Quatre lettres du ministre d’Etat, sans portefeuille, Ram Ouédraogo, adressées à la veuve Mariam Sankara. Objectif : rallier la famille du président Thomas Sankara à la marche forcée vers la journée nationale de pardon du 30 mars 2001. Résultat : échec politique de Ram Ouédraogo. La veuve du président Thomas Sankara avait exigé et exige toujours la vérité, la justice et éventuellement le pardon.

Les délices du pouvoir aveuglent parfois certains politiciens. Mangeant et buvant momentanément à la table du seigneur de Ziniaré, ils se laissent aller aux marchandages politiques autour d’un cadavre présidentiel.

L’ancien ministre d’Etat, sans portefeuille du gouvernement Kadré, Ram Ouédraogo, a été roulé dans la farine dans ses rapports avec la veuve Mariam Sankara. Les missives du ministre d’Etat, sans portefeuille teintées de références bibliques n’ont pas séduit la souffrance d’une femme meurtrie depuis le 15 octobre 1987.

La décision du 26 avril 2000

Quand on revisite l’action des hommes politiques qui ont participé négativement dans la recherche de la vérité et de la justice, on ne peut pas occulter les courriers du ministre d’Etat Ram Ouédraogo adressés à Mariam Sankara. Sous l’étiquette du comité de mise en oeuvre des recommandations de la commission pour la réconciliation nationale, l’un des chantres de l’écologie politique n’a pas sauvé le président Compaoré de ses responsabilités devant l’assassinat du président Thomas Sankara. Quand le régime de la quatrième république est acculé, il utilise des gouvernements de large rassemblement, de large ouverture ou de consensus national pour venir à bout de certains dossiers politiques. Mais chaque fois, il perd dans de nombreux dossiers criminels. L’ancien ministre d’Etat, qui se retrouve de nos jours dans l’opposition, Ram Ouédraogo, doit se mordre les doigts dans le dossier Thomas Sankara. Il a été utilisé pour résoudre un problème particulier du président Compaoré. Le Conseil des ministres en séance ordinaire du 26 avril 2000 avait donné des instructions pour l’érection d’un monument aux héros nationaux et d’un mausolée à la mémoire de feu le président Thomas Sankara.

Le maître d’oeuvre dans cette volonté de prendre de vitesse l’histoire politique du Burkina Faso était le ministre Ram Ouédraogo. Le ministre d’Etat avait choisi la voie des correspondances officielles pour séduire la veuve Mariam Sankara.

Le 21 février 2001, Ram Ouédraogo, il écrivait ceci à la veuve Sankara. “Des efforts ont été faits pour la réhabilitation morale de votre époux et il s’agit là pour vous, d’un couronnement de la lutte que vous et d’autre s Burkinabè ont menée depuis lors. Il s’agit de son élection au monument des héros nationaux qui sera érigé à Ouagadougou et d’un mausolée grandiose en sa mémoire, qui sera construit à Ouagadougou avec bien sûr l’accord de votre famille. Ce mausolée d’une valeur de près de deux cents millions (200 000 000) de francs CFA constituera pour les burkinabè et les sankaristes du monde entier, un lieu de recueillement et de pèlerinage“.

Le message a provoqué de l’indignation. On ramène l’assassinat d’un chef d’Etat à une histoire de mausolée en valorisant les espèces sonnantes et trébuchantes.

Juger les Assassins

La veuve Sankara a été ferme. “On peut décider d’ériger un mausolée à la mémoire au président Thomas Sankara et entraver les actions qui sont engagées pour rechercher et juger ses assassins et leur(s) commanditaire(s). C’est pourquoi, je pense que réconciliation ne rime pas avec impunité “.

L’érection du mausolée souhaitée par le pouvoir Compaoré ressemble à un théâtre tragique des dictateurs. Quand ils finissent par dévorer leur proie, il recherche sa réhabilitation par des méthodes de cynisme politique. On se rappelle que le président Joseph Mobutu avait tenté de réhabiliter Patrice Lumumba pour fuir le jugement de l’histoire. On pense contourner la vérité historique par le battisse ou le baptême des rues. “Un mausolée ne saura apaiser la soif de justice d’une famille meurtrie, et ne saura constituer un lieu de recueillement et de pèlerinage pour ceux qui se reconnaissent dans l’idéal de Thomas Sankara avant que justice ne lui soit rendue”, martèle Mariam Sankara. Les correspondances de l’ancien ministre d’Etat visaient l’adhésion de la veuve et de la famille Sankara aux festivités de la journée nationale de pardon. L’ancien ministre Ouédraogo écrivait ceci : “Dans la même dynamique, le gouvernement, sur proposition du collège des sages et de la commission pour la réconciliation nationale, a décidé d’organiser le 30 mars 2001, au stade du 4-Août de Ouagadougou, une journée nationale du pardon, au cours de laquelle, les Burkinabè doivent se demander pardon et se pardonner, pour tous les manquements graves qui ont eu lieu pendant quarante années d’existence du Burkina en tant qu’Etat indépendant…“.

La veuve Mariam Sankara était restée constante dans ses réponses au ministre d’Etat, sans portefeuille. Qui a tué son époux ? Et pourquoi ? Finalement, Ram Ouédraogo jette l’éponge dans sa lettre du 9 mars 2001. “Je prends personnellement acte de tout ce qui a été dit et j’émets le souhait que le Seigneur tout-puissant nous aide tous à trouver la paix des coeurs“. L’échec de l’ancien ministre d’Etat, Ram Ouédraogo montre que les espèces sonnantes et trébuchantes ne peuvent pas le silence des familles meurtries. Un mausolée érigé à des coups de millions ou de milliards de francs cfa ne peut pas venir à bout de la vérité et de la justice sur le drame du 15 octobre 1987.

Pascal Ziguebila

Source : Libérateur N°41 du 05 au 20 octobre 2007

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