EditionDIST/CNRST, Ouagadougou 2019, 268 pages

ISBN/ISSN/EAN : 979-10-91851-13-8


Nos commentaires

La parution de cet ouvrage a déchainé les passions. Il faut dire que la séance de dédicace, animée par Jean Marc Palm, et Edouard Ouedraogo, directeur de l’Obervateur, a donné lieu a des interventions tentant à dénigrer l’image de leader adulé aujourd’hui.

Au-delà de la polémique que suscitent les attaques contre Sankara, nous préférons retenir  que ce livre est un document intéressant. Il contient plusieurs récits détaillés  d’évènements importants de l’histoire du Burkina, avant l’avènement de la Révolution, peu racontés par d’autres témoins. On y trouvera des réflexions politiques approfondies, qu’aucun commentateur n’a cru bon de relever. C’est bien dommage, car la crise que traverse le Burkina, sans doute la plus grave depuis l’indépendance, mérite bien que l’on se penche sur le passé particulièrement riche de l’histoire moderne de ce pays.

Commençons donc par le récit des évènements. JBO (Jean Baptiste Ouedraogo) raconte en détail le coup du 7 novembre 1982, après avoir analysé les dérives du CMRPN (Comité militaire de redressement pour le progrès national, au pouvoir depuis le coup d’État du 25 novembre 1980), dénoncé  la corruption comme des restrictions aux libertés. Il apporte des précisions sur la position de Thomas Sankara qui avait affirmé ne pas être partie prenante de ce coup. En effet Thomas Sankara était en contact étroit avec le groupe qui le préparait, dont il donne la composition. Parmi eux, Jean Claude Kamboulé (JBO préfère Kambouélé) , qui voue une forte admiration à Thomas Sankara. Mais il ne tarde pas à s’y opposer. Il tentera même d’organiser, une fois la révolution acquise, une opposition armée à partir d’Abidjan.

JBO écrit plus loin « TS continuait depuis sa retraite forcée à Dédougou, de nous inspirer par voie épistolaire grâce à un circuit clandestin » (p. 41). Après avoir expliqué qu’aucun accord politique n’avait été mis au point , il poursuit :  « L’unanimité s’était seulement jusque là dégagée pour que Thomas Sankara assumât les responsabilités du pouvoir. » (p. 42).

Thomas Sankara apparait comme le leader incontesté de ce mouvement de militaires. Mais il considère que le moment n’est pas opportun « pour insuffisance de préparation politique » (p. 44). Pourtant il ne les dissuade pas vraiment de mener leur coup.  C’est d’ailleurs lui qui selon JBO aurait écrit la proclamation du 8 novembre. Il ajoute que, le jour du coup d’État, Thomas Sankara qui avait pour mission de couper les communications avait disparu quelques heures sans s’acquitter de sa mission. Pourtant il écrit aussi que Sankara avait confié l’organisation à J. C. Kambouélé.

Il relate ensuite les discussions et les manœuvres pour élire le président du CSP. Thomas Sankara, surprend tout le monde, il refuse d’être président mais propose le colonel Somé Yorian Gabriel, du fait sa position hiérarchique. Mais à la suite d’interventions d’officiers qui rappellent  sa proximité avec la droite, on s’oriente alors vers le soutien de JBO pour qui Thomas Sankara va finalement faire campagne. Et ce dernier est alors élu à une très large majorité. JBO apparait bien donc le candidat de compromis, entre les progressistes et les officiers de droite encore partie prenante du mouvement.

JBO revient sur l’assassinat du ministre de l’intérieur du CMRPN le colonel Nézien, responsable de la féroce répression du CMRPN contre les mouvement sociaux. Il le qualifie de « bavure » affirmant que la décision de l’assassiner n’avait jamais été prise par le CSP (Conseil du Salut du peuple au pouvoir à partir du 8 novembre 1982). Il ajoute ne pas connaitre l’auteur alors que le journaliste de Mutations qui rend compte du livre affirme que l’assassin est connu tout en  ne donnant pas son nom.

Autre récit important, celui la nomination au poste de premier ministre de Thomas Sankara. Pour JBO l’initiative en revient à la LIPAD (Ligue patriotique pour le développement). Au sein du mouvement des forces armées, il s’agit de porter main forte au président. JBO écrit : « Thomas Sankara qui semblait insensible aux charmes du pouvoir qu’il redoutait en fait au lendemain du 7 novembre, jeta brusquement le masque, et fort de l’appui de Jean Claude Kambouélé  son ardent défenseur du jour, nous imposant la création du poste de premier ministre et exigeant d’en assumer la charge » ! (p.71 – 72) Selon lui, cette proposition reçoit une forte opposition au sein de l’assemblée des forces armées. Mais il finit par se ranger au choix de Thomas Sankara comme premier ministre, s’attribuant ainsi le mérite de cette nomination, tout en le regrettant dans les paragraphes suivants.

Sankara premier ministre, les récits qui suivent illustrent la stratégie de Thomas Sankara pour affaiblir ses adversaires. Il affirme de plus ne plus ses positions révolutionnaires et par ailleurs s’engouffre  dans le soutien que lui avait donné la Libye. Ainsi Thomas Sankara est accusé d’avoir organisé sans en rendre compte une visite de Kadhafi.  Cette manœuvre aurait été désavouée lors d’une réunion des organes de direction du CSP. Mais pourtant lorsque JBO « préconise à l’arbitrage de l’assemblée générale pour statuer, solennellement et définitivement  sur notre orientation idéologique » (p. 125), celle-ci ne le suit pas.

Thomas Sankara et Jean Baptiste Ouedraogo
Thomas Sankara et Jean Baptiste Ouedraogo

En fin stratège Thomas Sankara propose d’organiser un meeting d’explication le 14 mai à Bobo-Dioulasso. Il en profite pour réaffirmer ses orientations révolutionnaires et obtenir le soutien politique notamment de la jeunesse. Le clan de droite de l’armée, autour de Yorian Gabriel Somé et Jean Claude Kamboulé, sentant la situation lui échapper, organise alors le putsch du 17 mai qui consacre l’arrestation de Thomas Sankara tout en neutralisant JBO.

Selon lui, « si la volonté d’indépendance justifiait pleinement la dénonciation de l’impérialisme, la rhétorique outrancière développée par le Premier ministre  apparaissait prématurée  et nous compliquait inutilement la tâche d’autant plus qu’elle était contraire à nos principes de départ » (p. 123) écrit JBO. Il raconte en détail ce qu’il sait de ce putsch du 17 mai 1983. Il tente de dénigrer  les manifestations des jeunes organisées par la LIPAD qui contrôle l’association des élèves et l’ULCR, en minimisant leurs succès .

JBO affirme ne pas avoir été partisan de ce putsch mais accepte cependant de faire une déclaration pour « délivrer une explication politiquement acceptable ». La situation qui en résulte apparait particulièrement confuse. « L’assemblée général ne savait plus ce qu’elle voulait » (p.  137). Le résultat en est en effet que Gabriel Somé Yorian, pourtant à l’initiative du putsch, est écarté de la fonction de chef d’État- major général de l’armée, au profit  du colonel Marcel Tamini.

Enfin JBO reprend une nouvelle fois le récit du 4 août 1983. C’est vers 17h, que le colonel Marcel Tamini, devenu le chef du CSP après la mise en l’écart de Somé Yorian, informe JBO, chef de l’État de la volonté de Thomas Sankara d’une ultime négociation.

Rendez-vous est pris pour 19h. Sont présents, outre JBO, Marcel Tamini, Thomas Sankara, Kwamé Lougué, Henri Zongo et le capitaine Kassoum Ouédraogo. Selon JBO, c’est lui-même, qui offre sa démission pour faciliter la mise en place d’un gouvernement de transition. Il est 20 h. Sankara propose alors de transmettre cet avis à Blaise Compaoré « qui demeure, maitre de la situation ». Rendez-vous est pris pour plus tard dans la soirée. Mais  vers 21h, les commandos de Pô sont déjà à Ouagadougou.

Il affirme par ailleurs que contrairement à ce qui a été écrit jusqu’ici les télécommunications avaient certes été sabotées, mais seulement momentanément, car vite rétablies, lui-même ayant eu plusieurs conversations téléphoniques. Vincent Sigué  lui aurait sauvé la vie alors qu’un caporal le menaçait, « comme quoi les mercenaires aussi peuvent avoir du cœur !» (p. 235). Blaise Compaoré  est  venu constater la reddition. Thomas Sankara, « haletant mais radieux », suivra à 21h, avec Abdoul Salam Kaboré et Pierre Ouedraogo, pour l’informer qu’il avait proclamé la Révolution, et lui affirmer qu’il veillait à sa sécurité quitte s’il  le voulait à faciliter son évacuation avec sa famille.

JBO a donné plusieurs versions de ces évènements à la presse (voir à http://www.thomassankara.net/?s=Jean+Baptiste+Ouedraogo ), et chacun pourra comparer ses différentes versions.

Tous ces récits sont ceux d’un témoin essentiel, même s’il semble ne pas les maitriser.

JBO règle ses comptes.

Pas seulement avec Sankara. Le PAI (parti africain de l’indépendance) et la LIPAD ( (Ligue patriotique pour le développement) seraient la source de tous ses maux.On rappelle que le PAI, clandestin, est à l’origine de la création de la LIPAD. Cette dernière organisation avait obtenu un récépissé et développait toute une série d’activités publiques de sensibilisation, développant les thèses du PAI. Selon JBO, elle ne comptait que peu de militants alors qu’il se plaint de sa forte capacité de nuisance à son égard.  Il hésite entre fascination, hostilité et admiration. Ainsi, Adama Touré, « qui aura la charge de suivre l’évolution du mouvement », bénéficie d’un portrait élogieux (p.39), alors que les attaques et accusations contre ces organisation fusent tout au long du livre. Mais finalement c’est un véritable hommage qu’il rend au PAI et à la LIPAD, sans s’en rendre compte. Il reconnait la compétence des dirigeants, leur capacité d’analyse, de mobilisation. Ils mettent en œuvre une stratégie qui va se révéler payante puisqu’elle mènera à la Révolution. Il rappelle le rôle majeur qu’a joué Arba Diallo (p. 89) pour donner une stature internationale à Thomas Sankara  et au CSP parmi les pays progressistes. Il en vient, à cet endroit,  contrairement à la teneur générale du ton hostile envers la LIPAD à la remercier pour cette action (p. 90).

Thomas Sankara serait-il donc manipulé par les militants de la LIPAD? La première année de la Révolution montrera le contraire, puisque les divergences vont éclater  jusqu’à la rupture. Mais, nous l’avons déjà écrit (voir la biographie de Thomas Sankara ), le PAI a influencé Thomas Sankara, a contribué à sa formation politique, et joué de son côté un rôle de premier plan dans la préparation de la Révolution, rôle confirmé tout au long du livre.

On peut s’étonner de l’absence totale de Valère Somé et de l’ULCR de l’ouvrage. C’est que, s’il était déjà très proche de Thomas Sankara, qu’il influençait sans doute aussi d’une façon ou d’une autre, il faut rappeler qu’il avait dissous son organisation. Et c’est d’ailleurs durant cette période que Thomas Sankara, lui avait demandé de la remettre sur pied. Ce sera l’ULCR, (Union des luttes communistes reconstruite). Il redoutait probablement de se retrouver en tête à tête avec le PAI, une fois au pouvoir, ce dernier parti restant alors le plus fort au sein des organisations clandestines se réclamant du marxisme.

Mais JBO ne s’en prend pas seulement à Thomas Sankara. Marcel Tamini, devenu leader du CSP après le 17 mai, « n’assumera pas correctement sa mission. Pire il trahira notre confiance allant jusqu’à  sacrifier l’armée à ses propres intérêts et à ceux du clan de Thomas Sankara ». Traduisons, Tamini avait pris fait et cause pour le camp de Thomas Sankara, et participait donc de la stratégie de prise du pouvoir. On lit en effet p. 218 qu’à l’approche du 4 août, Marcel Tamini se trouvait, selon JBO, détenteur d’armes libyennes entrés illégalement au pays. Et « non seulement il livrera nos plans à l’adversaire, plus exactement à Sankara, mais encore il démantèlera nos dispositifs avant d’ordonner aux hommes chargés de défendre l’accès de la route de Pô  de livrer le passage aux hommes de Blaise Compaoré ». Les attaques reprennent  lors du récit du 4 aout. JBO accuse Tamini de s’être porté malade pour réapparaitre en fin d’après midi. Et en fin de livre, « lui et le colonel Kouaka Salambere, n’auront pas  résisté longtemps aux séductions, tentations, et promesses dévolues aux traitres. Ces deux officiers félons  sont les vrais prototypes d’officiers félons !..» (p. 228)

 Haro sur la Libye.

On savait déjà que la Libye avait aidé Thomas Sankara lors de la préparation du 4 aout. JBO explique qu’à peine 15 jours après l’avènement du CSP, une importante délégation se rend en Haute Volta, inaugurant de très nombreuses missions dans les mois qui viennent. Il affirme que c’est le capitaine Ouattara Abdoubakary, par ailleurs dentiste, désigné par le CSP pour représenter la Haute Volta, qui, à côté du chargé d’affaire libyen, servira d’intermédiaire entre Sankara et Kadhafi, si tant est qu’il y ait eu effectivement besoin d’intermédiaire. « La politique libyenne… usera tour à tour de charme, de pressions et de chantages pour nous contraindre de nous aligner sur ses positions et analyses… ». C’est lorsque JBO commença à résister à ses assauts qu’il avoue avoir été choqué par la brutalité des propos  « d’un émissaire libyen pour le convaincre de rompre avec l’impérialisme français et américain » (p. 93)  que « Kadhafi change de tactique et jeta son dévolu sur Thomas Sankara ». Désormais les évènements vont s’accélérer notamment après la nomination de Thomas Sankara comme premier ministre. Ce dernier va œuvrer, sans toujours en rendre compte à JBO, à organiser une visite de Kadhafi au Burkina. Les promesses d’aide vont alors se multiplier, comme savent le faire les Libyens. Les rapports avec la Libye ont suscité alors de nombreuses critiques à l’extérieur et ont été aussi un des prétextes de la tendance de droite du CSP, pour faire le coup de force du 17 mai 1983, et écarter Thomas Sankara et ses amis.

Après leurs arrestations, l’aide de la Libye envers les révolutionnaires va continuer de plus belle, notamment par la livraison d’armes via le Ghana de Jerry Rawlings. JBO écrit cependant «  mieux que quiconque, Thomas Sankara était conscient des dangers d’une trop forte inféodation au régime de Tripoli : il en tiendra compte après le 4 août et rectifiera le tir juste le temps pour endormir l’opinion internationale. » Cette aide contribuera à renforcer la confiance des commandos de Pô auxquels s’étaient joints de nombreux civils, et plus généralement de toutes les forces qui vont participer à la prise du pouvoir le 4 août 1983. Mais plus qu’une victoire militaire, il y eut peu de morts et peu de combats, ne s’agit-il pas plutôt d’une victoire politique y compris au sein des militaires que signait le succès du 4 août ?

Profession de foi

Jean Baptiste Ouedraogo lorsqu'il était président de la Haute Volta ©archives nationales du Burkina
Jean Baptiste Ouedraogo lorsqu’il était président de la Haute Volta ©archives nationales du Burkina

On sent, tout au long de la lecture, le souci permanent de JBO de s’expliquer, de justifier ses choix. Aussi fait-il un bilan du CSP particulièrement positif, cachant mal sa volonté de s’en attribuer les lauriers, oubliant d’ailleurs de rappeler que le gouvernement comptait plusieurs ministres de la LIPAD, aux côtés d’autres ministres progressistes qui certes préparaient de leurs côtés aussi la victoire de la Révolution mais qui continuaient à apporter au gouvernement leur compétence, leur rigueur et leur honnêteté.

Il affirme être véritablement démocrate, prône le dialogue qui aurait selon lui permis de dénouer bien des conflits, oubliant parfois que le pouvoir était alors détenu par les seuls militaires. Toutes ses réflexions politiques sont très actuelles et auraient mérité que le débat se poursuive. Il rappelle sa volonté de revenir à une « vie constitutionnelle normale », dont le pays était sorti un peu plus de 2 ans auparavant. Pourtant, les dirigeants d’alors s’étaient affirmés incapables de satisfaire aux besoins élémentaire des populations, alors que la corruption ponctionnait le maigre budget de l’État.  Un débat revenu au premier plan au lendemain de l’insurrection, et qui risque de revenir encore au premier plan au Burkina tant la crise qui sévit actuellement n’a rien à envier à celle qui a précédé le premier coup d’État militaire du CMRPN en 1980. Et personne ne peut prévoir de quoi sera fait le lendemain au Burkina.

Il faut bien se dire la vérité en face. La onstitution n’a été rétablie au Burkina, après l’insurrection, que par un artifice qui s’est traduit par un avenant qu’était la Charte de la Transition. Mais en réalité, ce qui a été fondamental, c’était bien le rapport de force qui a permis au Burkina de résister aux pressions de la communauté internationale de lancer de nombreuses réformes par une assemblée qui a été élue par des règles très loin de celles de la constitution initiale.

Ce débat était bien celui qui animait le CSP. Les révolutionnaires souhaitaient aller de l’avant pour changer le pays de fond en comble et en renverser les objectifs au profit du peuple, durant une période suffisamment longue pour révolutionner le pays. Tandis que les partisans du retour à la « vie constitutionnelle normale », soutenus par les partis de droite ne souhaitaient que revenir après quelques changements de façade à la gabegie qui prévalait jusqu’en 1980. Le débat a été rouvert après le 15 octobre, les pseudos révolutionnaires, ne cessaient d’affirmer refuser le retour à une vie constitutionnelle normale, pour finalement mettre en place une constitution démocratique sur le papier. Ce qui a permis au CDP de régner sans partage, sans que l’on puisse parler de démocratie jusqu’à l’insurrection, de même qu’aujourd’hui, le MPP règne pratiquement sans partage, mais reste incapable de redresser le pays.

Le vrai problème de JBO

Tout compte fait, le livre reflète la grande faiblesse politique de JBO qui se retrouve au milieu de deux camps, la droite autour de Somé Yorian et Jean Claude Kamboulé  d’une part et les révolutionnaires autour de Thomas Sankara et ses amis d’autre part.

Il a bien été choisi pour présider le pays par les hommes de ces deux camps car il n’appartient à aucun des deux, mais il se retrouve finalement très esseulé, avec très peu de partisans, on se demande même s’il en a. Il doit gérer la crise politique au sein de l’armée, sans aucune ligne politique claire définie. Les deux camps constitués se comptent et fourbissent leurs armes préparant l’affrontement.

Le charisme de Thomas Sankara, la ligne politique qu’il défend, déclencher la révolution, parfaitement claire et publiquement exprimée, correspondent en réalité à l’attente du pays, exténué par la gabegie passée et plein d’espoir pour l’avenir. D’autres part les partis de droite n’apparaissent plus actifs tandis que les militaires révolutionnaires autour de Sankara peuvent compter sur le soutien actif des militants civils, en premier lieu ceux de la LIPAD et du PAI, et dans une moindre mesure du groupe de Valère Somé en voie de reconstitution.

JBO fustige les partis de droite, mais aussi le PAI qui collabore étroitement avec les militaires révolutionnaires. Au sein de l’armée, la plupart des militaires n’ont pas forcément de positions tranchées, et se partagent entre les deux camps qui préparent l’affrontement, et le camp des attentistes, parfois plus par affinité amicale que par choix politique.

JBO qui pense avoir raison, n’a pas d’avenir. Il refuse les partis politiques, dit-il, au moins durant la période que couvre le livre, et les militaires le savent sans soutien. Il n’a pas de prise sur la situation.. Il pense sa position intermédiaire la plus pertinente, mais il est profondément seul.  D’ailleurs que peut-il proposer ? S’il fustige les partis politiques, pense-t-il l’armée capable de gouverner seule ? Il ne le pense pas non plus. Il est dans une impasse et, bien sûr, les deux camps tentent de le manipuler à qui mieux mieux. D’où sa colère de ne compter pour rien et de ne pouvoir agir vraiment, si ce n’est temporiser en attentant l’affrontement inéluctable. On ne peut d’ailleurs que s’étonner qu’il accepte de rester président après le putsch 17 mai 1983 après le putsch, alors qu’il a été lui-même mis sur le fait accompli.

C’est là que résident sa colère et sa rancœur qui s’expriment maladroitement. Voilà son problème. Thomas Sankara prépare la révolution, bien sur qu’il manœuvre, il s’organise, il fait des coups d’éclat, il recherche des soutiens extérieurs, celui de la population qu’il tente de préparer à la Révolution dans des meetings dont il prend l’initiative. JBO lui en veut pour tout ça, de ne pas le mettre au courant de ses actions. Thomas Sankara est dans cette vision, dès novembre 1982, mais ce n’est pas encore le moment. Mais il se dévoile vraiment en devenant premier ministre. JBO lui en veut pour ça, enfermé qu’il est dans des schémas de politique classique institutionnelle.

De la polémique.L’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo à la dédicace de son livre, Ouagadougou, le 10 février 2020. (VOA/Lamine Traoré)

Nous avons vécu la sortie du livre hors du pays. Nous avons été frappés par les extraits de l’ouvrage dans la presse qui ne reprenaient que les attaques contre Thomas Sankara.

La présentation du livre, était dirigée par Jean Marc Palm qui se présente aujourd’hui comme chercheur. Mais il a été acteur durant la Révolution, rangé derrière Blaise Compaoré dès le 15 octobre, qu’il a sans doute préparé avec lui comme membre du GCB (groupe communiste burkinabè) qui participait à la fronde contre Thomas Sankara.

Et les commentaires des journalistes ne s’intéressent visiblement qu’à la rancœur et à l’agressivité que JBO exprime contre Sankara. Que n’a-t-il pas démissionné ? Puisqu’il n’avait aucune force pour agir. Bien sur il nous raconte des AG, des positions consensuelles adoptées mais vides de contenu politique, chaque camp temporisant pour rassembler ses forces et tenter d’être le plus fort.

Quelques exemples des ces attaques qui ne pouvaient manquer de susciter de vives réactions.

«Thomas n’est pas homme à monter au créneau dans les situations difficiles. Il préfère se tapir dans sa tanière et pour ne surgir que pour récolter la gaudriole ». p. 159. Quant on pense qu’il est mort assassiné, une mort qu’il attendait la sachant proche…

« …son gout subit et de moins en moins caché de paraitre en public et d’occuper les manchettes des journaux sans oublier son inclinaison de plus en plus ouverte pur les honneurs dépeignent éloquemment le caractère grotesque sinon inique mais habile du personnage sans rien dévoiler de ses intentions et de ses ambitions » p.77. Cette page est d’ailleurs entièrement consacrée aux attaques contre Thomas Sankara.

Pourtant ailleurs dans le livre, il reconnait la pertinence de sa stratégie. « Thomas Sankara, toujours pour semer la confusion, ne rompra pas officiellement le dialogue avec moi. Avec le recul, je reconnaitrai que Thomas, en habile stratège politique, a su nous endormir pour mieux nous porter l’estocade finale ». (p.159). Pour quoi ne pas tout simplement en rester à cet hommage, et reconnaitre sa défaite ?

JBO n’a fait que récolter ce qu’il semé avec la complicité de Jean Marc Palm, au détriment de l’intérêt du livre qui ne peut se résumer aux attaques contre Thomas Sankara. Plus personne n’ose attaquer Thomas Sankara compte tenu de la renommée actuelle des acquis de la Révolution, du bond en avant fait par le pays les 4 années qui ont suivi la prise de pouvoir. Il n’exprime que de la rancœur. Tant pis pour lui. Il s’aliène de nombreux lecteurs. Quant au festival de sankarisme qui a suivi, chacun voulant apparaitre plus sankariste que l’autre, il s’agissait pour beaucoup de faire oublier leurs multiples renoncements.

Nous soupçonnons la polémique d’avoir été fomentéè en sous main par les ennemis de la Révolution, ou plutôt tous ceux qui en réalité en veulent à Sankara, pour tenter de réveiller tous ceux qui l’osent plus critiquer Sankara. Ils en sont pour leurs frais. Sans doute aussi pour faire le buzz, et assurer une bonne vente de l’ouvrage, un objectif qui lui a été réussi!

Par delà la polémique, il reste que ce livre contient des témoignages intéressants et inédits, voire même des positions politiques sous forme de profession de foi dont on regrette qu’elle ne soit pas éviquée et discutée. Le Burkina traverse une grave crise politique et sécuritaire et il est plus qu’urgent que le débat s’ouvre plus serein sur les moments forts de l’histoire du Burkina, afin d’ouvrir de véritables perspectives d’avenir.

Bruno Jaffré


Présentation de l’ouvrage (4ème de couverture)

“Ma part de vérité” est une contribution à l’écriture d’une page de l’histoire de la Haute-Volta, actuel Burkina Faso. Certes notre pays a connu des bouleversements tant au point de vue de sa géographie que de son histoire. Artificiellement créé par le coup de griffe de Berlin de 1885, notre pays connaîtra divers traitements dans son appellation, dans sa géographie et bien sûr dans son histoire. Il sera, plusieurs fois, tronçonné, baptisé et rebaptisé avant de se stabiliser sur le plan géographique. Politiquement, la Haute-Volta, rebaptisée Burkina Faso après le 4 août 1984, a expérimenté tous les types de régimes en passant des différents types de régimes (démocratiques et d’exception) à celui de régime révolutionnaire qui a osé opter pour la lutte des classes sur fond de vision manichéenne de notre société et d’apologie de la violence. “Ma part de vérité” apporte un autre son de cloche que celui servi par la révolution qui a tout fait pour falsifier voire travestir l’histoire de la Haute-Volta, le Burkina Faso actuel. “Ma part de vérité” espère servir de référence aux chercheurs, aux étudiants et aussi aux jeunes qui s’intéressent aux réalités historiques de notre pays. A l’occasion des “cent ans d’histoire du Burkina Faso” d’éminents historiens n’ont pas hésité à solliciter ma contribution à travers une communication sur les évènements que renferment les trois dates historiques controversées à savoir le 7 novembre 1982, le 17 mai 1983 et le 4 août 1983. “Ma part de vérité” contient beaucoup d’autres révélations. (Résumé de couverture)


Présentation de l’auteur (4 ème de couverture)

L’auteur a vu le jour le 30 juin 1942 à Kaya dans une famille chrétienne catholique d’un père catéchiste. Dans son enfance, il a connu une vie de précarité car ce père qu’il à peine connu est prématurément mort de méningite obligeant la famille à émigrer pour survivre et se construire comme elle le pouvait. Par chance, l’auteur fréquentera l’école privée catholique de Bam, se retrouvera au petit séminaire de Pabré en 1957 puis au lycée Philippe Zinda Kaboré de Ouagadougou en 1963. Tenaillé par la mémoire de son père, il optera pour des études de Médecine. D’Abidjan à Strasbourg en passant par Bordeaux,  il est titulaire du diplôme d’étude pédiatre. Il mettra ses talents, ses qualités et ses compétences au service des populations, notamment les enfants. Persuadé d’avoir été utilisé par les révolutionnaires d’août 1983 lors de sa brève irruption sur la scène politique en novembre 1982 a son corps défendant, il observera le temps de réserve nécessaire avant de se décider à “rectifier” par cet essai, l’Histoire travestie par la révolution burkinabè. Son amour pour son pays, son patriotisme et son intégrité lui commanderont de s’investir pour le développement de ce pays, auquel il contribue grâce à la promotion d’un établissement de santé qu’il dirige actuellement.

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