Le 27 juillet, une délégation venue de Côte d’Ivoire composée de M. Ali Coulibaly, conseiller spécial de Alassane Ouattara et de la fille de l’ancien président Blaise Compaoré est venue à Ouagadougou pour présenter une demande de pardon de Blaise Compaoré sous la forme d’une longue lettre adressée au peuple burkinabè. Elle a été reçue par le président du MPSR (Mouvement du peuple pour la sauvegarde et la restauration), Paul-Henri Damiba qui a dirigé le putsch militaire ayant renversé le président Roch Marc Christian Kaboré.

Face à la presse, la lettre a été lue  par le porte parole du gouvernement burkinabè M. Lionel Bilgo, en présence de M. Yero Boly en charge de la réconciliation. Il apparait que cette lettre devait être lue le 8 juillet par Blaise Compaoré, lui même, lors de sa venue à Ouagadougou.  Mais il a semblé incapable de la lire lui-même, donnant l’image de quelqu’un qui ne possède plus tous ses moyens.

On trouve notamment dans cet écrit ce passage : “Je demande pardon au peuple burkinabé pour tous les actes que j’ai pu commettre durant mon magistère , plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Isidore Noël SANKARA . J’assume et déplore , du fond du cœur , toutes les souffrances et drames vécus par toutes les victimes durant mes mandats à la tête du pays et demande à leurs familles de m’accorder leur pardon . Je souhaite que nous puissions aller de l’avant désormais pour reconstruire notre destin commun sur la terre de nos ancêtres“.

Le jour même le media burkinabè libre info (voir https://libreinfo.net/restes-thomas-sankara/ ) faisait état de la volonté des militaires du MPSR d’organiser le 4 août 2022,  les obsèques des corps des victimes du 15 octobre 1987, contre l’avis même des familles qui souhaitent avoir le temps de préparer ce moment attendu depuis si longtemps !

Malgré le fiasco de la venue de Blaise Compaoré le 8 juillet (voir http://www.thomassankara.net/blaise-compaore-a-ouagadougou-mascarade-tourne-fiasco/), le MPSR continue de préparer le retour de Blaise Compaoré et tente de l’imposer par delà la condamnation à perpétuité par la justice du Burkina. D’aucuns pensent que ce gouvernement prépare l’amnistie qu’il semble vouloir imposer comme passage obligé d’une mythique réconciliation.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégrale de la lettre, la vidéo de la lecture de la lettre, et les réactions de membres des familles de victimes, Mariam Sankara, Aïda Kiemdé, Céline Bamouni, Romaric Sawadogo, Blandine Sankara et Paul Sankara.


 

Message de Blaise COMPAORE, condamné à perpétuité pour recel de cadavre, attentat à la sureté de l’Etat et complicité d’assassinat.

Mes chers compatriotes , Citoyennes et Citoyens du BURKINA FASO , Répondant à l’invitation de S.E.M. Paul – Henri Sandaogo DAMIBA , Président du Faso , pour concertation sur la situation très difficile et délicate que connait notre Pays , ma présence parmi vous est plus qu’une joie , c’est un immense soulagement ! Et pour cela , je tiens , tout d’abord à exprimer ma profonde reconnaissance aux nouvelles Autorités de la Transition de notre pays .

Mes remerciements vont également à toutes celles et tous ceux , qui y ont œuvré dans le silence , individuellement ou collectivement , pour permettre l’avènement de ce jour . Permettez – moi aussi de saisir l’opportunité de ce message pour remercier , tout spécialement depuis Ouagadougou , Son Excellence Monsieur Alassane Dramane OUATTARA , Président de la République sœur de COTE D’IVOIRE et son Gouvernement , pour toutes les commodités mises en œuvre afin de faciliter mon déplacement à Ouagadougou .

Monsieur le Président du Faso et chers compatriotes , Notre pays , le BURKINA FASO , vit depuis quelques années , l’une des crises les plus graves de son histoire , qui le menace jusqu’à son existence même.

Cette crise , caractérisée par des attaques terroristes d’une rare violence et des conflits intercommunautaires , a causé des milliers de morts et des déplacements massifs de nos compatriotes , auxquels j’exprime encore toute ma compassion et ma solidarité dans l’épreuve . C’est ainsi que des millions de femmes , d’hommes et d’enfants démunis sont contraints à être déplacés dans leur propre pays , ce qui ébranle les fondements mêmes de notre chère patrie .

Face à cette situation dramatique et critique que vit notre chère patrie , nous n’avons effectivement d’autres choix que de taire nos divergences pour sauver notre patrimoine commun , le BURKINA FASO . Cette Nation , qui nous a été léguée par nos aïeux , mérite mieux que le sort funeste que des terroristes veulent lui réserver . C’est pourquoi , j’appelle tous nos compatriotes , filles et fils du pays , de l’intérieur comme de l’extérieur , à une union sacrée , à la tolérance , à la retenue , mais surtout au pardon pour que prévale l’intérêt supérieur de notre Nation . Je forme le vœu que le sang de tous nos martyrs , civils et militaires , tombés depuis le début de cette grave crise , puisse constituer le ciment de notre amour fraternel , l’attachement à la patrie et notre solidarité à tous .

Mes chers compatriotes , Pour ma part , je demande pardon au peuple burkinabé pour tous les actes que j’ai pu commettre durant mon magistère , plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Isidore Noël SANKARA . J’assume et déplore , du fond du cœur , toutes les souffrances et drames vécus par toutes les victimes durant mes mandats à la tête du pays et demande à leurs familles de m’accorder leur pardon . Je souhaite que nous puissions aller de l’avant désormais pour reconstruire notre destin commun sur la terre de nos ancêtres .

Ensemble , dans un esprit de patriotisme , donnons – nous la main pour taire définitivement nos querelles et rancœur . Il est important aujourd’hui , de travailler au recouvrement de l’intégrité territoriale , à la reconstruction et promotion d’un environnement favorable à l’épanouissement durable pour tous. C’est l’unique voie , qui permettra ainsi de mettre fin à nos incompréhensions et conflits intercommunautaires pour lutter efficacement contre le terrorisme qui a tant saigné notre pays et ébranlé ses fondements . Nous le pouvons . Nous le devons à notre cher pays dans un sursaut patriotique .

Que Dieu bénisse le BURKINA FASO

Source : https://lefaso.net/spip.php?article114982


Interview de Mariam Sankara : “Je doute de la demande de pardon de Blaise Compaoré”

Interview de Mariam Sankara : « Je doute de la demande de pardon de Blaise Compaoré »

Jeune Afrique : Acceptez-vous le pardon demandé par Blaise Compaoré dans le rôle dans l’assassinat de votre mari, le 15 octobre 1987?

Mariam Sankara : C’est à ma grande surprise que j’ai appris, par la presse, que Blaise Compaoré a demandé pardon au peuple burkinabè et à la famille de son « ami et frère » Thomas Sankara. Sincèrement, je me demande si cette lettre vient de Blaise lui-même. Depuis 1987, il a eu l’occasion de demander pardon à maintes reprises. Mais il est resté impassible. Il aurait pu venir au procès reconnaître sa responsabilité et demander pardon mais il n’a rien fait. Lors de son dernier séjour à Ouagadougou, début juillet, il aurait pu s’adresser aux Burkinabè mais non, il n’a rien fait.

Vous doutez donc que ce soit Blaise Compaoré lui-même qui ait écrit cette lettre ?

Je doute de l’authenticité de cette lettre car, comme je vous l’ai dit, Blaise a eu l’occasion de demander pardon depuis longtemps. Il ne l’a pas fait. Il est venu récemment à Ouagadougou. Tout le monde l’a vu. Il aurait pu parler. Mais il n’a rien dit du tout.

Au-delà du débat sur l’authenticité de cette lettre, acceptez-vous son pardon ?

Le pardon ne se décrète pas. Quand on a commis un acte et qu’il a été jugé, si on le reconnaît, on se rend à la justice. À ce moment, peut être que le pardon aurait pu être accepté par les victimes. En reconnaissant ses actes et en acceptant la justice, il aurait vraiment montré qu’il se repent. Mais demander pardon comme ça, alors qu’on ne sait même pas si c’est vraiment lui qui demande…

Voyez-vous un aveu de culpabilité de Blaise Compaoré dans cette demande ?

Encore une fois, je me demande si c’est bien lui qui a écrit cette lettre. Il avait l’occasion depuis longtemps de demander pardon. Et c’est aujourd’hui, où il ne semble pas être lui-même, qu’il fait cette demande ? Si on veut vraiment le pardon et la réconciliation, il y a des formes à respecter. Là, c’est une manière assez inédite.

Avez-vous été choquée du retour de Blaise Compaoré début juillet à Ouagadougou ?

Oui, j’ai été choquée de ce retour. Quelqu’un qui est condamné et qui passe comme ça par-dessus la justice, cela est choquant. Il est rentré sans que rien ne se passe, sans que personne ne soit averti. Cela a été une surprise de mauvais goût pour tout le monde. S’il doit revenir au Burkina Faso, il faut que la démarche se fasse auprès de la justice burkinabè. Quelque part, je pense qu’on instrumentalise la réconciliation et le pardon, qu’on tolère l’impunité. Or, tous les Burkinabè veulent la réconciliation et la paix dans le pays. Il ne faut pas que ces actes nous divisent. Il faut que l’on reste vigilant et uni, sans céder à la division.

Interview réalisée Benjamin Roger pour Jeune Afrique

ource : https://www.jeuneafrique.com/1365133/politique/burkina-faso-mariam-sankara-je-doute-de-la-demande-de-pardon-de-blaise-compaore/


Réaction d’Aïda Kiemdé, fille de Frédéric Kiemdé. “Je me pose des questions”

Elle est la fille de Frédéric Kiemdé, alors Conseiller de Thomas Sankara et un de ses 12 compagnons tombés le 15 octobre 1987. Jointe au téléphone ce mercredi 27 juillet par Oméga, Aida Kiemdé, seule enfant du défunt réagit à la demande de pardon de l’ancien président Blaise Compaoré condamné à la perpétuité dans le procès de l’assassinat de Sankara et ses autres camarades. 

« Tout d’abord j’ai une pensée envers toutes les personnes qui ont été assassinées sous le règne de M. Compaoré parce qu’il n’y a pas que les victimes du 15 octobre 87. Il y a beaucoup d’autres personnes qui malheureusement n’auront jamais justice », a-t-elle dit dès l’entame de ses propos.

« Par rapport à la lettre qu’on a reçue hier moi j’ai plusieurs questions et j’aimerais vraiment les poser et qu’on puisse réfléchir ensemble pour y apporter des réponses. Dans un premier temps on a eu monsieur Compaoré qui est venu au Burkina sous un mandat d’arrêt qui a nargué la justice et aussi les familles que nous sommes. D’ailleurs son avocat a souligné que cette décision de justice était un jugement non écrit, ce qui veut dire que c’est un jugement nul ».

Selon toujours Aida Kiemdé, « alors quand je lis la lettre de monsieur Compaoré qui indique qu’il demande pardon pour les actes qu’il a commis lors de son magistère, est ce qu’il reconnaît ses fautes, ses crimes ? », s’interroge-t-elle avant d’ajouter : « demander pardon oui, mais demander pardon c’est aussi reconnaître ses fautes. Est-ce qu’on est finalement en train d’assister à une reconnaissance des fautes pénales de Blaise ? C’est la première question ».

La deuxième question c’est : « est-ce qu’il ne pouvait pas se déplacer directement chez les familles ? Monsieur Compaoré connaît les familles des personnes assassinées. On est présent à Ouaga donc on aurait pu avoir une délégation même des membres de sa famille présente au Burkina qui pourraient venir demander pardon ».

Estimant que la demande de pardon est un moment intime, la jeune dame qui n’avait que 4 mois quand son père a été assassiné pense que les familles auraient pu se retrouver sans l’intervention du gouvernement ni celle de la presse.

Des questions il y en a encore. « Qu’on nous explique et que ce soit clair, est-ce que le fait que Blaise se réconcilie avec les familles cela va arrêter le terrorisme ? Et qu’est-ce que ça implique ? Est-ce que ça veut dire qu’il y a une corrélation entre Blaise et le terrorisme ? Entre la réconciliation et le terrorisme ? Si oui qu’on nous explique clairement afin qu’on puisse comprendre et en tirer des conclusions. Est-ce que maintenant on peut tuer, assassiner, commettre tous les crimes et venir demander pardon ensuite passer à autre chose ? ».

Des interrogations qui lui font pressentir « soit une amnistie ou une grâce présidentielle et malheureusement ce serait le summum de l’impunité. Et dans ce cas moi j’invite toutes les personnes qui sont prisonnières au Burkina à écrire des lettres, à demander pardon », caricature l’unique fille Kiemdé.

« Le pardon oui on a entendu et on a applaudit, mais qu’est-ce qu’on fait de la justice ? », a posé comme ultime question Aida Kiemdé.

Source : https://www.omegamedias.info/blog/2022/07/27


Céline Bamouni, fille de feu Paulin Bamouni «On ne nous volera pas le droit d’enterrer nos pères»

Wakat Séra: Les restes mortels du Président Thomas Sankara et de ses douze compagnons ont été exhumés le 25 mai 2015 pour des tests ADN et balistiques en prélude au procès qui s’annonçait.  Le 4 août prochain serait la date retenue pour leur ré-inhumation…

Céline Bamouni: En effet nous avons été surpris d’apprendre, il y a très peu de temps, que les inhumations auront lieu en ce mois de juillet. Par la suite, c’est une autre date celle du mois d’août 2022 qui est avancée. Sachant que les accusés ont fait appel du verdict rendu le 6 avril 2022, à mon avis le procès n’est pas terminé. Pourquoi donc envisager des inhumations sans le verdict final?

Nous ne sommes pas prêts à accepter cette décision d’inhumer les restes de nos défunts sans notre consentement.

A la suite des investigations pour les besoins de l’enquête et avant l’ouverture du procès, nous pensions que les restes allaient nous être restitués individuellement mais ça n’a pas été le cas, il semblait plutôt que des obsèques nationales avaient été prévues pour toutes les victimes.

Longue fut cette attente sans que nous ayons étés informée de quoi que ce soit concernant ces restes. Maintenant, nous aurions souhaité disposer de plus de temps pour nous préparer pour accompagner nos pères à leur dernière demeure, participer aux prises de décisions, pouvoir nous concerter entre familles des victimes et également avec nos proches et que cela ne se fasse pas dans la précipitation ou sous contrainte, comme c’est le cas en ce moment. Il y a 35 ans qu’ils ont été ensevelis dans des conditions inhumaines, comme des bêtes! Nous avons l’impression que les faits se répètent. Et nous n’accepterons pas que cela se reproduise aujourd’hui.

On ne nous volera pas ce droit!

Savez-vous au moins où est-ce qu’ils seront enterrés? Au Conseil de l’entente ou au carré militaire du cimetière de Gounghin?

Non, nous n’avons pas été informés du lieu retenu par les initiateurs des inhumations mais nous aurions souhaité être associés à l’identification du site qui leur serait dédié, afin que nous tous puissions valider ce choix.

Mais le 4 août, la date qui est avancée, est déjà arrivé…

Oui, comme je vous le disais, nous avons été mis devant le fait accompli d’une date arrêtée et il se trouve que le délai est très court. Et comme le procès n’est pas fini totalement pour que les inhumations soient précipitées, nous demeurons convaincus que le procès suivra son cours normal jusqu’à son aboutissement final. En un mot le fait préoccupant du moment, c’est que nous sommes toujours dans l’attente d’une décision de justice, c’est-à-dire le second volet du procès qui est l’Appel interjeté.

Nous n’inhumerons pas dans ces conditions! Notre avis compte avant tout! Pour ma part je ne me laisserai pas être privée une seconde fois de mon devoir d’accompagner mon père avec les honneurs dus à un père.

Qu’on nous explique à quoi rime cette précipitation! A quel calendrier cela répond!

Par le choix de la date du 4 août (le 4 août 1983 marque l’avènement de la Révolution burkinabè, NDLR) pour son symbolisme fort, j’imagine que c’est un honneur qu’ils veulent leur rendre. Comme je le disais, c’est une date symbolique et bien choisie pour les révolutionnaires que nos pères ont été. Elle correspond aux idéaux qu’ils ont défendus pour leur pays et pour lesquels ils sont tombés. Mais des 4 Août il y’en aura bien d’autres après le verdict final et l’histoire demeure! Cela fait bien 7 ans qu’ils ont été exhumés et nous pouvons encore prendre le temps de nous accorder sur les détails.

Il a été dit publiquement que toutes les familles ont été indemnisées…

Je ne peux pas répondre au nom des autres mais ce n’est pas le cas pour la mienne.

Pensez-vous qu’il y a un agenda caché derrière cette affaire Thomas Sankara?

Je ne saurais vous dire lequel, mais je pense bien que oui.

Le temps a l’air de courir pour certains ou plutôt ne plus être assez long.

Nous suivons comme tous l’actualité et apprenons comme tout le monde ce qui se prépare.

Comment avez-vous accueilli la demande de pardon de l’ancien président Blaise Compaoré?

Après lecture de ce message, il s’avère que ma famille et moi, nous ne sommes pas concernées par cette demande de pardon adressée à toutes les victimes durant son magistère et ses différents mandats.

Pouvez-vous être plus explicite…

Dans ce message, Monsieur Blaise Compaoré dit qu’il demande pardon aux familles, aux victimes, des actes commis sous son magistère, durant ses mandats pour être plus précise. Or mon père est décédé le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente, soit au moment où Blaise Compaoré occupait le poste de ministre de la Justice au sein du gouvernement du Conseil national de la révolution (CNR).  Il n’a donc pas commandité l’assassinat de mon père pendant son magistère ni ses mandats, contrairement à d’autres. Donc il demande pardon aux personnes tombées sous son magistère et à leurs familles, comme mentionné dans sa missive et non à celles éliminées avant.

Est-ce que le fait qu’il ait nommément cité la famille Sankara sans faire cas des autres familles ne vous a pas un peu frustré?

Pas du tout. Il s’est adressé à la famille Sankara parce qu’il sait qu’il a commis l’irréparable par cet assassinat et peut être bien d’autres trahisons les concernant avant et durant son magistère. Et comme je vous le disais ma famille et moi ne sommes pas concernées. Nous l’aurions été s’il avait mentionné ses actes antérieurs à son mandat de Président. De plus, il ne fait aucune allusion au coup d’état sanglant du 15 octobre1987.

Serez-vous prête à accepter le pardon si d’aventure Blaise Compaoré se présentait à votre famille?

Je ne saurais me permettre de répondre à la place de tous les membres de ma famille. Mais personnellement, je pense que s’il l’avait fait comme il se doit, peut-être que je lui accorderais le pardon. Mais après qu’il se soit moqué de nous sous toutes les formes et qu’il se soit soustrait à la justice, ça risque d’être difficile pour moi.

Il a eu l’opportunité de venir et s’exprimer durant le procès en s’adressant à toutes les familles qu’il a endeuillées avant et après mais il a préféré être absent et garder le silence. Il a été condamné, il y a un mandat d’arrêt qui a été émis à son encontre, ce qui ne l’a pas empêché de fouler le sol burkinabè et de repartir sans être inquiété.  Au vu de tout cela, je me demande finalement s’il faut lui accorder un pardon.

En voulez-vous aux autorités burkinabè pour le fait qu’il soit reparti sans avoir été inquiété?

Je n’irai pas jusque-là mais je me pose la question de savoir pourquoi cette décision de justice n’a pas été appliquée.  Il n’allait certainement pas croupir en prison. Mais ça valait la peine d’exécuter ce mandat d’arrêt et mettre ainsi fin à l’impunité.

Il me semblait que plus rien ne devait être comme avant!

Pensez que tout le monde est sur la même longueur d’onde au sein de l’association des ayant droits des victimes du 15 octobre 87 par rapport à cette demande de pardon?

Honnêtement je n’ai pas connaissance de l’existence de cette association et ma famille et moi ne faisons partie d’aucune association des victimes du 15 octobre 1987.

Certains évoquent de plus en plus l’état de santé déplorable de Blaise Compaoré. Est-ce que pour des raisons humanitaires, on ne pas trouver un moyen de le faire rentrer au pays?

Je ne suis pas concernée par l’état de santé de Blaise Compaoré et ne donnerai donc pas d’avis à ce sujet.

A côté de Thomas Sankara et de ses douze compagnons on parle souvent des causes orphelines, c’est-à-dire que pendant les quatre années de pouvoir du capitaine, des gens ont aussi été injustement fauchés par les révolutionnaires. Qu’en pensez-vous?

Je n’en ai pas connaissance et j’avoue que je ne m’y suis pas intéressée autant que d’autres ne s’intéressent pas forcément au drame que j’ai vécu.

Qui était Babou Paulin Bamouni?

C’était mon père. Il a été journaliste et écrivain engagé. Il défendait ses idées révolutionnaires et a mené un combat aux côtés de Thomas SANKARA et de Blaise COMPAORE à l’époque, pour un Burkina meilleur et libre comme ils le rêvaient tous.

Avez vous des souvenirs de votre père?

Bien évidemment. J’ai eu la chance de le connaître, ce qui ne fut malheureusement pas le cas de mon frère. Car quand il décédait il n’avait que 2 ans ½. Mais ma sœur ainée et moi avons de bons souvenirs de lui, de notre vie de famille, de notre enfance en France avec nos deux parents, avant l’avènement de la révolution. Et même pendant.  C’est vrai que mon père était davantage pris par son travail ici, mais nous avons mes frères et moi pu bénéficier de son affection, pas assez longtemps mais quand même.

Etait-il papa poule ou père fouettard?

Non. Un père rigoureux et très taquin. Notre mère et lui, même s’il n’a pas vécu très longtemps, nous ont inculqué une éducation stricte, à l’ancienne. Je suis ravie d’ailleurs d’avoir bénéficié de ce type d’éducation qui est rare de nos jours.

Par Wakat Séra  

Sourcehttps://www.wakatsera.com/affaire-thomas-sankara-et-12-compagnons-on-ne-nous-volera-pas-le-droit-denterrer-nos-peres/


Romaric Sawadogo : “Chez nous au Burkina Faso on dit: Une faute avouée est a moitié pardonnée donc je lui pardonne a moitié et j’attends qu’il rentre pour purger sa peine, là il pourra être pardonné“.

Romaric Sawadogo est l’un des fils du sergent chef Hamadou Sawadogo, assassiné le 15 octobre 1987.


La réaction de Blandine Sankara: «Il connait bien où se trouve la famille»

Ce mardi 26 juillet 2022, dans une lettre attribuée à Blaise Compaoré et lue par Lionel Bilgo, porte-parole du gouvernement, l’ancien président a demandé pardon au peuple burkinabè notamment à la famille de son « frère et ami » Thomas Sankara. Faso7 a contacté à chaud, Blandine Sankara, sœur de Thomas Sankara et Me Prosper Farama, avocat de la famille Sankara. Ils ont livré leurs impressions.  

Blandine Sankara, sœur de Thomas Sankara, s’est d’abord interrogée sur le destinataire de la lettre. « Je ne sais pas si ça s’adresse à la famille. Personne d’entre nous n’est informé », a-t-elle déclaré au micro de Faso7, quelques minutes après la lecture de la lettre de Blaise Compaoré.

« Est-ce une manière de demander pardon ? On est tous surpris (…) Il (Blaise Compaoré, ndlr) connait bien où se trouve la famille. Il connait bien comment contacter la famille. C’est sa famille à lui, même s’il pense aujourd’hui que ce n’est plus le cas. On l’apprend comme tout Burkinabè. Ça veut dire que d’autres même l’ont eue avant nous. Est-ce que ça s’adresse aux personnes concernées ? », s’est interrogée Blandine Sankara.

Selon la sœur de Thomas Sankara contactée par Faso7, lors de son séjour au Burkina Faso à la faveur de la rencontre entre Sandaogo Damiba et les anciens chefs d’Etat, l’ancien Président exilé en Côte d’ivoire depuis 2014 aurait pu prendre la parole pour faire sa demande de pardon.

« Il était là personnellement. On aurait pu l’entendre après ce long séjour à l’extérieur. On le l’a pas entendu. Maintenant, ce sont d’autres personnes qui prononcent son mot ou bien il est incapable de lire un texte ? », a questionné Blandine Sankara qui estime qu’une autre démarche devait être adoptée par Blaise Compaoré, condamné à perpétuité dans le dossier Thomas Sankara.

« C’était un frère. C’était un fils d’une famille. Donc, quand on s’adresse à sa famille, à des gens avec lesquels on a été très proche, je ne pense pas que c’est de cette manière. Ce n’est pas pour être rancunier, mais nous disons que la manière, c’est une insulte encore. Une fois de plus, c’est une insulte. Qu’on ne nous mette pas en porte-à-faux avec le peuple burkinabè. C’est pour dire au peuple burkinabè ‘’on fait le pas mais de l’autre côté, on est réticent’’.  Ce n’est pas le cas. Que chacun se mette à la place de ces familles », a déclaré la sœur de Thomas Sankara.

Mais pour Me Prosper Farama, avocat de la famille de Thomas Sankara, « c’est déjà bien » de demander pardon au peuple burkinabè. « Après moult tracasseries, confrontations, défiances, que finalement par opportunisme, il (Blaise Compaoré, ndlr) demande pardon, c’est déjà bien », a fait savoir l’avocat qui précise que « même si c’est sous la contrainte qu’il demande pardon, c’est déjà bien de s’être rendu compte que ça ne sert à rien de faire de la défiance parce qu’il ne pourra pas gagner contre le peuple burkinabè ».

Mais en tant qu’homme de droit, selon l’avocat, « ça ne change pas grand chose à la situation juridique et judiciaire du dossier ». Pour Me Farama, la demande de pardon n’épargne pas de l’exécution d’une peine pour tout Burkinabè.

« Chacun doit demander pardon pour les fautes qu’il a commises et être prêt à assumer la responsabilité et les conséquences des actes qu’il a posés. Et de ces conséquences, c’est l’exécution d’une décision de justice. C’est tout ! Sinon ça voudrait simplement dire que tout ceux qui sont à la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, ndlr) et qui ont commis des crimes à l’égard d’autres Burkinabè, il leur suffit de demander pardon et que si c’est pardonné, ils sortent de prison », a conclu l’avocat.

Source : https://faso7.com/2022/07/26/demande-de-pardon-de-blaise-compaore-il-connait-bien-ou-se-trouve-la-famille-sankara-blandine-sankara/

Ignace Ismaël NABOLE


La réaction de Paul Sankara, frère cadet de Thomas Sankara : «La meilleure manière de demander le pardon était de répondre à la justice».

«Je crois que la meilleure manière de demander le pardon c’était de répondre à la convocation de la justice, voilà, il a été jugé par contumace. En même temps, ce n’est pas une façon de dire que nous ne sommes pas pour le pardon, l’unité et la réconciliation. Non, loin s’en faut. C’est la manière, la forme, voilà ce qu’on y met au fond. Je pense qu’en envoyant un ministre ivoirien et sa propre fille le représenter, il y a plusieurs questions qui se posent à ce niveau : est-il lui-même l’initiateur de la lettre? Est-il réellement au courant de la lettre ? Et puis l’idéal aurait quand même été que, même à distance, il fasse une vidéo, ça aurait été plus acceptable. La question du pardon réside en une question fondamentale, qui a fait quoi à qui ? Parce que jusque-là, c’est des ouvrages, c’est des articles, c’est en 34 ans des films, des documentaires, et que sais-je encore qui ont été faits. Pourquoi nous parlons du triptyque, ce n’est pas un vain slogan «vérité, justice et réconciliation», ce sont les fondements que toute nation utilise et utilisera pour aller de l’avant.»

Source : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220727-paul-sankara-la-meilleure-mani%C3%A8re-de-demander-le-pardon-c-%C3%A9tait-de-r%C3%A9pondre-%C3%A0-la-justice

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