SANKARA, COMPAORE ET LA REVOLUTION BURKINABE

332 pages
1989
Par Ludo Martens

 

Quatrième de couverture

La mort violente, le 15 octobre 1987, de Thomas Sankara, signifie-t-elle la fin d’une expérience anti-impérialiste des plus prometteuses d’Afrique? Blaise Compaoré, inaugure-t-il le lent rétablissement de l’ordre néo-colonial? Pour répondre à ces questions, Ludo Martens a fait quatre voyages d’enquête au Burkina et Hilde Meesters a interrogé, pendant un séjour de deux mois et demi, des dizaines de militants et de responsables burkinabè. L’auteur a enregistré les témoignages, souvent ambivalents, de militants "sankaristes" qu’il a connus en 1986-1987. Sous Sankara, la voix des syndicalistes et des partis politiques anti-impérialistes tels le PAI et le PCRV, a été étouffée: l’auteur a interrogé les responsables syndicaux, il rapporte leurs expériences et leurs prises de position. A partir de nombreuses interviews et d’innombrables documents, le livre synthétise l’histoire et les positions politiques des sept partis de gauche qui ont marqué le Burkina de puis 1963. L’essentiel de plusieurs entretiens avec le président Blaise Compaoré et avec Arsène Yé, Kilimité Hien, Laurent Sédogo et Gilbert Diendéré, quatre capitaines qui ont été aux côtés de Sankara pendant de longues années, s’y trouve. Des responsables politiques sous Sankara, restés en fonction sous le Front Populaire, tels les ministres Béatrice Damiba, Clément Ouédraogo, Léonard Compaoré et Issa Konaté, donnent leur interprétation des événements. Ludo Martens et Hilde Meesters ont aussi rencontré des proches du président défunt et des militants des CDR nostalgiques du temps du bouillant capitaine Sankara.. L’ouvrage retrace l’histoire de l’Organisation Militaire Révolutionnaire, décrit le fonctionnement du conseil National de la Révolution et analyse les principaux documents des Comités de Défense de la Révolution. Un long chapitre est consacré à l’économie, un autre aux réformes politiques, juridiques et administratives. La dernière partie du livre analyse la continuité politique sous le Front Populaire, le contenu de la rectification et les nouveaux problèmes auxquels Blaise Compaoré fait face.
Travail d’information matérialiste et rigoureux, cet ouvrage fait ressortir toute la complexité du combat pour débarrasser l’Afrique de la domination impérialiste.

Avec la collaboration de Hilde Meesters.

 


 

auteur(s)

 auteurLudo Martens
est l’auteur de Pierre Mulele ou la seconde vie de Patrice Lumumba (EPO, 1985, aussi en langue néerlandaise), Sankara, Compaoré et la révolution Burkinabè (EPO, 1989), Abo. Une femme du Congo (EPO, 1992, aussi en langue néerlandaise), L’URSS et la contrerévolution de velours (EPO, 1991, aussi en langue néerlandaise, anglaise, espagnole et allemande), Un autre regard sur Staline (EPO, 1994, deuxième impression 2003, aussi en langue néerlandaise, anglaise, allemande, tchèque, arabe, portugaise et grecque), et Kabila et la révolution congolaise. Panafricanisme ou néocolonialisme? (EPO, 2002).

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Sommaire du livre

 

Chapitre 1 : Comment est arrivé le drame du 15 octobre 1987?

– Sankara, L’idole et le prophète

– La démobilisation

– La répression

– La crise

 

Chapitre 2 : Les organisations de la révolution du 4 août

– L’Organisation Militaire Révolutionnaire par qui la révolution arriva

– Le Conseil National de la Révolution, instance suprême de la Révolution Démocratique et Populaire

– Les Comités de Défense de la Révolution : boucliers et fers de lance

 

Chapitre 3 : L’arc en ciel du marxisme burkinabè

– Le Parti Africain de l’Indépendance. Le parrain.

– L’Organisation Communiste Voltaïque : Pure et dure

– Le Parti Communiste Révolutionnaire Voltaïque : Le clandestin

– L’Union de Lutte Communiste – Reconstruite. La tentation mystique

– L’Union de Lutte Communiste – La Flamme. Ne plus faillir

– L’Union des Communistes burkinabés. L’énigme

– Le Groupe Communiste Burkinabé. Le cadet face au pouvoir

– L’Unification des Communistes. Mission Impossible.

 

Chapitre 4 : Une économie indépendante, autosuffisante et planifiée

– Rêves et réalités

– Les grandes batailles…

– Le trop plein de mobilisation populaire

– Le sous-développement chiffré

– A propos de plan, des privilèges et des ruptures

– Sankara, le contre-planificateur

– Sankara et le paysan burkinab

– Faso Dan Fani contre Tergal

– Assurer la survie de l’industrie et puis?

– Au Burkina, l’or ne brille pas

– Lorsque la volonté brise les lois économiques

– Les quatre premiers pas de la longue marche

– Retours aux grandes batailles

– Virage, Démontage, Continuité

 

Chapitre 5 : Bien être, démocratie et paix au Sahel

– Trois soucis : la santé, l’enseignement et l’habitat

– "Demandez au peuple si ce que je fais est dictatorial ou démocratique"

– Le prix des spectateurs : Les Tribunaux Populaires de la Révolution

– Le combat désespéré contre l’hydre de la bureaucratie

– Nous repousserons l’ennemi dans l’océan

 

Chapitre 6 : La Révolution enterrée ou rectifiée?

– Le difficile adieu

– Le lent réveil des structures populaires

– Démocratie populaire : recul ou progrès

– La difficile refonte d’une armée néo-coloniale

– Avancer sur la corde raide, en direction des démocrates ou des "’démocrates"

– Chemin tortueux, avenir radieux

 

Postface

 

Notes

 

Index

 

Contenu

 

Nos commentaires

Ludo Martens et Hilde Meesters nous livrent ici un imposant travail après une enquête en 4 séjours pour le premier et pour une durée de 2 mois et demi pour la dernière.

Le livre foisonne en effet de détails de tous ordres, de récits inédits recueillis par des acteurs du processus, de citations des uns et des autres. C’est en cela un document important sur cette révolution et ses protagonistes, aussi bien ceux du sommet que ceux de la base.

Il importe cependant de situer le contexte dans lequel ce travail a été réalisé. Les principaux collaborateurs de Sankara, jugés dangereux par le pouvoir du "Front Populaire" étaient emprisonnés voir torturés, tandis que toute la propagande officielle, avec de gros moyens sonnait la charge contre la personne de Sankara. Ludo Martens participe à son niveau à cette entreprise même si au milieu de ce procès à charge sont soulignés ça et là quelques qualités du président assassiné. Les dirigeants qui auraient défendu Sankara n’ont pas la parole, seuls des militants de base avouent parfois leurs perplexités et leurs déchirements. Il a pu se procurer des documents normalement non diffusés comme des comptes rendus de réunion. On lui a fait passer une lettre de Valère Somé à Sankara, où ce dernier déclare son allégeance et son admiration par delà les rapports entre organisation, une lettre dont se délecteront ses ennemis alors que Valère Somé croupissait en prison avant de partir en exil.

 Ludo Martens membre du Parti Communiste des Ouvriers de Belgique, qu’on dira d’obédience maoïste (pour ne pas dire stalinienne) une appartenance qui aurait tout de même pu être annoncé en présentation de l’ouvrage, a voulu faire un livre de militant. On y sent le goût pour les manoeuvres et polémiques soixante huitardes où l’on s’écharpait sur les textes de Marx, de Lénine et parfois de Staline.  On s’y perd assez au point de refermer le livre en se demandant qu’est ce qui pouvaient bien opposer finalement les différents groupes soutenant le Front Populaire, les uns et les autres, si ce n’est une critique commune contre "l’autocrate" Sankara et sur le manque de démocratie. Le monde à l’envers quand on resitue un peu mieux l’auteur et ses allant pro staliniens. Il sait bien que cela ne fait pas bonne presse de l’avouer mais cela transparait tout de même dans le passage suivant page 246 : "Sankara était le président de l’Union des Communistes qui affirment s’inspirer de l’oeuvre de Marx, d’Engels, de Lénine et de Staline. Mais il laissait écrire Andriamirando sans réagir :"Staline à tué" le léninisme en étouffant les soviets et en rendant toute-puissante la Tchéka. Mao, en vieillissant, a figé le Chine dans un protocommunisme fossile. Sur touts ces points (Sankara et moi), nous avons à peu près le même avis"". Ludo Martens regrette donc que Sankara ne désavoue pas ces critiques contre Stlaine et Mao. Sankara ne détestait pas les débats mais celui n’était sans doute pas celui qui le passionnait le plus. Quant au fiat qu’il présidait cette organisation plusieurs acteurs m’ont affirmé le contraire.

En réalité sous les critiques de personnalisation du pouvoir par Sankara, le vrai conflit était ailleurs. Menés par ceux qui voulaient "approfondir" la révolution, qui se sont rangés derrière Comparé et en réalité souhaitaient procéder à de nouvelles purges  et surtout exclure pour se retrouver entre "révolutionnaires conséquents" plutôt qu’unir alors que Sankara souhaitait élargir et rassembler, mieux faire un pause. Débat qui s’est cristallisé autour de la réintégration de certains fonctionnaires dégagés qu’avait demandés d’étudier Sankara dans une lettre circulaire dans les ministères, initiative que combattirent les "révolutionnaires conséquents", une mesure jugée opportuniste et réformiste.

Le temps a passé, les "révolutionnaires" d’alors sont rentrés dans le rang libéral, ont pris goût aux places et au confort qui va avec, quand ils n’ont pas été éliminés comme Clément Ouedraogo victime d’un attentat à la grenade ou sont depuis décédés comme Watamou Lamien dans un accident de voiture, que les plus méfiants envers le régime actuel juge que pas si accidentel que cela.  

 Car au bout du compte, le livre défend la thèse de la poursuite de la révolution aprèsle 15 octobre pour son approfondissement. Ludo Martens semble hésiter comme en un mouvement de recul au moment de publier l’ouvrage. Il semble en effet (enfin?) s’inquiéter des dérives mais le livre est quasi terminé. On sent bien d’ailleurs qu’il est sorti un peu rapidement sans un travail de relecture approfondi ni un plan bien établi, passant du récit à l’analyse, procédant à des retours sur des évènements traités auparavant.

Mais là n’est pas l’essentiel car le travail est conséquent. La thèse de l’approfondissement de la révolution développée tout au long de l’ouvrage apparait bien sur aujourd’hui totalement erronée, mais cela transparaissait déjà lors de la publication du livre.

 Le Front Populaire a bien signé la fin de la révolution. Il fallait simplement laisser le temps à Compaoré le temps de se débarrasser de tous les réfractaires encore trop nostalgiques des années révolutionnaires pour ne garder que ceux qui sauraient se reconvertir en échange de places rémunératrices.

 C’est chose faite aujourd’hui. Mais tellement de membres du CDP veulent des places que la lutte est sans merci… au sein du CDP, le parti au pouvoir, héritier du Front populaire.

Pour autant ne faut-il pas critique Sankara, n’y-a-t-il pas eu de volontarisme, des mesures décidées rapidement, voir des tendances à exercer le pouvoir de façon personnelle? Ne se mêlait-il pas parfois de choses qui ne le regardaient pas? Loin ne nous l’idée de réfuter ces critiques mais pas de cette façon là, ni de ce côté-là. Et encore faut-il lui reconnaître ses qualités… La reprise de citations du genre "il faut se débarrasser des ennemis de la révolution au lance flamme", or de leurs contextes en faisant abstraction de son langage imagée, même s’il fau reconnaître que l’expression est malheureuse laisserait même accrédite l’idée que Sankara aurait été un sanguinaire. Chacun sait qu’il ‘en est rien et que cette révolution si elle a mis nombre de syndicalistes en prison et sans doute une de celle qui a couté le moins de vie humaine.

Il y a bien eu un problème entre l’armée et les civils, il y a bien eu des épurations. Mais  ces dernières ne sauraient êtres mises au seul compte de Sankara. N’avait-il pas par ailleurs perdu confiance envers nombre de ces "révolutionnaires" qu’ils savaient peu sincères. Et comme souvent dans ce petit monde des groupuscules révolutionnaires les critiques publiques cachent autre chose et il faut bien le dire, la lutte des classes a fait rapidement place à la lutte des places. Que dire d’autres presque 19 ans après où l’on peut se rencontre compte de ce qu’est devenu le Burkina?

La Révolution est de l’histoire ancienne, mais pas tant que cela et on peut regretter qu’un réel travail de transmission aux générations montantes ne soit fait. Mais il reste évidemment de nombreuses zones d’ombre. La génération au pouvoir (hormis les technocrates qui ne font pas vraiment de la politique) n’est autre que celle qui a émergé pendant la révolution. Nous tairons les noms ce que n’a pas fait Ludo Martens alors que certains burkinabé exprimaient leur colère à la sortie de son livre, parlant même de rapport de police en évoquant cet ouvrage truffé de noms. Nous n’irons pas  jusque là…

Reconnaissons tout de même que malgré la thèse erronée, ce livre reste un document de référence  pour la foule d’informations que l’on y glane. Certaines critiques de la révolution y apparaissent qui méritent qu’on s’y penche sérieusement mais il faut passer outre le caractère polémique voir moqueur qui transparaît ça et là, sans parler des leçons que l’auteur semble vouloir donner à tout le monde. Ceux qui regrettent avec nostalgie  les politiques post-soixanhuitardes des groupuscules d’extrême gauche seront ravis.

 

 B J

 

 

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