Ce discours longtemps méconnu est parmi les plus importants. Il a été déniché par Daouda Coulibaly qui a rejoint l’équipe du site. Il a tout simplement été visité les archives du quotidien Sidwaya où il avait été publié.

Dans ce discours, plus longuement encore que lors du discours du 4 août 1985, et de façon plus précise, il insiste sur la nécessité du changer les mentalités et de se libérer des influences culturelles étrangères qui limitent l’écoulement des produits locaux sur le marché intérieur. C’est la seule façon d’offrir des débouchés aux paysans et aux artisans qui peuvent augmenter considérablement leur production. Il faut donc « lutter contre la domination extérieure aux plans culturel, social, économique et politique ».

Il revient longuement sur l’aliénation culturelle qui résulte de la domination de son pays, héritage de la colonisation, qui pousse les couches moyennes et supérieures à rechercher leur modèle de consommation, quand ce sont pas les modèles tout court de prêts à porter, en occident et plus particulière en France. Or les couches moyennes ou supérieures sont les seules qui disposent de moyens pour consommer des produits locaux.

Le PPD (Plan Populaire de Développement) est terminé et le plan quinquennal vient d’être lancé. Élaboré après une vaste concertation nationale décentralisée, il a été construit en arbitrant entre les besoins venus des profondeurs du pays et les choix nationaux, les moyens disponibles et le choix politique de ne pas dépendre de l’aide extérieure. Il faut donc mobiliser les ressources internes et s’appuyer sur les efforts consentis par les populations locales responsabilisées[1]. Mais il fallait convaincre qu’il n’y a pas d’autre voie possible.  Et c’est ce qu’il fait dans ce discours comme dans beaucoup d’autres.

Thomas Sankara annonce la suppression du corps des agents du PPD. Il était constitué  d’agents dégagés souvent de la fonction publique pour différentes raisons, (absentéisme, indiscipline, action contre-révolutionnaire), obligés de travailler pour de maigres rétributions, de l’ordre de 25 à 50% des salaires qu’ils recevaient auparavant. 

La réforme de l’éducation nationale (on peut en trouver le projet à http://www.thomassankara.net/le-projet-de-reforme-de-leducation-elaboree-pendant-la-revolution/) qu’il annonce ici ne sera pas appliquée car elle a rencontré une importante opposition dans le pays..

 La révolution a désormais un bilan chiffré que Thomas Sankara délivre à cette occasion non sans fierté. Un bilan qui n’a pu être atteint que grâce à une organisation efficace et une participation active du peuple encadré par les CDR.

Thomas Sankara termine son discours par un vibrant appel à la paix. Sans doute a-t-il été traumatisé par la guerre de Noël, avec le Mali, encore dans les mémoires.

Bruno Jaffré


Camarades,

Chers amis invités, permettez-moi tout d’abord de saluer l’esprit de communion qui aujourd’hui, au Burkina Faso, unit des hommes et des femmes venus de tout horizon pour dire, pour rire et chanter avec un peuple, la joie, la joie de victoire, la joie d’être libre, la joie de clamer sa dignité quand autour de soi les vertus s’abattent.

En effet, comment ne pas nous réjouir devant tant et tant d’honneur que nous font les amis venus de toute part, ces nombreux artistes, dont les chants mélodieux, les rythmes envoûtant, ont consacré Ouagadougou et le 4 août comme une festivité majeure non seulement dans notre sous-région mais au-delà de cette zone. Comment ne pas applaudir ces artistes aux muscles puissants, aux valeurs sures, qui sont venus dans la joie, mais dans l’amitié et la fraternité se battre pour des victoires de tous, des victoires de l’Afrique, des victoires aussi de l’amitié avec les peuples.

Comment ne pas saluer et remercier tous ceux qui, hommes de plume ou de la caméra, se sont retrouvés ici à Ouagadougou pour entendre pour voir, mais surtout nous l’espérons pour témoigner des vertus de notre peuple, mais des vertus de tous peuples qui décident de prendre son destin en main.

Comment ne pas saluer ces délégations gouvernementales de si haut niveau venus de pays voisins et même de pays lointains pour vivre avec nous ces courts instants de bonheur, ces courts instants de joie immense, la joie de tout un peuple.

Comment ne pas saluer notre illustre hôte, le camarade Museveni, qui pour sa première sortie a choisi de visiter le Burkina Faso, a choisi de venir vivre, en témoin privilégié, ce dont nous sommes capables mais aussi voir ce que les prolongements d’une action déjà entreprise en Ouganda, permettent de réaliser

Comment ne pas nous féliciter que parmi nous se trouve aujourd’hui celui-là même qui, sacrifiant sa propre vie, son propre confort, a décidé d’aller contre les bouffons comme les Idi Amin, mais également leurs suppôts, l’impérialisme et le colonialisme qui l’ont installé, maintenu et entretenu.

Mais cher amis et camarades comment aussi ne pas nous souvenir de tous ceux qui malheureusement ne sont pas parmi nous, de tous ceux qui dans le combat quotidien ont fait le sacrifice suprême et donc ne seront pas là pour compter les victoires avec nous alors même que de nous tous ils ont certainement été les plus méritants parce qu’ils en ont été les acteurs principaux, et qu’ils nous lèguent le droit, la possibilité d’évaluer ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont initié. A leur mémoire à la mémoire de tous ceux qui ici au Burkina Faso sont tombés pour la dignité et la liberté de notre peuple, à la mémoire de tous ceux qui, en Afrique, sont tombés pour la liberté pour la dignité et pour l’amitié entre les peuples, je vous demande d’observer une minute de silence

minute de silence

Je vous remercie.

Camarade,

Le 4 Août est devenu depuis trois ans, le plus grand et le plus beau jour pour notre peuple.

Le 4 Août notre peuple chante ses victoires.

Le 4 Août notre peuple danse au rythme de ses transformations et à la cadence de ses efforts.

Mais le 4 Août c’est aussi le moment d’arrêt pour faire le bilan. Les longues énumérations des victoires ne correspondent plus à l’étape actuelle de notre combat révolutionnaire. Il y a deux ans encore nous étions surpris et émerveillés par nos propres résultats qui semblaient relever du miracle !

Aujourd’hui le Burkina révolutionnaire a dompté le miracle.

Nos résultats sont concrets. Insister là-dessus peut faire croire à un manque de confiance, en nous-mêmes, au moment où c’est justement la confiance en soi qui s’affirme comme l’acquis fondamental de notre peuple au cours des trois années passées.

C’est la confiance en soi qui nous a permis de prouver que ce n’est pas du nombre de médecins dont on dispose dans un pays que dépend la réussite d’une opération commando. Comme la vaccination commando qui en 15 jours a immunisé plus de deux millions cinq cent mille (2.500.000) enfants de 7 à 14 ans contre la méningite, la rougeole et la fièvre jaune.

C’est la confiance en soi qui nous a permis de prouver que ce n’est pas seulement à coups de milliards de dépenses que l’on porte le taux d’alphabétisation de 16 à 22% en moins de trois ans.

C’est la confiance en soi qui permet à la Révolution démocratique et populaire de réussir à couvrir chaque année 8.363 hectares de sites anti érosifs contre 1.338 hectares par an de 1960 à 1983, de construire 32 barrages et retenues d’eau par an contre 20 seulement de 1960 à 1983, de remplacer le volume d’eau stockée de 8 millions 700 000 tonnes de 1960 à 1983, à 302 millions 400 000 tonnes sous la révolution en trois ans.

La même philosophie, les mêmes principes de prise en charge organisée de notre destin commun, nous ont permis de lotir et de distribuer 62.000 parcelles de terrains d’habitation en trois ans contre 60.000 en 23 années.

Sur le plan industriel, onze entreprises en situation difficile ont été restructurées pour sauvegarder 2.575 emplois depuis août 1983.

Nous avons récolté des tonnes de graines, planté des millions d’arbres, construit des milliers de foyers améliorés, tout en combattant farouchement la divagation des animaux.

La seule connaissance des adresses des sièges d’organisations non gouvernementales ne suffit pas pour garantir des victoires comme les nôtres et de réaliser des foyers améliorés en milliers.

Le Burkina Faso, montre chaque jour un peu plus, que l’on peut vaincre la faim, la maladie, l’ignorance dans le Sahel en cultivant la confiance en soi au sein des masses populaires mobilisées et organisées au tour d’objectifs clairs et précis.

Nous avons réalisé plus de trente-cinq (35) kilomètres du chemin de fer du Sahel en un an, et l’extraction de l’or, une des autres richesses du Sahel, bat en brèche toutes les estimations des géologues. C’est malgré le dénuement financier mondialement connu et répété que notre peuple arrache les Victoires, que mêmes nos plus irréductibles ennemis n’osent plus contester.

Ce qui nous a permis de faire la décision, c’est notre peuple mobilisé et organisé au sein des Comité de Défense de la Révolution. D’abord c’est la conscience politique, l’école de la gestion rigoureuse dans la sobriété et l’humilité face à nos propres erreurs.

C’est ce qui nous a permis aussi de réussir la mise sur pied d’organisations politiques pyramidales comme les Pionniers, l’Union des femmes burkinabé, l’Union nationale des anciens du Burkina qu’il nous faut saluer et encourager, dans leurs tâches de consolidation des bases populaires de la révolution.

Nous devons continuer à nous ouvrir à tous les sympathisants de notre révolution qui doivent devenir des militants actifs grâce à notre travail politique auprès d’eux.

C’est le lieu aussi de rendre hommage aux nombreux amis que compte notre révolution aux quatre coins du monde. Ils sont de toutes conditions et de plusieurs horizons idéologiques politiques et religieux. Ils ont de la sympathie pour notre pays parce qu’ils croient en l’homme et en la justice. Ils réalisent avec nous la victoire qui rend quotidiennement un peuple heureux. Pour cela ils subissent attaques et sarcasmes.

Mais camarades, si l’heure est au bilan, il convient surtout de parler de l’avenir. Demain se décide aujourd’hui. Il nous faut prendre aujourd’hui une conscience claire des obstacles énormes à surmonter sur le quadruple plan culturel, social, économique et politique. Notre lutte anti-impérialiste doit cesser d’être une vision de l’esprit pour se matérialiser dans notre vécu quotidien. Cette œuvre ne peut être entreprise avec succès si le Burkinabè ne se défait de tout ce qui anesthésie la pensée, de tout ce qui corrompt et entretient des habitudes acquises dans la vieille société néocoloniale :

Camarades,

Voilà une exigence de la lutte concrète et réelle. Comment s’y soustraire sans apparaître tel le révolutionnaire verbeux, mais craintif et timoré dès que l’on touche à son confort quotidien.

Lorsqu’une société a pris conscience que l’ordre culturel réactionnaire exige la révolution, cette société ne peut plus, ne doit plus tolérer les vestiges qui imposent une opération chirurgicale en profondeur. Une telle société se dicte à elle-même la mission de lutter contre la domination étrangère aux plans culturel, social, économique et politique.

Sur le plan culturel : Dans le cadre de notre lutte et de notre pratique anti-impérialiste, c’est de nos mentalités que nous devrons extirper les schémas de penser qui, s’ils affirment s’appliquer à notre peuple font malheureusement des détours à l’étranger vers des espaces culturels totalement différents de nos réalités, quand ce ne sont pas des centres culturels bourgeois capitalistes porteurs du fléau de la domination impérialiste. Notre anti-impérialisme concret et conséquent sera d’abord la toilette de nos mentalités pour nous débarrasser des réflexes de néo-colonisés préoccupés de se conformer à des normes culturelles que la domination étrangère nous a imposées.

Sous-développés nous le sommes. Nous ne le sommes que dans notre esprit d’abord. Mais camarades par rapport à qui, par rapport à quoi sommes-nous sous-développés ?

Nous ne devons pas nous laisser imposer un rythme de marche, un modèle de société que les censeurs impérialistes ont créé pour dompter notre peuple.

Ne permettons plus jamais, à l’impérialisme de continuer de nous abuser. Ne lui permettons plus de fabriquer chez nous des hommes et des femmes qui, abdiquant toute responsabilité historique, admettent et encouragent que l’on ne réussit dans la société que lors que l’on peut prouver que l’on est le plus conforme à l’aristocratie étrangère. La culture que notre petite bourgeoisie impose criminellement à notre peuple, c’est la culture occidentale. L’adoption de cette culture occidentale si elle a des mérites, ne peut être un enrichissement que si elle est librement donc sélectivement vécue. Il nous faut alors nous protéger contre, la domination culturelle.

Camarades,

Pour l’étape nouvelle qui s’ouvre à nous, le mot d’ordre culturel anti-impérialiste sera : se blinder contre les agressions culturelles.

Sachons donc tirer profit des bienfaits et des mérites des autres cultures. Cela nous épargnera de devoir réinventer la roue au prix de précieux efforts. Mais que plus jamais personne ne se sente de complexe pour n’avoir pu faire comme le bourgeois de Paris ou le gentleman de Londres si ce n’est le jeune frétillant de “l’American way of lite”.

Sur le plan social : Le but fondamental de toute révolution sociale est de changer les conditions de vie et de travail des masses populaires. La révolution ne saurait changer ces conditions sans s’attaquer aux maux de la société. C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’action sociale entreprise par le Conseil National de la Révolution. Ces maux que sont la délinquance juvénile, la mendicité, la prostitution qui sont les produits d’un système d’organisation sociale contre lequel nous luttons. Nous ne saurons nous contenter de le dénoncer sans appliquer la thérapeutique nécessaire à ces maux.

Certes, d’autres avant nous en ont parlé. Mais la différence entre eux et nous sera que nous révolutionnaires, nous passerons à l’action. C’est pourquoi le Conseil National de la Révolution a déclenché une action vigoureuse à laquelle tout Burkinabé, tous ceux qui vivent avec nous sont conviés et nous devons tous y participer ne serait-ce qu’en changeant notre mentalité de façon à accepter les marginalisés que sont : les délinquants, les mendiants, les prostituées. Ils n’ont pas choisi leur sort. Ils sont des victimes d’un système, des produits d’une organisation sociale égoïste et injuste. Or, la révolution, à la place de l’individualisme et de l’égoïsme, développe la solidarité agissante, la fraternité de classe entre tous les membres de la société. Ce n’est point normal que certains aient une existence garantie et cherchent même à l’agrémenter et qu’une autre fraction du peuple, longtemps marginalisée, cherche encore ont droit à l’existence.

Sur le plan économique : La domination étrangère que nous dénonçons tant, n’a d’autre but que l’occupation économique de notre pays. Faire de notre pays un marché organisé et contrôlé pour les seuls intérêts des capitalistes qui ont épuisé ailleurs toutes les voies de réaliser de nouveaux profits. Voilà l’essence même de l’impérialisme présent chez nous.

Certes nous ne saurions nous replier sur nous-mêmes en nous imposant une autarcie suicidaire. Des biens nous sont nécessaires que nous ne saurions à cette étape de notre révolution nous procurer autrement qu’en les important. Les échanges commerciaux et financiers nous sont nécessaires. Mais entre cette nécessité de rapports économiques avec l’extérieur, limités au strict nécessaire et la caporalisation économique de notre peuple, il y a un pas qu’il nous faut cesser de franchir chaque jour comme nous l’avons fait jusque-là allègrement. Cessons de livrer notre peuple pieds et poings liés aux marchands de faux bonheur, de fausse coopération, à tous ceux-là qui nous inondent régulièrement des produits de leur société de consommation et nous gavent des gadgets superflus, voire dangereux de leur système capitaliste.

Allons-nous continuer à tourner le dos à nos immenses possibilités agricoles, minières, industrielles pour ne respecter que ce qui vient de chez les autres ?

Dans les provinces du Kénédougou, du Bam, du Poni, de la Comoé, du Boulgou et de la Kossi, de valeureux paysans sont obligés d’abandonner aux avaries de riches et abondantes productions excédentaires en fruits, légumes et céréales.

Chaque saison, des cultures qui s’annoncent bonnes est cependant pour eux le cauchemar de l’effort non rétribué, des invendus et de l’autodestruction du résultat d’un labeur cependant fort harassant.

Nos campagnes, dans les provinces de l’Oudalan, du Séno, du Sanmatengâ, de la Gnagna, du Yatenga, regorgent d’énormes possibilités en élevage de tout genre auxquelles nous préférons la charcuterie des supermarchés pour y acheter du filet bien emballé et étiqueté, mais sans doute pas plus riche en calories dont nos organismes ont besoin. Nous les abandonnons, nous même à ne pratiquer qu’un élevage archaïque et contemplatif.

Sur toute l’étendue de notre territoire, nos braves artisans émerveillent le visiteur par la variété et la robustesse de leurs produits faits-main, expression véritable et authentique de notre culture. Eux non plus n’échappent pas à ce cauchemar de l’abandon et du boycott. Il est inadmissible que d’autres viennent nous révéler les trésors de notre artisanat et que ça soit nous-mêmes qui leur offrions le ridicule spectacle de nègres évolués se ruant sur la pacotille et la camelote d’une industrie pour marchés d’Outre-mer.

Que peuvent-ils, ces Burkinabè travailleurs et courageux, comme le souhaite notre Discours d’Orientation Politique, si ceux de leurs compatriotes qui possèdent le pouvoir d’achat garanti par les salaires et le revenu d’activités tertiaires refusent de savoir que les boîtes de conserves, de fruits, de légumes, de viandes, de boissons importées sont loin d’avoir la valeur des produits locaux !

Que peuvent nos travailleurs si les nantis burkinabè organisent, encouragent et entretiennent l’importation de produits concurrentiels, négligent les méfaits de cette extraversion de dominés.

En effet. même s’il ne le formule pas avec la rigueur de l’académisme bourgeois, le travailleur producteur burkinabé est plus ou moins dépité par le sort que la minorité de privilégiés lui fait chaque fois qu’elle lui impose la concurrence déloyale des produits importés. Ces importations, en résorbant le chômage des autres, contribuent à résoudre leurs crises sociales, à enrichir leurs capitalistes, à renforcer objectivement des pouvoirs qui ne daignent même pas nous témoigner leurs reconnaissances. Au contraire, après nous avoir pillés, ils nous écrasent méchamment sans même craindre de tuer leurs poules aux œufs d’or qu’est notre marché. Ceux qui organisent le boycott de l’économie du Burkina Faso, c’est la petite bourgeoisie du Burkina Faso.

Camarades,

Voilà un terrain sur lequel durant les années à venir notre anti-impérialisme sera mis à l’épreuve de la vérité. Faciliter des importations ou aider à produire ici ce que nos conditions nous permettent de produire. Les capitaux financiers faciles, mais combien compromettants seront là pour nous tenter. En suscitant chez nous la boulimie des capitaux, des prêts, des crédits, nos prétendus “Généreux amis qui nous veulent du bien” ne nous diront jamais ce que demain nous allons devoir connaître comme désarroi pour résoudre la question des remboursements. J’en veux pour preuve l’abondante prose pleurnicharde lyrico-comico-dramatique qui se développe autour de la dette de l’Afrique.

Camarades,

Notre anti-impérialisme va être mis au pied du mur. Nos réflexes de consommateurs devront être révisés, quant à nos goûts, nos couleurs, nos habitudes. Ce sera un geste hautement patriotique et révolutionnaire, que de consommer burkinabè, ce sera une lucidité patriotique et révolutionnaire, un anti-impérialisme vrai que de sélectionner les crédits dont nous avons besoin sur la base de la construction d’une économie indépendante : réellement débarrassée de la domination étrangère. Il s’agira, camarades, d’entrevoir notre développement non selon les modèles imposés de l’extérieur, non selon les rêves petits bourgeois de vouloir reproduire ici et pour soi le cadre de l’autre rive de la Seine, ou des stations d’hiver. Il s’agira plutôt de construire un Faso nouveau, mais à la mesure de nos moyens, des limites que nous pouvons nous fixer sans pessimisme mais sans optimisme de lunatique.

Camarades,

A partir de maintenant, consciemment, nous allons proclamer : Développement prêt-à-porter : Non ! Développement sur mesure : Oui.

Sur le plan politique, liquider la domination étrangère c’est nous éduquer quotidiennement sur les modes de pénétration de conquête, d’installation et d’exploitation de l’impérialisme chez nous. La subtilité, la ruse, la fourberie, et le cynisme de l’impérialisme ne doivent plus continuer à avoir raison de nous, de notre bonne foi, de notre honnêteté, de notre naïveté et de notre faiblesse organisationnelle. Liquider la domination étrangère c’est organiser et conscientiser les masses populaires pour qu’elle démasque désormais l’impérialisme quel que soit son manteau, c’est armer politiquement les masses populaires pour qu’elles résistent avec esprit de suite et sans défaitisme, aux attaques, aux agressions de l’impérialisme. Il faut que le pouvoir soit assuré par les masses populaires conscientisées car l’impérialisme craint les masses populaires comme le feu a peur des flots d’eau. C’est pourquoi, nos structures doivent être renforcées pour qu’elles jouent chacune son rôle. Davantage d’enfants conscientisés au sein des pionniers car les enfants c’est l’avenir, car les enfants c’est tout un programme, lorsqu’ils rient, lorsqu’ils s’égayent, lorsqu’ils courent et chantent, les enfants nous imposent un programme de demain. Ils nous imposent de savoir comment les maintenir heureux et joyeux aujourd’hui, et surtout comment faire en sorte que demain leur conserve la joie, le rire et le bonheur. L’enfant c’est un programme révolutionnaire.

Il nous fait mobiliser davantage de femmes au sein de l’Union des femmes du Burkina, plus encore de militants à perfectionner au sein des comités de défense de la révolution et d’avantage d’anciens à engager dans le combat au sein de l’union nationale des anciens du Burkina.

Camarades,

D’autres combats s’ouvrent à nous. Ces combats sont essentiellement la réforme de notre éducation. La réforme de notre école dont la nécessité est clamée par tous depuis maintenant des décennies et dont nous avons perçu l’urgence à travers les débats récents, devra se faire afin que serve à former le burkinabé de demain, conscient de son identité et du devenir de sa patrie, une école au service d’un peuple. Pour se faire l’école nouvelle devra avant exclure avec détermination la dimension de la domination étrangère qui nous a inoculé les tares aujourd’hui décriées et qui freinent le développement de notre Burkina Faso.

Notre fonction publique devra refléter notre dévouement aux masses populaires. Elle devra être essentiellement caractérisée par les règles d’efficacité, de justice et d’universalité.

En effet le peuple burkinabè qui a désormais décidé de prendre sa destinée en main ne saura tolérer plus longtemps la loi de la minorité privilégiés qui lui impose son style un style petit bourgeois loin de ses aspirations véritables.

Mes camarades nous engageons le plan quinquennal, plan quinquennal pour lequel notre peuple tout entier a participé à la réflexion, à la conception, à l’élaboration. Aujourd’hui il nous appartient de dire comment nous allons vivre le plan quinquennal, et surtout comme nous allons faire pour que les 5 années à venir soient 5 années de victoire sur nous-mêmes et sur aussi ceux qui ici ou ailleurs ont pensé que des pays comme les nôtres étaient définitivement condamnés.

C’est pourquoi quelques réflexions me paraissent nécessaires. Il me parait nécessaire, d’abord de parler de la discipline dans nos forces armées populaires. Les forces armées populaires du Burkina Faso, si elles ont été valeureuses, si elles ont été méritantes sur tous les champs de bataille où nous les avons engagés, militaires ou champs de bataille de production, doivent garder à l’esprit que l’armée est au service du peuple. L’armée doit défendre et protéger le peuple. C’est pourquoi nos soldats doivent plus que jamais s’armer de discipline, de discipline révolutionnaire pour accepter les instructions et les ordres qui leurs sont donnés, en les comprenant comme une des nécessité de s’aguerrir et de s’organiser au profit de notre peuple. Mais également les chefs militaire doivent avoir à l’esprit qu’il leur faut faire preuve de compétence technique, mais également et surtout alliée à cette compétence technique, la conscience politique révolutionnaire qui permettra aux hommes de les suivre sans aucune équivoque, et sans aucune réserve.

C’est également la courtoisie et le rôle essentiel des forces de sécurité. L’année dernière à cette même place, j’évoquais cette question de courtoise dans les forces armées, dans les forces de sécurité. Et j’insistais pour inviter nos forces de sécurité à témoigner à notre peuple et à ses amis toute l’attention nécessaire.

Mais aujourd’hui il me faut vous inviter à passer à l’action, à plus de fermeté car malheureusement dans nos rangs, dans les rangs de nos forces de sécurité existent encore des hommes, des caméléons qui ont réussi à conserver un manteau trompeur, mais à voler les biens du peuple, les privilèges et les statuts du peuple afin de terroriser et d’exploiter le peuple, de terroriser et d’exploiter les amis de notre peuple. Ceux-là devront être combattus, ils devront être, sans aucune équivoque, éjectés de nos rangs. Car ils sont des ennemis du peuple.

Des mauvais fonctionnaires continuent d’exister et c’est pourquoi il existe le laxisme, la paresse, le trafic d’influence, le népotisme, l’arrivisme, l’opportunisme, bien que ces maux, ici au Burkina, soient nettement moindres par rapport à ce qui existe ailleurs. Nous révolutionnaires, devons les dénoncer et les combattre, parce que, si ailleurs on peut tolérer des détournements et impunément, ici au Burkina Faso, au nom du peuple, nous devons sévir. Et nous sévirons parce que nous savons que ces sanctions ne seront point de l’arbitraire. Parce que nous savons aussi que des systèmes ont été mis en place, des structures ont été mises en place, pour examiner et analyser les cas, afin d’éviter les règlements de compte, afin d’éviter les mesures injustes, les mesures arbitraires.

C’est pourquoi je renouvelle à chacun, que la possibilité vous est donnée d’écrire et de dénoncer ces mauvais fonctionnaires précisément à la présidence du Faso pour que nous continuons cette œuvre de purification que nous avons entreprise grâce à des militants courageux qui n’ont cessé de nous écrire dans ce sens.

Je voudrais également dire aux commerçants, ces opérateurs économiques d’une manière générale, qu’ils occupent une place importante dans notre pays, qu’ils occupent une place importante dans notre économie. Le Conseil révolutionnaire économique et social est là pour témoigner que chaque fois, nous leur avons accordé une attention, et c’est pourquoi nous continuons de leur dire : ce pays, ils doivent le construire en tant que Burkinabè. Ils le construiront selon les règles qui seront édictées. A l’heure actuelle, sont édictées des règles qui sont à leur faveur, des règles qui leur permettent d’avoir une activité saine et bénéfique, mais des règles qui permettent également au peuple de profiter des bienfaits de leur dynamisme.

Certains d’entre eux méritent notre félicitation et nous n’avons cessé de le faire. Nous les avons encouragés, nous les avons distingués parmi tant et tant d’autres. C’est pourquoi nous continuons d’observer avec beaucoup de satisfaction que nombreux d’entre eux qui avaient déserté le pays y reviennent avec la conviction, avec l’assurance que le Burkina Faso ne se construit pas contre les Burkinabè, mais pour les Burkinabè et seuls les ennemis de notre pays peuvent trouver refuge ailleurs.

Mais c’est aussi le lieu de parler de nos relations avec le monde entier. Les relations du Burkina Faso avec le monde entier sont bâties sur l’amitié, l’amitié entre notre peuple et les autres peuples, l’amitié et la coopération avec tous les peuples, les échanges fructueux et mutuellement avantageux.

Ces relations nous commandent, non seulement d’élargir le cercle de nos amis à partir des plus proches, mais de les rechercher loin, plus loin encore, ceux qui peuvent et veulent coopérer avec notre peuple et surtout lorsque leurs autorités, leurs gouvernants sont tournés tout entier vers les intérêts des peuples. C’est pourquoi, camarades, nous ne pouvons manquer de saluer et d’encourager toutes les actions qui ont été entreprises en direction du pays frère, du peuple frère du Mali. Tant et tant de choses ont été dites sur ce conflit malheureux qui a opposé le Mali et le Burkina Faso. Notre peuple quant à lui, sait tout ce qu’il perd chaque instant, chaque moment qu’il doit consacrer à faire la guerre. Notre pays sait, notre peuple sait tout ce qu’il doit payer comme prix et tout ce qu’il doit investir pour obtenir la paix, parce que la paix n’a justement point de prix.

C’est pourquoi aussi nous encourageons tous les militants, notamment les CDR, qui le long de la. Frontière, ou à partir de Ouagadougou et des autres villes de notre pays ont tissé avec le peuple frère du Mali une amitié qui ne demande qu’à se consolider.

En effet, le 3 janvier 1986, seulement quelques instants, quelques heures après l’arrêt des hostilités entre le Mali et le Burkina Faso. Je vous invitais chacun à avoir un ami malien et cela est un devoir permanent.

Nous le disons parce que nous avons confiance, parce que, aussi, nous avons conscience que cette zone contestée qui a été objet de litige entre le Mali et le Burkina Faso, est peuplée d’hommes et de femmes dont la seule préoccupation est de vivre heureux. Et le rôle, la mission du Burkina Faso en direction de ces hommes, est de les aider à avoir logements, santé, nourriture, éducation, bonheur. Mais si c’est le Mali qui doit pouvoir leur garantir ce bonheur, tant mieux. Le Burkina Faso ne pourra qu’applaudir mieux, si le Mali peut au-delà de cette région, aider d’autres régions du Burkina Faso, nous applaudirons et nous sommes dans l’attente de tout ce que le Mali pourra faire en notre faveur. C’est cela notre mission.

C’est pourquoi aussi nous n’avons pas hésité à la tribune de l’OUA, l’Organisation de l’unité africaine, à déclarer que le Burkina Faso ne veut point la guerre, que le Burkina Faso ne veut point des armes, que le Burkina Faso ne veut point de l’armement et le Burkina Faso est prêt à céder une importante quantité de sa minuscule quantité d’armes en faveur de tout combat juste. Un combat comme celui dirigé contre l’apartheid est un combat juste et c’est le seul qui vaille. Et nous espérons et nous souhaitons que d’autres suivrons dans cet exemple, notamment pour faire taire les armes entre les peuples africains, et pour les diriger contre les ennemis des peuples africains, les ennemis des peuples tout entier.

Applaudissements

Camarades,

Il nous faut déplorer que tout au long de cette année qui s’est écoulée bien des gens au Burkina Faso aient encore continué de croire que l’on peut indéfiniment et impunément défier la révolution. Ceux-là nous ont placés dans l’obligation de leur dire de façon ferme donc de les sanctionner, que la révolution est sacrée, que la révolution ne doit point subir la provocation. Si leur nombre décroît, malheureusement, quelques irréductibles persistent et qui nous mettent dans l’indélicate position de devoir dire ce que la révolution réserve comme mesure répressive. Parce que la révolution est pour protéger les peuples et non pour sanctionner. Mais chaque fois que nous l’avons fait, chaque fois que nous avons été contraints de le faire, nous l’avons fait dans le seul intérêt de notre peuple. C’est pourquoi, nous savons que chacun nous comprendra lorsque certains éléments dits de gauche, certains éléments dits révolutionnaires, mais en réalité contre-révolutionnaires, se sont mis dans la position d’être sanctionnés, nous avons dû sanctionner tout en tendant la main et nous continuons de le faire.

Mais également, nous demandons à chaque militant, à tous les militants, de comprendre que lorsque la révolution applique sa clémence, sa magnanimité cela n’est point faiblesse, bien au contraire, cela est l’application d’une ligne claire, cela est l’application du respect des peuples, cela est l’application de la conviction que nous pouvons transformer chacun pour peu que nous en ayons la volonté et la détermination. C’est pourquoi nous allons prendre en cet anniversaire, une fois de plus des mesures de clémence en faveur de nombreuses personnes qui ont fauté contre la révolution, mais que nous espérons, saurons retrouver le chemin de la réconciliation avec le peuple révolutionnaire du Burkina Faso.

C’est pourquoi aussi, nous commençons par supprimer le cadre particulier des agents du Plan populaire de développement (PPD). Ces agents PPD… (Applaudissements)… ce cadre des agents PPD sera supprimé parce que comme nous l’avons constaté, comme les militants l’ont constaté, nombreux d’entre eux ont compris ce qu’était le travail et ce qu’était le respect du peuple.

Camarades, nous fêtons notre anniversaire et nous savons que certains le fêtent avec nous. C’est notamment le peuple du Ghana. Le peuple du Ghana qui, avec nous, cherche chaque jour, chaque instant, chaque moment, les voies les meilleurs pour la communion, la fusion l’intégration de nos possibilités, de nos ressources. Le peuple du Ghana fête l’anniversaire de notre révolution parce cet anniversaire est également son anniversaire, parce que cette révolution est également sa révolution, parce que tout entier ce peuple est lui aussi tendu vers un avenir, vers un objectif qui est le nôtre, qui est le même que celui que nous poursuivons aux côtés d’autres peuples dans le monde. C’est pourquoi cet anniversaire, ici au Burkina, est également l’anniversaire là-bas au Ghana, c’est-à-dire notre Ghana.

Nous remercions tous les pays qui sont venus fêter avec nous.

Nous remercions tous ceux qui sont venus célébrer cet anniversaire avec nous. Nous les remercions en leur demandant également de continuer à maintenir ces liens étroits, ce vecteur indispensable, entre les peuples qui nous permet chaque jour de démontrer que notre révolution va de l’avant

Camarades !

En avant pour le Plan quinquennal de développement populaire,

En avant pour l’indépendance économique,

En avant pour l’indépendance politique et culturelle,

En avant pour la libération de l’Afrique,

En avant pour l’Afrique aux africains,

En avant pour le pouvoir réel au peuple digne, au peuple qui lutte.

LA PATRIE OU LA MORT, NOUS VAINCRONS !

Je vous remercie.

[1] Voir Djilali Benamrane, Sankara, leader africain, Imprimerie L’Harmattan, 07/2016, 210 pages

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