons sur le plateau de Ouaga fm a un œil qui ne voit plus, parce que on a même un certificat médical qui l’atteste devant lui ici, signé donc des médecins de l’hôpital Yalgado Ouédraogo qui dit clairement qu’il présente à l’œil gauche une perte totale de la vision, c’est bien cela. Voilà. M. Kambou, vous êtes avec nous toujours. Quand est-ce que vous étiez détenu au niveau de Conseil, il y avait des étudiants également qui venaient là-bas ?

O. K. : A part Guillaume qui est professeur de l’Université, nous on a même pas l’accès de savoir, on entend les pleurs tous les jours, hein ?

I. O. : Tous les jours il y avait des pleurs au Conseil ?

O. K. : Des pleurs au Conseil et puis il y avait un gros moteur Berliet , je sais pas. Quand il y a des pleurs comme ça, comme c’est pas très loin de l’hôpital, les routes-là, ils mettent le groupe-là en marche pour brouiller le bruit des pleurs. Tout le temps c’est comme ça. Et bon…

I. O. : Mais est-ce que les informations qui vous revenaient, est-ce qu’on vous disait qu’on a mis d’autres au niveau du Conseil…

O. K. : Non non non. Disons que, bon, comme je disais, certains soldats qui avaient tellement confiance en moi, ils venaient causer avec nous. Pour apprendre la mort de Gaspard, c’est eux qui nous ont donné l’information et c’est Sessouma Guillaume, bon, ils m’ont donné l’information que après toi, on a amené ce Sessouma, et il est mort. Tout ça, bon, c’est eux qui nous aidaient quand même d’avoir des informations. Sinon, on n’a pas assez à quoi que ce soit.

I. O. : Monsieur Kambou, vous avez été donc un détenu au niveau du Conseil. Vous avez vu également des situations graves ou des personnes qu’on a déporté dans des véhicules… comment vous-avez vécu tous ces événements ?

O. K. : Bon, ce que j’ai vu ce coté, il était un jour vers 3h du matin..
.
I. O. : Vous ne dormiez pas ?

O. K. : Non, on peut pas dormir dans ces situations-là. On est là, on veille, on est venu prélever trois personnes de la cellule et ces trois personnes, on ne sait pas où on les a amenés d’abord, ce n’est qu’une heure, deux heures de temps après, ils sont revenus. Bon, il y a un même qu’on a pris à bras ferme pour venir déposer devant nous, et il s’agissait de Colonel Sawadogo Issouf. Lui, il était presque à l’agonie. Donc, les deux autres étaient sur leurs pieds. Bon, il s’agissait de Sawadogo Issouf, il est vivant aujourd’hui, il est Colonel dans l’armée active, il y a Kouka Adama Ouédraogo, lui aussi il est là, mais comme il est dépassé aussi, bon, avec le choc moral, il était malade et puis bon, on l’a coupé son pied, on a amputé sa jambe. Donc, il y a un qui est mort de tension après, c’est pas dans la cellule, hein ? Ils sont morts après la libération. Donc ces trois-là, c’est Kéré (Boureima) qui est venu vers 3 h du matin, il les a fait sortir, il les a amené dans un véhicule, je crois c’est 505, il a ouvert le coffre et il les a mis là-bas. Les trois se sont alignés dedans comme sardines. Et il a fermé, il les a amené quelque part. Bon, c’est préparé que c’était pour aller les zigouiller

I. O. : C’est ce qu’on a dit ?

O. K. : Oui oui, puisque les soldats de fois, comme ils ont pitié des noms, ils venaient échanger avec nous. Donc, au cours de la route, on les a rappelés de les ramener. Quand on les a ramenés maintenant, eux ils nous ont dit, ils étaient mis dans le coffre de la 505. Donc c’est comme ça ils nous ont donné l’information.

I. O. : Est-ce qu’ils ont été torturés quand on les a amenés… ?

O. K. : Non, on les a même pas sortis.

I. O. : Ils sont même pas sortis du véhicule ?

O. K. : Ils sont pas sortis du véhicule, c’est pour ça qu’ils étaient presque asphyxiés quoi. Donc c’est ainsi, on les a quand même, on a aidé Issouf à recupérer, à le réanimer, et c’est ainsi; ce passage aussi, il fallait pas oublier quoi.

I. O. : Monsieur Kambou, quand on vous écoute attentivement, on a l’impression que les conditions de détention là-bas étaient totalement inhumaines.

O. K. : Mais bien sûr, c’est inhumain, c’est pourquoi j’ai tenu à ce que le peuple burkinabè sache que il y a des choses qu’il faut pas tolérer encore dans ce pays-là. Que quand quelqu’un te voit comme ça et il pense que, bon, il te salue et tu crois que il est bien avec toi, mais alors, quand il a l’occasion de t’avoir, vraiment, tu peux pas le connaître, ne plus le reconnaître.

Moi, dans le temps j’étais leur officier de sport. je venais même de terminer avec le championnat inter-corps, mais je pouvais pas penser que ces gens-là, Diendéré même qui était mon chef direct, je pouvais pas comprendre que lui-là, on est tout le temps ensemble le matin, le soir, tous les jours, on travaille, mais je pouvais pas imaginer que ce type-là me prenne, aller enfermer. Et il fait des rapports.

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Le matin, il y avait les soldats, et pour dire que je fais partie des putschistes, c’est vraiment bizarre. Alors que moi-même, je m’intéresse pas même pas à la politique. C’est des partis politiques que moi je connais même pas dans ce pays. Et dans ma formation de base, c’est resté en tout cas ancré : Le militaire est apolitique. Et j’ai pris ça, et moi-même dans ma nature, je suis apolitique. Dans ma nature c’est comme ça. Et puis je me dis que le Lobi (note: groupe ethnique du sud-ouest du Burkina) ne connait pas ça. Moi je vais faire coup d’état donner à qui ? Je me posais la question. Et ceux qui étaient, les co-détenus, ils me connaissaient même pas. Et après c’est la moitié qui me connaissait pas. Et c’est ceci qu’on prétend dire qu’on fait coup d’état. C’est très difficile à comprendre.

I. O. : Est-ce que aujourd’hui souvent, quand vous vous rappelez de ce qui s’est passé, ça vous donne des larmes aux yeux ?

O. K. : Mais bien sûr, ça vient parfois, je dis bon.. c’est à dire que bon… moi j’ai quand même gardé les conseils de mes parents de ne jamais faire verser le sang d’un homme. C’est ce qui a fait… Sinon je pouvais tuer facilement qui je veux.

I. O. : C’est pas la solution.

O. K. : C’est pas la solution. Mais je me suis gardé de faire du mal à qui que ce soit, parce que les enfants de ces gens-là ne savent pas ce que se passe avec leurs parents. Bon, on va leur enlever leurs biens, c’est pas bon. Et c’est pour cela que je me suis gardé de le faire, de me venger. C’était pas vraiment dans mes objectifs quoi.

I. O. : Ces soldats avec qui vous causiez, ils vous disaient qui leur donnait l’ordre de torturer les gens, de faire autant de mal ?

O. K. : Non, ça, sans vous mentir, c’est le ressort de certains qui veulent vraiment, il y avait vraiment une rivalité entre Diendéré et puis Hyacinthe (note: Kafando chef de la sécurité rapproché de Blaise) dans le temps. Bon, Kéré (Boureima) il était en quelque sorte un qui, un exécutant quoi, de beaucoup de choses en ce temps.

De la 25ème mn à la 30ème mn

O. K. : Même, il y avait les Compaoré Georges. Un jour, comme je suis en haut là, mes pieds sont gonflés. Un grand sportif comme moi qui reste sans activité et suspendu, vous savez ce qu’il a, comment il vit. Donc les pieds ont commencé à gonfler, je lui ai demandé s’il peut m’aider. Comme on se connaissait avant très bien à l’école. Je les encadrais comment il faut faire la gym. Il dit, ah bon ! Il a proposé à ce qu’on me torture. Pourquoi je vais demander à me détendre ? Il a vu les chevilles sont gonflées, tout ça. Il est parti appeler les soldats là. Ils sont venus. Il dit, qui veut qu’on le chauffe là ? Personne n’a levé le doigt puisqu’on ne sait pas ce qu’il voulait dire. Qui voulait se détendre là ? Qui a mal au pied là ? J’ai levé le doigt. Quand ils m’ont regardé, ils ont fait demi-tour. Après maintenant, celui dont je parlais, qu’il a beaucoup de confiance là, il revenu me dire ah que parce que Georges est venu leur dire de venir me sortir torturer parce que j’ai les pieds gonflés.

Je dis, ah bon ! Non … Je ne croyais pas hein. L’homme change. Je ne peux pas croire que Georges pouvait donner des ordres pour qu’on me sorte aller torturer.

I. O. Parce que vous étiez très amis, vous connaissiez très bien?

O. K. : On se connait quand il était à l’école même, au PMK.

I. O. Monsieur Ollo Kambou, nous sommes toujours avec vous, je rappelle que vous avez été arrêté le 24 décembre 1989, vous avez été incarcéré au niveau du conseil de l’entente et le 27 janvier vous avez été libéré. Est-ce qu’au niveau du conseil il y avait une cellule pour accueillir les personnes ou bien à chaque fois qu’on amenait quelqu’un on lui trouvait un coin pour le mettre et on torturait ?

O. K. : Chacun donnait ses ordres. Moi, à mon arrivée c’est Kéré qui m’a accueilli. Disons qu’il y avait trois officiers. Il y avait Compaoré Georges dont je parlais, plus Bonkéyan, ils sont à la porte là-bas. C’est Kéré qui est venu m’interroger. Après lui, c’est Hyacinthe qui est venu m’interroger et qui m’a envoyé directement dans la cellule.

I. O. Donc Hyacinthe, il avait une force hein, apparemment?

O. K. : Mais personne ne commandait Hyacynthe au Conseil.

I. O. Il avait quel grade à l’époque ?

O. K. : Il était Sergent-chef, je crois.

I. O. Est-ce que sergent-chef, il pouvait commander tout le monde?

O. K. : Non, il ne pouvait pas. Mais comme c’était une armée déjà déformée. Il faut dire déformée hein, c’était pas une armée au conseil. Quand on parle, ce n’est pas qu’on invente hein ! Sinon, il y avait Diendiéré qui était commandant en ce temps. Les Kéré, il y a même les Gaspard. Ce sont tous des officiers.

Mais j’ai oublié un passage ; pourquoi Kafando m’en voulait. Moi j’étais officier des sports. Moi je suis partout pour les examens de sortie comme l’Entrée. Il y avait l’examen de fin de formation pour être sergent-chef. Donc il m’a envoyé une liste de cinq (05) personnes pour que celles-ci passent sans rien faire. Mes chefs hiérarchiques, donc Taonsa Georges et YaroMamoudou. L’un étant directeur de cours et l’autre président des examens. Et moi j’étais aussi président des examens au niveau des sports. Donc ils m’ont appelé et me donner la liste, que voilà, ça-là, c’est Hyacinthe qui a envoyé pour qu’ils passent.

I. O. Et vous n’avez pas accepté les faveurs ?

O. K. : Bien sûr, j’ai refusé

I. O. Est-ce depuis lors, vous et Hyacinthe Kafando, vous vous voyez toujours, puisqu’après il est même devenu député à un moment donné?

O. K. : Oui je vois. Mais comme ma façon de faire, je ne pouvais pas me comparer à eux. Je les voyais comme des gens sans…qui n’avaient pas quelque chose dans le sang, pour dire que ce sont des personnes. Sincèrement dit. Par exemple Diendiéré que j’ai demandé à la sortie là, je voulais le voir pour lui dire ce qui s’est passé et ce que j’ai entendu. Il a refusé les deux fois que je suis parti pour le voir.

I. O. Vous êtes parti où pour le voir ?

O. K. : Dans son bureau, à la présidence là.

Vous êtes allé là-bas ?

O. K. : Deux fois !

I. O. Il a refusé de vous recevoir ?

O. K. : Il a refusé de me recevoir. C’était pour lui dire face à face ce que je sais et lui expliquer les relations que j’avais entre sa belle-famille et ma famille.

De la 29èmemn30èmes à 35ème mn 11èmes

I. O. : Mr Kambou, quand vous étiez au conseil, quand vous étiez détenu est ce que les informations qui vous revenaient faisaient état notamment de la gestion du pouvoir ? Est-ce que tout cela était pour protéger le président Compaoré ? Ou bien c’était des gens qui vous en voulaient tout simplement ?

O. K. : Je peux dire que, c’était des gens déformés sinon je ne peux pas comprendre, que des militaires, qui sont là pour protéger la population, son peuple, se mettent à arrêter des gens, et à les torturer comme des gens qu’on n’a jamais vu, qu’on ne connait pas. A vrai dire même, comme un animal qui se trompe rentrer dans un autre groupe d’animaux et on l’attaque. C’est comme ça hein ! Nous ne sommes pas des personnes vivantes, ce que moi j’ai vu quoi ! On n’était pas des personnes, à considérer même devant eux.

I. O. ! Monsieur Ollo Kambou adjudant-chef à la retraite aujourd’hui qui, a fait le conseil du 24 décembre à 89 au 27 janvier 91 hein comme prisonnier militaire bien sûr qui a perdu un œil on a le certificat médical devant nous ici qui l’atteste hein de l’hôpital Yalgado Ouedraogo avec un médecin qui l’a consulté donc c’était le 7 juillet 1992 que le certificat médical lui a été délivré donc et son œil gauche ne voit plus aujourd’hui. Il est l’invité de l’émission « les grandes questions sur Ouaga Fm » pour des témoignages, des révélations. Alors Mr Kambou nous sommes toujours avec vous, alors on vous accusait de vouloir venger Thomas Sankara, c’est bien cela ?

O. K. : oui

I. O. Et les personnes qui étaient arrêtées avec vous c’était quinze personnes donc vous vous étiez seize au total, y a certains qu’on accusait de financer le coup d’Etat pour renverser le président Compaoré ?

O. K. : oui oui

I. O. : Quelles étaient vos relation avec le président Thomas SANKARA à l’époque, avant qu’il ne soit tué ?

O. K. : bon, Thomas c’était un compagnon de guerre, je peux dire ainsi

I. O. : vous vous connaissiez très bien !?

O. K. : très bien même !

I. O. : si vous vous le connaissiez très bien ça veut dire que vous vous connaissez très bien avec le président Compaoré aussi ?

O. K. : très bien sans problème ! On a joué ensemble au football. Non… Sankara même, on était ensemble depuis le début de la révolution. Sans mentir on s’est arrêté quelque part le lendemain du coup et il m’a dit KAMBOU, faut pas qu’on soit ensemble un groupe, il faut rester à l’écart.

I. O. : donc vous avez contribué au coup d’état de 80……..

O. K. : j’étais là ! Base arrière. Donc on m’a dit de rester à côté de ne pas venir dans le groupe par ce que il est sûr c’est aujourd’hui à vous je dis ça hein ! Comme c’est le peuple que vous représentez tout de suite avec le micro je dis ça aujourd’hui. Il faut rester à l’écart, que sinon tout le monde meurt, il n’y aura personne pour faire vivre la révolution. Il m’a dit ça. Et c’est ainsi je me suis retiré complètement de la scène politique et je ne suis pas parti, j’ai des idées. Et au niveau de la base aérienne, je vous dis, le jour que Sankara est décédé, j’étais à la piscine à l’hôtel Indépendance le jeudi. Donc j’ai entendu les crépitements des des coups je suis sorti rapidement aller à la maison et, m’habiller rejoindre la base aérienne.

I. O. : en tenue militaire bien sûr !?

O. K. : voilà ! Rejoindre le camps. Et je vous dis que par la suite, y a un Casimir qu’on appelle euh Kaboré Casimir ; c’est lui qui me surveillait au niveau de l’armée de l’air, c’est lui qui était chargé de donner des renseignements sur moi et un jour il vient dans mon bureau il dit mais, Kambou y a quelque chose que lui a remarqué que ça va pas. Je dis quoi ? Mais depuis de Thomas est décédé tu n’es jamais content mais je vous dis je l’ai même pas considéré ce jour-là mais celui-là est un animal ou bien c’est quoi ? Quelqu’un qui est mort, il faut être content ? Je lui dis ça ce jour-là. Mais quelqu’un qui est mort tu veux que je sois content pourquoi ?

I. O. : quand ………….Thomas Sankara a été tué vous êtes allé au conseil ?

O. K. : par la suite, je partais quand je suis de service puisque à chaque nuit si vous êtes de service il faut faire un rapport circonstanciel des évènements de la nuit ; il faut faire ça pour aller rendre au conseil. C’est par là d’ailleurs je suis parti un jour, Guébré Fidèle (note : commandant tué en 1983) et mon parent Yorian (note : Somé, Colonel de la Gendarmerie tué en 1983), je suis parti trouver leur corps.

I. O. : aller trouver leur corps ?

O. K. : Dans la chambre ou…….. ils ont nagé nagé dans leur sang. j’ai vu ça de mes yeux. Et sa femme était à la porte assise sur le pilier des ponts là ! Avec son thermos pour donner son café, le petit déjeuner sans savoir que son mari était déjà fini, ce n’est pas bon. Disons… je parle hein, mais on m’a dit de pas parler de ça hein !

I. O. : qui vous a dit de ne pas parler de ça ?

O. K. : non non, je dis bien

I. O. : qui, qui vous a dit de ne pas parler de ça ?

O. K. : non pas le coup-là quoi, ce que j’ai vu là quoi ; mais venir faire la déclaration aujourd’hui à Ouaga Fm. On m’a conseillé de ne pas le faire que je risque d’avoir des problèmes. Moi, les problèmes ne me font pas peur aujourd’hui puisque mes enfants sont des adultes. Ma dernière fille a vingt-deux ans donc personne, celui qui baisse les bras c’est lui qui va souffrir. Sinon tout le monde meurt et moi déjà j’ai soixante-six ans j’ai vécu.

I. O. : donc vous êtes allé au conseil euh ! Vous avez trouvé donc les corps la bas..

O. K. : tout ça là est passé ! Bon c’est vu, c’est vu. J’ai vu comment ils ont nagé dans le sang

I. O. :…et quand vous êtes reparti au conseil après l’assassinat du président Thomas Sankara est ce qu’on vous a donné des informations sur qui a tiré sur lui ? Qui a donné l’ordre de le tuer tout ça?

O. K. : bon, euh, globalement je ne veux pas citer les individus ahan, qui ont tiré. je connais mais je ne vais jamais donner leur nom.

I. O. : vous les connaissez ?

O. K. : je connais certains, ceux qui ont tiré ahan !, mais je ne peux pas sincèrement en tant que, un homme, père de famille, c’est difficile pour moi de dire aujourd’hui un tel, un tel, un tel ont tiré.

I. O. : mais est ce qu’ils vivent toujours ?

O. K. : ils vivent ! Mais..

I. O. : ils vivent toujours !?

O. K. :mais je dis jusqu’à demain, jusqu’à ce qu’il m’égorge là, ça c’est les…, les consignes aussi d’un commando. Si tu veux égorger un, il va accepter que tu l’égorges mais il ne va jamais te livrer le secret. Ça jamais oui, oui. Pour ça en tout, je vais tout dire hein, mais je ne vais jamais jamais, jamais, jamais dire que c’est un tel qui a tiré sur un tel. Ça ce n’est pas possible !

I. O. : on vous a expliqué un peu dans quelle circonstance Thomas Sankara a été tué ?

O. K. : Non bon, c’était le jour comme tous les jeudis le sport de masse. Il est rentré continuer à l’intérieur là-bas et quand il partait, disons c’est dans le lieu là, le coté ou on nous a pris poser torturer là quoi ! Y a une maison à l’intérieur du conseil là, en briques rouges là et chose, cailloux là. Voilà. C’est devant ce bâtiment-là. Y a des gens qui sont postés à sa droite au fond et quand il s’approchait on l’a abattu, il s’est débrouillé ahan, pour entrer avec son chauffeur dès, ils ont limé tout le monde quoi !

Témoignage Kambou de la 35è à la 40è

O. K. : Il y a une maison à l’intérieur du conseil en brique rouge là… caillou. C’est devant ce bâtiment là, Il y a des gens qui sont passés à sa droite au fond. Et quand il s’approchait, il s’est débrouillé pour rentrer avec son chauffeur Der, ils ont limé tout le monde quoi ! Avec l’autre Bazamo. Bref ça c’est des détails. Ils sont morts, ils sont morts en groupe, mais dire que c’est un tel qui a tiré, un tel qui a tiré…

Vous les connaissez mais vous n’allez pas le dire ?

O. K. : Non ce n’est pas possible

Si éventuellement les avocats de la famille vous approchent…

O. K. : Ce n’est même pas possible. Eux-mêmes ils savent

Vous n’allez pas parler ?

O. K. : Ils savent. Ils savent ceux qui ont tiré. Eux-mêmes sont au courant. Ils savent très bien ceux qui ont tiré. Ils savent. Ceux de Norbert Zongo, là, ils sont au courant Ceux qui ont tiré, ils sont au courant. Il y en a qui sont morts quand même. Pour Norbert Zongo, le procès a eu lieu. On a eu quand même des militaires. Tout ça. C’est Marcel Kafando qui était le seul véritable inculpé, qui n’est plus aujourd’hui. Oui mais…. Ceux qui sont avec lui, est-ce que ils ont donné leur nom ? Ils sont pas donné leur nom.

Vous les connaissez aussi ?

O. K. : Mais j’ai dit moi, en tant qu’un technicien de commando, je ne peux pas ne pas savoir beaucoup de chose. je ne peux pas ne pas savoir beaucoup de chose. Mais cette fonction là, m’interdit formellement de dire certaines choses qui vont compromettre quand même la vie d’autrui.

( NDLR : en réalité les noms sont plus ou moins connus, mais il reste sans doute à confirmer, par des investigations. Il s’agit de Ouedraogo Arzoma Otis, Nabié N’Soni, Nacolma Wanpasba, Ouedraodo Nabonsmendé, Tondé, Kabré Moumouni et Hyacinthe Kafando (voir à thomassankara.net/?p=805 l’article intitulé Que sait-on de l’assassinat de Thomas Sankara? . Nous attendons d’une nouveau pouvoir et d’un nouveau procureur qu’une enquête soit lancée rapidement).

Alors mais vous aujourd’hui, vous avez dit que vous avez 66 ans, vous avez fait de la prison pendant 13 mois, vous avez été torturé, vous avez perdu l’œil gauche, vous avez vos enfants qui ont grandi. Votre dernière fille a 22 ans. ? Est ce que c’est pas le moment pour vous à jamais de rendre service aux familles de Thomas Sankara et de Norbert Zongo en approchant les avocats pour leur dire toute la vérité.

O. K. : Non, ce côté-là je dis bien…

I. O. Vous aurez rendu service à la nation.

O. K. : Déjà, ce que j’ai dit, j’ai bien dit je suis sans la cellule quand on torturait Sessouma Guillaume. C’est après moi on l’a amené. Mais c’est les mêmes soldats qui m’ont torturé, et les donneurs des ordres sont là. Est-ce que vous voyez ? Pourquoi je dis moi personnellement les donneurs des ordres ne sont pas morts. Et les principaux, ça je peux donner leurs noms. C’est eux qui ont donné les ordres. Mais eux-mêmes ils ne peuvent pas savoir celui qui a capé la nuque de l’autre… et il n’a pas pu se lever

I. O. : Les principaux donneurs d’ordre c’est qui et qui ?

O. K. : j’ai dit les principaux donneurs c’est Kafando, c’est Diendiere, c’est Gaspard et Kéré. Les 4 là. Et il y avait leurs … Georges Compaoré, et comment il s’appelle Bonkian Alain. Ils ont d’autres… Ils sont ensemble. Ceux que j’ai cités là. Eux tous ils savent qui a fait ça, qui a fait ça ! j’ai besoin de citer les noms de ceux qui ont tiré, de ceux qui ont piqué.

I. O. : Donc ça veut dire que si on veut faire toute la lumière, c’est eux qui doivent éclaircir tous les dossiers des crimes là. Donc si on veut éclaircir tous les dossiers des crimes il faut voir tous ceux que vous avez cités tout à l’heure.

O. K. : C’est eux qui doivent faire ça.

I. O. : Alors quand vous avez été libéré le 27 janvier 1991 est-ce que vous avez été libéré dans la journée ou dans la nuit ?

O. K. : Dans la journée. je me suis même perdu. On m’a amené à la justice, au palais et puis on m’a laissé au palais.

I. O. : Est-ce que vous avez été jugé ?

O. K. : Non..

I. O. : Quand vous êtes arrivé au palais, qu’est ce qu’on vous a dit avant de vous libérer?

O. K. : On m’a dit seulement de partir, on m’a donné un petit papier de libération, de mise en liberté Maintenant quand je suis sorti, je ne sais plus où est le nord où est le sud hein ! Sincèrement. Maintenant je suis sorti m’arrêter longtemps. Et j’ai vu le commissariat de police qui est à côté. Et c’est là, je suis allé vers là-bas et petit à petit, je me suis dirigé vers ma droite, suis rentré au marché. Quand je suis rentré au marché maintenant, j’ai regardé… Et voilà les boutiques de Fadoul. C’est ça qui m’a orienté. C’est les boutiques là qui m’ont orienté. j’ai commencé à marcher. j’ai vu un qui aime beaucoup… parce que j’étais aussi entraineur de cyclisme dans le temps, donc je l’ai vu marcher. j’ai dit…Ah monsieur, il m’a répondu, je demande 100F. je sais pas de quoi, ce que je vais faire avec. Demander 100F là , c’était pour prendre un taxi.

I. O. : Il vous a donné les 100F ?

O. K. : Il m’a donné les 100F, j’ai pris taxi, allé rentrer chez moi ?

I. O. : Votre famille ne savait pas que vous aviez été libéré ?

O. K. : Non les gens ne savaient pas. je suis parti comme ça les surprendre. Ma femme n’était même pas là, elle était au travail. Et ce type, qui m’a donné 100F là, ce n’est que tout dernièrement, on s’est vu on causait. Depuis longtemps j’ai envie de lui faire un cadeau. je ne sais pas ce que je vais faire comme cadeau, ça va me plaire, parce que il m’a rendu service. Mais ce service là, si je lui dis, il va me dire ça là seulement ? Non ce n’est pas ça seulement mais je ne vais jamais lui dire ce qu’il a fait. je n’arrive pas à lui faire un cadeau d’importance. Donc lui, chaque fois il me réclame… qu’il veut savoir ce qu’il m’a fait…

39ème minute 41ème seconde jusqu’à la FIN 53ème minute 01 seconde

O. K. : … je dis non, cela fait beaucoup d’années, ça vaut 15 ans. Il me dit quoi ? 15 ans ?! Je dis mais quand j’étais trésorier adjoint dans la fédération des cyclistes, il me connaissait là-bas non ? Il dit Oui. je dis mais est ce qu’après il m’a vu. Il dit Non qu’on a dit qu’on m’a affecté à Fada. Puisse qu’on avait tellement fait des bruits, on a mélangé tout et on ne sait pas où je suis. On a tout fait pour mettre en œuvre pour dire que j’ai disparu pour me tuer quoi ; et puis dire que j’ai disparu. Sinon aller à Fada tout ça là… que je suis affecté là-bas comme Directeur de Service Sport…

I. O. : Alors donc quand vous avez été libéré, vous êtes revenu en famille, vous avez pu voir vos enfants, votre épouse, vos parents, amis et connaissances et tout ça alors est ce que vous étiez encore suivi ?

O. K. : Bien sûr je suis filé, suivi tous les jours, mais moi j’ai attrapé certains et je les regardais et je les laissais partir. Et même y’a un Docteur Kan (note : un responsable d’un cabinet d’ophtalmologie), on l’appelait Dr Kan. je suis parti là-bas pour voir mon œil comment ça peut aller quoi.

I. O. : L’œil gauche ?

O. K. : Oui l’œil gauche. On m’a suivi même jusqu’à ce cabinet-là.

I. O. : Qui vous suivait ? Est-ce des militaires ou des policiers ?

O. K. : Non, c’étaient des militaires du conseil. Les policiers même ne sont épargnés de leur zone hein ! Vous saviez les policiers et les militaires dans le temps, ne s’entendaient pas. Donc je vais revenir même pour ça pour ce que j’ai fait pour l’armé, la police, la gendarmerie, donc on me suivait là-bas, je suis parti on m’a mis des produits dans les yeux et puis maintenant pour voir quoi. Et ces gens-là ils sont deux (02). Quand je me suis levé seulement j’ai attrapé ça et puis j’ai ouvert l’autre œil là, j’ai vu deux (02) militaires mais ils ont été surpris quoi. Mais je ne les connaissais pas, mais quand je suis sorti, ils sont sortis aussi. Mais ils sont restés à distance. Ils sont restés à distance.

I. O. : Alors depuis lors, vous avez quitté la prison en 1991, c’était exactement le 27 janvier 1991. Est-ce qu’on a cherché à vous recontacter pour vous dédommager de tout ce que vous avez subit ?

O. K. : On a eu une partie du dédommagement. Maintenant quand on nous a fait ça, on a fait ça et on nous a forcé à signer ça hein sans mentir. Pour que si on veuille déposer plainte, on n’aura même pas 1 Franc dans ce qu’on peut nous donner. Moi personnellement j’ai eu dans les 4 000 000 Franc.

I. O. : 4 000 000 FCFA ? Vous avez eu 4 000 000 de FCFA ?

O. K. : Oui 4 000 000 dans le temps.

I. O. : C’est l’Etat qui vous a donné ça ?

O. K. : Il y avait un fond d’indemnisation qu’on a créé et mettre à quelque part.Et c’est comme ça que ça s’est passé.

I. O. : 4 000 000 de FCFA qu’on vous a donné ?

O. K. : Oui voilà. Donc on était obligé d’accepter ça sans déposer plainte. C’est-à-dire si on dépose plainte, on annule tout. Voilà les mots. Donc comme on connait le pays, d’ailleurs mêmes y’a des gens, ils seront peut être appelé un jour car ce qu’ils ont beaucoup bouffé hein dedans. Y’a en qui n’ont pas eu leur argent. Ça je connais aussi.

I. O. : En quelle année on vous a donné les dédommagements ?

O. K. : En 2000 ; 2002. Normalement ça devrait se poursuivre même jusqu’à nos jours ! Mais comme vous savez le pays comment il est, c’est plein de gens et comme ZIDA a dit, j’ai entendu ce qu’il a dit, on ne va pas rester à la maison dormir et le laisser travailler seul. Ce n’est pas ce qu’il a dit hier où l’autre jour ? Si vous reprenez vous allez entendre ce qu’il a dit.

I. O. : C’est ce qu’il a dit à la place de la nation le 13 décembre dernier.

O. K. : On ne va pas rester à la maison et d’une manière magique, il va découvrir c’est qui il doit poursuivre ! Il faut qu’on l’aide ! C’est comme ça !Donc ceux qui vont rester à la maison et dire bon, ZIDA va faire le miracle seul, ça aussi ce n’est pas possible.

I. O. : Aujourd’hui vous avez parlé un peu de votre récit de mouvement des droits de l’homme qui sont venus et puis finalement cela a peut-être contribuer à votre libération, pourquoi vous n’avez pas porté plainte après même si on vous a donné 4 000 000 quand on est revenu à une vie démocratique au Burkina Faso vous aurez du porté plainte quand même ?

O. K. : Non non, je suis parti, je vous ai dit que je suis organisé quand même. je suis parti voir le Colonel Diallo à la Gendarmerie celui qui était procureur de la justice militaire. je suis parti le voir dans son bureau, je dis je viens pour porter plainte. C’est moi qui vous dis ça. S’il est vivant, s’il est là au Burkina aujourd’hui, je ne sais pas où il est hein ! Il m’a dit que ça là c’est trop lourd pour lui. Oui il dit c’est trop lourd pour lui puisse que, les informations que j’ai eu de la femme, mon élève à piscine là ça m’a révolté. Et je voulais savoir comment on peut faire des choses comme ça lié à quelque chose de national, affaire personnelle, on va prendre ça pour détruire des gens. Même si quelqu’un veut votre femme, c’est parce qu’il y a des facilités, ça va le gâté plus d’ailleurs. Tu vas la mettre dehors, faut pas attraper ou profiter de ta position pour attraper les gens enfermer !

I. O. : Alors Monsieur Kambou, aujourd’hui on s’achemine lentement et surement vers la fin de cette émission avec vous, on n’a pas beaucoup de temps malheureusement pour rentrer dans les détails. Est-ce que vous avez cherché à rencontrer le Président Compaoré pour lui parler de tout ce que vous avez subi comme dommage et tout ça ?

O. K. : J’ai cherché mais il ne m’a pas reçu sincèrement.

I. O. : Vous avez dit

O. K. : Surtout le protocole, quand tu vas là-bas pour le voir c’est difficile, c’est difficile, tu ne peux même pas. Oui oui j’ai tout fait mais, depuis qu’il est Président durant les 27 ans, on ne s’est jamais dit « Bonjour ». C’est comme si on n’a même pas travaillé ensemble une fois.

I. O. : est-ce qu’il vous connaissait très bien ?

O. K. : je dis notre dernier match de football, c’est moi qui étais entraineur, c’est moi qui étais joueur. A Ouahigouya pendant la guerre 1974-1975, c’est moi qui les ai préparés au front là-bas. Et on est venu jouer contre Kango Sport à Ouahigouya, tout le monde savait qu’on était des commandos. Comme le temps ne permet pas surtout, j’étais au front avant l’arrivée de Sankara. Maintenant comme je bougeais beaucoup au front là-bas, j’ai reçu une convocation de la part de l’Etat-major ici à Ouagadougou de descendre urgemment pour raison de service. Alors c’était pour rejoindre Sankara pour former une compagnie de commandos. Et c’est comme ça je suis venu trouver Sankara, on a pris une compagnie aller à Loumbila (note : ville située à une vingtaine de km au nord de Ouaga) former les jeunes et on est remonté au front ensemble. Si je dis Sankara il me défendait partout. Quand même je suis venu avec mon Diplôme de Commando, on a dit de ne pas me laisser former les gens parce que c’était comme si j’étais un extraterrestre. Donc y a un Sous-lieutenant, comme il est Chancelier, il participe à toutes les réunions de la Chancellerie. C’est lui qui m’a appelé à côté que « haa si tu peux changer de spécialité il faut changer on a dit de ne pas me laisser former les gens parce que la note d’appréciation qu’il ont vu, c’est trop fort ».

I. O. : Monsieur Kambou, on s’achemine vers le fin de ce rendez-vous avec vous, vous avez dit que ZIDA vous connaissait ?

O. K. : Oui il me connait. Mais on a jamais échangé comme ça hein, physiquement.

I. O. : Mais il vous connait très bien ?

O. K. : Oui.

I. O. : Comment avez-vous apprécié la chute de Blaise Compaoré ?

O. K. : Non mais, c’est une suite logique de sa vie. je ne sais pas si vous me comprenez dans ce sens-là ? C’est une suite logique de sa vie. Son silence, sa rupture, ses contacts avec ses connaissances, disons qu’il y a aussi sa vie régionaliste. Ça veut dire que même si je ne dis pas ce côté, le fait de protéger son petit frère de tout ce qu’il fait comme des conneries, il sait que tôt ou tard ce n’est pas l’homme-là, comme je le disais tout de suite, les enfants sont venus, ils sont tombés en sauvant, en permettant que le peuple puisse vivre. Sinon ce qui se passe, par exemple la belle-sœur de François (Compaoré), Alizeta. Est-ce que c’est normal, quelque chose du patrimoine national, ancien camp fonctionnaires, qu’on vienne détruire, et chasser, dédommager ces gens-là, ils sont partis un à un mourir vite vite hein. Parce que des gens qui ont fait 20 ans, 30 ans ensemble, on vient les séparer. Ce n’est pas possible. Et c’est resté 10 ans, 15 ans presque ça y est là-bas, ce n’est pas une vie ça !

I. O. : donc vous pensez que ce qui est arrivé au Président Compaoré c’est une suite logique de la vie ?

O. K. : Oui c’est une suite logique de la vie de l’homme.

I. O. : Vous, vous avez décidé de parler parce que depuis des années vous étiez dans le silence, maintenant que Blaise Comparé n’est plus Président vous avez décidé de parler, qu’est-ce que vous souhaitiez des nouvelles autorités de la transition ?

O. K. : Disons que pour apaiser le cœur des uns et des autres, je pense que le jugement c’est Obligatoire.

I. O. : Est-ce que vous allez porter plainte ?

O. K. : La justice là ! Mais pourquoi pas ? Y a un médecin qui m’avait dit que mon œil, c’est possible avec des implants, je peux retrouver la vue. Maintenant si je suis au courant de ça, puisse que j’ai déjà attrapé des médecins militaires, ils ont refusé de faire quoi que ce soit de peur d’être dans quelque chose. Mais ça aussi c’est leur droit parce que c’est la peur, tout le monde a peur, tout le monde n’est pas garçon. Donc ce qu’on m’a dit avec l’implant, c’est un médecin à l’hôpital qui m’a dit ça avec l’implant, peut-être je peux retrouver la vue. Mais si je porte pas plainte, je ne sais pas combien d’années il me reste à vivre avant de mourir !

I. O. : Mais vous allez porter plainte contre qui éventuellement ?

O. K. : Mais je vous ai dit que ceux qui m’ont appelé là, ils sont là !je vais porter plainte d’abord au niveau de l’armée de l’air qui a envoyé 2 personnes qui ne sont pas encore mortes de venir m’appeler de chez moi. Et quand ils m’ont appelé c’est au Nom de quelqu’un, un commandement de l’armée de l’air aussi. Vous voyez non ? C’est une chaine. Quand je suis parti on m’a emmené au conseil, c’est trop voilà ! On m’a emmené au conseil, c’est Kéré qui m’a reçu !j’ai répondu à son appel. Et après l’appel de Kéré, l’autre est venu me demander qu’est-ce que je cherchais chez mon neveu Kafando ? Et dans la cuisine où on nous a enfermé, Diendéré tenait son rapport derrière ce mur là, que « ces gens-là veulent faire Coup d’Etat ; on va les juger et on va les punir à la hauteur de leur acte » (il le disait à haute voix) pour qu’on entende bien ce qu’il dit nous concernant. C’est suffisant non ?

I. O. : Donc dans les jours venir, ça va chauffer ?

O. K. : Mais ce n’est pas moi qui vais faire chauffer, c’est l’autorité qui va chauffer ça.

I. O. : Enfin… je veux dire sur le plan judiciaire. Est-ce qu’aujourd’hui Mr Kambou vous êtes un homme soulagé ?

O. K. : Mais… moi-même DIEU m’a créé, j’ai un moral de fer. Sinon ça là aujourd’hui vous n’allez même pas me trouver ici, parce que je me suis forcé de m’amuser, de taquiner les gens depuis que je suis sorti pour pouvoir oublier tout ce que j’ai vécu. je rentre partout, je fais tout, vous voyez que je suis dans toutes les piscines hein de Ouagadougou et avec des enfants, je m’amuse, je fais tout, vous voyez non ?

I. O. : Donc c’est pour oublier tout ce que vous avez vécu ?

O. K. : Oui c’est pour oublier tout ce que j’ai vécu, respirer l’urine, l’odeur des caca (déchets) au-dessus de ma tête hein, je me lève tôt m’assoir pour que les frères et autres codétenus puissent laver leur figure sur le bac où je posais mes pieds. Tout ça là, ce sont des choses qu’il faut oublier, et en fait c’est difficile de faire ça et ça, même ce que j’ai vécu là, quand je vois la cavale de Blaise aujourd’hui, j’ai pitié même et sincèrement sans vous mentir ; quand je vois ses fuites par-ci, par-là, j’ai pitié de lui, c’est comme s’il n’a rien fait de mauvais. Vous voyez l’homme est comme ça ; l’homme est comme ça hein ; j’ai pitié de lui aujourd’hui aujourd’hui que je parle là. Mais je ne suis pas de ces gens qui va demander qu’on fasse du mal à un tel comme… je veux plutôt qu’il vive plus longtemps pour voir aussi ce qu’il voulait que je sois, je ne suis pas ainsi. Et peut-être il pourra donner des conseils, faire quelque chose quoi, pour être utile.

I. O. : Qu’est-ce que vous souhaitiez pour le Burkina Faso ?

O. K. : Le meilleur meilleur de ce qu’on n’attendait pas et je rends hommage sans limite à nos enfants qui sont tombés. Et je souhaite seulement que tous ceux qui sont vivants puissent se corriger aussi souvent les petites erreurs par-ci par-là pour qu’on puisse avancer dans le développement surtout.

I. O. : Mr Ollo Kambou, Adjudant-Chef, réhabilité en 1992, ancien militaire qui a fait le tour pratiquement de plusieurs services, moniteur commando, retraité en 1994, il faut signaler qu’aujourd’hui il est maître-nageur et il est Kinésithérapeute. Il a été arrête le 24 décembre 1989 et puis libéré le 27 janvier 1991. Treize (13) mois donc en prison au niveau du Conseil, le fameux conseil donc de l’entente où on disait, on torturait les prisonniers et tous ceux qui étaient donc arrêtés comme leader d’opinion. Merci à vous d’avoir accepté l’invitation de Ouaga FM. Vous aviez un dernier mot ?

O. K. : Oui j’avais parlé de la cohésion entre la police, la gendarmerie et l’armé.

I. O. : Oui rapidement un mot sur la cohésion entre la police et l’armé.

O. K. : je suis à la base de cela. Mais aujourd’hui en ce temps d’ailleurs personne n’a parlé de cela ! C’est moi qui ai fait une demande adressée à mon Chef, à mon Commandement de régiment qui est Gouba Christian Laba. C’est lui qui était commandant de la 5ème région. j’ai dit comme y a toujours des compétitions, il faut que la police, la gendarmerie, la base aérienne participent à ça.

I. O. : Donc vous avez essayé de rapprocher, la police et la gendarmerie aux militaires avec notamment des activités sportives ?

O. K. : Voilà et c’est moi j’ai mis ça en place avec l’assentiment de Gouba Laba Christian. C’est lui qui a accordé quand je lui ai expliqué le bien fait de ce qu’on va faire. Et il a accepté.

I. O. : On peut dire que Mr Kambou a beaucoup contribuer à ce qu’il ait la cohésion entre militaires, policiers et gendarmes aujourd’hui ?

O. K. : Voilà c’est moi, c’est moi qui ai mis ça en place.

I. O. : les gendarmes ce sont des militaires de formation ?

O. K. : Oui même l’armée de l’air ! Est-ce que vous savez ? L’armée de l’air ne participait pas aux activités sportives. Le championnat sportif des corps, la gendarmerie ne participait pas. Est-ce que vous voyez ? La police ne participait pas. C’est entre militaire seulement que y avait Championnat inter-corps. Et moi j’ai ramené ça à tous les niveaux. Et si je dis j’ai ramené ? Souvent je n’aime pas personnaliser ça nous avons ramené cette cohésion là au sein de l’armée.

I. O. : En tout cas, ça sera votre contribution pour le Burkina Faso Monsieur Ollo KAMBOU Merci beaucoup !

Propos recueillis par Ismaël Ouedraogo

1 COMMENTAIRE

  1. “Les principaux donneurs d’ordre des tortures étaient (Boureima) Kéré, (Gilbert) Diendéré, Gaspard (Somé) et (Hyacinthe ) Kafando “, témoignage de l’adudant chef en retraite Ollo Kambou
    Merci pour cette lumière

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