Homme pleins d’humour et de sagesse Jean Pascal Kayouré Ouédraogo, dit Vidinik, est décédé le 14 Avril 2020. Il aura marqué sa page dans l’histoire pour avoir joué le rôle d’aîné de Thomas SANKARA durant l’enfance, qu’il initiera plus tard à la guitare.

Voisins à Gaoua, les parents de Vidinik et de Thomas seront de vieux amis à la limite des frères ; amitié qui s’étendra jusqu’à leurs enfants.

Thomas SANKARA petit frère de deux grandes sœurs et premier garçon de sa famille va très rapidement se faire un ami et grand frère en la personne de Jean Pascal OUEDRAOGO fils unique de ses parents. Ils passeront leur enfance ensemble à Gaoua.

Pascal OUEDRAOGO, poursuit ses études à l’école normal de Koudougou. Enseignant, il fut affecté à Ouagadougou. Sa passion pour la musique le poussera à abandonner la craie au profit de la guitare au sein d’un groupe. Il est membre fondateur de l’ex orchestre ATIMBO connu des jeunes dans le milieu des années 1960 jusqu’à l’orée des années 1980. Fonctionnaire de L’ASECNA (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique), Pascal Ouédraogo fut aussi un entraineur très respecté du club de football l’Etoile filante de Ouagadougou (EFO). C’est ainsi qu’il doit son surnom de Vidinik à ses activités sportives puisqu’il s’agit du nom d’un entraineur de football yougoslave très connu à l’époque puisqu’il avait amené l’équipe nationale du Zaïre aujourd’hui République démocratique du Congo (RDC), à remporter la CAN en 1974 et à être la première équipe africaine à participer à la coupe du monde.

Pendant la révolution lui et SANKARA passaient des moments ensemble en compagnie de leurs guitares. Il restera fidèle aux idéaux de la révolution d’Aout 83 jusqu’au 14 Avril 2020 ou il est décédé à la suite d’une courte maladie.
Il repose désormais dans le cimetière de TEENGANDGO.

L’interview publiée ci-dessous a été réalisée par Cheriff Sy, aujourd’hui ministre de la défense, alors qu’il était directeur de l’hebdomadaire Bendré. Il s’agissait d’alimenter la biographie de Thomas publiée en 1997  puis sous une deuxième version en 2007 (voir http://www.thomassankara.net/biographie-de-thomas-sankara-la-patrie-ou-la-mort-edition-revue-et-augmentee-un-livre-de-bruno-jaffre/). Chériff Sy avait à l’époque indiqué des personnes ayant été proches de Thomas Sankara, passé leurs coordonnées et réalisé quelques interviews pour enrichir la documentation. Nous le remercions chaleureusement.

Pascal  Ouédraogo était musicien, membre fondateur de l’ex orchestre ATIMBO connu des jeunes dans le milieu des années 1960 jusqu’à l’orée des années 1980. Il avait l’école normale de l’enseignement à Koudougou mais délaissa l’enseignement pour la musique. (voir https://lefaso.net/spip.php?page=impression&id_article=50998)

Les interviews réalisées à l’époque n’étaient pas destinées à être publiées, mais à alimenter le la biographie de Thomas Sankara qui était en cours de rédaction. Nous avons donc préféré ne pas publier les passages qui entraient dans l’intimité.

Guy Innocent Nana avec Bruno Jaffré


Q : Vous avez été ce qu’on pourrait appeler un proche sinon un frère du président Thomas Sankara. Nous aimerions que vous nous parliez du début de cette fraternité, de cette camaraderie.

R : Merci de me donner cette occasion de me prononcer par rapport à feu Thomas Sankara depuis sa mort. En effet Thomas Isidore Noël Sankara est plus pour moi un petit frère qu’un ami. Des gens ont voulu à un certain moment dire que c’était mon ami, j’ai dit non non non, c’est mon petit frère en ce sens que entre lui et moi il y a quand même environ 7 ans, étant donné qu’il est de décembre 49 et que je suis  de 43. Je considère qu’il y a au moins 7 ans entre nous et pour cela il est vraiment très difficile qu’on dise que c’est mon ami parce que étant au CM2 en 56-57, il était au CP1. Et comme nous habitions un camp de bas où nos parents étaient des gendarmes auxiliaires, donc j’étais en’ quelque sorte le plus grand garçon de la troupe. C’est moi qui les prenait à l’école qui les protégeait et qui les amenait à la maison sains et saufs. Donc je veux dire que c’est parce que nos parents étaient des gendarmes ensemble, c’est ce qui a favorisé la connaissance et la fraternité entre Thomas Sankara et moi.

Q : Ça se manifestait comment? C’était votre frère. Vous l’avez vu donc grandir, évoluer, c’était un enfant comment? Turbulent, intelligent, taré ce que vous savez de lui avec votre regard de grand frère.

R : Comme je vous le disais moi j’étais au CM2 quand ils étaient au CP1. En tant qu’aîné je me permettais de leur donner des cours par rapport à la classe où ils étaient. Je dirais que c’était un avantage pour Thomas Sankara et d’autres de la même promotion que lui; Ouédraogo Aka diouce, Bationo Louis, il y a beaucoup dont je ne me souviens plus. Moi je m’amusais à faire l’instituteur avec eux. Je peux dire que à chaque fois que j’essayais de leur expliquer quelque chose, sur les 5 enfants qui étaient là, curieusement il était toujours le premier à comprendre même à demi-mot ce qu’on voulait lui dire. Et cela se manifestait même à l’école, puisque Thomas Sankara du CP1 jusqu’au CM2 je peux me permettre de dire qu’il était toujours avant le second. Il a toujours été major. Et quand il lui arrivait d’être deuxième de la classe mais je vous dis que c’était pour lui une infamie. C’est à dire pour lui il ne doit pas être deuxième il faut qu’il soit toujours le premier  et je me souviens qu’il avait en face de lui quelqu’un qui n’était pas facile, c’était maître Ouattara Karim. Le regretté maître Ouattara Karim l’avocat, c’est eux qui se disputaient toujours la première place. Mais le plus souvent c’est Thomas Sankara qui était en tête. Un garçon très intelligent, très futé. Intelligent futé et puis son sens, son amour pour la justice commençait très tôt. Parce que déjà en 57, l’homme avait déjà des idées qui nous surprenaient nous autres, nous qui étions ses aînés. Il nous surprenait à travers certaines idées dont on pourra parler tout là l’heure.

Q: Donc vos parents étaient gendarmes auxiliaires, c’était où?

R : A Gaoua dans le pays Lobi donc en 56-57, ils étaient des gendarmes auxiliaires. C’était à l’époque où on avait sélectionné certains des anciens combattants pour les faire passer gendarmes. Donc ils ont été des gendarmes auxiliaires pendant deux à 3 ans avant de devenir gendarmes. Donc mon papa était le plus ancien, le plus vieux, des gendarmes. Donc il devait avoir un enfant qui était le plus âgé que ceux des autres gendarmes et c’est comme ça que j’étais l’aîné de tous les enfants qui étaient au camp des gendarmes. Ensuite nous sommes montés à la gendarmerie. D’ailleurs même entre parenthèses, lorsque Nongma Ernest Ouédraogo  a quitté la côte d’Ivoire avec son papa, puisqu’ils sont parentés avec les Sankara, ils sont venus à Gaoua et Ernest a fait le CM2 avec nous et nous sommes partis ensemble en sixième en 1958.

Q : Donc si je comprends, à partir de 1958, vos chemins se séparent momentanément.

R : Moi je me retrouve au cours normal de Koudougou. Mais physiquement on se voyait mais dans la correspondance, je leur écrivais pour les conseiller les encourager pour aller au collège un jour et ils me répondaient, me demandaient parfois si je pouvais leur envoyer certaines choses, des cahiers, certains livres, je m’exécutais dans ce sens-là. Bien que je sois au cours normal de Koudougou, pendant 4 ans, le contact a toujours été permanent.

Q: Et quand est-ce que vous vous retrouvez alors?

R : Pendant les vacances, lorsque je reviens, je me faisais encore leur instituteur des vacances. Je leur donnais des cours par rapport à la classe suivante dans laquelle ils doivent aller, des cours de calcul, de géométrie, arithmétique, grammaire. Donc je leur donnais des cours ce qui faisait que quand ils passaient dans la classe supérieure là, pour lui c’était comme si c’était une révision. Donc ce contact pendant les vacances de 1959, j’ai fait ça, en 60 et 61 de même, lorsque je suis venu pour les vacances de 1962, lui il était admis en sixième. Mais le contact, je suis resté en contact avec lui pendant toutes les années où j’étais à Koudougou.

Q : Vous avez eu à dire qu’il était futé intelligent mais vous avez dit aussi que déjà à cette époque il avait un certain amour pour la justice; Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela? Qu’est-ce qui vous a fait voir qu’il avait déjà un amour pour la justice déjà à cette époque-là.

…/…

De façon générale, son action a amené les gendarmes à modérer leur comportement envers leurs femmes. Donc c’est pour cela que j’ai dit que depuis ce temps-là, le garçon avait un sens pour la justice. Il n’aimait pas qu’on brime quelqu’un. Même Thomas Sankara, les garçons qu’on prenait pour aider les femmes, ah si tu ne les payais pas bien mais Thomas n’était pas d’accord. Il fallait qu’on donne à ce petit qu’on avait engagé pour laver les assiettes, qu’on lui donne ce dont il a droit. Donc c’est des petits trucs, ça il y a de nombreux cas comme ça qui se sont passés qui m’ont permis de voir très tôt son amour pour la justice. Il n’aimait pas qu’on attaque les droits des gens.

Q : Donc dans les années 60-62 il se retrouve en sixième. Vous gardez le contact.

R : Moi je suis à Kaya. Mes parents étaient toujours à Gaoua. Le vieux Joseph Sankara lui a quitté Gaoua en 1964 ou 1965 et moi mon père est rentré définitivement à la retraite ici en 68. Néanmoins, durant les années 62 63 64 65 on correspond, on se voyait rarement mais il n’en demeure pas moins que les lettres étaient là. Toujours je leur prodiguais mes encouragements. IL fallait qu’ils travaillent. Et je me souviens que je lui disais, tu sais je ne suis qu’un simple instituteur mais tu sais bien que j’aurais voulu être plus que ça, mais étant donné que je suis passé par un cours normal et que j’ai été bloqué par l’engagement décennal. Mais que eux qui sont dans les lycées, il faut qu’ils foncent, il faut qu’ils pensent. Bon si on pouvait retrouver ces lettres, vous verrez que ce que j’ai dit est exact.

Q : Je voudrais revenir sur une histoire de clairon. Si vous pouviez nous éclairer là-dessus?

R : Quand je vous disais que je savais que ce petit allait devenir quelque chose dans sa vie, alors quand nous étions petits au camp je crois que c’était en 57, lorsque j’étais à l’école, j’ai ma troupe, on défile. Mais j’avais un ami qui était un garde et qui était le père il s’appelait Napon Bailly. Vraiment il m’avait pris comme ça. Je me souviens que quand il claironnait, les .. venaient l’entourer et nous ça nous amusait beaucoup. Un jour il me voit. Il me dit, petit Kouama, viens ici!. J’ai cru que c’était pour m’envoyer, on me donne une pièce de 5 francs il me dit que non. Le petit qui te suit, que le petit de Joseph qu’il porte un bonnet de chefferie, il m’a dit ça en mooré et que lui là il allait être quelqu’un. Bon tu sais on me dit ça, Voilà encore un gars un train de radoter. Mais maintenant la manière que l’enfant était à l’école ça commençait à me tiquer un peu. Attention ce que le gars a dit ça pourrait être vrai. Plus tard dans la vie j’ai compris très tôt qu’il allait devenir président de la Haute Volta. Moi j’ai compris ça très tôt et j’ai des témoins qui peuvent le dire. Ma femme est là. Tu peux même lui demander ça. Lors de la première guerre entre nous et le Mali. Alors qu’il était lieutenant, il est venu tout là, il a continué au front et puis nous avons appris ces prouesses là-bas. J’ai dit à ma femme : Tu as vu Thomas. J’ai dit c’est parti pour qu’il devienne Président de la Haute volta. Elle dit comment ça? J’ai dit en tout cas on m’a mis la puce à l’oreille à mon enfance. Mais comme il a commencé là…

Eh Yvette viens ici.

Je voudrais te demander un témoignage. Par rapport à la première, au départ au front de Thomas Sankara en 1974, lors de la première guerre avec le Mali. Lorsque les nouvelles sont venues, on dit que Thomas, que ceci.. Qu’est-ce que je t’ai dit par rapport à Thomas, quand il a fait ses prouesses au Mali.

La femme : Ce que tu m’as dit un jour..

R ; Il va devenir quoi.

La femme : Ce que tu m’as dit qu’il allait devenir chef d’État. Tu sais on se dit tellement de choses aujourd’hui, tellement de choses par rapport à lui que..

Vidinik : Après le Mali, quand il venait à la maison et tout on s’asseyait on causait, toi tu m’as dit un jour que hun, que ce que j’avais dit, toi même tu commences à y croire.

La femme : Surtout la façon qu’il a démissionné

Vidinik ; Du gouvernement de Sayé Zerbo.

Cheriff. C’est quand il était secrétaire d’État à l’information.

Vidinik : Donc cette partie du clairon qui m’avait mis la puce à l’oreille dans ce sens et ensuite, avec le Mali quand il est revenu, j’ai dit à ma femme, ça y est c’est parti. Le monsieur là va devenir président là. Et j’étais sûr de mon fait.

Q : Pour revenir en arrière, vous êtes enseignant, lui il est, ensuite il revient de l’école le Prytanée militaire.

R : Oui c’est en 1965-1966. Il vient au prytanée militaire, il se trouve qu’à l’époque moi en 1965 j’abandonne l’enseignement. J’ai demandé à être affecté à  Ouagadougou, on a accepté, j’ai fait 3 jours à l’école Sanmandin, on est venu me remplacer. J’ai dit non. Parce que je souffrais d’une dysenterie chronique. Les gens n’ont pas voulu comprendre on m’a affecté à Oundé à Boromo, j’ai dit non. Je suis resté à Ouagadougou. Alors que j’étais à Ouagadougou j’ai mon ami Hamidou Bancé lui aussi qui avait maille à parti avec son inspecteur, lui aussi il a abandonné, nous avions notre copain qui s’appelait Traoré Adama qui lui aussi a abandonné. Donc nous étions dans le célibatorium en face de la base aérienne, on l’appelait le carré. Entre temps, Hermann Yaméogo qui avait reçu des instruments des Etats Unis nous a cédé les petits instruments qu’il avait; Donc nous avons commencé à nous entraîner à grincer. Et c’est ainsi que c’est parti? Nous avions formé notre orchestre qui s’appelait Adinmbo. Comme on avait rien à faire il fallait quand même grincer il fallait s’occuper. On jouait de la guitare, on faisait des soirées, ça nous rapportait un peu d’argent. J’étais devenu un musicien professionnel. Et c’est pendant ce temps, lui il était au PMK. Chaque week-end il vient au carré des Bingo. Quand il vient, dans l’habitat, je lui montre comment on monte la gamme do ré mi fa sol la si do. Et ça lui plaît. Donc tous les week-ends il vient il joue au carré des Bingo. Après on le dépose. Donc alors que j’étais musicien, c’est pour vous dire qu’il est resté en contact avec moi en 67 68 69. Je crois que c’est en 69 qu’il a eu son bac. Donc on se voyait. Pour la petite histoire, je me souviens en 68, notre orchestre a joué au bal de fin d’année de l’école normale, lorsque nous avons fini de jouer il était 5 heures du matin. Moi je voulais rentrer parce que j’étais dans mon alcool, je somnolais. Il était à ce bal-là. Je me retourne, je le regarde, je lui dis tiens tu es encore là. IL me dit oui. J’ai dit bon ce que tu vas faire, moi ma vespa là elle est crevée. C’était une vespa 150. Bon tu vas pousser la vespa là. De l’école normale jusque devant la base aérienne au carré des bingo il a poussé la vespa qui était crevé. Tu sais quand la vespa crève mon frère à l’arrière, il a poussé jusqu’à notre domicile; Et il n’a jamais oublié ça. Je me souviens que quand Rawlings, il lui a dit que lui là, oh il m’a bien formé. Un jour il m’a fait pousser sur 5 km.

Q : Donc entre temps, il a son bac, il va en formation militaire, toujours la musique.

R : Oui.

Q : Quand il rentre définitivement.

R : C’est pour te dire que le contact était permanent. Il rentre définitivement. Il me fait part de ses idées. Ce qu’il voudrait par exemple dans cette armée, une petite unité de commando. Je crois qu’ils ont commencé ils étaient à Gounghin ou quelque part comme ça. Donc cette unité ils étaient à Lumbila; Ensuite ils ont trouvé Po. Je crois que Po on l’avait balancé là-bas comme un laisser pour compte avec quelques hommes là-bas. Donc moi il venait. Il faut faire beaucoup attention comme tu es un jeune officier toi et tes idées progressistes je ne pense pas qu’en votre sein tout le monde va voir ça d’un bon œil. Donc il faut faire beaucoup attention parce que tu peux te créer des ennuis. Il me dit oui que lui il prend ça en compte. Il me dit que sa manière de voir les choses, ça devrait être comme ça. Je crois que son histoire a commencé ..Je me souviens que quand il était en formation au Maroc ou.. Toujours je lui envoyais les journaux.

Par rapport à ce coup d’État il y avait 15 éléments mais il n’a pas approuvé ça. Il ne s’intéressait à l’avènement du redressement. Vraiment ce n’était pas son problème; Il n’avait pas ça en tête. Finalement je crois qu’on a voulu l’insérer, on l’a mis comme secrétaire d’Etat à l’information alors qu’il était à la veille de son départ pour un stage et c’est là que sont partis les tiraillements entre lui et les autres.

Q : Donc vous avez les contacts, vous discutez souvent, vous voyez le 4 août arriver. Ce n’est pas la date, mais vous voyez l’homme évoluer, vous sentez que le clairon va se confirmer.  En ce moment gardez-vous toujours le même rôle de grand frère, de conseiller auprès de lui.

R : Bien avant d’en arriver à ça, il faut qu’on parle de quelque chose. Lorsqu’il a refusé de participer au gouvernement de Sayé Zerbo, je crois qu’ils ont été dégradés ou quelque chose de ce genre et mis en prison à Betouga. C’est quand il était à Dédougou que moi j’ai senti que quelque chose se préparait dans l’air. J’étais en contact avec eux, avec beaucoup de commandos qui le connaissaient très bien parce qu’il les envoie parfois chercher des choses, cordes de guitare, ou des petits trucs donc bon nombre de commandos me connaissaient. Mais lorsqu’il a été mis au frais à Dédougou, il y a un commando particulièrement le regretté Diallo Moussa, qui quittait Po dans la soirée, traversait Ouagadougou allait rejoindre Thomas à Dédougou et revenait pour prendre son service le matin. Donc dans les moments de ce dernier il ne me disait pas qu’est-ce qu’il y a. Il dit non il est là-bas il a demandé une corde de guitare. Mais toi là. Non c’est des contacts. Or je ne suis quand même pas un .. Moi j’ai compris que tous ces contacts, il y avait quelque chose qui se préparait. Mails il faut que je te dise, le 7 novembre, nous avons été tous surpris. Et quand je suis allé chez lui le 7 novembre, je lui dis mais qu’est ce qui s’est passé. Il me dit, écoute, c’est trop long. Il fallait qu’on fasse; Je crois que le 7 novembre a été plus ou moins improvisé. On me dit, bon que si seulement Sayé Zerbo savait que on était pas tellement organisé. C’est à dire de l’autre côté ils ont eu peur et ça aussi c’est vrai ils ont été obligés de prendre la poudre d’escampette. Mais parfois la chance te sourit. Donc il y a eu le 7 novembre. Tous les jours, nous étions en contact permanent. Il venait chez moi à Kamsougin. Il venait on discute on se donne des idées. Et puis passe ce 17 mai. Le 17 mai encore un vide jusqu’à son retour le 4 août. Entre le 17 mai et le 4 août, il faut savoir qu’il y a eu un grand vide entre lui et moi. Ça c’est quelques chose qui m’a beaucoup marqué. Aujourd’hui je le dis. Quand on a arrêté Thomas le 17 mai, qu’on l’a amené à Ouahigouya, à Ouagadougou quand même là ça couvait. Entre temps on l’a ramené. Je me souviens je me suis pointé là-bas. Comme il y avait des gendarmes devant la porte, il fallait qu’on appelle quelqu’un pour qu’il vienne identifier celui qui est là. Je dirais que c’est Mariam qui est venu qui m’a fait entrer. Je suis rentré auprès de Thomas. Je lui ai demandé si tout allait bien. Il m’a dit oui, il n’y a pas de problèmes. Mais je reviendrai pour qu’on puisse s’entretenir en tête à tête. C’est ainsi qu’un jour je suis revenu pour le voir et puis la sœur de Mariam m’a dit, mais qu’est-ce que je viens faire ici. Qu’on a pas même plus besoin de moi là. J’ai dit comment ça ? Non parce que ceux qui viennent ici toujours on parle de moi, on me traite de tout ce qu’on veut et que je viens ici je perds mon temps. A partir de là, je suis entré chez moi je me suis mis dans la maison et j’attendais. C’est pour te dire que depuis sa libération après son arrestation du 17 mai jusqu’au 4 août il n’y a plus eu de contact entre nous.

Q : vous vous êtes revus quand?

R Nous nous sommes revus; Je ne sais pas ça devait être vers le 25 septembre 1983 puisque il est venu à la maison le 18 septembre. Je n’étais pas là. Ma femme était à la maternité. Elle venait d’accoucher d’une fille la veille. Il est venu. Il ne nous a pas trouvés. IL est rentré c’est par la suite que nous nous sommes vus; Et ce jour, quand il est venu chez moi j’ai dit que je ne voulais pas qu’on laisse Sigué rentrer dans la cour. Sigué faisait partie de mes détracteurs. Donc si lui il ne veut pas de moi chez lui, je ne veux pas de lui chez moi. Nous nous sommes entretenus dedans. Je crois qu’il se préparait à aller à Vittel. Il est allé à Vittel; IL est revenu. Et nous avons repris contact. Et c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à devenir un vrai critique pour lui. Puisque la première critique que j’ai lancé à son endroit, c’était de savoir pourquoi bien que Guébré et Yorian se soient rendus, pourquoi on les avait exécutés. Puisque moi automatiquement c’est lui que j’accuse. Il m’a dit non, ça ne s’est pas passé comme ça. J’ai dit non. Mais comment ça s’est passé. Il me dit bon, tu sais, avec la révolution, il y a parfois des choses qui se passent. Tu es obligé de prendre la responsabilité des actes que certains font. En tout cas, lui il n’a jamais voulu, en tout cas il allait les dégager. Il les a même rencontrés il leur a dits. Écoutez la révolution est en marche, Je sais que vous ne pouvez pas nous suivre. Ce que nous vous demandons c’est de rester à l’écart et de nous regarder faire. Ne nous mettez pas de bâtons dans les roues car ça ne va pas aller. Il fallait les garder quand même un certain temps. Et c’est au cours de cette nuit que les Sigué et autres là… Moi j’ai dit si Sigué a eu à faire ça pourquoi il est toujours dans ton entourage. Des gars comme ça il faut les mettre carrément hors. Mais tu vois la révolution aussi, même si on dit que les révolutionnaires sont sans cœur, mais en tout cas .. Parfois il y a une certaine reconnaissance. Et si tu as beaucoup œuvré pour eux, quand bien même tu commets des exactions, des bêtises, bon on essaye quand même de garder. Je crois que c’est pour ça qu’il a gardé Sigué, mais nous avons mis du temps, Sigué et moi pour nous entendre. Je voyais que c’était des individus qui étaient autour de Thomas qui encerclaient n’étaient pas les hommes qui pouvaient œuvrer pour qu’il puisse mener une politique .. pour le Burkina. Les gens qui étaient là qui ironisaient qui intimidaient. Et puis lui-même ça ne l’arrangeait pas. Parce que ça contribuait à le salir. Le fait d’être avec des gens comme Sigué. A partir du 4 août j’ai commencé à être un critique  fondé et chaque fois qu’il y avait des décisions à prendre parfois il demandait mon avis; Je donnais mon avis sans être un homme politique en tout cas il prenait parfois en considération, parfois il ne prenait pas en considération. Mais nous sommes restés depuis ce temps-là on est resté en contact jusqu’à ce que le destin vienne le faucher le 15 octobre.

Q : Mais de la même manière que vous avez senti l’homme évoluer vers le pouvoir d’état, vous avez senti ou pressenti qu’il allait devenir chef d’État vous avez aussi peut-être senti l’arrivée le 15 octobre?

R : L’arrivée du 15 octobre n’a surpris aucun burkinabé qui suivait la politique du pays. On savait qu’il y avait des graves tensions; Tout le monde sentait qu’il allait se passer quelque chose. Qu’est-ce que nous autres là, comme moi. Qu’est-ce que je pouvais faire. Ce que moi je pouvais faire, c’était accepter d’être un médiateur. Chose même que j’ai tenté. J’ai voulu être un médiateur puisque je les connais tous pour essayer de calmer le jeu mais il ne voulait pas que je sois mêlé à cette histoire. C’est pour cela après notre entrevue du 30 septembre 1987 on est resté jusqu’au matin 1 octobre. Après ça je l’ai vu le 8 octobre 1987 où nous avons eu encore un tête à tête. Après il ne voulait plus que je vienne au palais. Moi qui avais la facilité de passer, j’étais bloqué. J’ai tout fait, mais à partir du 8 octobre je n’ai pas pu le toucher encore jusqu’au 15.

Q : Au-delà de l’aspect homme politique, qu’est-ce que vous vous gardez comme image de votre frère en tant qu’homme dans ses rapports sociaux avec les gens.

R : Un exemple de l’enfance avant de revenir à votre question. Depuis son enfance, c’est quelqu’un qui lorsqu’il entreprenait quelque chose, il fallait qu’il aille jusqu’au bout. Je vous avais dit que depuis son enfance il avait vraiment un amour pour la justice. Je me souviens qu’un jour on s’amusait au clair de lune il a eu affaire à une fille de son âge. Ils ont lutté, la fille l’a terrassé. Moi j’étais là j’ai dit, non Thomas a glissé par erreur c’est pas possible. Ils recommencent, la fille le terrasse.  C’est pas lui qui était blessé, moi je me suis senti blessé. Ça c’est mon enfant je lui dis il faut agir. Quand il vient il réagit, il prend un caillou, il tape sur le front de la fille. Il rentre chez lui. La fille crie, les parents de la fille sortent. Elle dit c’est Thomas qui a fait ça. J’ai dit non, Thomas n’a jamais fait ça. Il s’est amusé avec moi il a dit qu’il a mal à la tête, il est rentré. On va à la maison. Que non Thomas est en train de dormir. Ce qui m’a beaucoup marqué dans son enfance, cette scène-là, même jusqu’à aujourd’hui avec sa maman on évoque ça. Et la mère dit que tu savais que c’est Thomas qui a blessé la fille mais tu as tout fait pour le protéger. Oui c’est comme ça. Mais maintenant son image en tant que homme d’État ce que moi j’ai retenu chez Thomas, comment l’affaire de la justice là, c’est un homme qui était juste, il avait …    Parce que s’il avait de l’estime pour toi on a même pu voir dans son entourage, quand il avait de l’estime pour quelqu’un je pense qu’il devenait un peu faible à l’endroit de cette personne. Moi c’est ça qui ne m’a pas plu quand il était président. Bon il permettait à ce que certaines personnes qui n’étaient pas de bonne moralité parfois puissent être à côté de lui, puissent même lui donner des conseils qu’ils prenaient à la lettre. Moi j’ai trouvé que quand il avait un peu d’estime envers quelqu’un il devenait faible à l’endroit de cette personne.  Pourtant il m’estimait bien mais il n’avait aucune faiblesse mais ce n’est pas pour autant qu’il a dit j’estime Pascal ce n’est pas pour autant qu’il fait lui donner un poste de ministre ou bien un poste de Haut-Commissaire. Non. A ceux qui demandaient, il disait non non. Pascal a un autre rôle auprès de moi tel que s’il devenait responsable politique comme ça il ne pourrait plus jouer ce rôle. Juste courageux entreprenant, travailler mais il avait des faiblesses envers ses amis ses copains. Et ça moi je dis j’ai dit même à un certain moment. C’est pas parce que untel est de l’ULC ou bien parce que un tel est de quoi. IL faut mettre l’homme qu’il fait à la place qu’il faut. Je n’étais pas d’accord avec lui pour des postes ministériels qu’on donnait à certains. Non non non. Je n’étais pas d’accord. Mais c’est vrai hein. Tout homme a des qualités des défauts, des faiblesses, mais il n’en demeure pas moins je suis sûr qu’aujourd’hui je le vois comme un grand chef comme un grand chef d’État qui avait beaucoup de charisme, et qui s’il avait survécu du 15 octobre, je pense que le gars allait mener quand même le Burkina a un stade vraiment qui allait étonner le monde entier. D’ailleurs il l’a fait.

Q : Donc je vais poser une dernière question, si vous avez quelque chose à ajouter vous le ferez. Bon 10 ans maintenant, après sa disparition, un peu partout dans le monde entier son œuvre est salué, enseigné dans beaucoup d’universités occidentales, partout où on parle de développement de modèle de développement, on est toujours obligé de citer le cas de Thomas Sankara et du Burkina. Bien que vous ayez des rapports fraternels avec lui, pensez-vous que les idées qu’il a défendues peuvent être actualisé et pour le Burkina et pour l’Afrique 10 ans après;

R : Il faudrait que… L’erreur de Thomas c’était de se sous-estimer et se mésestimer. Un homme a œuvré pour le Burkina mais c’est comme si c’était un soliste qui était en train d’improviser sur sa guitare. Ce qu’il faisait, c’était ce qu’il fallait faire, c’était pas quelque chose de sorcier. Il ne se rendait même pas compte qu’il était trop important pour ce peuple-là. Si Thomas avait pris conscience de ce qu’il représentait pour le Burkina il n’allait pas se laisser faire; parce que moi je trouve que l’homme ne voulait pas mettre le Burkina à feu et à sang. Il a fait don de lui-même il s’est sacrifié pour ce peuple-là puisse connaître la paix. La question que je me pose, à partir du moment où il n’est pas là, j’ai pas dit irremplaçable, par ce que les cimetières sont pleins de gens qui se croyaient indispensables mais ils sont dans le même trou. Mais d’après toi journaliste, qui tu vois dans notre échiquier politique-là qui puisse nous inculquer encore ses idées, les idées de Tom Sank tout en tenant compte de l’état de droit et de démocratie. Thomas avait réussi à nous inculquer ça parce que c’était un état d’exception. Maintenant s’il était là, je crois l’homme la manière dont il est très souple en politique il allait nous inculquer ses idées dans l’état de droit et le Burkina allait continuer à se développer normalement. Mais actuellement qui on va trouver. Parce que il faut reconnaître, les têtes comme ça, des cerveaux comme ça, je crois que les statistiques peuvent le démonter, c’est chaque siècle que vous trouvez un homme comme ça. Aussi bien en politique aussi bien dans le sport, tous les domaines. Ses idées sont là et je suis très content de voir qu’il y des partis qui mettent les idées de Sankara pour les mettre au-devant de la politique. Mais leur problème est que quand bien même les idées qu’ils ont, maintenant il faut les appliquer et c’est ça aussi le problème des sankaristes actuellement, nous n’avons pas un leader. Et tant qu’ils vont continuer à travailler en ordre dispersé comme ça, les idées ne pourront jamais revenir au Burkina.

Extrait d’un entretien réalisé par Chériff Sy en 1997.

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