Nicole Kiil-Nielsen, est eurodéputée. Elle représente Les Verts et Europe écologie au sein de plusieurs commissions parlementaires : la commission des affaires étrangères (AFET) en tant que titulaire, la sous-commission des droits humains (DROI) et la commission des femmes et de l’égalité des genres (FEMM) en tant que suppléante. Elle a publié cet article sur son site à l’adresse http://www.nicolekiilnielsen.eu.
Nicole Kiil-Nielsen
6/04/2010 – 18:00
Plus de 22 ans après son assassinat, Thomas SANKARA, président du Burkina-Faso, «pays des hommes intègre», représente de plus en plus une référence comme leader intègre, déterminé, créatif et courageux. Précurseur de la lutte pour la défense de l’environnement, pour un autre modèle de développement, pour l’émancipation des femmes, Sankara a été assassiné parce qu’il dénonçait la dette odieuse et le diktat des puissances occidentales. Une enquête indépendante sur cet assassinat politique doit être engagée, toutes les archives doivent être ouvertes pour que justice soit rendue à celui qui fut un espoir pour la jeunesse africaine.
En Avril 1986, «l’Autre Journal» publiait un entretien avec Sankara intitulé Sankara un chef d’Etat pas comme les autres. Il y parle de culture, de religion, de l’excision, de la télévision, de la liberté de la presse, de la sécheresse, de son projet de développement… et avec quel enthousiasme! (NDLR : L’intégral de cette interview est publiée en deux fois à l’adresse et à l’adresse suivante
Quelques extraits :
« Le projet de société, c’est d’abord créer un univers. Un cadre mental nouveau. C’est demander aux Burkinabés d’admettre que le bonheur est celui que l’on veut se définir et non pas celui que l’on voit chez les autres. Le bonheur est à chacun de nous, autour de nous. Il est en nous. Nous voulons que le Burkinabé s’admette comme une différence parmi d’autres cultures, d’autres formes d’existence, ici et ailleurs, qu’il ne soit pas frustré de ne pas réussir à faire ce que d’autres font ailleurs. Nous souffrons trop ici d’un style de vie qui nous a été imposé sans notre volonté, sans notre participation, et qui chaque jour souligne, en nous, de la frustration, de la déception, de la misère. Un exemple: on est malheureux ici parce qu’on n’a pas de pain, et on n’a pas de pain parce qu’on n’a pas de blé .
« Nous sommes contre le principe de l’aide alimentaire. Nous l’acceptons, nous la subissons malgré nous. Pour le moment et pour éviter que, de façon simpliste, nos ennemis amènent notre peuple à la revendiquer contre nous en lui disant qu’un orgueil mal placé nous amène à refuser cette aide alimentaire, nous, les gens des villes, du gouvernement, les mieux lotis. Que nous refusons cette aide pour affamer notre peuple. Si nous avions davantage la possibilité d’expliquer, nous montrerions que l’aide alimentaire contribue à créer chez nous une mentalité d’assistés, à créer des circuits de spéculation chez nos producteurs, à court-circuiter nos structures de commercialisation des céréales, les magasins étant engorgés d’aides…
« Le Paris-Dakar me gêne. Nous sommes contre, parce que nous pensons que c’est mauvais de venir, au mépris des populations que l’on rencontre, étaler ses richesses, de façon irrévérencieuse, sans respect pour les hommes. Venir s’éprouver soi-même quitte à marcher sur le corps des autres. Avec plus de respect pour la machine que pour l’homme…
« Dans notre société, la femme est une bête de somme. Quand elle est vieille, on la remplace par une autre… La libération de la femme doit être totale et globale. Une société comme la nôtre doit lutter contre l’excision et réduire également les kilomètres et les kilomètres que la femme parcourt pour aller chercher l’eau, le bois, etc… Nous avons beaucoup de projets dans ce domaine. Nous ne parlons pas de libération de la femme sans parler du moulin à moudre le grain, du jardin potager, du pouvoir économique. Sans parler du droit de la femme à toutes les professions. »
Et voici la dernière question posée par L’Autre Journal :
– Vous avez la possibilité de visiter un pays, un seul, lequel choisissez-vous?
Réponse de Sankara:
« Le Groenland. Parce que c’est l’opposé de ce qu’il y a ici. J’imagine que c’est un pays très peu habité, désertique. J’aimerais connaître comment les hommes y vivent, comment ils tiennent malgré le climat rude, et quelle forme de bonheur ils cultivent, ils créent. »
Celà ne vous donne pas envie de signer l’appel «Justice pour Thomas Sankara. Justice pour l’Afrique» ??????
Rendez-vous ici http://thomassankara.net
Nicole Kiil-Nielsen