Pierre Ouedraogo, une figure majeure de la Révolution burkinabè est décédé le 13 juillet 2023. Pour lui rendre hommage nous publions ici l’hommage que lui a rendu Merneptah Noufou Zougmoré. Vous trouverez aussi une petite vidéo réalisée, à cette occasion, par le service des archives de la RTB (radio télévision burkinabé), qui rassemble quelques extraits de ses interventions pendant la Révolution.

En complément nous vous proposons l’émission Tribune du 17 octobre 2021 sur Omega TV, consacré à Pierre Ouédraogo, interrogé par Ouézen Louis Oulon. Cette émission est d’autant plus intéressante que Pierre Ouedraogo ne s’était jamais exprimé pendant toute la période ou Blaise Compaoré a dirigé le pays, et assez peu depuis.

La Rédaction du site


 

Vers la fin des années 1970, pendant que le ROC au sein de l’armée Voltaïque préparait la Révolution. Thomas Sankara quittait clandestinement son unité de Pô pour les réunions secrètes avec ses camarades à Ouagadougou. Quand il arrivait dans la capitale, c’est Pierre Ouédraogo qui le conduisait. Il jouait également le rôle de garde pendant le temps qu’il restait avec les militaires à acquis à la cause qui se préparait. Par son entregent, le commandant des parachutistes de Pô parvenait à quitter Ouagadougou sans trop se risquer au milieu de la nuit ou très tôt le matin pour rejoindre le Centre national d’entrainement commando (CNEC) sans encombre. Sous le Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN), pendant que le régime était traversé par une crise, à son corps défendant le colonel Saye Zerbo convoque l’assemblée générale du Conseil des forces armées voltaïque (CFAV). A ce rendez-vous d’échange houleux, Pierre va s’illustrer dans le débat par des propos qui contestent les agissements aux antipodes de l’éthique militaire et de la gestion de l’Etat par les colonels aux manettes. Parfois il était même interpellé par ses aînés qui avaient le même point de vue que lui sur son ton et la colère mal maîtrisée à l’assemblée qui connaissait les affaires sur les difficultés au sein de la grande muette à cette période. Mais auparavant l’arrivé des colonels au pouvoir le 25 novembre 1980 va compliquer la tâche à Pierre Ouédraogo. Le CMRPN gagne la sympathie de quelques jeunes officiers qui militaient dans le groupe dirigé par Thomas Sankara. Certains occupent les strapontins ministériels. Comment faire pour continuer à agir clandestinement avec la défection de ces camarades qui sont allés prendre les postes dans le nouveau régime ? La courroie de transmission qu’il était va travailler avec Thomas Sankara et les autres restés fidèles au projet de la Révolution pour la continuité des activités cachées.

Cet élément important du changement qualitatif et quantitatif qui se préparait va s’absenter pendant quelques temps pour des raisons de stages en Europe mais il va continuer à interagir avec le groupe. C’est après le triomphe du 4 Août 1983 que le peuple Burkinabè va le découvrir. Dès la nuit du 4 Août, au cours de la déclaration qui actait la victoire de la gauche, Thomas Sankara appelait les voltaïques à se constituer en comité de défense de la Révolution (CDR). Une organisations membres du Conseil national de la Révolution (CNR), le nouveau pouvoir, le Parti Africain de l’indépendance (PAI) à travers Soumane Touré va vouloir prendre le contrôle des CDR mais Thomas Sankara préfère un compagnon militaire à la tête de la direction des structures populaires. Pierre Ouédraogo est nommé à la tête du secrétariat général national des CDR au moment où les activités des CDR n’était pas régi par les textes. On va commettre plus tard l’écriture des statuts à quelques cadres. Dans l’équipe en charge de la rédaction des statuts il y avait Sidiki Daniel Traoré, Hien Kilmité, l’ambassadeur Bassirou Sanogo et bien d’autres.

Dans l’environnement d’août 83 j’avais une dizaine d’années. La première fois que j’ai vu Pierre Ouédraogo, c’était lors des travaux d’intérêt commun dans un quartier précaire qui s’appelait antenne ville pour des raisons de proximité avec le centre émetteur de Gounghin. Les habitants avaient décidé de se procurer de l’eau potable en se connectant des installations de la nationale de l’eau qui était à quelques Kilomètres. Il fallait creuser un trou pour poser les tuyaux. C’est à cette activité dont s’attelait les militants que Pierre Ouédraogo SG des CDR et Henri Zongo, Ministre des Sociétés d’états (le ministère va changer de dénomination après pour s’appeler promotion économique) sont descendus au lieu. Ils ont tenu un langage de mobilisation aux bénévoles d’un week-end avant de prendre congé. La seconde fois, c’est quand le CNR a décrété une journée marché pour les hommes pour permettre aux conjoints du touché du doigt la réalité des quotidiens des femmes dans les marchés et l’argent de popotes qui leurs sont servies. C’est à cette occasion également que je l’ai vu au marché de Gounghin. Il tenait son panier entouré de ses gardes de corps. Pierre était à cette époque un bel homme au teint clair. Il ne pouvait pas passer inaperçu. C’est ce que je retiens de l’image de ce fringant jeune officier de cette période révolutionnaire.

Les années Révolution, c’était aussi l’ambiance au secrétariat général national des CDR. Les grandes manifestations étaient ponctuées par l’animation de l’équipe d’animation du secrétariat général national des CDR avec des chants révolutionnaires ou des dénonciations. Pour illustrer, c’est ce chant sur les TPR en mooré. « Maison du peuple TPR, Maison du peuple tribunal, ou sont vos pièces justificatives, il n’y a pas de papiers pour justifier. Alors vous avez détourné, il n’y a pas à discuter. » Dans le cadre toujours de ses activités, sous son magistère, à l’Université de Ouagadougou, il n’a pas manqué d’adversité entre les étudiants CDR et une ancienne organisation syndicale estudiantine. Bien qu’étant d’une même grande famille politico-idéologique, les CDR et l’Association nationale des étudiants Burkinabè (ANEB) ne se sont pas faits des cadeaux. Pierre Ouédraogo expliquait à l’émission Tribune de Ouezin Louis Oulon à Omega TV (voir les deux vidéos de l’émission ci-dessous à la fin de l’article) qu’il n’avait jamais été d’accord pour les violations des franchises universitaires. Il ajoutait qu’il préparait les nouveaux bacheliers qui se sont illustrés dans l’engagement au lycée pour affronter le débat idéologique sur le campus. Pendant son séjour à l’Université de Dakar lié à un incident de parcours, il avait milité à l’Association des scolaires voltaïque (ASV). Pour cette raison, il connaissait les méthodes des adversaires de l’ANEB et préparait ses troupes en conséquence pour les joutes sur le campus de Zogona.

Après le drame du 15 octobre 1987 et la détention qui s’en est suivi, notre CDR en chef a fait neuf9 mois de prison. A l’issue de presque une année passée en tôle, il a repris le chemin de l’Université pour faire une Maitrise en physique-chimie. Pressenti pour l’enseignement dans le secondaire, Pierre CDR a fait l’option d’aller travailler à l’office nationale de poste et télécommunication (ONATEL). De l’ONATEL, il ira monnayer ses services au département informatique de la Francophonie. Il observera le silence tout le temps qu’il a fait dans ce département sur les questions d’ordre politique. Pierre Ouédraogo va être désigné après sa retraite premier responsable du Comité international Mémorial Thomas Sankara (CIMTS) après la présidence de Antoine Sanou. C’est dans cette bataille de perpétuation de l’œuvre de leader de la Révolution d’Août qu’il a déposé l’arme de militant. Pour ceux qui ont été au service de leurs peuples, la mort est le début de l’immortalité. Va en paix valeureux soldat.

Merneptah Noufou Zougmoré

Source : https://www.facebook.com/merneptahnoufou.zougmore


Partie 1 OMEGATV, 17 octobre 2021


Partie 2 OMEGATV 24 octobre 2021

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