La sortie d’un nouveau disque d’Olivia Ruiz en en avril 2009 et le début d’une tournée ont généré une importante campagne marketing largement relayée par les médias. Celle-ci fait une large part à un voyage avec son frère dans le but de soutenir un projet humanitaire et culturelle. Dans certaines interviews évoquaient en terme admiratif la personnalité de Thomas Sankara.
Nous avons donc voulu en savoir un peu plus en interviewant Smockey, qui a travaillé sur ce projet. Nous complétons cette interview par un certain nombre d’informations que nous avons pu reccueillir et nos commentaires.
Les animateurs du site
—-
Interview de Smockey
Q : Comment s’est fait la rencontre avec Olivia Ruiz? C’est le label qui vous a contacté?
Smockey : Oui C’est le label qui nous a contactés. Et puis il y a aussi son petit frère qui fait du rap apparemment. Il cherchait par mail un studio pour enregistrer ce fameux projet qui était apparemment financé par une compagnie téléphonique. Je n’ai pas trop bien compris le deal mais on m’a dit que la compagnie voulait en faire des téléchargements sur les portables gratuitement je crois sur les téléphones. Au début c’était une résidence de travail. On devait enregistrer avec des musiciens africains. Il y en a qui étaient sur Paris avec lesquels ils sont venus. Sur leur demande on leur a proposé des rappeurs d’ici de niveau national dans le but d’essayer de faire des mélanges de hip hop avec de la musique traditionnelle de chez nous. Ils ont demandé une fiche technique. On leur a envoyé une fiche technique avec les caractéristiques et les capacités du studio. Ça leur convenait. Combien ça coutait, on leur a envoyé un devis. Ils ont confirmé leur présence à Ouaga pour 4 ou 5 jours. Mais ça devait être une résidence de travail surtout, pas une action humanitaire principalement comme j’ai l’air de le comprendre beaucoup plus tard. Bon bref, on a fait le boulot. Mais au départ je ne savais pas qu’il y avait Olivia derrière son petit frère. C’est après que j’ai su qu’il y avait une chanteuse française, que je ne connaissais pas d’ailleurs, qui était une sorte de marraine du projet. C’est vrai qu’elle avait l’air très enthousiaste mais je m’attendais à plus d’implication de sa part au niveau artistique quand j’ai appris que c’était une artiste connue en France. Le projet était plutôt présenté, et ça l’était probablement, comme celui de son frère qu’elle appuyait dans sa démarche.
Q : Elle est venue poser sa voix sans qu’il y ait eu de préparation? Quand tu fais du featuring tu passes du temps avec la personne.
Smockey : Oui même au niveau du concept, mais, ceci dit, on n’avait pas beaucoup de temps aussi. En théorie ils savaient un peu ce qu’ils voulaient, en tout cas au niveau musical. Puisqu’en fait son petit frère avait ramené les intrus qu’il voulait, il avait programmé des intrus. Il devait travailler autour de ça avec une ambiance et tout. Moi j’ai juste rajouté quelques trucs qui pouvaient peut être leur convenir, fait le remix, c’est tout. Je leur ai filé le son pour qu’ils repartent avec. J’avais insisté pour passer au studio pour voir comment ils allaient tourner le truc. Malheureusement on était avec .. à Strasbourg, je voulais en profiter pour voir les amis de SURVIE et on a été bloqué à Strasbourg et on n’a pas pu aller sur Paris puisque le vol était direct aller et retour. Donc on s’est loupés. Ils étaient censés nous envoyerle son et ils l’ont fait, puisqu’ils ont envoyé les CD qui ont été bloqués à la douane. Parce que je crois qu’ils ont mis sur le paquet « valeur nulle », la douane n’a pas apprécié. Elle nous a dit qu’il n’y a aucune marchandise pour la douane qui fait 0 F. Ça n’existe pas. Ils auraient du mettre une évaluation. Donc du coup les douaniers ont exigé que soit payée une certaine somme pour pouvoir retirer les CD. Et nous on s’est dit qu’on n’allait pas payer la somme qu’on nous réclamait pour diffuser les CD aux artistes quoi ! Donc on les a contactés et on leur a dit de régler cette situation pour que les artistes puissent récupérer le CD. Ça n’a jamais été fait. Alors les CD sont restés à la douane, personne ne les a récupérés Maintenant moi je sais pas s’il y a une histoire autour de Olivia.
Q : Moi non plus je ne la connaissais mais on m’a dit qu’elle a fait des interviews autour de Thomas Sankara, que c’était le plus grand président, patati patata. Comment elle s’est présentée à vous, est-ce qu’elle a eu à parler de Tom Sank ou quelque chose comme ça ?
R : Non pas personnellement avec moi, en tout cas je ne m’en souviens pas. De toutes les façons, elle n’a pas donné l’impression d’être particulièrement intéressée par ce type de sujet tout au plus elle semblait essayer d’expliquer que c’était un projet de type humanitaire… Le grand blanc qui arrive pour sauver… grand rire…. En fait au départ nous on n’avait pas besoin de savoir que c’est une grande artiste. Mais on n’a pas arrêté d’insister sur le fait que c’était une grande artiste. Elle a vendu 1 millions d’albums. C’est bien mais bon, nous ce qui nous intéresse surtout c’est ce qu’elle pourrait apporter en termes d’échanges artistiques et de promotion aux participants de son projet. Bon bref. Peut être parce qu’elle a discuté avec les autres, peut être aussi à cause du décordu studio, photos de Sankara, Norbert Zongo… ils nous ont demandé de leur conseiller des artistes donc on a fait une sélection. On a pris quelques ressortissants qui étaient sur la compil « la part des ténèbres » volume 2, on a pris quelques ressortissants qui étaient sur la compil « Norbert Zongo dix ans d’impunité ». Apparemment ça leur a plu. Ils ont eu d’autres relations avec les rappeurs. Donc ils ont du certainement discuter, échanger peut –être l’idée a germé éventuellement d’en faire un package marketing (rire…). Voilà en tout cas moi je ne suis pas le responsable, car moi j’étais à la technique je faisais le son et pour moi rapport studio égal rapport studio. Après le studio on ne se voyait pas. Mais je sais qu’ils se sont vus avec d’autres artistes notamment à l’hôtel, ils ont discuté, ils ont échangé sur pas mal de choses.
Q : c’est quoi le projet humanitaire du frère
R : Je sais pas du tout ce que c’est. En tout cas je n’en saisis pas vraiment les nuances. Franchement après coup, quand j’analyse le truc, ça me parait franchement un projet un peu fourre-tout sans vouloir jeter un pavé dans la marre. Il y a une résidence de création pour enregistrer plusieurs titres avec un rappeur qu’on ne connaît pas encore en France, épaulé par une chanteuse célèbre qui se trouve être sa sœur et une compagnie de téléphonie + un projet humanitaire d’écoles pour en faire un support qui ne va pas être commercialisé mais téléchargé sur un support qui ne va pas être commercialisé mais mis en téléchargement sur un site …ouf.. et c’est pas la compagnie qui nous contacte mais la maison de disques, quand bien même c’est elle si j’ai bien compris qui finance. Maintenant, quand il arrive, Antony il s’appelle, mais le truc, c’est quoi. C’est le frère de Olivia, il fait du rap, c’est pas une star du rap à proprement parler parce que à la base il devait récupérer les sons pour faire des feat avec Koba et puis avec le gars qui fait du slam là en français, Abdel Malik. Ca ne s’est pas fait. Après il nous a envoyé des mails, « non ça ce n’est pas fait, ça a pas marché » et on n’a pas pu faire les feat machin tout ça, pourtant il semblait être optimiste sur ses rapports avec Koba notamment au départ. A priori je me dis si il y a une maison d’édition derrière, si en tout cas il y a une compagnie téléphonique, je ne vois pas pourquoi ça coincerait pour une histoire de fric. Il faut payer tant. Je comprends pas pourquoi ça coince.
Mais par contre Antony, lui on a senti que c’était son projet par sa présence sur tout les titres. C’est un jeune français qui s’essaye un peu au rap. Bon c’est vrai que. Ça fait encore une fois l’occident qui vient donner des leçons à l’Afrique et c’est un peu dommage que ça se passe comme ça. A priori ça devait être notre projet. A la limite si effectivement on devait en faire ressortir une forme d’intérêt pour la communauté ça devait être notre projet. On aurait pu décider aussi de faire ou de ne pas faire de mélange avec tel ou tel personne. Donc on nous a apporté un truc, mais tu sens qu’on a mis un peu de pain sec. On nous a laissés une certaine liberté au niveau du travail en studio mais il y a quand même une frustration qui reste là, c’est pas une vraie résidence de travail quoi. Et puis on aurait pu s’attendre à plus d’implication des requérants. C’est eux qui ont demandé à ce qu’il y ait cet échange donc on aurait pu s’attendre à plus d’implication. On se serait attendu à ce qu’ils s’impliquent d’avantage et puis surtout que ce soit çà l’échelle aussi de… C’est un peu comme Sankara qui reçoit Mitterrand ici et Mitterrand qui… Je ne me rappelle pas qui était président des États-Unis à l’époque… en fin bref, Mitterrand qui veut recevoir Sankara en attendant qu’il le reçoive dans son palais dans une salle annexe, je veux dire c’est parce qu’un chef d’Etat est un petit chef d’Etat dans son pays qu’il n’a pas droit au minimum de respect protocolaire. Nous a beau être des petits artistes, chez nous on est des artistes connus. Chez vous comparativement on peut pas dire pareil. Peut-être à la limite Olivia, mais moi je la connaissais pas. En fait j’ai appris que c’était quelqu’un… On m’a parlé d’1 million d’albums vendus sur son premier opus c’est bien. Elle m‘a fait écouter. Ils m’ont parlé de trucs comme ça. J’ai écouté j’ai dit bon c’est bien mais je vois pas trop le rapport avec le rap. En tout cas ça a rien a voir franchement. Par contre son frère, il fait du rap, il est carrément dans l’underground, il a jamais rien sorti.
Smockey en concert le 15 octobre 2007 à Ouagadougou (Photo Bruno Jaffré)
Q Mais après. Moi par exemple je fais du rap ca fait quoi, ça fait 15, 16 ans. Moi mon kiff c’est ghetto blaster, aller voir mes pots de prendre le RER, on rap dans le RER. Ca à la limite, quelque soit un featuring, c’est intéressant quoi.
Smockey : Le problème c’est qu’on nous dit que c’est un projet financé. A partir du moment que c’est un projet financé, il n’y a plus de limite. On devrait pouvoir aller encore plus loin. On pouvait éventuellement faire un projet vraiment intéressant pour ces jeunes là. Parce que résultat : arrêtons nous tout simplement au bilan. Aujourd’hui on a enregistré un support. Il nous a servi à quoi ? A rien. Parce qu’aujourd’hui il a servi peut être au studio parce que on a encaissé une petit facturation pour le travail de 5 jours mais quand on veut voir réellement aux artistes à quoi il a servi il a servi à pas grand-chose surtout si tu me dis que Olivia elle base son marketing sur Sankara, alors qu’elle a travaillé avec Faso Kombat, Smockey etc… Et donc réellement il nous sert pas à grand chose ni en terme de médiatisation ni en terme de droit d’auteur parce que apparemment on n’est pas déclaré, en tout cas on n’a pas de résultats par rapport à ça, ni en terme de spectacle non plus. Je ne pense pas qu’Olivia va nous envoyer des billets pour nous inviter à son prochain spectacle. Donc on y gagne pas grand-chose. Donc on utilise plutôt ce support parce que moi ce que j’ai compris c’est les réseaux téléphoniques qui ont été dedans. Mais derrière j’ai entendu parler…. C’est Universal qui nous a contactés en fait. C’est que quelque part il y a un soutien quoi ? Mais ça on n’a pas vu vraiment le réel intérêt, puisqu’on ne bénéficie même pas de l’œuvre, puis que l’œuvre est bloquée et rien n’a été fait pour la débloquer. C’est pas nous qui allons payer pour récupérer les œuvres. A la limite on ne peut pas leur en vouloir de ce côté-là parce que les oeuvres ils les ont envoyés. C’est pas dédouané. Donc il faut le faire quoi ? Mais déjà au-delà de ça, il ya des œuvres il doit avoir des possibilités de faire une promotion puisque cette œuvre n’est pas si promue que ça. C’est plutôt le package qui est promu, C’est plutôt l’opération musique au Burkina Faso (rires…) qui est promu mais pas l’œuvre en question. Donc l’œuvre nous n’en bénéficions pas. Quand on regarde le truc quelque part y a… Bon c’est pas étonnant on ne s’attendait, moi personnellement je ne m’attendais pas à des miracles, ça se passe toujours comme ça, je vois pas pourquoi ça serait différent. Je sais pas qu’est ce qui se passe actuellement en France. Mais Olivia a autant le droit que quiconque de parler de Thomas Sankara, de ces expériences .. Mais qu’elle aille plus loin. Que le fait qu’elle en parle dans les médias. Qu’elle fasse des chansons, qu’elle rentre vraiment dans le créneau et on lui dira bienvenue. Rires… Bienvenue dans la lutte. Mais ça à mon avis, c’est pas le but recherché. Ou alors ça surprendrait agréablement.
Propos recueillis par Ulysse Perez pour le site thomassankara.net. L’interview a été soumise à Smockey avant sa publication.
—-
Olivia Ruiz entre le sankarisme, l’aide humanitaire et les multinationales
La sortie de son nouveau disque en avril et le début d’une tournée ont généré une importante campagne médiatique, selon la loi du genre, pour la jeune chanteuse Olivia Ruiz en pleine ascension. Mais surprise, au détour d’une interview, à la question « Si, d’un coup de baguette magique, tu pouvais changer quelque chose dans le monde, ce serait quoi ? » Olivia répond : « Je ressusciterais Thomas Sankara, le président du Burkina Faso qui fut assassiné en 1987 lors d’un coup d’Etat. Cet homme rendait les Africains fiers et il manque cruellement aujourd’hui » (métro du 28 mai 2009).
La campagne de promotion du disque fait une large part à un voyage d’Olivia Ruiz au Burkina dans le but de soutenir un projet « humanitaire » de son frère, faisant d’Olivia Ruiz, de son vrai nom Olivia Blanc, une chanteuse « citoyenne ». De quoi s’agit-il ?
Son frère, Anthony, « psychologue interculturel » alias Toan quand il fait du rap, est à l’origine d’une association humanitaire « Lutt’opie ». Il a effectué un long séjour au Burkina Faso en 2008 où il a participé à la réfection de puits. Il en est revenu avec plein de sons mais aussi le projet de remettre sur pied une école à Diapaga dans l’ouest du Burkina Faso, le village de son ami Abidine Coulidiaty, le représentant de « Lutt’opie » au Burkina Faso. Il a réussi à convaincre sa sœur de l’aider, non seulement pour le projet humanitaire mais aussi de promouvoir des musiciens burkinabé, rappeurs comme musiciens traditionnels.
Voilà ce qu’en dit Olivia Ruiz dans une interview accordée à l’Humanité Dimanche datée du 3 juin 2009 : « Mon frère est parti reconstruire des puits et travailler dans un hôpital psychiatrique au Burkina Faso. Là-bas, il a enregistré des conteurs, des rappeurs et des slameurs. C’était une tuerie.Trois mois plus tard Sony et Orange me proposent de financer le projet humanitaire de mon choix en échange de ma tronche et de mon album espagnol pour vendre leur téléphone. J’ai loué un studio sur place. On a fait venir des musiciens maliens et burkinabé et les cinq rappeurs les plus prometteurs. J’ai produit l’album pour qu’ils puissent utiliser leur musique comme ils veulent. On a mis les titres en téléchargement libre sur le site http://www.fasoburkina.com mais les gens qui aiment le projet sont invités à faire leurs dons à Lutt’opie, l’association de mon frère dont je suis la marraine puisque la totalité des bénéfices est reversée à la construction d’une école à Diapaga (ouest du Burkina Faso). J’aurais pu me servir de cette aide pour le secours pop ou Musicalement, avec les quels je travaille depuis longtemps. Mais dans ce projet, il y a toute notre conception de l’humanitaire à mon frangin et à moi. Il y a des richesses. Et en l’occurrence des richesses culturelles. On ajuste envie d’être des passeurs, d’arrêter de se dire que le Blanc va sauver le pays avec les richesses qu’il a à offrir. On est contre cette forme d’assistanat. On met seulement un coup de projecteur. Si cette école est construite comme prévu, ce sera grâce à eux, et nous, on aura juste été là en tant qu’intermédiaires. »
Ainsi, profitant de la générosité, du frère et de la sœur, Orange et Sony Ericsson, se sont payés une publicité peu couteuse, utilisant l’image d’Olivia Ruiz, sous couvert de financer un projet humanitaire et artistique. Car en réalité les deux sociétés bénéficient ainsi d’une réduction d’impôt de 60% des sommes engagées. La page d’accueil du site créé dans le cadre du projet précise que le site a été réalisé avec le soutien d’Orange et Sony Ericsson. Et quand en juin 2009, on tapait sur google « Olivia Burkina Faso », la première page sur laquelle on tombait c’était la page http://environnement.orange.fr/Publis-edito/Olivia_Ruiz.html , aujourd’hui supprimée, ce qui était assez explicite. Une page au sein d’un site créé pour promouvoir une image de défense de l’environnement d’Orange.
Le site http://www.fasoburkina.com , en réalité http://fasoburkina.artistes.universalmusic.fr/, fait bien sur la part belle à Toan et Olivia Ruiz. Mais une large part aussi est consacrée à la présentation des artistes qui ont été enregistrés à savoir, Smockey, Faso Kombat, Obscur Jaffar, Négroïdes, Taama J. On peut aussi visionner un film où Olivia Ruiz rapporte dans une interview des propos plutôt fins et intelligents par rapport à ce que dirait d’autres artistes du show biz, sur ce qu’elle retirera de son voyage : sourire un peu plus dans la vie en signe de reconnaissance de la chance qu’elle a eue dans sa vie, un monde désormais plus vaste que le petit univers qui était le sien, ou encore, ces sourires omniprésents qui cachent les souffrances et le combat quotidien. Pendant que Toan reconnait, ce que malheureusement peu de français engagés dans ce qu’on appelle l’humanitaire osent déclarer, à savoir la culpabilité qu’on essaye de dépasser en essayant de se rendre utile. Il reprend nombre de critiques sur la façon dont justement la plupart des humanitaires conçoivent leur projet, donneurs de leçon et souvent incapables de donner une véritable place aux acteurs sur place, et d’accepter la participation active et critique de la population locale que les seules déclarations de bonnes intentions ne sauraient suffire à susciter et à intégrer dans les projets.
L’ensemble des articles suscités par ce projet dans la presse française, apparaissent évidemment assez complaisants. Il s’agit bien d’une campagne de promotion. Aucun journaliste n’a semble-t-il poussé son travail jusqu’à de demander comment le projet a été ressenti au Burkina Mais Les propos recueillis auprès de Smockey nous ramènent à la réalité, pour peu qu’on les entende, en regard de ce véritable conte de fée que l’on tente de nous servir. La réalité apparait déjà moins rose et certaines choses méritaient d’êtres sues et dites.
L’enregistrement a été effectué dans les studios Abazon de Smockey. Il détaille l’enchainement des évènements dans l’interview ci-dessus. Les 15000 € du projet on servi à financer les enregistrements. Quant à l’école qu’il s’agit de construire, le site ne communique pas sur les dons déjà effectués, ni d’ailleurs de détail sur le cout du projet. Nous avons tenté d’entrer en contact avec Olivia Ruiz ou Toan via les différents sites que nous avons trouvés, sans succès. En réalité Toan est venu avec des beats et les rappeurs ont été invités à mettre des paroles dessus.
Au début du film, Olivia reconnait des difficultés : « au départ ils étaient tous sur leur garde (elle mime des têtes plutôt butés) et puis c’est assez rigolo quand ils parlaient on avait l’impression qu’ils étaient super en colère, et dès qu’il ouvraient leur bouche ils disaient : « et bien on est super content », avec leur large sourire, « on est ravi de ce que vous nous proposez ». Ils sont tout timides ils ont l’air supermignons ! ».
Smockey super mignon ? Bigre, c’est mal le connaitre. Lui qui a subit toutes sortes de pression, de censure comme Sams’K Le Jah dont il est proche. Non les rappeurs burkinabè ne sont pas mignons. Ils sont durs, aguerris, combatifs, engagés, conscients de leur responsabilité envers la jeunesse. D’ailleurs le rap au Burkina est beaucoup moins violent que celui de France, en règle générale, et par contre très engagé parfois même moralisateur en dénonçant de mauvais comportements comme l’alcoolisme, la drogue ou le non respect des femmes.
Smockey s’étonne que l’on ait finalement invité des rappeurs burkinabés, dont les plus connus, pour contribuer à faire un disque d’un illustre inconnu dans ce milieu ? Pour bien comprendre, la situation identique serait la suivante, imaginons par exemple Tamma J, envoyé par l’ONATEL (la compagnie de téléphone burkinabé) en France demander à des artistes comme, Abdel Malik, MC Solaar ou Joe Starr de venir mettre des paroles dessus.
La sincérité d’Olivia et de son frère ne semble pas devoir être remis en cause. Mais le système est bien plus fort que leur bonne volonté ou leur naïveté. Il sait transformer des bonnes volontés en tiroir caisse de façon détournée. S’ils ne prennent pas garde, ils ne resteront que des pions dans les mains ce ces multinationales qui s’intéressent à eux parce qu’ils peuvent leur rapporter, aux projets humanitaires pour diminuer leurs impôts ou améliorer leurs images, écornées par de nombreuses autres pratiques détestables. Reconnaissons leur tout de même d’avoir évité de se faire encadré par les autorités burkinabés, ce que n’ont pas évité par exemple des gens comme Richard Borhinger ou Manu Di Bango. Et puis rêvons un peu. Et si l’admiration d’Olivia pour Sankara, qui lui vient certainement de la fréquentation de ces rappeurs, pouvait l’inciter pourquoi pas à s’engager un peu plus dans des combats d’aujourd’hui, loin des exigences marketing des multinationales du disque ou de téléphone, et inciter ses fans en France à en savoir un peu plus.
Bruno Jaffré
Juillet 2009