Nous publions ci-dessous une contribution de Patrizia Donadello, responsable de la partie en langue italienne, membre du réseau internationale “Justice pour Sankara Justice pour l’Afrique”, et animatrice du comité Sankara en Italie.

Elle interpelle ici Pouria Amirshahi suite à une déclaration qu’il a faite à médiapart (voir ci-dessous). Il a tenu ensuite à préciser sa position sur la page facebook de Patrizia Donadello, mais aussi en écrivant au site thomassankara.net. Vous trouverez en bas de l’article, un extrait de ces déclaration à médiapart et le texte qu’il a tenu à écrire pour préciser sa position.

La rédaction

 


M. Pouria Amirshahi, votez pour l’ouverture d’une enquête parlementaire sur l’assassinat de Thomas Sankara

Un crime sans aucun précèdent a été commis au Burkina Faso le 15 octobre 1987 qui n’a pas permis à la famille du jeune Président Sankara de voir son corps et de faire son deuil. Quel crime avait-il commis pour mourir, enterré avec ses collaborateurs comme des chiens ?

Voilà des années que nous avons soutenu le collectif juridique du la CIJS qui, depuis plus de 15 ans, intente des actions juridiques aux côtés de la famille Sankara.

De nombreux témoignages et d’études désignent les services secrets français comme impliqués dans l’assassinat de Thomas Sankara.

Le Président Sankara a été assassiné pendant qu’il cherchait à rectifier les exactions commises par des membres des CDR comme vous l’avez évoqué dans votre courrier. Mais nous vous rappelons que Blaise Compaoré était ministre de la justice.

Les éléments préalables que vous nous demandez sont dans les archives en France, c’est à vous de nous aider ouvrir ces archives. Du reste en 2009, à quelques jours de l’anniversaire de la chute du mur de Berlin, la France a anticipé l’ouverture de ses archives diplomatiques de 1989 concernant cet événement clé de l’histoire, grâce à une dérogation ministérielle rendue possible par la loi du 15 juillet 2008. Il faut que la France aille plus loin, à partir du 1980, pour rendre ce matériel accessible aux chercheurs.

La justice belge justement va ouvrir une enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre congolais Patrice Lumumba. La France, la Patrie des Droits de l’Homme, a le devoir aussi de se questionner si réellement elle a joué rôle et lequel dans l’assassinat du Président Sankara, ce que permettrait une enquête parlementaire. Et ce sont les députés de l’opposition burkinabè, que vous allez peut-être rencontrer le mi-avril au Burkina Faso, qui l’ont déjà demandé à vos collègues français en 2011 (voir au lien http://thomassankara.net). Il ne s’agit pas ici de s’ingérer dans les affaires intérieures burkinabé mais bien dans les affaires françaises.

Je vous fais suivre le lien à la lettre de Mariam Sankara, veuve du Président, adressée au Président Hollande, qui n’a pas eu réponse http://thomassankara.net et celui du dossier déposé pour la deuxième fois aux députés de l’Assemblée Nationale de France http://www.thomassankara.net.

Je vous fais suivre aussi le lien au documentaire du journaliste d’enquête italien Silvestro Montanaro projeté le 18 janvier 2013 sur la chaîne publique italienne RAI3 qui a choqué l’opinion des milliers de personnes http://www.rai.tv.

Le Président Sankara est devenu une référence dans le monde. La famille Sankara, ses enfants, 12.500 signatures, des milliers en provenance aussi de l’Italie, d’organisations importantes, des personnages politiques, du spectacle, se lèvent contre l’impunité et l’assassinat de ce jeune Président qui œuvrait pour le bien-être de son peuple et qui pourtant a été effacé de l’Histoire.

On veut justice Mr. Amirshahi. Aux côtés des vos électeurs, on a confiance que vous saurez maintenir la parole donnée de rompre d’un passé trop lourd à porter, la vieille Françafrique qui a fait tant de mal au peuple africain.

Je vous remercie.

Patrizia Donadello

Comité italien SANKARA – “Réseau international. Justice pour Thomas Sankara “. http://thomassankara.net


L’extrait de l’article de médiapart (voir http://www.mediapart.fr) .

Interrogé sur l’opportunité de la mise en place d’une commission d’enquête sur la mort de Thomas Sankara, Pouria Amirshahi, député socialiste et secrétaire de la commission des affaires étrangères, précise que « l’implication des parlementaires dans les affaires étrangères est une nécessité démocratique. Toutefois, la création d’une commission d’enquête parlementaire implique l’existence préalable d’éléments probants car il s’agit de l’engagement d’une institution républicaine qui ne se fait pas à la légère ». Les socialistes semblent donc conditionner leur soutien à la démonstration préalable de l’implication française dans l’assassinat de Thomas Sankara. Selon eux, la mise en place d’une commission d’enquête non fondée sur des éléments de preuve impliquant la France pourrait même poser problème. « Si aucun élément à ce stade ne prouve la participation de la France, pourquoi et au nom de quoi enquêterait-elle au Burkina Faso ? Il ne faut pas donner l’impression que la France vient s’immiscer dans les affaires du Burkina Faso. »

Cette prudence politique se double d’un sens certain de la nuance. « Thomas Sankara est un personnage à double face, qui a incarné l’émancipation et l’indépendance véritable, mais qui a aussi été tenté par la violence », précise Pouria Amirshahi. Quant à Blaise Compaoré, dont les agissements à la tête du Burkina Faso sont dénoncés par l’opposition burkinabé et l’association Survie, « il ne faut pas être binaire, il a aussi été stabilisateur dans la région », déclare Pouria Amirshahi. Plus d’un quart de siècle après la mort, la légende de Thomas Sankara est donc bien toujours celle du combat pour l’intégrité.


La précision de Pouria Amirshahi

Suite à un article publié sur Mediapart à propos de l’éventuelle création d’une commission d’enquête parlementaire consacrée à l’assassinat de Thomas Sankara, je tenais à clarifier ma position. Mes propos tels que repris dans l’article sont exacts et je ne les conteste pas. Cependant, la manière dont cet entretien oral a été rapporté ne permet pas de saisir l’ensemble de mon argumentaire. Je vous propose de le reprendre succinctement ici.

Les mérites de Thomas Sankara lors de son passage à la tête de l’État burkinabé sont connus : alphabétisation, vaccination, autosuffisance alimentaire, etc. Lorsque j’évoque une tentation pour la violence, je ne parle pas de lutte politique qui, quelquefois, peut y avoir recours face à des dictatures ou à l’oppression. Je me référais simplement aux groupes se réclamant de Sankara et qui, selon certains témoignages, se comportaient parfois comme des milices ou des bandes vivant du racket des populations civiles.

Concernant plus précisément la commission d’enquête parlementaire, je ne suis pas opposé à son principe, d’autant plus que les circonstances de l’assassinat de Thomas Sankara sont loin d’être élucidées. Je désire simplement que soient portés à notre connaissance des éléments préalables avant de prendre la décision, lourde, de nous ingérer dans les affaires burkinabè.

Enfin, je veux profiter de ce message pour réaffirmer mon soutien aux exigences légitimes de la société civile et de l’opposition démocratique burkinabè, jusque-là trop peu entendues.

Pouria Amirshahi, Député des Français de l’étranger (Maghreb/Afrique de l’Ouest)

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