Nous avons besoin d’un peuple convaincu plutôt que d’un peuple vaincu

2 Octobre 1987

Camarades militantes et militants de la Révolution démocratique et populaire, chers amis du Burkina Faso : Aujourd’hui nous célébrons le quatrième anniversaire de notre guide ; notre guide d’action révolutionnaire, notre guide idéologique, le Discours d’orientation politique (DOP).

Tenkodogo a été choisi pour abriter ces manifestations, pour concentrer les pensées des Burkinabè, pour recevoir les sentiments et les voeux de nos amis. Tenkodogo a été retenu pour matérialiser tant de réflexions de quatre ans d’action révolutionnaire, de quatre ans de lutte. Je voudrais féliciter les militantes et les militants de la province du Boulgou qui se sont mobilisés ensemble pendant des nuits, pendant des jours pour permettre que le quatrième anniversaire du DOP reçoive l’éclat de nos intérêts et qu’en même temps il traduise la marche radieuse de notre peuple vers le bonheur.

Les militantes et militants de la province du Boulgou sont méritants à plus d’un titre, eu égard à tout ce qui a pu se tramer pour barrer la route à leurs initiatives, à leurs efforts pour décourager leurs sacrifices et faire échouer cette manifestation grandiose qu’est le quatrième anniversaire du Discours d’orientation politique.

Nos camarades de la province de Boulgou avec leurs structures révolutionnaires nous donnent là des raisons d’espérer, de croire, d’avoir confiance en l’avenir, d’avoir confiance en nos masses quel que soit le lieu où elles se trouvent sur le plan géographique. La province du Boulgou nous permet aussi de croire aux transformations miraculeuses, aux bonds en avant avec le peuple, toujours avec le peuple, sans fuite en avant. La province du Boulgou nous accueille dans des conditions qui font d’elle une province exemplaire à plus d’un titre ; une province méritoire à plus d’un titre ; non seulement de par ses réalisations socio-économiques mais surtout de par sa mobilisation politique et conséquente, ferme et déterminée.

S’il y a eu échec à Tenkodogo, s’il y a eu échec dans la province du Boulgou, c’est bel et bien l’échec de ceux qui ont tenté de quelque manière que ce soit, à droite comme à gauche, de perturber la marche de la révolution, croyant pouvoir abuser des masses populaires, tromper les militants, se servir de l’obscurité artificiellement créée par eux pour dominer les militants.

La révolution est invincible. Elle vaincra en ville comme en campagne. Elle vaincra au Burkina Faso parce que déjà au Boulgou, elle est victorieuse.

Camarades, à l’adresse de toutes les masses populaires de la province du Boulgou, je voudrais simplement dire merci. Merci pour votre accueil enthousiaste ; merci d’avoir fait commencer ces manifestions par cette pluie bienfaisante. Un ancien me rappelait il y a quelques instants que le premier anniversaire du DOP a été célébré sous la pluie. Aujourd’hui aussi, nous célébrons le quatrième anniversaire du DOP sous la pluie. Cela est un élément heureux. Et nos masses paysannes sur lesquelles nous 1 comptons, nos masses paysannes qui font de la pluie un élément matériel fondamental de notre système agricole, ne nous démentiront certainement pas.

C’est, hélas, parmi ceux qui manipulent à tort et à travers la phrase révolutionnaire que la pluie est symbole de perturbation de la fête, de perturbation de la « bamboula ». Chez le paysan, la pluie est joie, la pluie est espoir, la pluie est victoire et allégresse. Nous sommes avec notre peuple, nous luttons avec notre peuple en nous démarquant de toutes les idées erronées. C’est pourquoi nous sommes à Tenkodogo dans l’allégresse sous la pluie au quatrième anniversaire du DOP.

Camarades, le Discours d’orientation politique, notre guide d’action révolutionnaire est à la disposition des Burkinabè ; il est à la disposition de tous les révolutionnaires. Notre guide joint son apport au mouvement de l’Humanité pour réaliser un grand bonheur, pour lutter contre les forces de domination, pour lutter contre les forces d’oppression. C’est pourquoi, il est normal que nous nous situions dans un cadre international. C’est pourquoi, il est normal que le DOP soit pour nous un trait d’union, une affirmation de notre appartenance à cette lutte collective de toute l’Humanité, l’Humanité des masses populaires, l’Humanité des peuples en lutte.

Nous saluons par conséquent le soutien qualitatif, le soutien fraternel et amical des peuples voisins qui, d’une façon ou d’une autre, se sont associés à nous, franchissant les frontières artificielles qui nous séparent pour tendre la main à une réalité concrète qu’est le coeur des Burkinabè. Du Togo sont venus des Togolais, amis du Burkina. Nous leur disons merci. Du Ghana sont venus des Ghanéens, militant avec nous pour la révolution africaine. Frères dans le combat, dans les victoires, ils acceptent aussi de vivre nos échecs qui sont autant d’indications pour nous tous pour aller toujours de l’avant. Nous souhaitons la bienvenue à ces amis, nous souhaitons la bienvenue à tous les autres amis tant ils sont nombreux et tant il est inutile de les énumérer.

Le Discours d’orientation politique s’impose à nous comme guide. II est l’oeuvre collective des Burkinabè. II est la réflexion collective de tous ceux qui se sont engagés consciemment dans la Révolution démocratique et populaire. C’est pourquoi, le Discours d’orientation politique doit être notre référence, notre étoile polaire qui nous guide et nous indique le chemin. Cette étoile qui nous évite de nous égarer. Le Discours d’orientation politique est venu nous enseigner que nous devons aller au-delà de la simple révolte, par une démarche scientifique, par une démarche rigoureuse, méthodique, pour formuler de manière précise d’où nous sommes venus et où nous allons. Faute de quoi, notre révolution se serait simplement limitée à un élan subjectif, à un élan de révoltés qui n’aurait connu que des lendemains de feux de paille, c’est-à-dire une mort lente, du fait d’un manque de souffle le souffle qui permet à une révolution d’aller toujours de l’avant, d’éclairer et de réchauffer.

Le guide d’action révolutionnaire nous rassemble, nous éduque et nous appelle à nous discipliner dans les rangs de la révolution. C’est en s’appuyant sur le Discours d’orientation politique que nous remettrons sur le droit chemin ceux-là qui ont failli, ceux-là qui se sont égarés.

Le Discours d’orientation politique nous réchauffe et nous fournit la chaleur cette chaleur qui permet aux timorés de reprendre pied dans la lutte et d’avoir confiance en la révolution. C’est pourquoi nous devons constamment nous référer au Discours d’orientation politique. Constamment nous devons non seulement en ouvrir les pages, les lire, les comprendre, mais surtout les appliquer aux réalités concrètes qui nous entourent ; les réalités qui évoluent, qui changent, qui se transforment, parce que notre nature est matérielle. Elle n’est pas une idée en l’air. Une idée que nous pouvons décrire au gré de nos rêves, au gré de nos visions.

Le Discours d’orientation politique a un passé. II a déjà quatre ans d’existence. C’est beaucoup pour un pays comme le nôtre. Mais s’il a un passé, le Discours d’orientation politique a aussi un présent, c’est celui d’aujourd’hui : le regroupement de tous les révolutionnaires. II a surtout un avenir. Quel est l’avenir du Discours d’orientation politique ?

L’avenir du Discours d’orientation politique doit être le fruit des efforts des révolutionnaires ; efforts pour l’approfondir, efforts pour nous mettre toujours à la hauteur des combats qui se présentent à nous, efforts pour rendre le Discours d’orientation politique toujours à l’avant des combats qui se mènent à présent, afin de donner aux révolutionnaires les réponses aux questions théoriques et pratiques qu’ils se posent devant les multiples problèmes qui nous assaillent. Le Discours d’orientation politique se veut aussi rassembleur, rassembleur des révolutionnaires. C’est-à-dire que c’est autour du Discours d’orientation politique en l’affinant de façon conséquente, en l’approfondissant de façon responsable que les révolutionnaires pourront transformer la réalité au Burkina Faso pour le peuple burkinabé.

Car notre révolution n’est pas un concours de rhétorique. Notre révolution n’est pas un affrontement de phrases. Notre révolution n’est pas simplement l’affichage d’étiquettes qui sont autant de signes que les manipulateurs cherchent à établir comme des clés, comme des laisser-passer, comme des faire-valoir. Notre révolution est et doit être en permanence l’action collective des révolutionnaires pour transformer la réalité et améliorer la situation concrète des masses de notre pays. Notre révolution n’aura de valeur que si, en regardant derrière nous, en regardant à nos côtés et en regardant devant nous, nous pouvons dire que les Burkinabè sont, grâce à la révolution, un peu plus heureux, parce qu’ils ont de l’eau saine à boire, parce qu’ils ont une alimentation abondante, suffisante, parce qu’ils ont une santé resplendissante, parce qu’ils ont l’éducation, parce qu’ils ont des logements décents, parce qu’ils sont mieux vêtus, parce qu’ils ont droit aux loisirs ; parce qu’ils ont l’occasion de jouir de plus de liberté, de plus de démocratie, de plus de dignité. Notre révolution n’aura de raison d’être que si elle peut répondre concrètement à ces questions.

Tant que la révolution ne sera pas en mesure d’apporter bonheur matériel et moral à notre peuple, elle sera simplement l’activité d’un ramassis, d’un certain nombre de personnes avec plus ou moins de mérite, mais qui représentent tout simplement des momies, qui représentent tout simplement un rassemblement statique de valeurs décadentes, incapables de mouvoir et de faire mouvoir la réalité ; incapables de transformer cette réalité. La révolution, c’est le bonheur. Sans le bonheur nous ne pouvons pas parler de succès. Notre révolution doit répondre concrètement à toutes ces questions.

C’est pourquoi, il est indispensable que le Discours d’orientation politique soit connu de tous et joue son rôle éveilleur et rassembleur. II va sans dire que tout au long de notre action, nous rencontrons des difficultés. Nous avons déjà connu des difficultés dans nos rangs et hors de nos rangs. Ces difficultés-là ne doivent pas nous arrêter. Ces difficultés-là ne doivent pas nous décourager. Ces difficultés ne doivent pas être un frein, un obstacle insurmontable pour nous. Au contraire, elles nous enseignent tout simplement que c’est bel et bien sur le terrain de la lutte révolutionnaire que nous nous situons, c’est-à-dire affronter chaque jour des obstacles qui ont empêché d’autres de réaliser le bonheur qu’ils promettaient. Parce qu’eux s’en tenaient à leurs discours et ne s’engageaient pas dans l’action avec le peuple et pour le peuple.

Le Discours d’orientation politique est celui autour duquel nous nous réunirons, celui autour duquel nous renforcerons notre cohésion, celui à partir duquel nous expliquerons, nous discuterons nos désaccords, nos divergences, nos points de vue parce que l’objectif est un et reste le même. Toute divergence qui n’est pas en mesure de se résoudre dans le cadre du Discours d’orientation politique à l’heure actuelle au Burkina Faso, est une divergence qui concerne des objectifs purement et simplement différents. Si les objectifs sont identiques, le Discours d’orientation politique se chargera de réaliser la convergence des méthodes d’action.

Notre unité se fera en faveur de notre peuple. Notre unité ne se fera pas comme un match de football auquel se livreraient des équipes brillantes peut-être, émérites certainement, mais offrant un spectacle, juste le temps de 90 minutes, avec éventuellement des prolongations, et peut-être se terminant par des tirs de pénalités. Non, notre unité se fera en luttant avec le peuple et sous l’appréciation du peuple. C’est-à-dire que nous nous réunirons en révolutionnaires et seuls les révolutionnaires viendront à cette unité.

Qui alors sera révolutionnaire ? Sera révolutionnaire celui-là qui clans ses actes, dans sa pratique mais également dans sa, conscience arrivera à prendre une position efficace, indiscutable, incontestable dans le cadre de notre combat qui est concret. Ce combat est par exemple la construction de retenues d’eau par centaines, par milliers ; ce combat est la pose des rails avec nos bras pour réussir la bataille du rail, la gagner ; ce combat, est l’ouverture de routes, la construction de postes de santé, la dispense d’une partie de notre savoir à nos frères, à nos camarades qui n’ont pas eu la chance d’accéder à l’instruction.

C’est là que nous verrons les révolutionnaires. Nous les verrons dans les combats économiques, social, sanitaire, culturel… Livrer combat ailleurs serait inutile. II faut faire la différence entre les combats utiles pour nous et les autres combats… Les combats qui nous intéressent, ce sont ceux qui nous permettent d’être chaque jour plus heureux, ceux qui permettent de rendre notre peuple indépendant en luttant farouchement contre l’impérialisme.

Nous verrons les révolutionnaires lorsqu’il s’agira de dire non aux produits que l’impérialisme nous déverse dessus pour exercer la domination capitaliste sur notre peuple. Seront révolutionnaires ceux-là qui auront choisi de composer avec la rigueur des transformations ; ceux-là qui auront choisi le devoir d’abandonner des habitudes de vie, de consommation pour vivre avec les masses. Tout le monde n’est pas apte à vivre conséquemment notre mot d’ordre : « Consommons burkinabè ». Ils sont nombreux ceux qui ne consomment burkinabè qu’avec le langage et gardent leur langue et leur bouche pour réellement se délecter et consommer « impérialiste ». Ceux-là ne sont pas révolutionnaires. Ce sont ceux-là que nous allons démasquer. Ce sont ceux-là qu’il faut mettre à l’écart.

Nos paysans au Burkina Faso ne gagneront jamais la bataille de leur libération tant que nous, consommateurs des villes ne serons pas disposés à boire des boissons produites à partir de leurs récoltes par exemple. Pourquoi veut-on nous imposer la consommation de produits venus de loin ?

Cela est très grave et inacceptable. Cela est en plus criminel quand ce sont des camarades, des révolutionnaires qui sont vecteurs de cette imposition, vecteurs de cette domination. Ceci veut dire que ces camarades-là n’ont pas compris la profondeur et l’intérêt de leur discours de haut niveau et de grande qualité. Ceci veut dire qu’il y a nécessité de débat. Et retournons au Discours d’orientation politique. Consultons de nouveau le Discours d’orientation politique, il nous indiquera la voie. Elle est unique et nous conduit à un objectif : le bonheur de notre peuple.

Notre unité se fera donc dans le combat, dans la lutte, par le respect scrupuleux de nos statuts et de nos méthodes de travail. II faut que nous soyons fermement organisés autour de nos statuts. Des statuts clairs mettront en évidence les complots et les intrigues que les révolutionnaires conséquents combattront avec une rage légitime. Notre unité se fera également autour du programme des révolutionnaires du Burkina Faso dans l’application de l’éthique révolutionnaire, la morale révolutionnaire.

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La morale révolutionnaire nous indiquera quels sont nos droits mais surtout quels sont nos devoirs. La morale révolutionnaire nous indiquera quelle est la pratique sociale que nous devons avoir pour que les masses nous apprécient positivement ou négativement, pour que les masses chaque jour viennent à nous, non pas parce que nous les aurons vaincues mais parce que nous les aurons convaincues par l’exemple. Il faut que le Discours d’orientation politique nous ouvre cette porte. Cette porte, elle existe déjà dans chaque ligne, dans chaque page de notre DOP. Faisons-en le meilleur usage qui soit.

Notre révolution est une révolution qui ne peut se démarquer des lois scientifiques qui existent déjà et qui régissent toutes les révolutions. Et c’est quand nous manquons d’appliquer ces lois scientifiques que nous nous égarons. Sans théorie révolutionnaire point de révolution. II faut que nécessairement un jour notre révolution rencontre, aussi loin qu’elle sera avancée, d’autres révolutions par l’application de la théorie révolutionnaire, par l’approfondissement de notre Discours d’orientation politique.

Nous avons connu des difficultés, il ne faut pas s’en cacher. Des difficultés qui ont amené des affrontements çà et là. Des affrontements entre des éléments tout aussi bons, valables et engagés dans le processus révolutionnaire. Tous ceux-là sont des éléments auxquels nous devons faire confiance. C’est chaque fois que nous nous enfermons dans l’idée que seul un noyau, seul un groupe est valable, et que tout le reste n’est que lamentations et échecs que nous nous isolons. C’est-à-dire que nous compromettons notre révolution.

L’objectif de la révolution n’est pas de disperser les révolutionnaires. L’objectif de la révolution est de consolider nos rangs. Nous sommes 8 millions de Burkinabè, nous devons avoir 8 millions de révolutionnaires. Et aucun révolutionnaire n’a le droit de dormir tant que le dernier des réactionnaires au Burkina Faso n’aura pas été en mesure d’expliquer conséquemment le Discours d’orientation politique. Ce ne sont pas les réactionnaires qui doivent faire l’effort pour comprendre. Ce sont les révolutionnaires qui doivent faire l’effort pour leur faire comprendre. Le réactionnaire a choisi sa position de réactionnaire. Le révolutionnaire a choisi sa position de révolutionnaire, c’est-à-dire de mouvement vers les autres pour les gagner à lui. S’il n’arrive pas à convaincre les réactionnaires à adhérer à la révolution, la réaction se développera dans le monde.

Par conséquent, le devoir de tout révolutionnaire, c’est d’éviter que la révolution ne se replie sur elle-même ; que la révolution ne commence à se scléroser ; que la révolution ne commence à se rétrécir en peau de chagrin. Ainsi de 1 000, nous ne serons que 500 ; de 500 nous ne serons plus que deux. Or, notre Révolution démocratique et populaire est une révolution qui se démarque de tout regroupement de sectes ou regroupement sectaire. II faut que chaque jour nous constations que du mouvement pionnier jusqu’à l’UNAB nous avons davantage de militants.

Bien sûr, tout le monde ne sera pas au même niveau. Ce serait de l’utopie, ça serait un rêve que de penser que tout le monde sera au même niveau d’engagement et de compréhension. Mais il appartient aux révolutionnaires chaque jour de ne point se décourager, de ne point se lasser, d’accepter l’effort physique, moral et intellectuel pour aller vers les autres. Ce qui exige bien souvent que nous fassions violence sur nous-mêmes : expliquer et encore expliquer. Lénine disait une chose que nous oublions souvent : «à l’origine de toute révolution, il y a la pédagogie». Ne l’oublions jamais. Et l’art d’enseigner, c’est la répétition. II faut répéter, et encore répéter.

Le Discours d’orientation politique nous indique également la nécessité de la fermeté pour pouvoir nous situer de façon responsable dans la lutte des classes qui nous interpelle. Le 4 août 1987 à Bobo-Dioulasso, je vous invitais à renforcer la lutte révolutionnaire pour gagner davantage de révolutionnaires à notre révolution. Je vous invitais à comprendre que nous avons besoin d’un peuple de convaincus et non d’un peuple de vaincus. Un peuple de vaincus est une succession interminable de prisons. C’est-à-dire la nécessité de trouver en permanence des gardiens de prisons. Quand nous aurons mis quatre millions de Burkinabè en prison, il nous faudra en trouver deux fois quatre pour garder ces prisons.

Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas savoir sévir contre ceux qui croient que la révolution est synonyme de faiblesse, ceux qui confondent le débat démocratique dont nous avons besoin avec la condescendance et le sentimentalisme. Ceux-là récolteront ce qu’ils auront semé. S’il faut les sanctionner, ils seront sanctionnés. Que ce soit au Burkina ou hors du Burkina. Nous savons que nous serons parfois incompris. Mais nous savons aussi que la sanction est éducation. II faut sanctionner ceux qui ont tort, ceux qui se mettent en travers de la révolution afin de gêner la révolution.

Nous reviendrons à eux quand le temps nous permettra de le faire. Du reste, nous l’avons prouvé, nous n’avons jamais jeté l’anathème définitivement sur qui que ce soit. Nous avons toujours tenté de repêcher ceux que nous pouvions repêcher. Et nous le ferons chaque fois que les conditions seront réunies. Ne demandez pas que l’on coure et que l’on se gratte en même temps. Ne demandez pas que l’on s’occupe de ceux qui sont déjà très loin en avant et qu’en même temps l’on s’arrête pour s’occuper de ceux qui tirent en arrière comme les réfractaires à notre action et les tractés…

Nous devons avoir le courage d’examiner calmement tout cela en face. C’est pourquoi il faut que chaque militant comprenne que tout Burkinabé doit avoir l’éducation politique conséquente. L’éducation politique, c’est d’abord que ceux qui ont été pour la sanction sans convaincre agencent méthodiquement leur argumentation. Convaincre celui-là qui a été sanctionné, faire des observations sur son éconduite, sur ses manquements et lui donner des conseils qui lui permettront de se racheter.

Éduquons notre peuple. Éduquons ceux-là que nous sanctionnons par un débat démocratique. Nous verrons par la suite, en tant que révolutionnaires, si le sanctionné a fait amende honorable et peut être racheté. Le meilleur rachat, c’est celui qu’on développe soi-même ; ce n’est pas celui que les autres développent. C’est reconnaître ses fautes et s’engager solennellement à ne plus jamais les recommettre. C’est aussi pratiquer chaque jour une vie de révolutionnaire ayant reconnu ses fautes. Dans ces conditions, les révolutionnaires apprécieront et prendront une décision en faveur de celui-là qui aura été sanctionné.

Mais il faut d’abord que partout où sont nos structures, elles commencent par poser des questions sur tous les révolutionnaires. Et à partir d’aujourd’hui 2 octobre 1987, nous invitons le peuple du Burkina, les militants du Burkina à s’organiser parce que le Conseil national de la révolution va leur demander d’avoir à apprécier tous les révolutionnaires au travail. II appartiendra aux CDR de dire sur les lieux de travail ou dans les secteurs géographiques qu’elle est la pratique sociale, révolutionnaire de tel ou tel militant.

Camarades, la révolution ne peut confier le pouvoir d’État, ne peut confier le pouvoir tout court, ne peut confier la possibilité d’agir qu’à ceux qui veulent le faire en faveur de notre peuple. Nous ne pouvons pas appeler à quelque responsabilité que ce soit, à quelque niveau que ce soit ceux-là qui oeuvrent contre notre peuple. Désormais, nul ne pourra être nommé responsable à quelque niveau que ce soit si préalablement nos CDR et nos autres structures n’ont pas eu à se prononcer sur ce camarade.

Périodiquement, nous retournerons à la base pour savoir si tel camarade est un bon militant. Que pensez-vous de tel camarade ? Est-il un bon militant ? Assiste-t-il à vos veillés débats ? Participe-t-il concrètement à vos conférences ? Participe-t-il à vos travaux d’intérêt commun ?

Participe-t-il à la résolution des problèmes de son secteur ou de son service ? Est-il exemplaire ? Arrive-t-il à l’heure ? Respecte-t-il les mots d’ordre du Conseil national de la révolution ? C’est-à-dire lutte-t-il conséquemment contre l’impérialisme ? Cela se verra désormais grâce aux yeux, aux oreilles que constituent les sens infaillibles de notre peuple.

Ces notes seront démocratiques et populaires. Et alors nous pourrons dire à chacun, directeur, chef de service, responsable : « Camarade, tout au long de l’année, vous avez eu un comportement conforme au Discours d’orientation politique, conforme aux statuts, conforme au programme, conforme à l’éthique révolutionnaire ». Ou bien, nous pourrons dire : « Camarade, nous avons le regret de vous dire que vous avez été en porte-à-faux, en contradiction avec vos engagements révolutionnaires ». Et nous prendrons les mesures qui s’imposent.

Cela veut dire que désormais, tous ceux qui ont subi une sanction licenciée, dégagés, suspendus doivent être convoqués par les CDR pour savoir ce qu’ils sont devenus, ce qu’ils font pour la révolution. Celui qui ne fait rien fait quelque chose contre la révolution. Pour la révolution, chacun doit répondre devant les structures populaires. Parce qu’il y a certains qui croient mais ils ont tort que dès lors que la sanction a été prise contre eux, ils sont devenus des ennemis de la révolution et qu’ils doivent agir comme ennemis de la révolution. La sanction a été prise, mais la révolution a toujours besoin d’eux. Parce que la sanction suprême c’est de faire disparaître son ennemi. Or la révolution offre l’avantage aux sanctionnés d’être encore avec nous pour voir, pour entendre, pour comprendre afin de se racheter. Donc tous doivent être effectivement suivis ; pas forcément pour être repris, mais pour que nous sachions exactement ce qu’ils font pour la révolution.

Le Discours d’orientation politique est à la disposition de tous. Personne ne peut vivre sur le dos de notre peuple en se disant qu’il a été mis à l’écart. Celui qui s’est mis à l’écart sera retrouvé par le peuple qui reçoit mission d’agir, de rechercher, d’éduquer tous ceux qui ont essayé de se terrer dans quelque trou que ce soit. C’est ainsi que nous pourrons être sûrs que nous avons fait des efforts pour éduquer, car certains sanctionnés disent qu’ils ont été mis à l’écart…

Combien sont-ils à participer aux travaux d’intérêt commun ? Combien sont-ils à apporter leur contribution à l’avancée de la révolution ?

Camarades, la révolution est constamment victorieuse. La révolution maîtrisant la situation peut se permettre le rachat des uns et des autres. C’est pourquoi, en ce quatrième anniversaire du Discours d’orientation politique, je voudrais vous annoncer deux mesures : la première mesure est la mise en liberté des détenus qui, de par leurs comportements sociaux, ont eu à porter préjudice à notre peuple par des actes, des crimes, par des délits de droit commun contre des hommes, des femmes, des biens de notre peuple. Nous allons les mettre en liberté parce que nous les avons observés dans le travail de réinsertion sociale. Réinsertion sociale qui se fait tous azimuts et doit être poursuivie. Pour nous révolutionnaires, notre victoire, c’est la disparition des prisons.

Pour les réactionnaires, leur victoire est la construction d’un maximum de prisons. Telle est la différence entre eux et nous. Nous mettrons en liberté 88 personnes. Le ministère de la Justice publiera les noms de ces 88 personnes qui, sur les chantiers, ont eu un comportement correct au travail.

Chaque jour, elles ont compris qu’elles ont fauté et que le travail libère. Bien sûr, il y aura toujours des éléments qui n’auront pas su profiter de cette mesure de clémence de la révolution. Et naturellement, ils retourneront d’où ils sont sortis. Mais je suis convaincu que la plupart d’entre eux, peut-être tous, sauront profiter de cet acte de clémence pour que nous puissions en libérer d’autres encore.

La deuxième mesure concerne les éleveurs. Depuis longtemps nous avons pratiqué un impôt qui a pesé sur les éleveurs. Le Conseil national de la révolution décide tout simplement de supprimer cet impôt-là. Nous le supprimons, non pas que les caisses de l’État soient pleines. Nous supprimons cet impôt parce qu’il nous dessert et traumatise inutilement notre peuple. II démobilise cette fraction de la paysannerie que sont nos éleveurs. II porte préjudice à notre économie en perturbant notre élevage. Par conséquent, nous le supprimons.

 

Nous invitons les structures concernées, le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, le secrétariat d’État à l’Élevage, le ministère de la Question paysanne et toutes les autres structures à faire en sorte que nous tirions plus de profit de cet acte de suppression d’impôt, plutôt que d’avoir à constater une situation administrative et budgétaire devenue difficile. J’invite donc le personnel des services des impôts à imaginer d’autres formes de mobilisation de nos ressources pour que nous puissions construire mieux encore notre Faso.

Mais il ne faut pas que la joie de certains soit la tristesse des autres. Par conséquent que chacun de nous tous, éleveurs directs, ceux vivant de l’élevage ou tirant profit de l’élevage soit en amont ou en aval, soit parce que nous sommes derrière les boeufs ou devant les boeufs, soit parce que nous sommes sous les bœufs tire profit de la mesure. Et je vous remercie camarades, du soutien que vous apporterez à cette mesure.

Enfin, camarades, le Discours d’orientation politique nous a été présenté traduit en langues nationales : fulfuldé, dioula et mooré. C’est là un moyen d’atteindre davantage de personnes, davantage de Burkinabè. Je voudrais féliciter tous ceux qui ont contribué à ce travail. Un travail intellectuel qui a certainement demandé beaucoup d’effort, beaucoup de travail, beaucoup de réflexion pour adapter, traduire des concepts parfois nouveaux dans notre milieu et les rendre également accessibles, sans pédantisme. Je les félicite car ils ont fait oeuvre utile. Je félicite également tous ceux qui ont eu l’initiative de cette opération de traduction du DOP.

Je félicite par avance tous ceux qui, chaque jour, font un travail pour que notre peuple soit davantage alphabétisé : ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, de la Question paysanne. C’est leur contribution directe à l’enrichissement du DOP. Le DOP traduit en langues nationales n’aura aucun intérêt si les paysans ne savent pas le lire, parce qu’ils n’ont pas appris à lire. Ils restent des aveugles. Et par conséquent, offrir le DOP non traduit en langues nationales à un analphabète, c’est insulter un aveugle en lui donnant une lampe torche. L’aveugle a d’abord besoin de voir, ensuite de lampe torche pour mieux voir. Donnons à tous les analphabètes la capacité de lire, ensuite nous leur donnerons de la lecture saine et de la lecture utile comme le DOP traduit en langues nationales.

Camarades du Bouleau, je renouvelle mes félicitations au Haut-commissaire et au PRP de la province. Je renouvelle mes félicitations au Comité de défense de la révolution de la province, je renouvelle mes félicitations à la section provinciale de l’Union nationale des anciens du Burkina. Je renouvelle mes félicitations à la section provinciale de l’Union des femmes du Burkina. Je renouvelle mes félicitations à l’Union nationale des paysans du Bouleau et je n’oublie pas les Pionniers qui nous agrémentent cette fête, et qui nous montrent également que l’avenir est plein d’espoir.

Je n’oublie pas ces travailleurs, notamment cet ingénieur qui, au cours des travaux, s’est gravement blessé en construisant le monument du 2 octobre à Tenkodogo. Malgré sa blessure, il est revenu immédiatement après quelques soins sur le chantier pour se préoccuper de la finition correcte de ce monument. Le miracle est venu. Le monument, en quelques jours, a été mis sur pied. Et les langues fourchues de nos ennemis ont été coupées en quatre. Nous féliciterons désormais plus souvent par décoration comme nous venons de le faire ceux qui auront brillé par leur travail.

Camarades, ce matin à l’inauguration du monument du 2 octobre, le camarade ministre d’Etat vous a déjà sensibilisés sur la signification de ce symbole. Je suis persuadé qu’il a mis en chacun de vous un levain qui vous prédispose à aller encore plus loin. Et c’est pourquoi, il m’est aisé, il m’est facile, il m’est agréable de vous dire aujourd’hui :

Camarades, en avant pour mille anniversaires du DOP !

En avant pour un DOP encore plus profond, encore plus rassembleur malgré tout ce qui aura pu nous diviser !

En avant pour un DOP qui sera le fondement matériel du bonheur moral et matériel de notre peuple !

En avant pour un DOP qui sera ce phare qui nous éclairera et éclairera également d’autres peuples au profit de ce bonheur en lequel nous avons tous foi !

La patrie ou la mort, nous vaincrons ! Je vous remercie.

Sidwaya du 8 octobre 1987.

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