Nous poursuivons la suite d’articles d’Afrique Education publiés en 2007, consacrés à l’assassinat de Thomas Sankara. Toujours avec les même remarques, peu de références, les noms sont souvent changés. Si Cette suite d’articles ouvrent de nombreuses pistes, reste à en vérifier la véracité. La Rédaction du site

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Par Narcisse Kimfado

« ... ils ont des armes ils peuvent nous asservir, mais l’histoire nous appartient et c’est les peuples qui la font… » Isidore Noël Thomas Sankara président fondateur du Conseil national de la révolution (CNR), 2e secrétaire général du Haut commandement de la jeunesse africaine, président du Faso assassiné le 15 octobre 1987

«… J’ai appris en toute situation à me suffire. Je sais vivre dans la gêne, je sais vivre dans l’abondance. J’ai appris, en toutes circonstances et de toutes les manières, à être rassasié comme à avoir faim, à vivre dans l’abondance comme dans le besoin. Je peux tout en Celui qui me rend fort » Philippiens 4,11-13 Pensée théologique du sankarisme

La venue du Conseil national de la révolution (CNR) de Sankara à Ouagadougou et l’exécution de l’agent de la Françafrique Somé Yoriam Gabriel, le 9 Août 1983, ont failli influencer les soutiens de la CIA sous William Casey et le Vatican de Jean Paul II, à l’endroit des combattants polonais du syndicat Solidarnosc de Lech Walesa. Il en est de même des décisifs enjeux géopolitiques de la guerre froide. Qu’ont-ils fait, Sankara et ses trois compagnons entre autres les capitaines Blaise Compaoré, Jean Baptiste Lingalî et Henri Zongo du CNR mis en place à Ouagadougou ? Quel était le rôle de l’actuel président de Faso, Blaise Compaoré, en cette époque d’euphorie ? Filtrait-il déjà les trois puissants services secrets du monde capitaliste qui considéraient la prise du pouvoir du CNR et l’exécution de Somé Yoriam Gabriel comme « danger voltaïque » ? Blaise Compaoré était-il leur agent dormant[[Agent dormant : agent qu’on ne sollicite qu’en cas de nécessité absolue]] ou un agent de Mesure Active[[Mesure active : opération visant à influencer ou à affecter la politique d’un pays tiers]] ? Enfin, comment le CNR de Sankara, a-t-il suscité par ses ardeurs révolutionnaires, la création de l’alliance, Bureau of State Security (BOSS) sud-africain, le CSIS chinois et le Mossad israélien dans une situation complexe de complot qui entraînera l’adoption de la stratégie trappe à miel[[Trappe à miel : terme du monde du renseignement qui désigne l’usage d’appât sexuel à des fins d’espionnage]] via la Franco-Ivoirienne Chantale Terrasson de Fougères (actuelle première dame du Burkina Faso) par la Françafrique ?

Par l’assassinat de l’agent de la Françafrique, Somé Yoriam Gabriel, le Conseil national de la révolution (CNR) créé au lendemain du 3 août 1983 par Thomas Sankara et ses compagnons Blaise Compaoré, Jean Baptiste Lingani et Henri Zongo, envoyait un message direct aux peuples burkinabé et africains : désormais en Afrique, les traîtres qui pactiseront avec la France, passeront par les armes. Cependant, dans ce qui convient d’appeler l’Affaire Yoriam, les nouveaux révolutionnaires voltaïques ont malicieusement monté un chef d’accusation de toutes pièces (tentative de fuite vers l’étranger) pour justifier l’exécution de l’ex-chef d’état major et agent de la Françafrique. Aussi, faut-il souligner que les quatre chefs burkinabé de la Révolution bolivarienne panafricanisée, considèrent les organisateurs du complot Guy Penne (lire AFRIQUEDUCATION numéro 228 du 16 au 31 mai 2007) qui a débouché sur l’arrestation de Sankara le 17 mai 1983, d’ennemis de la révolution et devraient passer par les armes y compris ceux (burkinabé ou africains) qui pactiseraient avec la France pour asseoir en Afrique son hégémonie.

Dès lors, le président Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire est classé parmi ses ennemis de la révolution, selon leur terme (tête de pont avancée de l’impérialisme en Afrique). Le CNR confie cette politique de représailles des ennemis de la révolution à l’une de ses ailes marchandes qui est le Conseil de défense de la révolution (CDR) dirigé par Pierre Ouédraogo. Ce dernier n’a pas hésité avec sa bande de CDR à menacer le président ivoirien et à assiéger les frontières de son pays. Plus grave, ils provoquent et défient le vieux crocodile (autre appellation du défunt président ivoirien) en kidnappant deux douaniers ivoiriens. Le président Houphouët Boigny tremble, et le sankarisme est à son apogée. Autrefois Haute Volta, ce pays fut baptisé Burkina Faso (pays des hommes intègres) par les nouveaux venus au pouvoir.

La révolution culturelle est en marche, et le sankarisme change les mentalités et les habitudes de consommation des Burkinabé. Sankara valorise les produits nationaux, comme ce fut l’exemple de l’emploi de faso danfari, le fameux tissu local. Cependant, au même moment où l’enfant terrible de Yako (Sankara) et ses compagnons révolutionnaires s’agitaient à Ouagadougou, leur premier acte de prise du pouvoir qui était l’exécution du colonel Somé Yoriam Gabriel avait créé un grand émoi et une grande nervosité au sein de la Françafrique qui a dramatisé l’acte en attirant l’attention des trois puissants services secrets du monde capitaliste vers l’Afrique.

Ceux-ci, mal ou pas informés, voyaient dans la révolution burkinabé, un risque qui changerait à court terme la donne des opérations subversives contre le communisme soviétique. Car par les actions concertées de Richard Allen, un fervent catholique et conseiller national à la sécurité de Ronald Reagan, de William Casey, directeur de la CIA et de Monseigneur Luigi Poggy, le très charismatique et exemplaire chef de la Sainte Alliance, feu Jean Paul II rencontra quelques mois après sa venue à la Maison Blanche, le président Reagan. Au cours de cette rencontre, les deux hommes signèrent un accord secret (dont les documents circulent aujourd’hui dans les rédactions des chaînes du Nomic et dans les marchés noirs des espions) où l’ancien souverain pontife, s’engageait aux côtés des Américains à combattre âprement le communisme soviétique en contrepartie des représailles américaines contre les théologiens de la libération, des déviationnistes d’obédience marxiste partisans de l’altermondialisme et les partisans de l’avortement, et le gel des millions de dollars d’aides à des pays qui ont adopté le planning familial.

Aussitôt, les Américains avec les entités d’espionnage ont mis sur écoutes téléphoniques tous les prêtres de par le monde et surtout, d’Amérique latine, qui sont jugés proches des théologiens de la libération. Le résumé de ces écoutes téléphoniques est transmis au pape par le chef de la CIA William Casey lors de la rencontre hebdomadaire du vendredi avec le pontife. Le président Reagan pour le respect de ce deal, autorise le colonel Oliver North alors au Conseil national de sécurité de verser des sommes substantielles régulières aux prêtres que le Vatican juge loyaux en Amérique latine et centrale, en Asie, et en Afrique. Jean Paul II lui-même, a chargé de son côté, son secrétaire personnel, Monseigneur Emery Kabongo, de dresser la liste des prêtres loyaux sur les cinq continents. Mais sur cette liste du prélat Kabongo, une source très proche[[Source qu’on ne peut livrer pour des raisons de sécurité]] a affirmé à propos du Burkina Faso qu’à peine dix prêtres ont bénéficié de cette aide américaine sous Sankara, lesquels ne sont que des informateurs de la Sainte Alliance en raison de la popularité du pouvoir révolutionnaire pro-soviétique au sein de la gauche civile catholique.

Selon Cesare M[[Pseudonyme pour protéger le véritable nom de l’intéressé]], un ancien de la Sainte Alliance qui se rappelle de ce moment : « Cette année 1983, la CIA a créé une caisse noire pour financer des opérations subversives et confidentielles dans le monde entier… 200 millions de dollars montés par la CIA et la banque du Vatican devraient être destinés au syndicat Solidarnosc polonais, et il faudra procéder de telle sorte que les transferts de ces fonds ne laissent pas de traces pour susciter la vigilance du pouvoir polonais pro-soviétique du général Wojciech Jaruzelski. C’est ainsi que William Casey a mis en place la Procédure d’opération standard (POS)… l’argent part depuis la Bank of America et la Citybank en passant par la banque de Panama, la Standard Bank of South Africa et Courts à Londres… mais l’intérêt de la CIA et de la Sainte Alliance à l’égard des révolutionnaires burkinabé était nourri par leur amitié avec les militants du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela. Car l’étape sud-africaine Standard Bank of South Africa) du transfert des sommes à destination de Solidarnosc était cruciale et méritait une vigilance accrue… Nous savons que le service de contre-espionnage des militants anti-apartheid est surentraîné par les experts aguerris du GRU[[GRU (Glavnoye Razvedyvatelnoye Upravlenie), renseignements militaires soviétiques dont les experts sont plus puissants et aguerris que les experts du KGB. Le GRU est une composante du KGB russe avec de nombreux agents arabes, cubains et africains et d’autres étudiants révolutionnaires de l’Université Patrice Lumumba de Moscou. Ils pourraient toutefois découvrir les traces et en informer le KGB]]. C’est ce qui a accru la surveillance de nos services sur ce régime Sankara… après la CIA, et les services français…La Sainte Alliance est le troisième service ayant un nombre impressionnant de grands espions en Afrique… ».

A travers la surveillance étroite de la Sainte Alliance et de la CIA, la Françafrique a réussi ce qu’elle voulait : attiser le courroux de Reagan et de Jean Paul II (lequel était très attentif au sort de son pays la Pologne), en présentant les révolutionnaires burkinabé comme ceux qui voulaient bloquer ce que Jean Paul II appelait devant les cardinaux Luigi Poggi, Paul Marcinkus, Paul Gouyon, Mgr Emery Kabongo et autres, « l’événement décisif » d’avant le prochain millénaire. Plus grave pour le très fervent catholique que fut Thomas Sankara, plus de cinq personnalités de l’Eglise catholique sont sur la liste des dix cibles prioritaires que ses amis soviétiques, devaient abattre, à savoir, Jean Paul II, son garde du corps et futur directeur de la banque du Vatican, l’Américain Monseigneur Paul Marcinkus, le chef de la Sainte Alliance, Luigi Poggi, et le secrétaire d’Etat Agostino Casaroli.

Plus qu’une traîtrise, l’activisme pro-soviétique de Sankara et ses compagnons mérite, il est vrai, aux termes de la loi canonique, des excommunications. Mais comme l’homme le plus informé de la guerre froide, Mgr Luigi Poggi, qui est l’un des rares chefs de services secrets à avoir une appréciation objective sur des centaines de millions d’informations venant tant des agents que des informateurs, le Saint siège a minimisé le pro-communisme soviétique de Sankara et de ses compagnons tout en l’ayant à l’oeil à l’instar de la CIA et de la DGSE. Pourtant, la cellule africaine de l’Elysée en contact avec la DGSE, n’a toujours pas digéré l’assassinat de Somé Yorian Gabriel et les provocations répétées du Conseil de défense de la révolution (CDR) envers la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny, pays qui abrite la Françafrique. Elle a demandé aux antennes de la DGSE en Afrique de l’Ouest des fiches de profils psychologiques des quatre chefs historiques de la révolution, à savoir, Thomas Sankara, Jean Baptiste Lingali, Henri Zongo, et Blaise Compaoré.

Jean Grazie[[Pseudonyme pour protéger le véritable nom de l’intéressé]] de la DGSE se rappelle de ce moment : « … dans cette fiche de profil psychologique que nous avons obtenue de notre antenne de Ouagadougou sur les quatre chefs historiques de la révolution burkinabé, un constat nous a surpris : le ministre délégué à la présidence du Burkina Faso, le capitaine Blaise Compaoré était le seul célibataire. Cela a renforcé le choix de stratégie de la trappe à miel(*) pour faire de lui un agent de la mesure active(*) et balayer le régime… mais cette stratégie est à laisser à l’appréciation du président ivoirien qui, très inquiété par le régime de Ouagadougou, faisait pression sur l’Elysée sur la nécessité de descendre Sankara… Grâce à ces informations, nous savons que Blaise Compaoré est notre agent dormant… ».

Cependant, le capitaine Blaise Compaoré savoure la révolution avec les sbires du CDR qui continuaient les représailles des ennemis de la révolution. Les deux douaniers ivoiriens kidnappés par les milices du CDR, avaient fait l’objet entre temps de négociation par l’envoi à Ouagadougou de l’émissaire d’Houphouët-Boigny, un certain Balla Keita, à l’époque, ministre ivoirien de l’Education qui était burkinabé d’origine. Malgré cette libération de douaniers, les attaques contre la Côte d’Ivoire se multiplièrent et concomitamment, Sankara et ses compagnons panafricanisèrent leurs représailles contre les têtes de pont de l’impérialisme en Afrique. Sankara apporta ses soutiens clairs au Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela, plus précisément, à sa branche armée, Umkhoto we siwe (la lance de la nation), dirigée par le charismatique Chris Hani qui, à titre honorifique, fut le premier secrétaire du Haut commandement de la jeunesse africaine.

Mais ce qui choque dans ce soutien sankariste est que, contrairement aux pays africains qui soutiennent l’ANC en catimini, Sankara le fit publiquement, en donnant des Kalachnikov sous forme de don à Chris Hani. Par cet acte de bravoure et de sincérité pour les uns, simple provocation selon la Françafrique, Sankara a ainsi posé l’acte de sa troisième grave provocation géopolitique, après l’assassinat de l’agent de la Françafrique, son activisme pro-soviétique considéré d’ailleurs comme une sorte de traîtrise envers le chef de l’église catholique au moment où Jean Paul II et les siens, étaient sur la liste des 10 personnalités que Moscou cherchait à abattre.

Mais cette troisième provocation était plus grave que les deux premières, car elle a entraîné sur son ciel déjà sombre, l’intervention du tristement célèbre Bureau of State Security sud-africain (BOSS), le service secret du régime ségrégationniste qui assassinait les militants antiapartheid et leurs soutiens tant en Afrique du Sud qu’à l’extérieur. Mais le BOSS sud-africain était lié au MOSSAD et au CSIS chinois par le jeu des alliances. Sankara en rendant donc public son soutien et ses dons au Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela, est devenu la cible croisée de sept puissants services du monde capitaliste qui combattaient le communisme soviétique. La Françafrique va alors exploiter la situation en mettant en pratique après consultation du président Houphouët-Boigny la stratégie de la trappe à miel via la Franco-Ivoirienne, demoiselle Chantal Terrasson de Fougères, et activer l’agent dormant, le capitaine Blaise Compaoré, à l’époque, ministre délégué à la présidence du Faso. •

Prochain article : Burkina Faso : Le duo Blaise Compaoré/ Chantal Terrasson de Fougères et l’assassinat de Thomas Sankara

AFRIQUE DUCATION n° 229 – Du 1″ au 15 juin 2007 – www.afriqueeducation.org

Cet article fait partie d’une série de 5 articles traitant de l’assassinat de Thomas Sankara publié dans le même mensuel :
– Blaise Compaoré sauve la vie de Thomas Sankara voir à http://thomassankara.net/?p=931
– Blaise Compaoré, Chantal Terrasson de Fougères et l’assassinat de Thomas Sankara voir à http://thomassankara.net/?p=933
– BURKINA : Blaise Compaoré et la coalition CIA-DGSE-Sainte Alliance voir à http://thomassankara.net/?p=932
– Burkina Faso L’assassinat de Thomas Sankara voir à http://thomassankara.net/?p=935

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