Par Angèle Bassolé, Ph.D.

«Je voudrais simplement dire que nous devons accepter de vivre africain. C’est la seule façon de vivre libre et de vivre digne.» Thomas Sankara

Je l’aimerai toujours.

Et je tiendrai ma promesse faite à lui le 16 octobre 1987 au cimetière de Dagnoin dès la première heure où j’ai appris son odieux assassinat. Je lui avais promis, à mon président, que même si je ne faisais rien pour honorer sa mémoire et perpétuer son rêve, que Dieu me garde de collaborer avec ses assassins à quelque niveau que ce soit.

Encore aujourd’hui, lorsqu’on me demande qui est mon président, je réponds qu’il est mort.

-Mais il y a un autre président, non ?
-Oui, mais je ne le connais pas.

Mon héros, mon président reste et demeurera le PF, le vrai, le seul, l’unique Président du Faso, le Capitaine Thomas-Isidore-Noël Sankara.

J’aurai toujours en mémoire cette scène d’une Suisse Allemande me sautant au cou et m’embrassant au salon du livre de Montréal (parce que je tenais un livre sur lui dont elle voyait la photo en couverture) :
-Lui, c’est mon président ! C’est mon président !

Je suis tellement surprise que cela me prend un peu de temps pour réaliser qu’elle parlait de Sankara. Je dis :
-Moi aussi.

Et c’est parti pour une longue remémoration de souvenirs.

Sankara n’appartient plus qu’au seul Burkina Faso, il appartient à toute l’Afrique, au monde entier. Il est international.

Je comprends alors maintenant, 26 ans après ce cri du cœur de ce sage hindou réagissant à sa mort sur des ondes internationales le 15 octobre 1987 :
-Un homme comme le président Sankara naît une fois tous les trois siècles.

Cette déclaration n’a jamais quitté mon esprit. Tous les trois siècles ?

Donc, il faudra attendre encore trois cents ans pour qu’apparaisse à nouveau un homme providentiel comme lui ?

Quel gâchis pour le Faso, le monde et l’Afrique !

Connaissez-vous beaucoup de présidents qui parlent sans notes ? Qui citent Novalis par cœur ? Moi-même qui ai étudié en Lettres, je ne peux pas vous citer Novalis.

Ceux qui l’ont tué, qui ont permis qu’il soit tué en le livrant comme Judas a livré Jésus n’ont pas réfléchi aux conséquences de leur félonie ; ils n’ont pensé ni au Burkina, ni à son devenir, ni à l’Afrique et à son développement ni au monde car le président Thomas Sankara faisait partie du Patrimoine mondial. Il était en avance sur tout : le non-paiement de la dette, la préservation de l’environnement , les droits des femmes, le droit à la justice sociale, le droit à la propriété, le droit de posséder son chez-soi. Tous ceux au Faso, même pauvres qui sont maintenant propriétaires de leurs maisons le doivent au président Thomas Sankara qui a permis que chacun ait son lopin de terre.

Sinon, c’était chose impossible quand ‘’on ne palpait pas les feuilles’’ et nous sommes en train de revenir à cette situation où il faut être extrêmement riche pour avoir un chez-soi avec la surenchère et le trafic indécent actuels des parcelles.
Le président Sankara n’était pas parfait. Nul ne l’est d’ailleurs mais ce n’était pas un monstre non plus. Les monstres montrent bien à présent leur face hideuse qu’ils cachaient sous le masque de la fausse amitié. A moins d’être intellectuellement malhonnêtes, on ne peut guère lui attribuer tous les torts du régime de la Révolution. Faut-il le rappeler, à tous ceux qui lui font porter le chapeau de toutes les dérives, qu’ils étaient quatre ? Que la suite des événements de cette histoire sanglante a révélé qui tuait et donnait l’ordre de tuer ? «Si tu fais, on te fais-là», ce n’est pas sous Sankara qu’on a commencé à entendre ça.

Ce que le président Sankara a fait de bon et de beau pour le Burkina Faso, l’Afrique et le monde dépasse ce qu’il a fait de mal et dépassera toujours tout ce dont on l’accusera faussement d’ailleurs. Savez-vous qu’il y a toujours des gens qui lui en veulent pour ses mesures sur le Faso-Dan Fani, pour le haricot vert et que sais-je encore ? On en voit maintenant se pavanant dans cette tenue dans toutes les cérémonies au Faso et à l’extérieur. J’ai juste envie de la leur ôter.

«Qui ne bâtit pas avec nous détruit» a dit Jésus. Les destructeurs de la Révolution n’étaient pas en dehors d’elle mais bien en son sein. On a vu tous les retournements de veste après le 15 octobre 1987 et on est encore en train d’assister aux mêmes retournements de vestes car le vent tourne et les ‘’retourneurs’’ de veste ne le savent que trop bien. J’entends à présent des militants fieffés du ‘’touk-gilli’’ dirent qu’ils sont contre le Sénat. Je reçois, à ma grande surprise des réactions de fonctionnaires nationaux et internationaux, de diplomates s’insurgeant contre le Sénat et la soi-disant émergence du Faso.

Je n’ai plus eu d’estime pour certaines personnes ayant travaillé avec et pour le président Thomas Sankara et qui se sont allègrement mis au service de ses assassins. J’ai du mal à croire en la bonne foi de ceux qui ont servi le régime de la soi-disant rectification et qui aujourd’hui, comme ayant eu une illumination, découvrent soudain qu’ils servaient le diable et veulent maintenant le combattre.
Peut-être sont-ils sincères, mais, moi, je reste sceptique car le coup, un certain Hermann nous l’a déjà fait avec la CFD en 1991. Chat échaudé…

Je me tiens loin de tout ce qui chante politique dorénavant.

Mais de celui qui a eu le courage de parler au nom de tous les sans-voix, je dirai toujours du bien et ne me parlez pas d’objectivité ou de manque d’’objectivité. Je n’ai pas envie d’en avoir le concernant. J’aurai toujours pour lui un très grand et profond respect, une continuelle admiration.

Angèle Bassolé, Ph.D.
Écrivaine et Éditrice, Ottawa, Ontario. Angelebassole@gmail.com

Je parle au nom des artistes – poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, acteurs – hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations du show-business.

Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge, pour ne pas subir les dures lois du chômage.

Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage moderne.

Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité, mais aussi, et surtout des espérances de nos luttes.

C’est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d’une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir comme chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim. ..

Président Thomas Sankara, Addis-Abeba, 29 juillet 1987.

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