Nous avons regroupé deux articles de Rémi Rivière parus dans l’hebdomaire Bendré (http://www.bendre.africa-web.org/)  les 9 et 16 avril 2006. L’hypothèse, déjà plusieurs fois avancée, d’une implication de Taylor dans l’assassinat de Thomas Sankara est encore ici confirmée. Mais on sait aussi que les assassins de Thomas Sankara sont des soldats burkinabé dont les noms ont déjà été divulgués. Si cette hypothèse se confirme reste donc à connaitre quels rôles exacts ont joué les hommes de Charles Taylor. On espère donc que son arrestation récente sera très rapidement suivi de dépositions devant un Tribunal International et que les dernières interrogations pourront être levées.

 On y verra aussi  à la fin de l’interview la confirmation d’une connivence entre Houphouet Boigny, qui veut se venger de Samuel Doe,  avec Kadhafi et Charles Taylor, qu’avait déjà dénoncée François Xavier Vershave dans un de ces ouvrages, sonnivence aussi avec les réseaux français de l’homme de Chirac Jacques Foccart.  Ainsi dans le livre Noir Silence (Les Arènes 2000) FXV ecrit page 346, "." … Kadhafi multipliait les cause communes. Cimentées par l’antiaméricanisme. Agrémentées d’intérêts bien compris.  L’élimination du président burkinabé Thomas Sankara est sans doute le sacrifice fondateur (comme le fut avec Eyadema celui de Sylvanus Olympio). Foccart et l’entourage de Kadhafi convinrent en 1987 de remplacer un leader trop intègre et indépendant, au point d’en être agaçant, par un Blaise Compaoré infiniment mieux disposé à partager leurs desseins. L’ivoirien Houphouet Boigny fut associé au complot". 
      Et dans une note p 88 dans le même ouvrage, FXV écrit  :" Selon une source particulièrement crédible, S. Byron Star (The Ecomog Initiative in Libéria : a Liberian Perspective in Issu N°1-2 1993 p.80)  signale une coincidence : Blaise Compaoré a ramené Charles Taylor du Ghana à Ouagadougou peu de temps avant l’assassinat de Thomas Sankara. Et il ajoute : "Certains pensent que des Libériens entraînés en Libye ont participé au meutre de Sankara".
    A noter à ce sujet un article paru sur le site cybercopie.com qui explique plus en détail comment la Côte d’Ivoire a apporté son aide à Taylor, une mission confiée à Robert Guei, et que la destabilisation actuelle que connait la Côté d’Ivoire s’explique en partie à partir de cette période (voir l’article de François Barrot intitulé "La Côte d’Ivoire et le boomerang libérien" paru en juillet 2003 à l’adresse http://www.cyberscopie.info/pages/art_decryp/art16_decryp.html).

BJ

 


 

Sierra Leone : Le général John Tarnue accuse Blaise Compaoré


Rémi Rivière



Une première historique contre l’impunité

Le GRILA, Groupe de Recherche et d’Initiative pour la Libération de l’Afrique, (http://www.grila.org/)  sétait réjouit le 6 avril du verdict du Comité des droits de l’homme dans l’affaire Sankara en estimant qu’il s’agissait d’un « précédent à l’ONU et une première historique contre l’impunité en Afrique ». Il ajoute Le GRILA, qui souligne le rôle de Thomas Sankara dans le « développement autocentré et panafricain », a dénoncé une « impunité érigée en système politique » au Burkina Faso et un « déni des droits de l’homme attesté par nombre d’assassinats, de corruptions et d’intimidations ».
Le GRILA en veut pour preuve notamment la déposition du général libérien John Tarnue qui à accusé Blaise Compaoré le 4 octobre 2004, devant la cour internationale spéciale de Sierra Léone et des soldats libériens, menés par Charles Taylor, d’avoir participé à l’assassinat de Thomas Sankara. Voir http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=t0sEUAxIIaI=&tabid=156   (pp 84-85). Officiellement, le chef de l’Etat du Burkina Faso a toujours nié son implication dans ce crime.
Mais ce procès de Sierra Léone, qui jugera bientôt également le chef de guerre Charles Taylor, dont la complicité avec le régime burkinabé est par contre avérée, marque peut-être en revanche, ce début « historique contre l’impunité en Afrique ». Car dans l’épopée sanglante du chef de guerre Charles Taylor, il conviendra de surveiller, durant ce procès hors normes, les connivences et les implications de tous ceux qui l’ont soutenu et particulièrement du chef de l’Etat burkinabé.

 

Sierra Leone : Le général John Tarnue accuse Blaise Compaoré

Blaise Compaoré a-t-il commandité l’assassinat de Thomas Sankara ? Le général John Tarnue, ancien commandant des forces armées du Libéria, accuse Blaise Compaoré et raconte devant le tribunal de Sierra Leone les détails d’un marché qui aurait été conclu avec Charles Taylor et qui aurait impliqué des soldats libériens dans l’assassinat du Président Thomas Sankara. Par Rémi Riviere

"Mon nom est : général de brigade John S. Tarnue, ancien commandant général des forces armées du Libéria." Sur l’horloge du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, il est 14h59 et 23 petites secondes que l’on entendait presque s’égrainer. L’attention de chacun est aiguisée. Nous sommes le 4 octobre 2004. John Tarnue, treizième témoin dans le procès des commandants de l’ancienne rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF), est le premier à déposer publiquement, sans l’écran de protection dissimulant son identité. Le général vient de rompre avec ce qui a été la norme jusqu’ici, tant dans le procès du RUF que dans celui des accusés des Forces de défense civile (CDF). La seule exigence du procureur a été de ne pas révéler à l’audience l’adresse du témoin.

A la barre, c’est un homme fruste qui dépose, un homme de terrain qui parle à la partie civile comme à ses hommes de troupe. Il s’occupait de la formation des combattants du NPFL, la faction dirigée par Charles Taylor pendant les sept années de guerre civile au Liberia, et cela lui a valu la confiance du président qui, une fois élu, l’a tout de suite nommé au poste de commandant général des Forces armées nationales. C’est cette histoire que raconte, pendant trois heures ce jour-là, John Tarnue. L’épopée d’une connivence avec un seigneur de guerre, dont il a été l’homme de confiance et le témoin muet. Avant de changer de camp, en janvier 2003, en pleine guerre, pour rejoindre et former les rebelles du LURD.

Mais dans ce récit épique et tragique, de guerre et de règlements de compte, qui suit le fil sanglant du chef d’État libérien, un épisode retient l’attention du procureur Christopher Santora. Celui de la rencontre, "en juillet ou en août 1987", entre Charles Taylor, Thomas Sankara et surtout Blaise Compaoré. Il est déjà près de 16h30 lorsque le Général Tarnue explique aux trois juges présents comment Charles Taylor en exil au Ghana de Jerry Rawlings a manœuvré pour faire valoir sa ferveur révolutionnaire et trouver des appuis au Burkina. L’ambassadeur du Pays des hommes intègres, au Ghana, arrange finalement un entretien.

Dans un style direct, comme s’il prêtait sa voix et ses gestes à Charles Taylor, le général John Tarnue relate les propos qu’il attribue à son ancien chef militaire. "Et alors, après la seconde rencontre, lorsqu’ils sont sortis, alors Thomas Sankara a décidé de dire qu’il allait aider. Donc, quand ils…

– aider quoi ? le coupe le procureur Christopher Santora

 – redites ça…, aider quoi ? 

 – l’aider avec ses crédits révolutionnaires parce qu’il voulait créer ce mouvement Anti-Doe pour renverser Samuel kanyon Doe".

Devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, John Tarnue poursuit son témoignage et raconte que Blaise Compaoré a proposé un marché à Charles Taylor quelques instants d’après, lui expliquant qu’il voulait prendre la tête du pays. Un marché très simple. Taylor a des hommes. Ils se nomment "Prince Yormie Johnson, Samuel Varney, Duopo" et "d’autres membres entraînés des forces rapprochées du Liberia". Blaise Compaoré veut les hommes de Taylor pour les joindre aux deux escouades qu’il affirme avoir. "Et alors, on ira assassiner Thomas Sankara" aurait confié Compaoré en toute simplicité, dans cette forme dépouillée qu’adopte Tarnue pour donner vie à ses souvenirs.

Tarnue explique que Charles Taylor a consulté les militaires libériens exilés avec lui avant de donner sa réponse. "Prince Johnson était très dur. C’était celui qui avait combattu aux côtés de Taylor. Ils ont tous été d’accord. Ils ont dit : "si c’est ce que tu dis, alors on peut y aller." Relate encore John Tarnue. "Et alors ils se sont entendus, se sont regroupés et ont suivi Blaise Compaoré. La même année 1987, ils ont assassiné Thomas Sankara. Et quand ils ont assassiné Thomas Sankara, Blaise Compaoré est devenu le président du Burkina Faso."

Le récit de Tarnue se poursuit et l’ancien commandant général des Forces armées met au clair le chemin de Taylor pour conquérir son trône grâce à cet assassinat. Car selon ce témoignage, cette connivence avec Blaise Compaoré aurait ouvert bien des portes à Charles Taylor, depuis "un couloir avec la Côte d’Ivoire", grâce aux "liens" privilégiés de Blaise Compaoré avec Houphoüet Boigny, aux terrains d’entraînements militaires du Burkina Faso, et finalement, jusqu’à Mouammar Kadhafi et un camp d’entraînement libyen qu’il appelle "Alma Saba".

Ce 4 octobre 2004, au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, il est 17h57. Le témoignage du général John Tarnue est ajourné, reporté au lendemain. Les 132 pages du compte-rendu d’audience sont consignées et certifiées officiellement par Roni Kerekes, Susan G. Humphries, Maureen P. Dunn, Ella K. Drury. Elles sont disponibles sur Internet grâce au lien : http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=t0sEUAxIIaI=&tabid=156

Qui est John Tarnue ?
 

John Tarnue était simple soldat dans l’armée du Libéria quand il se rend aux forces de Charles Taylor, à l’arrivée de celles-ci, dans la région où il se cache. Il est surtout célèbre au Libéria pour une fameuse volte-face en 2003, la première qu’un officier ait jamais réalisée dans l’histoire du pays. Le général John Tarnue est un des rares officiers des forces armées libériennes, à avoir été militairement formé aux Etats-Unis. C’est un vieux compagnon du président libérien. Il s’occupait de la formation des combattants du NPFL (faction dirigée par Charles Taylor) pendant les sept années de guerre civile au Libéria.
Une fois élu, le président Taylor le nomme immédiatement au poste de commandant général des Forces armées nationales. Mais en janvier 2002, à la surprise générale, le chef de l’Etat libérien a placé le général Tarnue en résidence surveillée. On l’a accusé d’"actes incompatibles avec sa fonction". Il a été relâché un mois plus tard et nommé au poste de commandant de l’unité anti-terroriste (ATU), qui est la garde rapprochée du président Taylor. Il occupe encore ce poste lorsque, en décembre 2002, il quitte clandestinement le Libéria. Très vite, les rumeurs selon lesquelles le général Tarnue se trouve en zone rebelle commencent à circuler. Elles seront confirmées en février 2003 par le ministre libérien de la Défense, Daniel Chea qui annonce que le général Tarnue se trouve dans le camp des rebelles où il s’occupe de la formation militaire du LURD. Le ministre Chea attribuait même les succès du LURD à cette présence. C’est un coup dur pour le chef de l’Etat libérien. Le général Tarnue a occupé des postes-clés dans l’armée, il détient plusieurs secrets de l’appareil militaire du régime Taylor. L’ATU, que le général Tarnue a commandé avant sa défection, constitue également la garde rapprochée de Charles Taylor. C’est un corps d’élite. Les éléments de cette unité reçoivent leurs salaires directement de la poche du président. C’est à eux qu’a été confiée la garde de tous les dépôts d’armes. Le général Tarnue connaît donc les forces et les faiblesses militaires du gouvernement libérien. Dans l’entourage du président Taylor, on estime alors que c’est l’Amérique qui a "retourné" le général Tarnue, afin que le mouvement rebelle puisse bénéficier de son expertise pour vaincre l’armée régulière.
 

Rémi Rivière

 

 


1 COMMENTAIRE

  1. Tribunal de Sierra Leone : Un ancien gnral de Charles Taylor, John Tarnue accuse Blaise Compaor de complot contre Thomas Sankara
    jeunes Afriques,l’Afriques est en danger! le passE a etE tres cruel que nous subissons actuellement.le Malheur d’aujourd’hui n’est arrive par hazard,donc la lute est evident si nous espererons: liberte,democratie,progres. luttons pour sauver l’AFRIQUE; LE BERSAUE DE L’HUMANITE

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