La nouvelle est tombée le 19 juin 2017, une mauvaise nouvelle. « Aucun profil génétique n’a été identifié pour ses marqueurs», a rendu compte Me Bénéwendé Sankara après une rencontre avec le juge d’instruction, l’un des avocats de la famille du disparu qui a avancé: « on n’a pas pu identifier l’ADN » .
Par Bruno Jaffré (Publié le 19 juillet 2017 sur https://blogs.mediapart.fr/bruno-jaffre/blog)
Déjà en 2002, la question de la reconnaissance du lieu de sépulture
En 1997, le Comité international justice pour Sankara (CIJS), souhaitant éviter les délais de prescription, entame une procédure judiciaire devant toutes les instances juridiques du Burkina Faso avant d’être débouté pour ne pas avoir déposé au greffe 5000 FCFA (7,5€).
Devant les blocages constatés, le Collectif Juridique International Justice Pour Sankara, un collectif d’avocats emmenés par le CIJS décide le 15 octobre 2002 de déposer une plainte, au nom de la famille Sankara, auprès Comité des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (voir http://thomassankara.net/communication-presentee-au-comite-des-droits-de-lhomme-du-haut-commissariat-des-nations-unies-aux-droits-de-lhomme-en-vertu-du-protocole-facultatif-se-rapportant-au-pacte-international-relatif-aux/) pour violation du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.
Dans une communication de 2003, (voir http://thomassankara.net/commentaires-sur-les-observations/), les avocats, répondant à un document du gouvernement Burkinabè en réponse à la plainte, émettent un doute sur le lieu où serait enterré Thomas Sankara : « Elles (NDLR les autorités du Burkina Faso) n’ont pas permis à la famille de Monsieur Sankara de connaître les circonstances de la mort de la victime, ni le lieu précis où sa dépouille a officiellement été enterrée. » .
Le 5 avril 2006, le comité des droits de l’homme de l’ONU reconnaît la recevabilité de la plainte et demande à l’Etat burkinabé :
– d’élucider l’assassinat de Thomas Sankara
– de fournir à la famille les moyens d’une justice impartiale
– de rectifier son certificat de décès
– de prouver le lieu de son enterrement
– de compenser la famille pour le traumatisme subi
– d’éviter que pareille tragédie ne se reproduise
– et de divulguer publiquement la décision du comité.
Le régime dispose de 90 jours pour s’exécuter. Le texte officiel précise « 1’Etat partie est tenu d’assurer un recours utile et effectif à Mme Sankara et ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas Sankara, » (voir http://thomassankara.net/le-comite-des-droits-de-lhomme-de-lonu-donne-raison-a-la-famille-sankara-sur-la-plupart-des-points-de-sa-plainte-contre-letat-burkinabe-5-avril-2006/).Le CIJS crie alors victoire. Mais il devra malheureusement rapidement déchanter.
En effet en le 21 avril 2008 le comité des droits de l’homme de l’ONU, s’estime satisfait des réponses de l’État burkinabè, par un retournement de position pour le moins suspect. L’identification des corps n’a pas eu lieu ni aucune enquête ouverte. Seul le certificat de décès a été rectifié, la mention « mort de mort naturel » ayant été tout simplement barré. La famille s’est vue proposé une indemnisation qu’elle a refusée, exigeant d’abord la vérité et la justice. La somme proposée s’élevait à 65000€, mais certains experts évoquaient la somme de 650000€ ! La famille n’aurait plus à se plaindre ! Mais pourquoi ce zéro en plus, d’où vient-il ? Manipulation ? Nouvelle suspicion !
Nous avions écrit déjà à l’époque : « On ne peut non plus isoler ce retournement de position, nous le considérons en tout cas comme tel, des questions de diplomatie internationale. Le Burkina est désormais considéré comme le faiseur de paix de la région, puisqu’il s’est impliqué dans la pacification de la Côte d’Ivoire comme dans les négociations entre le clan Eyadema et l’opposition au Togo. Par ailleurs, le Burkina est devenu membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU en janvier 2008, et il participe activement aux opérations de maintien de la paix. On ne peut que relever que le communiqué du Haut-Commissariat des droits de l’Homme de l’ONU, relatif à l’affaire Sankara a été publié la veille de la visite de deux jours de Ban Ki-Moon secrétaire général de l’ONU et de son épouse au Burkina » et nous rappelions ensuite l’implication du Burkina Faso dans les guerres de la région notamment au Libéria, en Sierre Leone, n Angola et en Côte d’Ivoire (voir http://thomassankara.net/avril-2008-affaire-sankara-retournement-a-lonu-apres-avoir-donne-raison-a-la-famille-le-haut-commissariat-des-droits-de-lhomme-lonu-se-dit-desormais-satisfait-du-gouvernement-burkinabe/ ). Un faiseur de paix pour le moins suspect mais soutenu par les grandes puissances occidentales!
Une plainte pour séquestration
L’avocat Dieudonné Nkounkou (il s’est depuis détaché de l’affaire) a déposé le 30 septembre 2002, une plainte contre X avec constitution de partie civile pour séquestration sur la personne de Thomas Sankara. « Depuis le 15 octobre 1987, alors qu’il était présent à Ouagadougou, où il exerçait ses fonctions de Chef de l’Etat du Burkina Faso, Thomas Sankara n’a plus réapparu (…) » mentionne la plainte.
En fait toutes les juridictions ayant été saisies, Juge d’instruction, Chambre d’accusation et Cour suprême, mais toutes les procédures se heurtaient à des blocages. Il s’agissait pour maître Nkounkou de contourner les difficultés en relançant une nouvelle procédure pour séquestration puisque le corps de Thomas Sankara n’avait pas été officiellement reconnu. Une logique toute juridique comme l’a alors expliqué un autre avocat maitre Prosper Farama : « Je pense que même du point de vue d’une logique pure et pragmatique, nous ne doutons pas que Thomas Sankara soit mort. Mais ici, nous parlons d’une logique juridique. Vous vous souvenez que nous avons fait une procédure qui est pendante devant les juridictions pour demander à ce que soient authentifiés les restes du président Sankara. Mais on n’a rien obtenu. » (voir http://thomassankara.net/affaire-sankara-plainte-pour-sequestration-la-famille-deboutee-lavocat-me-prosper-farama-reagit/). Il s’agit donc en réalité pour les avocats de contourner ces blocages en vue de lancer une enquête en partant d’un autre point de vue : Où est Thomas Sankara ?
En 2003, la cour d’appel avait alors jugé de l’impossibilité pour la famille Sankara d’invoquer la séquestration. Le 28 juin 2012, la cour de Cassation confirmait cette impossibilité.
Les demandes d’identification par l’ADN
C’est à la suite de la déclaration du comité de droits de l’homme de l’ONU de 2006 qui demande à l’État burkinabè de reconnaître le lieu de la sépulture que les avocats vont lancer une nouvelle procédure pour obtenir l’identification des corps enterrés à Dagnoen. Le 14 octobre 2009, Me Prosper Farama, dépose une requête au nom de Mariam Sankara et de ses enfants auprès du président du tribunal de grande instance de Ouagadougou. Elle demande une assignation en référé afin de procéder à l’exhumation de la tombe et d’effectuer des tests ADN sur la dépouille. Cette demande sera comme toutes les autres rejetées, sous prétexte que tous les ans les soutiens de Thomas Sankara se réunissent autour de la tombe. L’avocat précise même que des prélèvements ont été effectués sur les enfants de Thomas Sankara, Philippe et Auguste (voir http://thomassankara.net/affaire-thomas-sankara-retour-sur-une-odyssee-judiciaire//).
Cette requête en assignation est réitérée en octobre 2010 par les avocats de la famille Sankara. Le 9 février 2011, ils saisissent l’État pour qu’il procède à l’identification de la « tombe désignée de Thomas SANKARA érigée par le gouvernement du Burkina Faso ». (voir http://thomassankara.net/suivie-de-la-requete-en-assignation-des-avocats-de-la-famille-sankara/). L’État ayant rejeté la demande de la famille, les avocats rédigent leur réponse en mars 2011. Cette fois de l’État ne répond pas. Aussi le juge du Tribunal de grande instance prononce une ordonnance aux fins d’injonction faite à l’État du Burkina Faso de déposer son mémoire le 16 Octobre 2013. Mais après deux renvois le Tribunal se déclare finalement incompétent le 30 avril 2014. Les avocats promettent alors de faire appel.
Une véritable saga judiciaire !
L’histoire rattrape puis dépasser le temps judiciaire.
Seule l’extraordinaire insurrection populaire qui chassa Blaise Compaoré du pouvoir fera débloquera la situation.
Déjà en 2011, plusieurs mois de révolte, touchant même l’armée, avaient montré la fragilité du pouvoir. D’importantes manifestations pacifiques se succèdent à partir de juin 2013, à l’initiative des partis d’opposition, pour refuser la modification de la constitution qui permettrait à Blaise Compaoré de se représenter aux élections présidentielles de 2015. Sa volonté de faire voter cette réforme constitutionnelle devant l’Assemblée nationale déclenche l’insurrection dans laquelle la société civile prend une place prépondérante. En deux jours, Blaise Compaoré, contraint à la fuite, est exfiltré vers la Côte d’Ivoire par l’armée française.
Le nouveau pouvoir exprime rapidement sa volonté d’ouvrir une enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara et promet de procéder à l’identification du corps de Thomas Sankara et des personnes enterrées avec lui.
A la sortie d’une audience auprès du Président de la transition, le 24 mars 2015, Bénéwendé Sankara déclare en effet : « Nous avons eu la confirmation de ce que le dossier Thomas Sankara est désormais entre les mains d’un cabinet d’instruction au sein du tribunal militaire ». L’enquête va rapidement avancer.
Pourquoi une juridiction militaire ? En fait, à part la demande d’identification des corps qui paraissait bloquée, toutes les juridictions civiles s’étaient déclarées incompétentes pour ordonner une enquête sur l’assassinat, renvoyant le dossier à des juridictions militaires. Il suffisait que le ministère de la défense le demande, ce qu’il se gardera de faire, durant les dernières années du régime de Blaise Compaoré.
Nous ne cachons pas avoir longtemps émis des doutes sur la possibilité d’une réelle avancée de l’enquête dans le contexte politique d’alors. D’abord parce que le RSP (Régiment de sécurité présidentielle) continuait à vouloir imposer sa loi. Ainsi, une tentative de coup d’État, éclate en septembre 2015! Mais après une importante mobilisation populaire, le reste de l’armée décide de se regrouper pour faire échec à ce coup d’État. La dissolution du RSP, qui paraissait difficile à obtenir, fut alors rapidement prononcée. (voir https://blogs.mediapart.fr/bruno-jaffre/blog/260915/comment-ce-magnifique-peuple-du-burkina-mis-en-echec-le-coup-d-etat-1-0)
Le doute persistait sur avancée réelle de l’enquête persistait après les élections. Le parti vainqueur, le MPP (mouvement du Peuple pour le progrès), s’était créé moins d’un an avant l’insurrection par des anciens dirigeants du CDP, le parti de Blaise Compaoré. Une reconversion pour le moins suspecte après 27 ans de bons et loyaux services, excepté Salif Diallo, longtemps homme des basses œuvres de Blaise Compaoré, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale, dont la brouille avec le CDP datait de quelques années.
Deux expertises ADN sans succès
En réalité, le juge François semble s’être honnêtement et sérieusement mis au travail. Et les premiers résultats sont là.
L’exhumation commence le 25 mai 2015, en présence de deux médecins légistes burkinabè et d’un français mais aussi du juge. Il prend les choses en main et convoque les familles pour qu’elles soient présentes.
Les résultats des tests ADN sont rendus publics en décembre 2015. Aucune identification n’a été possible du fait d’ADN très dégradée.
Nous étions de ceux qui demandaient une contre-expertise, du fait que ces tests avaient été confiés à un laboratoire de la police judiciaire française (voir https://blogs.mediapart.fr/bruno-jaffre/blog/281215/affaire-sankara-un-pas-en-avant-deux-pas-en-arriere).
Infatigable et tenace, la famille Sankara, a souhaité une contre-expertise que le juge a finalement acceptée. C’est au laboratoire de l’Institut des sciences judiciaires Luis Concheiro à Saint-Jacques-de-Compostelle qu’elle est confiée. Après avoir demandé par deux fois le report de la livraison des résultats, ce laboratoire a fini par confirmer l’impossibilité d’identifier les corps. « L’expert dit qu’il n’a pas été observé un profil génétique… A savoir que le résultat était négatif. C’est sans équivoque. Aussi bien pour les restes du président Thomas Sankara, que pour les restes des autres 11 autres victimes. Tous les prélèvements qu’on a envoyés ont donné le même résultat » a déclaré maitre Bénéwendé Sankara après la rencontre avec le juge en juin 2017 (voir http://lefaso.net/spip.php?article77930).
Que sait-on de ce laboratoire ? Selon un article d’El Pais, le grand quotidien espagnol : « Antonio Lozano, écrivain, auteur de l’affaire Sankara et membre du comité espagnol Sankara, explique que l’Institut Luis Concheiro est un spécialiste dans l’étude de l’ADN très dégradé. Il a été sollicité pour travailler à identifier les victimes de la guerre civile espagnole et ne devrait avoir aucun problème pour identifier les corps des jeunes hommes qui sont morts il y a moins de trois décennies. Il appartient à l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle et a été fondée par une référence sur le sujet, chercheur en génétique Ángel Carracedo. Son directeur actuel est María Victoria Lareu, connu dans les médias pour leur travail sur des cas comme Eva Blanco. » (voir https://elpais.com/elpais/2016/11/23/africa_no_es_un_pais/1479858594_291277.html). Si Antonio Lozano semble avoir fait preuve d’un excès d’optimisme, il nous a fait part depuis de sa grande déception, il n’en reste pas moins que le travail de ce laboratoire ne semble devoir être mis en doute.
D’autres identifications ont eu lieu
Faut-il pour autant affirmer que « le corps de Sankara a été retiré », qu’il est ailleurs, « qu’il faut le rendre à son peuple », ce à quoi se sont laissé aller de nombreux organes de presse titrant sur le « mystère » du corps de Sankara, alimentant tous les fantasmes que nous nous permettons d’éviter de propager .
D’autres identifications judiciaires ont eu lieu dans le cadre de l’enquête. Ainsi, à l’issue d’une rencontre avec le juge d’instruction du Tribunal militaire le 13 octobre 2015 à Ouagadougou, Maitre Bénéwendé Sankara avait déclaré : « plusieurs éléments des rapports balistiques et d’autopsie, portant sur des ossements, des morceaux de tenue et autres impacts concourent à prouver que les restes de corps exhumés au cimetière de Dagnoën appartiennent au capitaine Thomas Sankara ». Et pour Me Ambroise Farama, un autre avocat de la famille, des témoignages de avec les résultats des rapports. « Certains parents de victimes qui étaient présents le jour de l’exhumation ont pu reconnaître les vêtements que leurs proches avaient portés le jour de l’assassinat, c’est-à-dire le 15 octobre 1987. Pour le cas Thomas Sankara, la famille a confié que ce jour, il était vêtu d’un survêtement rouge, et les morceaux de tenue retrouvés dans sa supposée tombe renvoyaient effectivement à cette réalité » (voir
http://www.sidwaya.bf/m-8256-identification-du-corps-de-thomas-sankara-la-tombe-de-dagnoen-confirmee-par-les-resultats-partiels-.html). Et dans l’interview toute récente citée ci-dessus il a aussi déclaré : « A l’ouverture des tombes, il y a des crânes qui avaient des touffes de cheveux, des habits que certains ont reconnus, et il y a même des pièces d’identités, là c’est clair. »
La défense a obtenu une ordonnance de mise en liberté provisoire au bénéfice du général Gilbert Diendéré dans l’affaire Sankara
C’est ce que vient d’annoncer l’avocat de Gilbert Diendéré, Maitre Barterlé Mathieu Somé, dans une interview au quotidien le l8 juillet 2017 ( voir http://www.lobservateur.bf/index.php/politique/item/6585-le-general-diendere-et-l-affaire-thomas-sankara-une-liberte-provisoire-en-prison). La décision émane de la chambre de contrôle du tribunal militaire.
Parmi les quatre arguments qu’avance l’avocat qui ont servi à obtenir cette décision, il évoque l’absence d’identification par l’ADN : « En quatrième position, quand vous regardez les dernières évolutions, dans le dossier Sankara, le premier test ADN qui a été fait en France dit recherche infructueuse. On a estimé qu’en France, il y a des secrets d’État qu’il faut lever et finalement on est allé en Espagne. Le rapport espagnol a confirmé point par point le premier rapport. Et ce même rapport ajoute qu’il y en a certains dont on ne peut même pas reconnaître le sexe, dire si ce sont des femmes ou des hommes alors qu’on nous dit que ce sont des hommes qui ont été tués le 15 octobre 1987. De nos jours, juridiquement parlant, on ne peut pas dire qu’il y a eu assassinat. On ne peut pas non plus dire qu’il y a eu recel de corps puisqu’il n’y a même pas assassinat. Cependant, on nous poursuit pour assassinat et recel de corps, même l’avocat de la famille, Me Bénéwendé Sankara, dans L’Observateur Paagla du 21 juin 2017, a dit concernant le rapport : «il y a un doute par rapport à l’identification par la voie d’ADN. » Il confirme les craintes dont nous avions fait état, lors de la publication des résultats en provenance du laboratoire de le police judiciaire de Marseille. en cas de non identification des corps par l’ADN.
Rien d’étonnant la défense est dans son rôle mais ne va-t-il pas un peu trop loin en allant jusqu’à nier qu’il y ait eu assassinat? Gilbert Diendéré est bien le supérieur hiérarchique du commando qui est venu exécuter Thomas Sankara. Il n’y a guère de doute là-dessus. C’est de notoriété publique et confirmé dans de nombreux témoignages ou articles de la presse. D’ailleurs il n’a jamais nié.
Le numéro 135 du bimensuel Courrier Confidentiel du 10 juillet 2017 (voir à https://www.courrierconfidentiel.net/index.php/paiement-securise/187-cc-n-135-du-10-juillet-2017/1616-assassinat-de-thomas-sankara-le-vehicule-est-parti-du-domicile-de-blaise-compaore) dévoilent de nouveaux éléments : « Nous avons rencontré plusieurs témoins de cette affaire. Et les faits semblent concordants : le 15 octobre, peu avant l’assassinat de Sankara et douze de ses camarades, Gilbert Diendéré était dans son bureau, à l’étage, au sein du conseil de l’entente. Un premier tir, dont l’objectif était de distraire les gardes favorables à Sankara, a été déclenché près de l’immeuble où il se trouvait . Selon plusieurs témoins, ce tir avait également pour but d’attirer les attentions , afin de permettre au véhicule transportant le commando (chargé d’exécuter Sankara ) de pénétré facilement dans l’enceinte du conseil de l’entente. GILBERT DIENDÉRÉ, qui portait alors le grade, a-t-il piloté les opérations à partir de son bureau ? ». Ces témoins, s’ils ont accepté de se confier à un journaliste, ont très probablement livré le même témoignage au juge d’instruction.
Dans un long témoignage publié dans Sankara, Compaoré et la Révolution burkinabé, De Ludo Martens (1989 Edition EPO), page 61 , il déclarait « .. Notre réaction a été qu’il fallait arrêter Sankara, avant que l’irréparable ne se produise… Nous savions que Sankara avait une réunion au Conseil à seize heures et nous avons décidé d’aller l’arrêter là-bas… Nous avons encerclé les voitures. Sankara était en tenue de sport ». M. Somé devrait faire preuve d’un peu plus de décence !
Pour autant la décision de la chambre de contrôle du tribunal militaire soulève de nouvelles inquiétudes. La décision est-elle le fait de certains militaires qui trouveraient que le juge d’instruction feraient trop de zèle dans sa recherche de la vérité? Car la peuple du Burkina, déjà méfiant de sa justice mérite plus de respect. Un tel personnage, véritable numéro 2 du régime, au pedigree des plus noirs vu sa longue proximité auprès de Blaise Compaoré, longtemps chef du RSP (régiment de sécurité présidentiel), est dangereux et risquerait de s’enfuir. C’est d’ailleurs ce qu’ fait le chef du commando, Hyacinthe Kafando, jusqu’ici introuvable.
Au mieux, nous ne pouvons qu’espérer qu’elle ait été prise du fait de la longueur de l’instruction pour ne pas subir le
s reproches des associations des droits de l’homme. Et parce qu’elle ne sera pas exécutée du fait que Diendéré est détenu pour plusieurs autres affaires dont en particulier sa participation au coup d’État de septembre 2015.
L’enquête est-elle remise en cause ?
Nous l’avons dit ici plus haut. D’autres identifications ont été faites lors de l’instruction que Maitre Somé fait mine d’ignorer.
Il reste que ces résultats négatifs des tests ADN contribuent à alimenter le doute. Rien n’a filtré jusqu’ici, ou trop peu sur le rapport d’expertise. On peut espérer que les scientifiques expliqueront les travaux effectués, pour tenter d’identifier les corps, nous l’espérons, expliquant en terme compréhensible pourquoi les résultats sont négatifs.
Car il faut rassurer, les familles, le peuple burkinabè, les militants engagés dans la recherche de la justice. Une communication pédagogique irait dans le bon sens pour lever les doutes si c’était possible.
On peut voir les choses autrement. Un défi est lancé à la communauté scientifique. C’est-à-dire espérer qu’un laboratoire, à la pointe de la recherche internationale dans le domaine des ADN détériorés, se porte volontaire pour le relever et proposer de tenter une nouvelle identification.
Certains évoquent des témoignages affirmant qu’on est venu la nuit déterrer les corps, mais sans qu’ils soient publiés ni les fameux témoins identifiés.
Mais ce sont surtout les familles de victime, que cela concerne et qui vont le plus en souffrir. Elles qui ont attendu si longtemps. Elles restent dans le doute sur le fait que ces restes seraient ceux de leurs proches. Elles se sont réunies en présence de Maitre Bénéwendé Sankara et ont décidé de ne pas récupérer les corps, et donc de ne pas procéder aux inhumations.
Car pour le reste, cela ne peut en rien entamer la procédure judiciaire en cours. Sankara a bien été assassiné.
Plusieurs témoins, parfaitement identifiés, ont déclaré l’avoir enterré à l’endroit où les exhumations ont été réalisées. 14 personnes sont inculpées, les noms publiés, dont les membres présumés du commando qui ont été longuement interrogés. L’assassinat de Thomas Sankara n’est sans doute plus un mystère pour le juge qui mené son enquête, il a interrogé près de cent personnes, pour ce qui est du déroulement des évènements au sein des locaux dits « du Conseil de l’Entente » où Thomas Sankara a été assassiné.
Mais cette difficulté ne doit pas nous détourner de l’essentiel des questions posées aujourd’hui dans l’état actuel de l’affaire.
- Le nouveau gouvernement français doit répondre à la demande de la justice burkinabé. (voir http://thomassankara.net/affaire-sankara-gouvernement-hollande-na-tenu-promesses/). Le juge burkinabè s’est adressé aux autorités françaises. Il a lancé une commission rogatoire et demandé la levée du secret défense. Car c’est désormais en France que le dossier est bloqué ce qui empêche la progression de l’enquête.
- Le gouvernement burkinabè doit faire preuve d’une véritable volonté politique pour obtenir l’extradition de Blaise Compaoré, plutôt que de se retrancher derrière des manœuvres diplomatiques.
Bruno Jaffré