L’Institut des Peuples Noirs (IPN), Une idée originale de Sankara
L’une des actions les plus novatrices de Thomas Sankara fut sans conteste la création de l’Institut des Peuples Noirs (IPN). Il lui semblait normal de mettre en œuvre quelque chose qui magnifia la contribution spécifique des Noirs à l’humanité. Il regrettait que ceux-ci fussent les seuls dans le monde qui ne savaient pas par eux-mêmes leur parcours exact depuis les origines. Il disait alors ne pas savoir quelle forme prendrait une telle structure, mais qu’elle était indispensable. Pendant que la structure nationale nommée ” Comité Technique de Réflexion (CTR) ” travaillait, le président Thomas Sankara prit contact avec l’UNESCO, afin de bénéficier de toute l’expertise requise, afin que la structure envisagée pût avoir toutes les garanties de succès. L’UNESCO, sous le patronage de Mathar Mbow, délégua un spécialiste béninois du nom de Basile Kossou pour assister le Burkina. Celui-ci entrepris une tournée africaine qui lui fit toucher tous les pays où des instituts, organisations ou structures similaires existaient de manière à éviter les doublons qui seraient une perte de temps pour les peuples noirs et un manque à gagner en terme de collaboration avantageuse. C’est Basile Kossou qui proposa la tenue d’un symposium international qui était d’après lui, le seul à pouvoir envisager tous les contours d’une si vaste entreprise que serait l’Institut des Peuples Noirs. Au symposium envisagé, Sankara fit inviter des hommes de culture venant d’Afrique et de la diaspora noire. Il invita de même des non Noirs, des spécialistes des questions noires. Le symposium s’ouvrit le 21 avril 1986. Il réunit une cinquantaine de personnalités de haut niveau. Il dura une semaine. A l’ouverture du symposium, Sankara prononça une allocution de haute teneur fédérative pour les peuples noirs, en posant d’emblée les questions de fond : ” Quand il nous est venu à l’idée la création d’un cadre de rencontre de tous les peuples noirs de cette planète, nous ne nous sommes pas mépris une minute de la hardiesse de la tâche. Mais nous avions aussi à cœur et à l’esprit comme leitmotiv le slogan de nos plus jeunes militants : ” Oser lutter, savoir vaincre “. Alors nous avions vu que nous pouvions arracher des montagnes pour qu’enfin, tous les peuples noirs du monde puissent enfin se connaître dans un cadre, un lieu où se ressourcer.
Il était à notre sens devenu impérieux pour que devant l’histoire, les peuples noirs, l’Afrique et ce qu’on appelle la diaspora noire répondent tous ensemble à cette question – et c’est à mon avis cette question-là qui fonde l’IPN et sa mission – : qu’est-ce que les peuples noirs ont fait, peuvent et doivent encore faire, pour assumer leur propre histoire et contribuer par cela à la civilisation de l’universelle ? “. L’Institut des Peuples Noirs qui se trouve présentement dans une phase avancée d’un coma profond a incontestablement fait couler beaucoup de salives, mais aussi suscité beaucoup d’espoir d’un monde noir qui devrait renaître. Les oppositions qui ont débuté en Afrique noire, même contre l’organisation, ont cédé à un certain moment le pas à celles du reste du monde, notamment celle venant du monde arabe. Présentement, il semble que les oppositions de l’intérieur du Faso achèveront probablement la mise à mort de la belle initiative. Mis sous le boisseau depuis en effet une dizaine d’années, cette organisation est abandonnée par les autorités du Burkina Faso. Il faut croire que le plus haut niveau de l’Etat souhaite discrètement la disparition de l’initiative fameuse du président Thomas Sankara. La question est de savoir pourquoi une telle hostilité pour une si brillante et une si généreuse entreprise, en faveur du monde entier ?
Bétéo D. Nébié
Source : L’Evènement N°125 spécial Thomas Sankara du 10 octobre 2007 www.evenement-bf