Un article de Frédérique Lagny, credit photos ©Diam Production.
Présentation du film
Pendant longtemps, Koudougou a été considérée comme la ville textile du Burkina Faso, et pour cause la présence d’une usine : Faso Fani, qui signifie « Le pagne du pays ».
Toute la ville se réveillait le matin au son de la sirène de Faso Fani.
Je suis né et j’ai grandi dans cette ville. L’usine a compté beaucoup dans mon enfance.
Faso Fani était le projet d’une nation et un signal fort d’indépendance.
Un magnifique pari qui fit vite ses preuves : les pagnes étaient de grande qualité et leur réputation dépassa largement les frontières du Burkina. Une fierté pour notre ville.
Mais l’usine a fermé en 2001 suite à plusieurs plans de restructuration imposés par le FMI et la banque mondiale. Des centaines d’employés se sont alors retrouvés brutalement au chômage.
Plus de 10 ans après, je pars à la rencontre des ex-employés de Faso Fani pour révéler les conséquences désastreuses d’une politique économique mondiale aveugle des réalités locales, celle de Koudougou. Sur mon chemin, je rencontre également ces tisseuses qui perpétuent obstinément la fabrication artisanale des pagnes. Tous ensembles, nous rêvons de voir renaître la filière du coton dans notre ville, dans notre pays.
Nos commentaires
Avec La Sirène de Faso Fani Michel K Zongo prouve que la vitalité d’un cinéma documentaire engagé n’est pas sans lien avec l’expérience politique d’un pays. Sa voix et celles des ouvriers «déflatés» de l’usine textile de Koudougou, se superposent à celle de Thomas Sankara. Une voix unique et inoubliable portée par une pensée visionnaire, que l’Histoire officielle n’a eu de cesse d’effacer.
Située dans le centre-ouest du Burkina Faso, troisième ville du pays, Koudougou a abrité jusqu’en 2001 la plus grande unité de textile burkinabè dédiée à la fabrication d’un tissu traditionnel de coton, le Faso dan Fani qui veut dire « le pagne du pays ». Michel K Zongo, né et grandi à Koudougou, se saisit de son histoire personnelle pour partir à la rencontre des ouvriers de l’usine Faso Fani de Koudougou, fleuron de l’industrie textile burkinabè sacrifié sur l’autel de l’ajustement structurel imposé par le FMI dans les années 90 en Afrique.
Le film s’ouvre sur le célèbre discours d’Addis-Abeba prononcé par le Président Thomas Sankara en juillet 1987 devant l’Organisation de l’Union Africaine. Trois mois avant le coup d’état du 15 octobre qui signera son arrêt de mort et la fin de la Révolution au Burkina Faso, Sankara dénonce vigoureusement les mécanismes de la dette et clôture son discours en exposant avec humour la cotonnade « produite au Burkina Faso, tissée au Burkina Faso, cousue au Burkina Faso…» qui habille sa délégation et lui-même. Produire et transformer en Afrique, inventer et promouvoir des circuits courts sur le continent africain, telles étaient les orientations politiques et économiques souhaitées par Sankara pour son pays. Trois ans après sa disparition, le gouvernement dit de «rectification» dirigé par Blaise Compaoré, signe à New-York les accords du P.A.S. – Programme d’Ajustement Structurel – piloté par le FMI et la Banque Mondiale. Ces accords imposent l’ouverture aux marchés internationaux et la liquidation des entreprises d’État au profit d’entrepreneurs privés afin de rembourser la dette du pays.
Un film juge et partie
Très habilement et avec justesse, le film tisse sa mise en récit en mêlant des archives sonores reconstituées – Radio Cavalier Rouge – qui vantent les accords du P.A.S. à d’authentiques images d’archives comme des reportages sur l’usine ou des clips musicaux à la gloire du Faso dan Fani. Les spots radio, émaillés de proverbes qui ne sont pas sans rappeler l’ironie dont Thomas Sankara usait, rythment le montage en parodiant la parole gouvernementale qui promet le pays à un avenir radieux alors que les archives en image témoignent de la qualité et de la prospérité de la filière.
En contrepoint, la caméra de Michel K Zongo part à la rencontre des anciens ouvriers de l’usine aujourd’hui retournés à la terre ou au tissage artisanal et dépeint la dure réalité de leur quotidien. Les travellings discrets à hauteur d’enfants et les mouvements caméra d’une grande douceur rejoignent la retenue et l’humilité avec laquelle les protagonistes du film questionnent et analysent le long processus qui a abouti à la fermeture de l’usine alors que ses carnets de commande sont pleins.
La Sirène de Faso Fani réussit le pari de s’inscrire à la fois dans un cinéma documentaire à fonction sociale et didactique – qui décrit ce que beaucoup de gens, notamment au nord, ignorent à propos de l’Afrique – et d’équilibrer la parole double des ouvriers et du réalisateur dans une adresse au spectateur qui ne se complaît jamais dans la plainte, mais revendique le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Entre ruralité et modernité, Koudougou ne s’est toujours pas remise de la disparition de l’usine Faso Fani. Et nous, spectateurs, sommes profondément touchés, non seulement par la détresse des ouvriers dont les droits ne sont toujours pas reconnus, mais aussi par l’immense gâchis que produit la pression d’une économie mondiale prédatrice dont on peut constater chaque jour les méfaits, les crimes et les ravages.
Frédérique Lagny, 15 avril 2016.
Présentation de Michel K Zongo
Né en 1974 à Koudougou au Burkina Faso, Michel K. Zongo est réalisateur, cadreur, scénariste. Il a suivi une formation en prise de vue au Centre Nationale de la Cinématographie du Burkina Faso (CNC), de cameraman de reportage et de plateau à la Télévision Nationale du Burkina Faso (TNB) et un stage de premier assistant opérateur à la société de production Cinedoc Films en France. De 2003 à 2008, il a été responsable du Cinéma-Débat Interactif à Cinomade, une association basée au Burkina Faso dont l’objectif est la création et la diffusion d’outils de sensibilisation, notamment par le cinéma.
Après avoir été cadreur, et assistant réalisateur pour de nombreux films pour différents producteurs, il écrit et réalise son premier film documentaire Sibi, l’âme du violon produit par« Les Films du Djabadjah». Dans sa démarche de défendre un cinéma indépendant, il crée 2010 avec un partenaire Diam Production de droit burkinabé, une structure de production de film documentaire
Filmographie de Michel Zongo
Auteur réalisateur
2009 : « Sibi, l’âme du violon» Documentaire. Production Les Films du Djabadjah (Burkina Faso), Mention spéciale du jury au FESPACO 2011
2009 : «Ti Tiimou », Documentaire, Burkina Faso. Production CINOMADE et RIBios, Prix du meilleur film au Forum Média Nord Sud au Burkina Faso, Prix du meilleur film au festival Terra Film en Guadeloupe, Prix du meilleur film au festival Cinéma et Nature en France
2011 : « Espoir voyage » documentaire
Festivals : Berlinale 2012, Cinéma du Réel Paris, Hot Docs Toronto, Festival Cinéma d’Afrique Lausanne, Doclisboa Portugal, Festival de Cordoba Espagne, Forumdoc Brésil, Festival Anûû âboro Nelle Calédonie, Etat généraux de Lussas, Forum cinéastes Carthage Tunisie, les Inattendus Lyon, Festival Tübingen Allemagne, Colours of the Nile Addis Abeba Ethiopie, Stuttgart, Festival international du film francophone, Black Movie Genève Suisse, Festival Ciné Droit Libre et Fespaco au Burkina Faso, Tokyo Japon, Festival Grand Bivouac France, festival film documentaire africain de Lille France, Festival Afrikamer Allemagne Festival de film africain de Vérone Italie…
Prix Nouveau Talent – Doclisboa 2012(Portugal), Prix du meilleur documentaire africain – Colours of the Nile 2012(Ethiopie), Prix du meilleur documentaire au Festival les curieux voyageurs 2014(France), Prix du meilleur documentaire au Festival del Cinema Africano di Verona 2013 (Italie)
2014:”La sirène de Faso Fani”, Documentaire. Production Cinédoc Films, Diam Production, Perfect Shot Film
Festival et prix : Prix Arte pour le scenario au Festival de Locarno(2012), Prix de la Direction du développement et de la Coopération Suisse au Festival de Locarno (2012), Participation à la fabrique du cinéma du monde au festival de Cannes (2013), Festival de Berlin 2015, Fespaco compétition 2015, Festival de film africain de Cordoue, FICIP Buenos Aires (Argentine), DokFestMunchen (Allemagne), Durban International Film Festival (Afrique du Sud), IDFA (Pays Bas), Nuremberg International Human Rights Film Festival (Allemagne), Festival Cinéma d’Afrique Lausanne (Suisse), Festival Jean Rouch (France), Festival Encouters (Afrique du Sud),Aegean Docs (Greece), Traces de vie (France), Festival Ciné Droit Libre (Burkina Faso), Festival International du Film Francophone Tubingen (Allemagne), KOUDOUGOUDoc Les rencontres documentaire de Koudougou (Burkina Faso), Afrecamera (Allemagne), Escales Documentaires de Libreville(Gabon)…
-Prix spécial UEMOA pour l’intégration fespaco 2015, Prix spécial de la LONAB fespaco 2015, Prix du film documentaire Festival International of documentary of Innsbruck (Autriche), Prix du meilleur documentaire Burkinabé au Festival Ciné Droit Libre (Burkina Faso), Prix de l’anthropologie et le développement durable au Festival Jean Rouch(France), Prix du meilleur documentaire hors frontière au Festival trace de vie (France), Mention spéciale du jury au Festival de film africain de Cordoue(Espagne), Mention spéciale du jury au Festival Aegean Docs (Greece)
2015 : « Sôodo », Documentaire coproduit par Diam Production et ECOUTER- JOUER
2015 : « Oulimine Imdanate », Documentaire coproduit par Diam Production et ECOUTER- JOUER
Fiche technique
Sénario: Michel K. ZONGO & Christophe Cognet
Image: Michel K. ZONGO
Montage: François Sculier
Son: Moumouni Jupiter Sodré
Genre: Documentaire
Langue originale: Français – Mooré
Support de réalisation: HD
Support de diffusion: DCP – HDCAM – Blu Ray – DVD – PRO RES
Production: Cinédoc films – Diam Production – Perfect Shot Films
Co-production: Lyon Capitale TV – Télé Paese
Partenaires: Doha Film Institut (QA), Cinéma du Monde (CNC – Institut Français) Région Rhône Alpes – PROCIREP – ANGOA Bertha Fund (IDFA – Nl) – EZEF (D) – CIRTEF (B) Organisation Internationale de la Francophonie Arte International – Fond Sud-Est et DDC
Musique originale: Smokey
Version sous-titrée: Français – Anglais – Espagnol- Allemand