Une vie de militant
Ma lutte du collège à la révolution de Thomas Sankara
Adama Abdoulaye Touré
2001, 207 pages, Edition Hamaria à Ouagadougou
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Présentation (4 ème de couverture)
Né en 1936 au Burkina Faso, à Kampti province du Poni, Touré Adama Abdoulaye entama ses études à l’école primaire de 1944 à 1950. Ce fut ensuite les Collèges Modernes de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou de 1951 à 1959 où il obtient le baccalauréat qui le fit entrer à l’université de Dakar en 1959. Après une licence d’histoire et de géographie, et un Diplôme d’Etudes Supérieurs (DES) sur la résistance et le recrutement des tirailleurs en Haute-Volta de 1912 à 1918, il débuta une riche carrière de professeur d’histoire et de géographie, d’abord à l’Ecole Normale des Jeunes Filles de Thiès (Sénégal) e 1966 à 1967 puis à L’Ecole Militaire Préparatoire, actuellement Prytanée Militaire du Kadiogo (PMK) de 1967 à 1969, puis de 1971 à 1981.
Nanti d’une expérience professionnelle reconnue, il fut nommé, tour à tour, Directeur de l’Ecole Normal des Instituteurs et Institutrices de Ouagadougou (Lycée de Bogodogo) de 1969 à 1971, Directeur de l’Enseignement Général du Second Degré, puis Directeur de l’Enseignement Général et Technique du Second Degré de 1981 à 1983. Après on passage à la cellule d’histoire et de géographie de l’Institut Pédagogique du Burkina (IPB) de janvier 1987 à 1989, il devient Directeur fondateur du Lycée Privé de la Jeunesse depuis 1990.
Le parcours professionnel de l’auteur est d’autant plus exceptionnel, qu’il était doublé d’un militantisme pour la cause sociale et politique.
C’est ainsi que, très jeune, il assumait, étant élève, les fonctions de délégué général des élèves du Collège Moderne de Bobo-Dioulasso en 1953, de président de l’Union Fraternelle des Elèves de Kampti (UEFK) en 1956, de délégué général des élèves du Collège Moderne de Ouagadougou, de président de l’Association des Scolaires Voltaïques de Dakar (de 1961 à 1965) et enfin de secrétaire général de l’Union Général des Etudiants Voltaïques de l’Afrique Occidentale 5UGEAO) de 1962 à 1966.
Militant du Syndicat National des Enseignants Africains de Haute-Volta (SNEAHV), il devient membre fondateur de la Confédération Syndicale Voltaïque (CSV) en septembre 1974.
Son adhésion en Mai 1962 au Parti Africain de l’Indépendance (PAI) dont il fut secrétaire général de al section voltaïque de 1975 à 1990, marque un tournant décisif dans sa vie de militant engagé, choix qui ne l’a pas quitté, même dans ses hautes fonctions de Ministre de l’Information du 1er gouvernement du Conseil National de la Révolution de 1983 à 1984.
Sommaire du livre
Avant-propos
1 – L’éveil de la conscience politique
2 – L’engagement militant. La lutte dans les associations scolaires et étudiante
3 – La lutte révolutionnaire, l’adhésion au parti communiste et le travail politique dans les organisations de masse
4 – Ma participation à la Révolution du 4 août 1983
5 – Les divergences et la rupture avec le CNR
6 – Le besoin d’ouverture sur le monde
7 – Les rapports avec le Front Populaire et mes efforts de redressement du PAI pour la démocratie et le socialisme au Burkina
Photos
Nos commentaires
Adama Touré, né en 1936, nos raconte ici son parcours de militant de la première heure. Un témoignage précieux qui nous permet de l’accompagner dans l’évolution de l’histoire de son pays dont il s’avère un acteur de premier plan, engagé dans l’action syndicale et politique dès son plus jeune âge. Dès le collège, il se retrouve délégué général des élèves, par cooptation du surveillant général, mais profite de cette responsabilité pour faire ses premières armes de militant en organiser l’action revendicative qui le mènera jusque dans le bureau de Ouezzin Coulibaly. Il nous raconte ensuite “son échec total” dans la campagne pour le non au référendum pour l’adhésion à l’Union Française qu’il mena dans son village de Kampti.
C’est à Dakar, à l’université qu’il vit la période des indépendances. Il se rend d’ailleurs en Guinée où il obtient un rendez-vous avec Sékou Touré. La vie politique à l’université au Sénégal est bouillonnante. Il est approché par les militants du PAI (Partie Africain de l’Indépendance) qu’il qualifie de “parti communiste”, qui dirigent la plupart des sections du syndicat étudiant et ne tarde pas à rejoindre les rangs de ce parti. De retour en Haute Volta en 1967, il en deviendra un militant de premier plan de la section voltaïque jusqu’à devenir son secrétaire général en 1975 en même temps qu’entraient dans la direction Philippe Ouedraogo et Touré Soumane deux autres acteurs majeurs de la vie politique de Haute Volta
Dans cet ouvrage, nous nous trouvons plongés dans les mémoires d’un ardent militant politique et vivons avec lui, les différents périodes de l’histoire voltaïque après l’indépendance. Enseignant, il s’investit dans la lutte syndicale et nous relate en détail les rivalités entre les militants du PAI de ceux du MLN de Ki Zerbo sur fond d’une crise politique qui s’approfondit et qui se traduira par le retour des coups d’Etat militaire. Durant cette période, le peuple voltaïque pouvait s’appuyer sur des organisations syndicales représentatives et combatives en même temps que des organisations d’extrême gauche, très présentes dans les syndicats faisaient progresser les idées révolutionnaires. Le CMRPN (Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National) dirigé par Sayé Zerbo, soutenu pourtant au début par une partie de la gauche voltaïque révéla rapidement son caractère répressif et surtout son incapacité à redresser le pays. Adama Touré prend part à la résistance qui s’organise. Cette première partie est vivement raconté et les commentaires, très rares d’une militant communiste africain sont précieux.
Alors que beaucoup présente Adama Touré, surnommé “Lénine,” comme ayant amené Sankara vers les idées révolutionnaires alors qu’il était son élève au PMK, celui-ci semble s’en défendre. Sans doute parce qu’il ne faut peut-être pas exagéré son influence d’alors mais aussi parce ce rapport maître élève semble visiblement avoir été un élément supplémentaire de la crise qui opposa la PAI aux autres membres du CNR, d’autant plus que certains proches de Sankara semblent en avoir joué pour monter Sankara contre Adama Touré selon ce que semble dire l’auteur. Ainsi, après avoir expliqué qu’il avait connu la plupart des jeunes officiers durant leur parcours scolaire, il écrit page 102 : “Cependant mes relations avec ces anciens élèves devenus officiers ou sous-officiers ne pourraient suffire à justifier les commentaires parfois tendancieux sur mes liens avec eux et faisant très souvent état de la grande influence politique que j’exercerais à l’époque sur eux, en les présentant presque toujours comme de simples marionnettes dans mes mains, ou des analphabètes politiques, ou des hommes dépourvus de patriotisme, de toute ambition et de tout idéal politique”.
Le témoignage de Touré Adama est encore précieux lorsqu’il relate sa version des évènements sur les licenciements des instituteurs décidés en 1984, la séance du CNR qui décida de l’exécution de 7 comploteurs toujours en 1984 ou le fameux épisode des deux manifestations des 20 et 21 mai 1984, qui ont opposé le ministre de l’éducation de l’époque au secrétariat général des CDR.
Notons d’ailleurs que l’auteur reconnaît publiquement que Touré Soumane, autre vieux lutteur, et dirigeant de la plus grande centrale syndicale d’alors, avait eu parfois tendance à provoquer de façon inconsidérée le “groupe militaire” durant la Révolution.
Le texte alterne de passages de dépits voir de regret de pas avoir pu participer jusqu’au bout à cette expérience révolutionnaire, alors qu’ils avaient largement contribué et depuis de nombreuses années à la préparation de la prise du pouvoir le 4 août 1983.
A propos de Sankara il lui reconnaît au début du processus, une certaine retenue dans le différent qui opposa le PAI à l’ULCR puis au groupe militaire, mais ensuite il tombe dans critiques particulièrement sévères :”Il était convaincu d’être le plus intelligent, plu rusé et plus manœuvrier que les autres” et “il préférait s’entourer de flagorneurs, entièrement soumis et redevables à lui, prêts à exécuter toutes les tâches qui lui plaisaient.” Et encore “j’avais l’impression que les adversaires qui avait étudié la psychologie du leader burkinabé savaient exploiter ses travers” (p. 116 et117) . Il en vient même jusqu’à porter des accusations graves comme le fait d’être responsable de l’incendie du quotidien l’Observateur”. Notons aussi qu’il attaque tout aussi vertement M. Abdoul Salam Kaboré.
On peut comprendre que après avoir tant travaillé pour la révolution, M. Touré exprimé du dépit, d’avoir vécu une partie de la période révolutionnaire en prison, alors qu’il avait milité depuis de nombreuses années en militant de la première heure, pendant que des “opportunistes” se retrouvaient au premier plan. C’est en effet la génération arrivée au pouvoir durant cette période qui gouverne encore le Burkina Faso aujourd’hui. Aussi si le témoignage sur l’histoire de la Haute Volta comme sur la période révolutionnaire est précieux, est précieux, la violence des attaques contre la personne de Sankara a tendance à rendre peu efficaces les critiques qui méritent sans doute d’être approfondies sur quelques dérives du CNR. Il n’en reste pas moins que le témoignage de ce militant qui se qualifie de communiste reste extrêmement précieux.
B J