de Hamady TAMBA

Selon M. Zeidan, des primes allant jusqu’à 1.500 dinars (1.200 dollars) vont être accordées aux soldats et aux thowars (les ex-rebelles ayant combattu le régime de Mouammar Kadhafi en 2011) qui acceptent de travailler dans cette région désertique au climat difficile.

Il y a trente ans exactement, le 4 août 1983, un politicien anti-impérialiste et chantre du panafricanisme accédait au pouvoir dans son pays qui s’appelait alors la Haute-Volta. Thomas Sankara, le bien nommé, ne sera resté au devant de la scène que quatre ans avant d’être lâchement assassiné le 15 octobre 1987 par Blaise Compaoré, encore au pouvoir.

Trente ans après, certains s’interrogent encore sur l’héritage de la Révolution dont il a été l’instigateur. Même si cela ne se voit pas comme on le souhaite, il est immense, cet héritage ! Emanciper la population de l’influence de l’ancienne puissance coloniale française dans tous les domaines ! Telle était la quintessence de la Révolution lancée le 4 août 1983 par le Capitaine Thomas Isidore Sankara. Une révolution qui avait réussi à métamorphoser la société burkinabè et à redonner confiance et espoir à la jeunesse panafricaine. En quatre ans de règne, Thomas Sankara et son gouvernement avaient initié et lancé de nombreuses réformes, dans le secteur de l’éducation, de l’économie ou encore du statut des femmes, notamment. Et cela, afin de changer profondément la Haute Volta rebaptisée Burkina Faso, c’est-à-dire Pays des Hommes Intègres en moré. Un changement programmé d’abord dans la mentalité pour qu’il puisse réellement atteindre son but.

Malheureusement, cette révolution a brusquement pris fin le 15 octobre 1987, suite à un coup d’Etat qui a porté au pouvoir Blaise Compaoré, n°2 de la révolution. Thomas Sankara est assassiné durant ce coup d’Etat par des éléments de celui qui était considéré dans sa famille comme son frère. Qu’est-ce qui est resté de cette période glorieuse dans la gouvernance en Afrique ? «Il y avait la lutte contre la corruption et contre la désertification. Il y a eu aussi des réformes dans le domaine des logements à caractère social. Un des piliers du combat de Thomas Sankara sur le plan économique était la décolonisation de l’économie», se rappelle Faustin Komsimbo, administrateur financier dans une entreprise à Ouagadougou cité par la presse nationale. Le 4 août 1983, lorsque le Capitaine Thomas Sankara lance la révolution démocratique et populaire au Burkina Faso, Faustin était encore un jeune lycéen. Le changement des mentalités et la lutte contre la corruption étaient deux axes majeurs de la Révolution Sankariste. Et pour traduire dans la réalité cet engagement révolutionnaire contre l’enrichissement illicite, des tribunaux populaires de la révolution ont été institués pour juger les agents indélicats. Et les procès retransmis à la radio.

La révolution noyée par la bourgeoisie politico-affairiste ?

Aujourd’hui, si la grande majorité des Burkinabé se contentent de vivre en fonction de leurs maigres moyens, l’arrivée de Blaise Compaoré a favorisé l’émergence de bourgeoisie qui s’est accaparée du pouvoir et des richesses du pays. Est-ce à dire que la révolution a échoué ? Pas forcément car l’un des buts étaient aussi de démontrer aux peuples africains que nous sommes capables de prendre notre destin en main, donc que nous n’avons pas forcément besoin des relations paternalistes avec l’Occident pour nous affirmer dans le «monde civilisé» ! C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’assassinat de Thom Sank, car certaines puissances occidentales et leurs fidèles serviteurs africains craignaient de perdre leur influence néocolonialiste en Afrique. «L’esprit de liberté, de la dignité, de compter sur ses propres forces, d’indépendance et de lutte anti-impérialiste… doit souffler du nord au sud, du sud au nord et franchir allègrement les frontières. D’autant plus que les peuples africains pâtissent des mêmes misères, nourrissent les mêmes sentiments, rêvent des mêmes lendemains meilleurs», avait déclaré Sankara dans l’un de ses nombreux discours qui restent encore des modèles d’engagement politiques et panafricanistes. Et de nos jours, le peuple burkinabé commence à prendre conscience qu’il faut rapidement revenir aux valeurs prônées par la cette révolution. Il ne cesse de démontrer son ras-le-bol d’une dictature militaro-bourgeoise déguisée en démocratie sans alternance. Cela fait 26 ans que Blaise règne en maître absolu sur un pays pourtant culturellement décomplexé grâce à la révolution d’août 1983. Mais, pour combien de temps encore ?

Visiblement, pas pour longtemps, car les mouvements de révolte s’amplifient ces dernières années. À commencer par la jeunesse estudiantine qui refuse le diktat d’un régime qui se soucie peu de son avenir en lui refusant les conditions idoines d’études. Ainsi, depuis le 1er août dernier, les étudiants vivant dans les cités universitaires de Ouagadougou ont été chassés manu militari de leurs cités. Mais, les étudiants avaient manifesté leur mécontentement en saisissant des véhicules de l’Etat, pour demander un délai avant de quitter les cités. Comment un régime qui se soucie de sa jeunesse peut-il cautionner que des étudiants soient mis dans la rue en plein saison de pluie ? Heureusement que pour pallier à l’irresponsabilité d’un régime répressif, une chaîne de solidarité s’est mise en place pour aider les étudiants chassés des cités universitaires. C’est ainsi qu’une grande majorité des déguerpis par la force ont pu intégrer des familles d’accueil. D’autres sont regroupés dans des résidences que des personnes de bonne volonté ont bien voulu leur offrir. Et l’opposition politique, de plus en plus courageuse, avait exigé «la libération des étudiants détenus, la restitution des objets confisqués et l’ouverture d’une concertation avec les responsables des étudiants pour résoudre pacifiquement leurs problèmes qui sont bien réels».

Ces événements sont survenus quelques jours seulement après la marche-meeting- du 28 juillet 2013 contre le Sénat au Burkina Faso. Une réforme politique que seul le parti au pouvoir (CDP) voit l’utilité. Il y a déjà un mois, une première marche-meeting- avait été organisée par les partis politiques affiliés au chef de file de l’opposition pour dire «non à la mise en place du Sénat au Burkina Faso». Et pour la seconde fois, ils étaient plusieurs dizaines de milliers de personnes à battre le macadam sur appel de l’opposition politique. «Non au Sénat», «Non à la modification de l’article 37», «N’envoyez pas notre pays à l’abattoir», «A bas le sénat et les futurs sénateurs» ! Tels étaient, entre autres, les slogans criés et affichés sur les pancartes au cours de cette seconde marche de protestation. Cette protestation découle visiblement d’une importante prise de conscience. «Il faut que l’on comprenne que personne d’autre à part nous ne viendra mener la lutte à notre place», a déclaré l’un des responsables de cette action politique d’envergure. «Face aux urgences du moment, la mise en place de cette institution est inopportune. C’est en vue de dénoncer cela que nous sommes là ce matin avec nos balais pour balayer le mal qui ronge ce pays…», s’était défendu Cheick Ouédraogo, mécanicien de son état, cité par des confrères du Faso. Quant à Mouniratou, étudiante en DEA citée par les mêmes sources, elle était venue dire non à la modification de l’article 37 car elle «souhaite le changement…» ! Rupture avec la gouvernance actuelle et retour aux valeurs fondamentales de la révolution des «Hommes intègres». D’où la diffusion de messages révolutionnaires qui ont tenu la foule en haleine avant le début de la marche. «Comme le 29 juin dernier, vous êtes encore sortis très nombreux pour dire une fois de plus non au Sénat, non à la révision de l’article 37 et non à la politique du gouvernement! Contrairement aux gens du CDP, personne ne vous a donné des billets de 2 000 FCFA pour vous amener ici…», a laissé entendre Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF).

C’est dire que, comme le souhaitait le très regretté Thomas Sankara, les Burkinabé sont en train de prendre conscience qu’ils sont maîtres du destin de leur pays. Ne serait-ce que pour cela, la Révolution Sankariste a touché l’un de ses objectifs fondamentaux : l’éveil de la conscience du peuple !

Hamady TAMBA

Source : http://maliactu.net/gouvernance-en-afrique-que-reste-t-il-de-la-revolution-sankariste/

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