INSOUMISSIONS POPULAIRES ET REVOLUTION AU BURKINA FASO
Richard Bagénas
1993, 156 pages, Institut d’Etudes politiques de Bordeaux, Université Paris 1.
Ouvrage publié par le CEAN, Centre d’Etude d’Afrique Noire
Contact Edition : CEAN, Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux Domaine Universitaire BP 01 33405 Talence Cedex France
tel 05 56 84 42 82 Fax 05 56 37 45 37
Total dans ses modalités, total dans son projet de révolution des structures et des identités, le régime Sankara a pourtant éprouvé du mal à concrétiser ses visées. L’objectif était de taille : renverser les rapports d’hégémonie et constituer de nouvelles identités par une mise sous tutelle de la société et par l’imposition de nouvelles représentations. Mais l’indocilité concrète et symbolique des Burkinabés a sapé en partie les projets du régime et a freiné ses velléités totalitaires. Cette étude précise les logiques du "haut" et du "bas", identifie ces résistances multiformes souvent ambiguës, évalue la portée politique et permet ainsi de mieux comprendre la chute de Sankara.
Richard Banégas est né le 5 mai 1968 à Sète
Etudes à l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux
1991-1992 : 3 ème cycle de Science Politique à la Fondations Nationale des Sciences Politiques de Paris. "Insoumissions populaires et révolution au Burkina Faso" est le mémoire de fin de cycle de l’IEP de Bordeaux , 1991 sous la direction de René Otayek.
Table des matières
Introduction
Première partie : révolution et résistances populaires , difficile remodelage des structures sociales
Magie performative du discours
La révolution du verbe au principe de la RDP
L’insubordination symbolique face à la révolution du verbe
Humour et dérision : relativisation de la domination Magie performative du discours
Ironie et dérision : invalidation de l’ordre révolutionnaire
Chapitre 2 : Renverser les rapports d’hégémonie
L’idéologie révolutionnaire
Rôles sociopolitiques de l’idéologie révolutionnaire
Résistances et contestations
Contestation par le haut
Résistance par le bas
Relations et représentations traditionnelles
La RDP : un renversement des schémas traditionnels d’autorité
Révolution et émancipation féminine
Le discours féministe de Sankara : renverser la "doxa" t
Politique de la femme et résistances
Chapitre 4 : Révolutionner les représentations de l’espace
Le redécoupage territorial
La réforme agro-foncière : portée politique et résistances
La politique urbaine du CNR : les virtualités totalitaires du projet révolutionnaire
Une politique de remodelage de l’espace urbain
Significations et implications de la politique urbaine
Une difficile mise ne pratique : effets pervers et résistances
Réorientations politiques
Changement de discours
Morale révolutionnaire et sankarisme
Les traits dominants du code moral révolutionnaire
Les fondements du sankarisme
L’état théologien : un messianisme révolutionnaire
Etat moral et vérité
Le rapport au sacré
Mise en scène de l’ordre révolutionnaire
Messes et communions révolutionnaires
Mises en scène de la morale révolutionnaire
Chapitre 2 : L’insubordination symbolique
La révolution intimiste
Le sport au centre de la RDP : la part de l’escapade
Insubordination symbolique dans la religiosité
Religiosité chrétienne face çà l’idéologie de la faute
Montée de l’islam et dissidence symbolique
Conclusion et notes
Nos commentaires
Cet ouvrage est le mémoire de fin de cycle de l’Institut d’Etude Politique de Bordeaux. Il s’agit donc d’un exercice universitaire aire dans lequel l’étudiant doit montrer des capacités d’analyse et de synthèse tout en resituant son travail dans la continuité d’une réflexion globale de la recherche universitaire en s’appuyant sur des citations puisées dans des ouvrages de référence. Ce n’est bien sur par cet exercice que nous allons commenter. Gageons seulement que s’il a fait l’objet d’une publication c’est que l’exercice situé dans ce cadre est probablement jugé excellent par ses examinateurs qui sont mieux qualifiés que nous pour en juger.
Situer ses réflexions dans un cadre plus théorique permet un éclairage nouveau et intéressant.
Le grand apport de ce travail consiste à tenter d’analyser en détail, y compris et peut-être un peu trop exclusivement de façon symbolique, en quoi consiste cette révolution et de montrer pourquoi et comment se sont constituées les résistances. Comme l’annonce l’auteur dans l’introduction il s’agit : « montrer d’une part comment l’Etat-CNR « s’y prend » pour tenter d’imposer ses représentations, sa vérité, son sens commun, et construire un nouvel ordre ; et voir d’autre part comment, face à ces velléités hégémoniques, les Burkinabè ont pu et su s’aménager des sphères d’autonomie, inventer des formes de résistance, des pratiques d’insubordination, de subversion ou de réinvestissement qui sont autant de modes d’énonciation politique ».
Toute la première partie s’attache à analyser « la révolution du verbe » via l’étude du langage « populaire et imagé » voir « populiste » qui se développe pendant la révolution mais aussi la résistance passive qui s’est faite jour par la dérision. Cette dérision est cependant bien replacée à sa juste valeur en comparaison de celle des syndicats qui ont subi la répression du CNR et eu à subir une tentative de marginalisation par les CDR.
Il décrypte aussi le DOP (Discours d’orientation Politique » qui constitue la référence écrite théorique et qui énonce ce que l’auteur appelle « le renversement des rapports d’hégémonie » pour en extraire les ruptures ou tentatives de rupture qui constituaient les orientations majeures de la révolution, notamment la lutte pour la libération de la femme, la remise en cause du pouvoir des ainés, ce que l’auteur appelle « le renversement de la relation cadets-ainés », et enfin la redistribution des espaces par la réforme agro-foncière qui se traduit par la délimitation de l’espace rural et le remodelage de l’espace urbain ce qui traduit par la remise en cause du pouvoir des chefs de terre et de le chefferie toute entière.
Dans la dernière partie, l’auteur se penche sur ce qu’il appelle l’aspect théologien, « le messianisme révolutionnaire » et l’importance de la morale. Sans doute un des aspects les plus importants dans toute analyse théorique mis à part le bilan et l’analyse des rapports de force. Ces deux aspects tiennent beaucoup à la personnalité de Sankara, influencé par son éducation religieuse, mais connaissant aussi semble-t-il parfaitement la religion musulmane, homme pressé » s’il en est qui voulant tout faire très vite, extrêmement vigilant sur la morale de ses collaborateurs qu’il n’hésitait pas à tancer pour leurs écarts. Ceci est d’importance car cette attitude a tout autant généré des critiques parmi ses ennemis politiques qu’ils ont contribués à sa popularité car c’est de là que provient son ascétisme, son désintéressement personnel et sa lutte sans merci contre la corruption autant d’aspects du personnage pour lesquels il est si populaire.
La construction du livre qui décrypte l’ensemble des aspects symboliques fondamentaux de la Révolution et les résistances permet une analyse inédite assez pertinente de la révolution. On regrettera peut-être son aspect son parti pris théorique, mais n’étais-ce pas là l’objectif de cet exercice?
Il faut cependant reconnaître à l’auteur d’avoir mis l’accent sur des aspects fondamentaux de la révolution ce qui nous permet ainsi de compléter les autres ouvrages, assez peu ou faiblement théoriques.
BJ