Emeutes à Bobo-Dioulasso et Ouahigouya

La violence est fille de la malgouvernance

mercredi 27 février 2008, par Bendré source http://www.journalbendre.net/spip.php?article2006

Le 20 février 2008 a été un mercredi noir pour les villes de Bobo Dioulasso et de Ouahigouya. Des émeutes d’une grande ampleur ont été déclenchées dans ces deux villes contre la vie chère.
Le bilan des dégâts de part et d’autre est important car les vandales et autres pilleurs sont passés par là. Réveil des insouciants ? Transposition de luttes claniques et politiques ?
Une chose est sûre : le ras le bol a un terreau fertile pour imprimer son rythme à la vie de la nation.

Par Bangba Nikiéma

Etrange visage que les habitants de Bobo Dioulasso et de Ouahigouya ont donné de leurs villes ce mercredi 20 février 2008.

En effet, ces deux villes du pays ont été le théâtre de violentes manifestations contre la flambée des prix. Le spectacle est désolant car celles-ci depuis ce mercredi noir ont pris des allures de ruines. Pneus brûlés, stations et magasins saccagés, véhicules et édifices publics endommagés…bref, la liste des dégâts occasionnés par ces manifestations de colère est longue et terrifiante. Qu’est-ce qui a bien pu conduire les auteurs de ces forfaits à commettre de tels actes ?
La raison avancée est la lutte contre la vie chère. Le Burkina traverse actuellement une zone de turbulence liée au phénomène de l’inflation en cours. Le coût de la vie s’est subitement renchérit et les produits de première nécessité tels le riz, l’huile, le savon et consort sont hors de portée des bourses du consommateur moyen.

Contrairement aux thèmes de la lutte contre l’impunité ou pour la refondation démocratique dont la réclame semble être l’apanage de citoyens initiés, le phénomène de la vie chère sévit jusque dans l’antre des adeptes du « yélkayé ». Tout le monde ou presque est touché par cette flambée des prix obligeant les uns et les autres à s’imposer un rationnement tant ils ne peuvent plus s’offrir le luxe de faire comme avant.
Le pouvoir a beau clamé qu’il n’y est pour rien dans cette inflation, ses gouvernés refusent de le croire. Les commerçants notamment les importateurs de marchandises ont placé les douanes dans leur collimateur depuis belle lurette. Ils accusent cette régie de recette d’appliquer des mesures qui ne seraient pas favorables à l’exercice de leurs activités de commerce (cf Bendré N° 482). D’autres invoquent la rigueur actuellement en vigueur dans le recouvrement des taxes, des patentes et des impôts.

Les griefs sont légion contre le gouvernement de Tertius Zongo. Les plus tolérants qui n’accusent pas son gouvernement d’être à l’origine de cet enfer terrestre se plaignent tout de même qu’il ne fasse rien pour résorber la situation.
Tous ces ressentiments longtemps comprimés ont été exprimés à Bobo et Ouahigouya et dans une moindre mesure à Banfora en attendant Ouaga ( ?).

C’est dire que les mouvements sociaux sont en train de se propager comme une traînée de poudre à travers le pays. Qui arrêtera cette vague infernale de violence qui crée autant de problèmes qu’elle n’en résout ? Question à milles sous.

L’opulence des uns et la misère des autres mettent à mal la cohésion sociale

A l’instar des émeutes du casque, ceux des militaires contre les policiers et les émeutes des kundé, les manifestations contre la vie chère du 20 février ont fini de convaincre que la stabilité politique, sociale et économique du pays n’est pas irréversible comme certains tentent béatement de le faire croire. Lors de ces différents événements, on a frôlé le pire. Ces genres d’actes sont des signes annonciateurs d’un malaise certain et profond de la société.

Il y a longtemps que les liens de la cohésion sociale ont été entamés par ces termites nommées corruption, népotisme, gabégie arrogance et misère. Pendant que la majorité de la population ne sait plus à quel saint se vouer pour garantir la survie, une poignée de nouveaux riches baigne dans l’opulence tout en faisant étalage d’un luxe insultant. Cette catégorie de Burkinabé qui donnent l’illusion d’être les élus des dieux du trésor et de l’argent expriment leurs caprices avec des villas futuristes, des cylindrées rutilantes et toutes sortes d’investissement capable de témoigner de la réalité de leur surface financière. Tout cela a contribué à créer un fossé béant entre les gouvernants et leurs clans ploutocratiques qui ont fait main basse sur les richesses du pays et les gouvernés qui végètent leur misère. Ces damnés de la terre pour qui assurer un seul repas par jour demeure une équation à plusieurs inconnus ont-ils enfin compris que la solution pourrait se trouver dans la lutte ? Peut-être ! Mais la nature et la tournure des événements de Bobo et de Ouahigouya intriguent bien d’analystes. A l’ouest comme au nord, les manifestants se recrutaient dans le milieu des commerçants qui ont pris soin d’associer sur le tard les élèves des établissements qu’ils sont allés faire sortir.

Spontanéité ou lutte politique ?

Voilà deux villes dont les habitants tirent leurs revenus du commerce essentiellement. L’on sait aussi qu’en règle générale, les commerçants pour des raisons évidentes éprouvent une aversion pour les manifestations de rue. Les manifestations du collectif contre l’impunité ne faisaient –elles pas l’objet de critiques sévères de la part de certains commerçants qui trouvaient ringards les manifestants de l’époque ? Il est quand même curieux de constater que ce soit ceux qui auraient pu s’inquiéter pour la sécurité de leurs affaires (boutiques, magasins, tables, étalages, coffres…) qui se soient positionnés aux avant-postes des récentes émeutes ! Actes de témérité ou de bravoure ? Masochisme ou excès de colère ? On ne le sait trop. La spontanéité et l’ampleur des manifestations désarçonnent et l’on s’étonne bien qu’une structure organisée ou informelle n’ait daigné revendiquer cette spirale de violences.
C’est à croire que telle par télépathie, les émeutiers du mercredi se sont résolus à inscrire cette date dans l’histoire de leurs villes respectives et même de celle de la nation. Les sages conseillent de se méfier des faits simples, banales et surtout des évidences apparentes qui laissent croire que la lutte contre la vie chère serait le mobile exclusif de cette débauche d’énergie.

Il n’est pas exclu que cette colère légitime des populations fasse l’objet d’une instrumentalisation politicienne à laquelle se seraient adonnés, s’adonneraient ou s’adonneront les différents clans rivaux qui gravitent autour du pouvoir. Chaque clan tenant à mettre en difficulté son vis-à-vis. Cette hypothèse tient surtout du fait que les manifestants se recrutent pour la plupart dans les rangs des électeurs du parti du pouvoir, le CDP. La lutte contre la vie chère pourrait ainsi se révéler comme un instrument de règlement de comptes politiques entre camarades du méga parti. Et il faudra redouter le pire si la guerre intra CDP venait à se mêler au ras le bol généralisé et donc à se transporter dans la rue.

Où étaient-ils ?

Quelques soient les tenants et les aboutissants de cette impasse sociale, il urge de lui trouver les solutions qui s’imposent afin d’éviter au pays de connaître les tragédies à l’image des scénarii kenyans ou ivoiriens. Il faudra aussi se rappeler que la violence est fille de la mal gouvernance.
C’est ainsi que l’on a bien envie de demander où étaient ceux qui actuellement débitent une litanie de colère contre ces violences et ces actes de vandalisme lorsque s’opéraient des hold up électoraux sous leur nez ? Que faisaient-ils lorsque par miracle, certains faisaient sortir des bunkers des terres arides du Burkina pendant que la méningite tue et que la famine rode ? Comment réagissaient-ils lorsque les tenants du pouvoir toisent la misère du peuple par leur goût du luxe et leur arrogance ? Où étaient-ils lorsque l’on creusait le lit de l’impunité, de la corruption, de la monarchisation du pays en célébrant les 20 ans de pouvoir ?

Où étaient-ils … ?

Qu’on se le tienne pour dit, au delà des manœuvres politiciennes qui peuvent caractériser ces expressions de colère, ce qui s’est vécu semble n’être qu’un début. Et il s’avère évident que si les acteurs légendaires des mouvements sociaux (syndicats, étudiants, scolaires et associations de masses) rechignent à sortir du bois pour canaliser la lutte, les mouvements informels et spontanés, voire la pègre investiront le terrain pour dicter leur loi qui pourrait passer à côté du salut !!!!

Encadré 1

Bobo était à feu

La ville de Sya a vécu des violences ineffables les 20 et 21 février 2008. Pourtant, au début, il s’agissait d’une marche contre la hausse de la patente et la vie chère.

Par M.F. Belemsigri

La manifestation a rapidement dérapé lorsque la compagnie Républicaine de sécurité et la gendarmerie ont tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants qui tentaient de se rendre à l’Hôtel de ville. Repoussés et dispersés, ils ont procédé à des destructions massives de bien publiques et privés La mairie de Do et la division fiscale Houet III située au secteur 12 ont été saccagées et brûlées. La direction régionale de la douane et le bureau Bobo gare ont été mis à sac. La quasi-totalité des feux tricolores et des enseignes des services publics et privés ont été détruits, sur la voie publique, des monuments comme la place de la femme, le rond-point Blaise-Kadhafi ont aussi été détruits, les rues étaient jonchées de pierres, des pneus brûlés, de panneaux de signalisation et de grilles de protection de ronds-points. Les affrontements avec les forces de l’ordre et la répression des manifestations ont entamé l’idyllique paix de la ville de Sya. Aux manifestants du départ, que sont les commerçants, se sont joints toutes sortes de personnes qui scandaient à se rompre les cordes vocales : « La patente a triplé », « Tout est devenu cher », « On ne veut pas Tertius Zongo ». Le ras-le-bol se lisait sur la plupart des visages. Pourtant, il s’agissait d’une marche de protestation au départ. C’est pour cela qu’il faut comprendre dans ces violences jamais égalées à Bobo-dioulasso, l’expression d’un malaise profond que, malheureusement les autorités tentent de minimiser. Elles ont tellement minimisé la situation que bien qu’informées de la manifestation, elles n’ont rien tenté pour la juguler.
Pire, le secrétaire provincial du CDP et maire de la ville, Salia Sanou a appelé ses ouailles à manifester contre les manifestants et à marcher pour soutenir le président Blaise Compaoré au siège du parti le 21 février 2008. En somme, il jette de l’huile sur le feu. Ce qui était en plus déplorable, des membres du gouvernement notamment Assane Sawadogo de la Sécurité, Clément Sawadogo de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Jean-Baptiste Compaoré de l’Economie et des Finances et Soungalo Ouattara, ministre délégué auprès des Collectivités territoriales ont acquiescé cette méthode va-t-en-guerre préconisée par le maire Salia Sanou. Alors que 30 minutes avant, Assane Sawadogo, Clément Sawadogo et Jean-Baptiste Compaoré au cours d’une rencontre avec les opérateurs économiques à la Chambre de commerce et d’industrie ont appelé plutôt au calme et à la retenue. C’est un peu comme si les méthodes d’instrumentalisation des jeunes avaient pris le pas sur le bon sens.
La ville de Sya a vécu des heures difficiles. Il faut analyser la situation avec beaucoup de recul pour ne pas plonger dans le chaos.

Encadré 2

Il était une fois un mercredi à Ouahigouya

Ouahigouya était en ébullition le 20 février 2008. La vie chère était la raison de cette sortie musclée des manifestants. Notre reporter était au cœur des évènements. Récits des émeutes qui ont opposé manifestants et forces de défense et de sécurité dans la cité de Naaba Kango sur fond de casses, de pillages.

Par Jules Zongo

Il était 8h quand les manifestants ont pris d’assaut la ville. Une marrée humaine s’est formée dare dare autour du grand marché de Ouahigouya. Elle est composée de jeunes commerçants, des vendeuses de fruits et légumes pour la plupart. Leur seul leitmotiv : marcher pour protester contre la cherté des produits de première nécessité.
Pour l’occasion, la ville a affiché un air de cimetière. Les boutiques et tout autre point de vente de marchandises ont été fermés. Les étales de bouchers et de vendeurs de cigarettes sont elles aussi fermées. On sent une solidarité des commerçants autour de la « plate-forme ». Les rues sont remplies de monde qui circule et s’excite. On a du mal à se faufiler tant la marée humaine était compacte à certains endroits. Seuls les stations d’essence et des cybers n’avaient pas suivi le mot d’ordre.
A 9h, la foule se dirige vers la résidence du Gouverneur. A grands pas, les manifestants arrivent à la place de la nation. Les plus jeunes, plus excités, insultent. Le ton monte. Les paroles deviennent rudes. Tous ceux qui, dans la foule étaient connus comme étant de l’administration sont pris à part et menacés. On les soupçonne d’espionnage. Un groupe se détache du lot. Ses membres se concertent de plus en plus. Il s’agrandit. Il s’est formé pour voir dans quelle mesure rencontrer le Gouverneur. Pendant les concertations, la voiture du gouverneur sort de son domicile, suivie par d’autres. Le Gouverneur à ce qui se dit doit présider une cérémonie. Les manifestants ne pourront donc pas le rencontrer.
« Foutaises ! » a crié un des meneurs. Indignés, certains décident de déloger les élèves de leurs classes. La colère monte. Certains services se sentant menacés ferment leurs portes. Les plus curieux passent la tête aux fenêtres pour suivre le chahut au dehors. On apprend vers midi que deux personnes ont été arrêtées par la gendarmerie et y sont détenus.
C’est l’indignation. Le peloton va à la gendarmerie et demande la libération des intéressés. Après moult tractations, c’est chose faite.

La police bat en retraite

A la mairie, les manifestants s’en prennent aux bâtiments. Les jets de pierres fusent de part et d’autre obligeant la police à sortir de sa réserve. Elle disperse à coup de gaz lacrymogène la foule. Peine perdue, car les gaz ne semblaient pas avoir d’effet. Les manifestants sont déchaînés, ils obligent les forces de l’ordre à battre en retraite. Ils s’en prennent au parking. En un laps de temps, le long hangar est réduit en décombre. Certains emportent les planches et les feuilles de tôle chez eux. Avec ce butin singulier, un tas de feu est immédiatement allumé à l’intersection des voies mitoyennes à l’hôtel de ville. Vers midi, la police revient à la charge et repousse les manifestants. Ils se dispersent.
Avec la généralisation des casses, la ville est méconnaissable. La circulation est bloquée par des pneus enflammés. La fumée se dégage et brouille la vue. Les soldats du feu essaient de contenir en vain le feu.
Tout commerçant qui malgré la manif, tentait de vendre quoi que ce soit devenait immédiatement un ennemi à combattre. Ainsi une femme qui vendait de la nourriture au bord de la route devant le service de l’ordonnancement est prise à partie. L’essence est mis dans ses plats qui contenaient de la nourriture. Un revendeur d’essence est lui aussi pris dans le filet. Il est contraint de donner une bonne partie de son jus. Cet essence sert à enflammer les bois et les pneus sur le bitume. Le show s’empire ; il continue de plus belle.

Quid des raisons de ces émeutes ?

Le représentant des commerçants, Ali Ouédraogo dit Horloger que nous avions rejoint à domicile dans la matinée à 9h 30 nous a fait savoir que les protestations sont pacifiques. « Je me suis réveillé ce matin et j’entends des rumeurs qui courent de gauche à droite comme quoi il n’y a pas de marché. Hier soir l’EPCD m’avait contacté pour savoir davantage la nouvelle qui dit qu’il n’y aura pas de marché aujourd’hui. Je leur ai dit d’attendre demain pour voir ce qui va se passer. Avec le syndicat national, j’ai reçu un coup de fil concernant les négociations avec le gouvernement. Pour eux la revendication concerne la baisse des taxes douanières entre autres et les conditions de délivrance d’obtention de visas des marchandises. J’ai appelé Ouaga, Bobo et Djibo et il se trouve que là aussi les marchés ne sont pas ouverts. S’il y a protestation, c’est seulement la fermeture des boutiques et du marché. Les commerçants ne vont pas s’adonner à une casse » a expliqué Ali Ouédraogo.
Au vu de ce qui se passait au même moment en ville, soit le représentant des commerçants était en déphasage avec ses troupes ou il ne disait pas tout.
Issaka Ouédraogo, vendeur de friperie aux abords du grand marché, ne semble pas partager l’opinion de ‘’Horloger’’ : « Les jeunes sont manipulés. Il y a de grands types derrière tout ça. Nous même nous ne les connaissons pas. Il semble que le premier ministre a forcé des grossistes à payer leurs arriérés de taxes. Pour combler le manque à gagner, ces gens ont augmenté systématiquement les prix. Ce sont ces gens-là qui ont orchestré ces mouvements ».
Le plus curieux est que personne parmi les commerçants n’a accepté se montrer sous la casquette d’un leader. Qui orchestre les choses ? Mystère et boule de gomme. Les actes sont là, posés, quelques part cauchemardesque.

Le calme revient le soir

Dans la soirée, les forces de l’ordre finissent par avoir pignon sur rue. En effet, la nouvelle charge des flics a eu de l’effet. Du moins, elle a permis de dégager les rues et contraindre les manifestants à rentrer chez eux. Le calme revient de plus en plus. A la mairie, le bourgmestre convoque une rencontre avec certains de ses collaborateurs. Là-bàs, nous rencontrons Ali Ouédraogo dit ‘’Horloger’’. Il nous confie qu’il regrette le désordre qui s’est produit en ville ce matin. Pour lui, rien de tout cela n’était convenu. Il reconnaît que ses ouailles n’ont pas suivi la voie normale. « En fait, les manifestants ne sont pas tous des commerçants. Des individus mal intentionnés se sont infiltrés dans la masse. Ce sont eux, qui sont responsables des actes de vandalisme. Les commerçants devaient fermer leurs magasins et rentrer chez eux. C’est tout » rectifie-t-il.
Le soir, tout rentre dans l’ordre. On procède au déblayage des décombres. Les boutiques restent fermées toute la nuit. Partout en ville, point de maquis animés comme à l’accoutumée. Seuls le « Caïman Bar » et « L’Auberge » assurent le service minimum. Au matin du jeudi 21 février 2008, nous nous rendons à la mairie. La psychose existe toujours en ville. La peur et la crainte envahissent les populations qui avaient repris une vie normale. Partout, les cliquetis des portes et fenêtres des magasins se font entendre. On barricade tout. C’est la débandade. Les portes de la mairie se referment aussitôt. Le personnel se regroupe derrière le grand bâtiment. Les émeutes de la veille demeurent les sujets de conversation des agents de la mairie. La secrétaire du Maire nous informe que le patron est en réunion chez le Gouverneur. Nous demandons alors à voir le premier adjoint. La secrétaire nous conduit vers le parking intérieur. L’adjoint en question criait à un groupe du personnel : « Armez-vous de gourdins. Si quelqu’un vient vous lapider, ne le laissez pas ». A peine avons-nous dit bonjour que le deuxième maire nous lance cette mixture à la figure : « quel journal ? wallez au gouvernorat. Vous verrez tous le monde là-bas…..vous aurez toutes les informations ».
Dans la soirée du jeudi, une rencontre se serait tenue au gouvernorat. Elle a regroupé les autorités et les responsables d’une radio locale de la place. Les autorités accuseraient la radio « La voix du paysan » d’avoir mis de l’huile sur le feu à travers sa revue de presse en mooré en lisant un communiqué des jeunes patriotes révolutionnaires.


Le chaos n’est pas si loin …

mercredi 27 février 2008, par Bendré

Le mercredi 20 février 2008, la lutte contre la vie chère a transformé les villes de Bobo et de Ouahigouya en un véritable far west urbain. Ces deux villes ont été le théâtre de violentes manifestations qui se sont soldées par des casses et des pillages. Des dégâts énormes ont été enregistrés à Bobo comme à Ouahigouya.
Ces vagues de violence ont contraint le gouvernement à dépêcher une délégation gouvernementale à Bobo Dioulasso le 21 février dernier.
Cette délégation a rencontré les opérateurs économiques de cette ville en vue d’apaiser la situation. D’aucuns imputent l’inflation constatée sur les produits de première nécessité aux différentes mesures contraignantes que certaines régies de recette viennent d’adopter. L’on sait que la direction générale des douanes applique depuis un certains temps les termes de la circulaire N°2007-124/MEF/SG/DGD du 21 novembre 2007 dont le contenu indique qu’ « Il est porté à la connaissance de tous les importateurs que les marchandises importées au Burkina Faso, qui n’auront pas été inspectées au départ, feront l’objet d’inspection à destination, qu’elle qu’en soit la valeur FOB de ces marchandises. (free on board) Cependant restent en vigueur les exemples prévus par le décret N°92-332/PRES/PM/MFP/MICM du 19 novembre1992 portant programme de vérification des importations ».

Les services des impôts quant à eux seraient aussi en train de prôner la rigueur et la transparence dans les recouvrements des taxes et autres recettes de l’Etat conformément -dit-on- aux desideratas du premier ministre Tertius Zongo.
L’actuel chef du gouvernement n’a-t-il pas à coup de discours et de déclarations affiché ses intentions d’assainir le milieu des affaires ? Si tout cela s’avérait, il faudra saluer le mérite de cette nouvelle orientation politico-économique qui permettra d’opérer une meilleure mobilisation des ressources au profit du budget de l’Etat.
Toutefois, il faut tout de même noter que cette tentative de redressement s’apparente à l’apparition d’un médecin après la mort.
En effet, si aujourd’hui ces mesures qui caractérisent moins une hausse quelconque des taxes qu’une recherche de la rigueur et de la transparence suscitent le courroux des commerçants au point de provoquer un tel tollé, c’est que ces derniers avaient été habitués à des pratiques malsaines qui portaient préjudice à la concurrence et au budget de l’Etat. Des commerçants véreux faisaient des affaires sur le dos de l’Etat avec la complicité de certains agents véreux et corrompus. Prenant des libertés avec les textes sur les importations, des opérateurs économiques avaient réussi à dresser un couloir de fraudes et d’exonération illégales.
Ce sont ces groupes de mafieux qui, parce qu’ils tiennent les rênes de l’économie nationale, dictent leurs lois au marché intérieur du pays.
Tout se passait bien pour eux et ils avaient fini par s’en habiter et à y prendre plaisir.
Les nouvelles orientations que l’Etat -sous l’influence des institutions internationales et des bailleurs de fonds mais aussi les problèmes économiques que traverse le pays – est en train d’imprimer à ce secteur de l’économie sont perçues donc comme une guerre ouverte engagée contre leurs intérêts. Et c’est ce qui explique en partie cette inflation et ses corollaires.
La transparence, la bonne gouvernance on le sait, sont des valeurs qui doivent constituer le socle des affaires publiques et partant de la nation. Cependant le constat amer est que depuis une vingtaine d’années, ces principes de gestion ont fait place à des maux tels l’affairisme, la corruption, la gabegie, le népotisme, le favoritisme et l’impunité. Ce qui a rendu le pays et ses hommes méconnaissables tout le temps où l’intégrité du Burkina était vantée ici et ailleurs sont révolus
. Depuis, une classe bourgeoise de nouveaux riches a émergé.
Tandis que d’autres Burkinabé pour la plupart sont gagnés par la paupérisation accélérée.
Dans ce contexte où certains jouissent de privilèges pharaoniques au détriment d’autres qui ne cherchent à survivre, où une lueur d’alternance n’est pas encore perceptible, le climat social est à fleur de peau et la moindre étincelle pourrait charrier son lot de ruines et de désolation.
Les gouvernants doivent sortir de leur palais et améliorer le quotidien de leurs citoyens. Autrement, le chaos n’est pas loin.

Par bendré

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