Cette interview a été publiée le 5 août 1985 dans un quotidien français Le Matin de Paris classé à gauche. Son propriétaire Claude Perdriel était considéré comme proche du parti socialiste. Comme le note l’entrefilet, l’interview a été réalisée lors d’une période de conflit avec le parti socialiste.

A la suite de l’interview nous publions le reportage effectué par l’envoyé spécial du quotidien pour assister aux festivités de l’an II de la Révolution.

La retranscription a été réalisé par Laura Nyamba, membre de l’équipe du site.

Le titre veut attirer l’attention en citant Thomas Sankara à propos de Jean Marie Le Pen. Rappelons que l’on a assisté il y a quelques années à une tentative d’appropriation de Thomas Sankara par les militants néo-fascistes. Si la fille Le Pen ne semble plus sur cette ligne, de nombreux autres médias d’extrême droite ou identitaires, ils pullulent sur la toile, continuent de tenter de d’attirer les internautes en publiant des articles élogieux sur Thomas Sankara.

En réalité ce titre ne reflète pas du tout le contenu de l’interview. Sankara répond plutôt à des questions sur le parti socialiste et la droite française. Il est aussi question d’Amnesty International et de ses interventions pour protester contre des cas de torture au Burkina. Le Président du Faso  n’y répond pas très précisément. Sans doute y faut-il y voir une certaine gène mais on sait aujourd’hui que Vincent Sigué a exercé des violences sur des prisonniers. Ce qui a d’ailleurs entrainer durant quelques temps une mise à l’écart de Vincent Sigué, avant qu’il ne parte à Cuba. Il y fut envoyé pour se former avant de prendre la direction du le FIMATS, une force d’intervention rattachée au ministre de l’intérieur.

Ajoutons que la liste des crimes impunis établis par le Conseil des sages à la suite de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo contient quelques noms de personnes assassinés sous la torture ou dans les locaux de la police pendant la Révolution dont celui de Hamidou Zeba, cité dans l’article ci-dessous.

Le journaliste traite longuement de la répression contre les opposants à la Révolution dans son article. Et nous considérons qu’il a raison de le faire. Mais il ne semble pas trop s’intéresser aux réalisations de la Révolution, dont il a pourtant été question dans le discours de Thomas Sankara lors de la commémoration de l’an II de la Révolution. Deux poids deux mesures.

Bruno Jaffré


Le contentieux franco-burkinabè (encadré du Matin de Paris)

Les relations entre Thomas Sankara et le gouvernement français sont • passionnelles » depuis 1983. Principal bailleur de fonds en Haute-Volta, la France a souvent été agacée par les discours « anti-impérialistes » la mettant en cause, Sankara étant encore Premier ministre. Arrêté à cette époque par le président Jean-Baptiste Ouédraogo, Thomas Sankara a accusé le conseiller de l’Élysée Guy Penne, alors présent â Ouagadougou, d’avoir supervisé son arrestation. En juin 1984, suite à l’exécution pour « complot » de sept personnes à Ouaga. Le Parti socialiste a refusé de recevoir à Paris le ministre d’État Blaise Compaoré. Enfin, il y a eu l’affaire Sigué : français par sa mère, patron de la Sûreté a été arrêté par la police française alors qu’il transitait par Roissy, pour des faits de droit commun qui lui sont reprochés en France. La France est en outre accusée par le Burkina Faso de soutenir les opposants au régime.


On  vote trop Le Pen à Ouagadougou”, interview de Thomas Sankara

LE MATIN. — Vous avez applaudi les mesures prises par la France contre Pretoria. Estimez-vous que la France, que vous qualifiez de puis­sance impérialiste, aille da­vantage dans le même sens que vous ?

 THOMAS SANKARA. — S’il y a une criti­que fondamentale à adresser à la politique africaine des socialistes français, c’est qu’ils continuent d’utiliser les mêmes schémas de pensée pour l’Afrique. Or, ces sché­mas sont dépassés et l’incom­préhension ne peut que s’ins­taller. Chaque fois que la France prendra une décision qui ne nous paraîtra pas juste, nous la combattrons avec fermeté : les personnes mal intentionnées appellent ça de l’obstruction systématique, ou une politique antifrançaise. Nous estimons, nous, que c’est la façon la plus sincère d’établir des rap­ports sains avec les peuples. En revanche, nous n’hésitons pas à soutenir la France lors­qu’elle prend une position que nous estimons juste. Par exemple, lorsque la France s’est retirée du Liban, nous avons été les premiers et les seuls Africains à lui avoir adressé un message. Et lors­que la France a décidé de boycotter Pretoria, non seu­lement nous avons fait une déclaration mais nous avons demandé à notre ambassadeur à New York de mobiliser les non-alignés, ce qui a per­mis à la mesure française de passer.

Alors, vous n’êtes plus un « déçu du socialisme » ?

Dans le projet de la gauche, il y avait des options coura­geuses que nous avons appré­ciées.

Malheureusement, parce que le pouvoir de gau­che s’est laissé emporter par des contradictions politiques prévisibles, il est aujourd’hui pieds et poings liés et incapa­ble de réaliser un certain nombre de promesses. Ce pouvoir s’est compromis en France et il s’est compromis hors de France.

Vous venez de recevoir Ber­nard Stasi. Vous avez de bonnes relations avec certai­nes personnalités françaises ?

Stasi m’a dit avoir re­tenu une impression très posi­tive de son séjour et avoir noté le grand changement qui s’est produit dans le pays. J’ai apprécié l’homme. Nous avons par ailleurs des rela­tions avec les organisations non gouvernementales qui sont parfois très positives : tout récemment, nous avons d’ailleurs décoré un volon­taire français du progrès. Malheureusement, pendant très longtemps, une oligarchie française venait ici s’entendre avec une oligarchie burkinabé sur le dos du peuple. Vous comprendrez que notre peu­ple ait fini par faire retomber sur le peuple français ce que les dirigeants français ont commis de négatif en Afri­que. C’est ce qui provoque des rejets sectaires et finale­ment racistes. Nos deux peu­ples n’ont aucun intérêt à se nuire, au contraire, mais il faut aujourd’hui que le gou­vernement français ait une autre démarche.

Laquelle, par exemple ?

Tant que vos représentants penseront que le Burkina est une chasse gardée ou que sa voix doit passer par certaines capitales africaines ou par des hommes fossilisés en institu­tions par plusieurs décennies de pouvoir…

Parce que ces hommes ne re­présentent plus leurs peu­ples ?

Un groupe de dirigeants africains peut demander à la France d’intervenir au Tchad, mais faites un sondage, vous verrez que les masses populai­res africaines rejettent totale­ment, en bloc, cette interven­tion. C’est pourquoi la France commettra toujours une erreur lorsqu’elle négli­gera les masses en disant : « Ce sont vos présidents qui nous ont demandé de faire cela. » Demain, les socialistes devront répondre de ces ac­tes, en parfaite entente avec les dirigeants africains mais en désaccord avec les masses. Ne recommençons pas ce qui s’est passé en Algérie.

 Mais si demain la droite remplace le Parti socialiste au pouvoir en France, ne crai­gnez-vous pas un durcisse­ment de vos relations avec la France ?

Je ne serais pas honnête si je disais que nous ne le redou­tons pas. Nous prendrons nos responsabilités. Mais vous sa­vez, la droite, nous la vivons déjà ici : on vote trop Le Pen à Ouagadougou. Chaque jour la droite s’acharne à nuire ici à la révolution, à empoison­ner les relations entre la France et nous, à faire en sorte qu’à l’étranger on pense que Ouagadougou est une ville quadrillée où il suffit d’avoir la peau blanche pour être ramassé. Lorsque nous constatons cette mauvaise foi, nous comprenons ce que pourra être la situation lors­que ces gens-là auront plus de pouvoir. Nous espérons pour notre part que ceux qui au­ront à conduire les destinées de la France, qu’ils soient de droite ou de gauche, auront à cœur de ne pas provoquer une coalition internationale contre la France du fait du comportement raciste et co­lonialiste de leurs compatrio­tes présents en Afrique. Au Burkina, nous n’allons pas rester les bras croisés devant ces provocations répétées.

 Est-ce à dire que vous allez prendre des mesures ?

Pour l’instant, je maintiens seulement cette déclaration. Mais nous prendrons nos responsabilités jusqu’au bout : celui qui s’attaque à notre peuple, nous nous attaque­rons à lui.

Cela veut dire que votre patience est au bout de ses limites ?

Elle commence à l’être…

Amnesty international vous reproche des actes contraires aux droits de l’homme : em­prisonnements arbitraires, tortures, disparitions. Est-ce aussi de la désinformation ?

Cette réaction de l’opinion internationale est normale parce qu’elle se fonde sur l’information dont elle dis­pose. C’est malheureusement une information conditionnée Vous ne pouvez pas savoir ­le nombre de complots que nous avons essuyés depuis deux ans. Au début, on ne nous prenait pas au sé­rieux. Or, nous faisons ce que nous disons. Et ce que nous faisons est apprécié à l’exté­rieur, au point de devenir une revendication. Alors on dé­cide de nous abattre. Et on raconte toutes sortes de cho­ses à l’opinion internationale. Dans d’autres pays africains, on disparaît dans des oubliet­tes sans qu’on proteste en France. Mieux, la France cé­lèbre et félicite certains de ces pays. Je vous cite l’AFP dont le représentant dans un pays ne cesse de venir écrire au Burkina…

Celui de Niamey ?

Je ne voulais pas citer le pays. Il ne cesse de venir écrire ce qu’il voit de négatif au Burkina, mais il n’écrit jamais sur les autres pays, même sur celui où il réside. On fait deux poids, deux me­sures. Il ne faut donc pas s’étonner si aujourd’hui l’opinion internationale s’intéresse davantage à ce qui se passe au Burkina Faso.

Mais vous acceptez tout de même qu’on vous critique ?

Oui, mais ces critiques ne collent pas à la réalité. On vous dit que des gens sont arrêtés, torturés et même tués. Nous avons plusieurs fois entendu parler de gens tués, alors qu’ils sont là et ils jouent aux cartes avec leurs gardiens. Nous sommes dans un pays très politisé, alors notre opposition focalise l’opinion internationale sur des choses qui sont faites ici et qu’elle juge négatives. Parce qu’elle ne peut plus prendre la parole publique­ment au risque de se faire remettre en place proprement par qui de droit, notre oppo­sition appelle à son secours l’opinion internationale pour répandre des propos anti-burkinabés.

Mais votre opposition a-t-elle encore droit de cité au Bur­kina ?

Vraiment, cette opposition, nous ne la combattons pas aussi fermement que nous le disons. Quand bien même poussés à bout, nous arrêtons certaines personnes, nous ne manquons pas de les relâcher. Et cette opposition elle-même tombe en déliquescence parce qu’elle n’est plus crédible. C’est pourquoi, de gauche comme de droite, les gens n’hésitent pas à comploter contre nous. Et la plupart de ces complots sont téléguidés de l’extérieur…

Par qui ?

Pour l’instant, nous n’en disons rien.

Pensez-vous, comme on l’a souvent dit ici, que la France  et les États-Unis ont soutenu ces complots ?

Nous réaffirmons que de ces pays sont partis des sou­tiens extrêmement puissants. Mais nous prendrons les vo­leurs la main dans le sac.

 Toute mesure de réconcilia­tion nationale est-elle actuel­lement exclue ?

Non, et les gens savent que nous n’hésitons pas à tendre la perche à qui veut la saisir.

Les militants trouvent que c’est du sentimentalisme et nos détracteurs de la fai­blesse. Ils essaient de nous discréditer en nous engageant dans une escalade de la vio­lence. Ils manipulent des per­sonnes qui nous provoquent. Une provocation qui, si elle se répétait, nous conduirait à des actes extrêmement vio­lents, de dernier recours.

A quoi pensez-vous ?

Je pense par exemple aux condamnations à mort.

 Est-ce que vous les envisagez aujourd’hui ?

Non, je ne souhaite pas que nous ayons à le faire. Mais on nous pousse pour pouvoir nous dénoncer ensuite. Ou bien vous tuez vos adversaires, auquel cas on vous condamne pour avoir violé les droits de l’homme, ou bien vous ne les tuez pas, auquel cas vos adversaires vous renversent.

L’an dernier, vous disiez que vous faisiez une erreur par jour : est-ce toujours le cas ?

Cette année, nous en com­mettons plus de trois par jour, parce que nous faisons encore plus de choses, que nous prenons plus de déci­sions. Si, sur 3 000 dérisions, 2 800 sont mauvaises, il y en a tout de même 200 de bonnes. Et si sur 9000, nous n’avons que 500 bonnes dérisions, la progression n’a pas suivi de façon géométrique, mais ça fait tout de même 300 bonnes décisions de plus. Voilà pourquoi nous commettons toujours plus d’erreurs.

Propos recueillis Par Etienne Gingembre


Burkina le bon grain et l’ivresse

Un reportage d’Etienne Gincembre

« HAN, deux, han, deux ! » Dans la chaleur du soir, alourdie par d’épaisses volutes de poussière rouge, des femmes en boubou, le gosse dans le dos, défilent au pas cadencé. Ouagadougou pré­pare les festivités du 4-Août, second anniversaire de la ré­volution au Burkina Faso, ex-Haute-Volta. Pour Tho­mas Sankara, un président de trente-six ans, les femmes représentent « la tendresse et le pacifisme » en Afrique. La tendresse en treillis et kalachnikov ! « Celui qui fait la révolution à moitié creuse sa propre tombe. » Citant Saint-Just, Sankara s’apprête à redoubler d’ardeur révolutionnaire. Après avoir réduit les tenants de l’ancien régime, l il veut porter le fer dans ses I propres rangs. Pour anéantir l’esprit « petit-bourgeois ».

Depuis le coup d’État du 4 août 1983, le Conseil natio­nal de la révolution (CNR) a profondément transformé le paysage du Burkina. La chefferie traditionnelle a perdu ses attributions et la corruption a quasiment été éradiquée. Des hommes politiques ont été condamnés à de lour­des amendes par les tribunaux populaires de la révolution et des centaines de fonctionnai­res et de militaires ont été « dégagés » de l’administra­tion. L’an dernier, 1 400 en­seignants ont été remerciés pour avoir entamé une grève « subversive ». La terre a été nationalisée et les loyers abo­lis pour combattre la spécula­tion immobilière. * Mais, pour la première fois dans l’his­toire de ce pays, des gens ont été fusillés pour complot contre d’État.

Dès avant sa prise de pou­voir, Thomas Sankara s’ap­puyait sur un charisme qui allait au-delà de ses frontiè­res. Mais s’il fascine encore la jeunesse intellectuelle afri­caine, il semble que son état de grâce soit terminé au Bur­kina. Plus que les réformes maladroites, c’est la peur qui éloigne la population de son leader et isole le pouvoir. Aucun Burkinabé qui n’évo­que cette peur : peur qu’ont les intellectuels d’être accusés de fomenter des complots, et véritable psychose du com­plot de la part des dirigeants. Mais la terreur a également gagné les sans-grades. Les fonctionnaires qui vivent dans l’angoisse d’être « déga­gés », les paysans qui redou­tent, à tort ou à raison, qu’on réquisitionne leurs récoltes, les taxis qui craignent les brutalités des comités de défense de la révolution (CDR), sortes de pasdaran du régime. « Ça n’amuse plus que les enfants », dit-on dans les milieux populaires.

Commandés par Pierre Ouédraogo, les CDR sont le fer de lance de la révolution. Plus modérés en brousse, où l’on y retrouve, dit-on, des représentants de la chefferie, ils passent pour de véritables voyous à Ouaga. Les gens les surnomment les « bigas », les voleurs du marché. Gamins armés de kalachnikovs, ils veillent sur Ouaga et les bavu­res ne sont, semble-t-il, pas rares. Une situation dont le pouvoir semble avoir pris conscience : pour réintégrer les « vieux ». On a créé un « CDR des anciens », dont l’ancien président Maurice Yaméogo serait adhérent. Mais les CDR ne sont pas seuls à faire monter la ten­sion : le 20 mai, à Bobo-Diou­lasso, la seconde ville du pays, puis le 1er juin à Ouaga, deux poudrières ont explosé. Le capitaine Jean-Claude Kamboulé, opposant réfugié à l’étranger, est mis en cause. Cent cinquante personnes sont arrêtées, à Bobo et en pays Lobi, d’où Kamboulé est originaire.

Selon des témoins crédi­bles, plusieurs personnes se­raient depuis mortes sous la torture, dont un adjudant, Hamidou Zeba. Cinq au to­tal, selon un policier à Ouaga, mais Amnesty parle d’une di­zaine. Dans les sous-sols de la sûreté, dirigée par Vincent Sigué, un homme à la réputa­tion d’exécuteur des basses œuvres — il s’en vante lui- même dans les cafés, alors comment ne pas le croire ! — les suspects seraient soumis à « la montée ». Nus, tendus à l’horizontale par les poings et les poignets entre deux pieux, ils seraient ensuite brûlés au chalumeau. De son côté, Thomas Sankara dément for­mellement et parle de ma­nœuvre d’intoxication.

Ce que personne ne peut nier, en revanche, c’est le pas­sage à tabac de syndicalistes le 1er mai à la Maison des syndi­cats. Avec la mise à l’écart de la Ligue patriotique de déve­loppement (Lipad), accusée de vouloir s’ériger en nomen­klatura, le pouvoir s’isole de son aile gauche. Sur qui San­kara peut-il encore s’ap­puyer ? Pas sur l’armée, qu’il envisage de mettre bientôt à la diète. Sur la paysannerie, répond le président. Une pay­sannerie dont il veut rééquili­brer le niveau de vie aux dé­pens des citadins : « Il faut amener Ouagadougou, la ville moderne, à la campagne », affirme Sankara, en ajoutant qu’à ses yeux les citadins sont des nantis. Des nantis dure­ment éprouvés par l’austérité révolutionnaire. Suppression des indemnités aux fonction­naires, hausse des taxes… Des mesures qui ont, dit-on, comblé une représentation du FMI de passage au Burkina.

« Il faut que la rigueur de­vienne notre mode de vie », estime Thomas Sankara. Une volonté de faire partager la pauvreté qui, si louable soit- elle dans un des pays le moins avancés, ne sera pas du goût de tout le monde. D’autant qu’en dépit d’excellentes idées sur le développement des micro-projets agricoles, c’est souvent l’incohérence qui domine les décisions éco­nomiques. Les prix d’achat des céréales, trop bas pour stimuler la production locale, ou l’abolition des loyers, qui a stoppé la construction pri­vée. En revanche, la bataille du rail qui mobilise, par vagues successives, les Burki­nabés pour construire une voie de chemin de fer devant désenclaver le nord-est du pays a fini par lasser les gens.

Hier, aux fêtes du 4-Août, le président a sévèrement mis en garde ses opposants tout en prenant des mesures de li­béralisation : des détenus se­ront élargis et le couvre-feu sera supprimé.

Mais au moment du « tournant révolutionnaire » qu’il annonce, Thomas San­kara apparaît de plus en plus isolé. De celui qui rêve d’in­carner un leader des non-alignés et du tiers monde à l’image de l’ex-président gha­néen N’Krumah, les Ouaga­lais disent maintenant « qu’il passera comme les autres ont passé ». N’Krumah ne se se­rait d’ailleurs pas entouré de gens comme Sigué. Reste à savoir comment cela va se passer. Thomas Sankara ne semble décidé ni à la pause, ni au compromis politique, ni au recentrage. Or, on connaît bien le risque qu’encourent les régimes qui refusent d’ouvrir les yeux sur leur réelle popularité : à Ouagadougou, les « masses populaires » commencent à évoquer Sékou Touré.

Etienne Gingembre

Source : Le Matin de Paris du 5 août 1985.

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