S’il faut décrire brièvement Thomas Sankara, on pourrait dire qu’il était un homme qui réclamait, sans distinction, une justice concrète pour tous. Chaque jour, Sankara se demandait comment faire pour sortir le Burkina Faso d’une misère aliénante. L’homme combattait la misère et les dépendances néocoloniales. Il s’indignait de l’impérialisme et de ses relais africains locaux. Houphouët Boigny, lui-même, ne pouvait manquer de se plaindre du jeune révolutionnaire très enclin à reformer l’ordre colonial imposé aux peuples d’Afrique.
Le gêne entre les deux chefs d’États vient du fait que d’une part le président Burkinabé Thomas Sankara avait séduit les jeunes ivoiriens par ses visions et ses discours sur l’affranchissement des africains. Et d’autres part, le président ivoirien Houphouët Boigny redoutait une imitation de l’éclairé capitaine Burkinabé dans son jardin privé la Côte-D’ivoire. Les échauffourées se sont multipliées entre les deux chefs d’état. Sankara quitte le Conseil de l’Entente dirigé par Houphouët. Il dénonce l’« origine réactionnaire, droitière, conservatrice, arrière-gardiste » de ce regroupement d’ex-colonies françaises qu’il qualifie d’instrument de la « stratégie néocoloniale française. »
Concernant les amis de la France, imposés comme chefs d’état aux peuples Africains, Sankara disait : [ce sont] « des alliés locaux de l’impérialisme qui gambadent de sommet folklore en sommet folklore à la recherche d’un soutien moral et logistique. » Il disait vrai et cela dérangeait. Le président du Burkina Faso pensait qu’il n’yavait pas de raison de se taire ou de baisser les yeux face aux hommes malhonnêtes, qu’ils soient de la bande De Gaulle ou autre.
Un jour, il a apostrophé un parrain de l’Élysée, François Mitterrand, en ces termes: « Nous, Burkinabés, n’avons pas compris comment des bandits, comme Jonas Savimbi, le chef de l’Unita, des tueurs comme Pieter Botha, ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. »
Hmmmm! Vous vous demandez quelle était la réponse de Mitterrand ? Plus à l’aise dans les manigances obscures que face à la vérité dite sous les lumières, Mitterrand pâlit. Comme un malfrat, pris la main dans la poche, il n’a pu rien dire d’intelligible. Ce qui ne signifie pas qu’il est moins dangereux. Le combat du « Che Guevara » Africain contre le sous-développement, perçu comme un symbole dangereux d’émancipation, allait couter la vie à Sankara.
François Mitterrand et ses lieutenants françafricains ont décidé d’étouffer le mouvement d’affranchissement initié par le jeune révolutionnaire. Ça pourrait éveiller les Africains disaient-ils. Les rumeurs de putsch ont commencé à circuler dans les cabarets à Ouagadougou. Sankara était au courant mais il refuse de faire couler le sang. Preuve? Bien avant le putsch, il appelait déjà son épouse ma « veuve ». Aussi, il disait à son alentour que c’est une insulte à son intelligence de croire qu’il n’est au courant de rien ou ne voit rien lorsqu’il suffit d’aller dans un cabaret de Ouagadougou pour savoir que le temps allait changer. Sankara avait renié le recours aux armes pour régler les différends politiques. Ce renoncement était irréversible pour lui. Bien que militaire de carrière alors qu’il voulait initialement devenir médecin, Sankara était bien un homme pacifique. Le 15 octobre 1987, un commando prend d’assaut les bâtiments du Conseil de l’Entente et assassine le président du « pays des hommes intègres », massacrant aussi tous ceux qui s’y trouvent. Le certificat médical des causes de décès, émis par un curieux médecin, indique une mort naturelle. Oui, vous avez bien lu : tuer un humain, par une arme à feu, est devenu un acte « naturel ».
Bien que physiquement mort, l’esprit de Sankara a survécu et vit encore. Il meut au dessus de la jeunesse africaine et inspire cette dernière dans sa marche vers la liberté. Il suffit de relire les discours de Sankara d’il ya vingt ans pour se rendre compte qu’ils sont encore d’actualités. Sankara est inoubliable ! Ses idées sont une source de lumière pour la jeunesse africaine.
Joe Al Kongarena