Cela fait exactement 27 ans qu’à la tête de jeunes officiers, Thomas Sankara, débarqué de son poste de Premier ministre quatre mois plus tôt, a proclamé la Révolution démocratique et populaire (RDP). Que reste-t-il de cette révolution burkinabè qui a fini de manger trois de ses quatre coordonnateurs ? Que sont devenus tous ces révolutionnaires qui, points levés, juraient: «La patrie ou la mort, nous vaincrons !» et «Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple» ? Où sont-ils, ceux qui criaient «A bas la bourgeoisie compradore ?» N’est-ce pas la plupart d’entre eux qui sont les gouvernants d’aujourd’hui ? Entre-temps, ils ont décidé de cohabiter avec des réactionnaires d’hier et ont fini par habiter les châteaux huppés de Ouaga 2000. Que reste-t-il de l’œuvre de Thomas Sankara ? Est-ce cette kyrielle de partis se réclamant de son idéal et qui empestent souvent le landerneau politique ? Le Burkina Faso peut-il continuer à ignorer cette étape de son histoire où la revendication et l’affirmation de son indépendance politique et économique était une réalité incontestable ? Qu’aurait été le Burkina Faso s’il n’avait pas connu la RDP ?
«Thomas Sankara était mon fils, mon 3e enfant. Il y a eu deux filles avant lui. J’en étais particulièrement fier parce que tout le monde l’aimait et le félicitait pour ce qu’il était et faisait. Même dans l’armée, il était bien aimé. Mais ce qui lui est arrivé, je le mets sur le compte de la volonté du bon Dieu. C’est pour cette raison que je dis que même ceux qui l’ont tué ne sont pas coupables. (…) Blaise ne vient plus ici…Blaise ne vient plus ici. Avant, rien ne me manquait; Blaise me donnait tout. Il me disait: ‘Ce n’est pas la peine de demander à Thomas, demande moi !’ Et puis, voilà… cela me fait mal puisque je ne vois plus mon fils Blaise qui venait tout le temps me rendre visite. Je n’ai pas mon fils Thomas, je n’ai pas mon fils Blaise… J’ai perdu tous les deux. Euh ? J’ai perdu les deux… Blaise ne pouvait pas rester deux jours sans passer me voir. Avec cette histoire-là (Ndlr : l’assassinat de Thomas Sankara), je n’ai plus mon fils Thomas. Je l’ai perdu… Cela me fait mal… cela me fait mal… très mal… Ils étaient inséparables… Ils mangeaient tous les deux ici… Je n’ai plus aucun rapport avec Blaise…» Le 15 octobre 1987, «j’étais derrière la maison en train de chercher de l’herbe pour les moutons. Puis, soudain, j’ai entendu des coups de feu… Les gens criaient de partout. Quand je suis arrivé, il y avait beaucoup de monde devant ma porte. C’était vers 16 heures. J’ai demandé : «mais qu’est-ce qui se passe ?» Ma femme roulait par terre, en larmes… On venait de tuer Thomas… On venait de tuer Thomas (…) »
Ainsi feu le patriarche Joseph Sankara, père du capitaine Thomas Isidore Noël Sankara retraçait la fin de la Révolution démocratique et populaire (RDP). Le vieil homme est décédé le 4 août 2006, le jour du 19e anniversaire du jour de gloire de son fils. Il a accordé cette interview à Sud Quotidien du Sénégal le 4 novembre 2004. Elle a été publiée le 30 novembre de la même année. Il répondait à la question de savoir qui était Thomas Sankara pour lui. Joseph venait donc de perdre son fils Président (Thomas). Et son autre fils (Blaise) s’installa dans le fauteuil présidentiel. Joseph Sankara est mort 19 ans plus tard, après avoir eu le temps de voir ce qui était advenu du rêve de son fils, noyé dans son sang. Il emporte avec lui le pardon qu’il avait voulu accorder.
Comme au cinéma où les méchants finissent généralement mal, liquidés par les justes, les vainqueurs du 15-Octobre, qui ne sont que les mêmes qui, 4 ans plus tôt, voyaient en Thomas, le fils de Joseph Sankara, l’homme par qui se construisait le bonheur du Burkina, l’ont subitement transformé en renégat, traître de la révolution et l’ont mis hors d’état de nuire, assassiné, enterré sans que ni son père, ni son épouse, ni aucun autre membre de la famille n’ait jamais vu son corps dans un cimetière devenu, depuis quelques années, un gigantesque dépotoir comme pour montrer la volonté de ses assassins de le jeter dans la poubelle de l’histoire et, avec lui, la Révolution démocratique et populaire.
Thomas Sankara n’aura passé que quatre années à la tête de l’Etat. Cette fin tragique de la RDP, le 15 octobre 1987, marquait à la fois la fin d’un rêve pour beaucoup de jeunes burkinabè et africains, voire du monde, et d’un cauchemar pour certains Burkinabè. Mais aussi coûteuse fut-elle, la Révolution restera à jamais gravée dans la mémoire collective des Africains en général et des Burkinabè en particulier. Point n’est besoin d’épiloguer sur ce qu’elle a apporté de bien ou de mauvais. Elle fait partie de l’histoire politique du Burkina Faso. Tôt ou tard, il faudra l’assumer.
Passer tout le temps à la peindre en noire et à diaboliser le Président du Conseil national de la révolution (CNR) relève d’un infantilisme aberrant et d’une inculture politique. Toutes les grandes nations de ce monde, en fonction de leurs contextes particuliers, des trajectoires sociohistoriques, ont connu leurs révolutions. L’essentiel est surtout de pouvoir assumer pleinement son histoire, savoir en tirer tous les enseignements, reconnaître les ratés, la répression, les privations et les spoliations dont ont pu être victimes des citoyens de ce pays, mais aussi et surtout les apports des quatre années de révolution à la construction de la nation.
La RDP restera incontestablement l’une des pages glorieuses de l’histoire du Burkina Faso. Le nom du pays, l’hymne national, le drapeau restent aujourd’hui encore la marque déposée de la RDP. A cela s’ajoutent les grands chantiers de l’époque, comme les cités construites à travers le territoire national, sans compter le prestige et la dignité que la Révolution et son leader ont redonnés au Burkina Faso et à l’Afrique.
Quatre ans seulement, c’est la durée de la RDP. Mais en quatre ans, le Burkina Faso a montré au monde entier que, si petit soit-il, il pouvait enfanter de ses entrailles de dignes fils capables de porter un combat qui dépasse ses frontières, que si enclavé et si pauvre en ressources naturelles soit-il, il pouvait entreprendre des réformes structurelles à même de soutenir une productivité interne lui permettant de tendre vers la souveraineté alimentaire. En quatre ans, le Burkina s’est fait connaître au monde.
La Révolution, ce n’était pas seulement Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo et Boukary Lingani. Ce quatuor n’en était que le coordonnateur. La Révolution, c’étaient tous ces Burkinabè (jeunes, femmes et vieux) qui y avaient cru et qui, d’une manière ou d’une autre, ont apporté leur contribution à la construction de la maison commune. Sankara en était le leader. Il s’est donné du mieux qu’il pouvait. Sankara n’était certainement pas un ange, un saint. Il était un homme, avec ses défauts et ses qualités. Et qu’on l’aime ou pas, il faut reconnaître qu’il pouvait beaucoup, qu’il était déterminé, qu’il aimait son pays au point de donner sa vie. Peut-être qu’il en a fait trop. Mais cela n’enlève rien à son patriotisme, sa clairvoyance, son engagement visionnaire et ses idées, son idéal.
Si des milliers, voire des millions de Burkinabè et d’Africains se réclament de cet idéal que l’on a voulu effacer de la mémoire collective depuis 23 ans, ce n’est certainement pas parce qu’ils sont tous partisans de la violence politique, de la violation des droits humains. C’est peut-être la revanche de Sankara ! Les morts ne sont pas morts, disait le poète. Sankara lui-même disait «Tuez Sankara aujourd’hui, il renaîtra mille demain». Il se sous-estimait. Il n’y aura jamais deux Sankara: il était unique, toujours imité mais jamais égalé. Beaucoup essaieront de se rapprocher de ce qu’il a été. Mais ils auront du mal à atteindre son sens du sacrifice pour la cause commune.
50 ans d’indépendance, 4 ans de révolution
Ironie du sort ou simple coïncidence ? Le principal opposant à Blaise Compaoré, en tout cas officiellement, Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition, se réclame héritier de la révolution «sankariste». Ce mouvement «sankariste» pourrait même devenir plus fort, si ses animateurs apprennent à dépassionner et à dépersonnaliser le combat politique.
Thomas Sankara, c’était une capacité de réflexion prospective, de recherche d’alternatives à la misère économique et morale qui détruisait progressivement les fondements de la nation, un don de soi. Le «Sankarisme» devrait donc être une philosophie de vie, un style de gouvernement des hommes, une conception du bien commun, une démarche et une stratégie de mobilisation des volontés et des capacités dans toutes les couches socioprofessionnelles pour créer les fondations d’un Burkina de justice sociale.
Comme nous le relevions dans Le Reporter N°32 du 15 au 31 octobre 2009, «il faut sortir du fétichisme idéologique et du dogmatisme et travailler à l’avènement de nouveaux modes de gouvernance fondés sur les principes de responsabilité, de solidarité, d’engagement et d’attachement à la justice, d’équité et dune paix durable, de conscience citoyenne. C’est la voie unique de salut. Les Burkinabè doivent réapprendre à rêver et à se battre pour la réalisation de leur rêve. Si Sankara continue à faire des émules à travers le monde, c’est surtout parce qu’il avait réussi à faire rêver toute une génération d’Africains. Béni soit le jour où le Burkina Faso secrétera de nouveau des hommes de sa trempe pour que renaisse ce rêve. Toutes les grandes nations d’aujourd’hui sont nées du rêve d’hommes et de femmes qui croyaient à l’émergence de peuples forts, conscients et engagés dans l’édification de sociétés capables de tenir tête aux autres et de se faire une place dans l’évolution du monde».
En cette année du cinquantenaire de l’indépendance dont le thème est «50 ans de construction d’une nation, souvenir et espérance», les gouvernants d’aujourd’hui et l’ensemble du peuple burkinabè doivent commencer à se convaincre que dans l’histoire de leur pays au cours des 50 ans passés, il y a eu 4 ans de Révolution qui a eu ses errements mais aussi de nobles ambitions. Les nostalgiques de cette révolution doivent aussi accepter que la Révolution est loin derrière nous et que ses réalisations reste le patrimoine du Burkina Faso. Thomas Sankara s’est peut-être trompé, mais il aimait son pays. La Révolution a peut-être été le pire cauchemar de certains, mais elle a été le rêve d’autres, peut-être plus nombreux. Les Burkinabè doivent aussi se rendre à l’évidence que le Front populaire n’a pas été moins traumatisant pour d’autres. Tous les régimes qui se sont succédé dans ce pays depuis le 5 août 1960 au Burkina ont eu aussi leurs errements, certains plus graves que d’autres. Mais c’est l’histoire du Burkina Faso. Il faut l’assumer. C’est le seul moyen de tourner la page en prenant soin de souligner les lignes écrites en lettre d’or.
Que reste-t-il de la Révolution ? Un rêve brisé ? Un héritage lourd et douloureux ? Pour le commun des Burkinabè, ce qui en reste, ce sont «les milliardaires, les voitures de luxe avec Ouaga 2000 qui ne cesse de briller et la Cité de l’impunité. Edifiant n’est-ce pas ?». Dans tous les cas, l’histoire se chargera de nous en dire davantage et de nous en donner tous les enseignements nécessaires et distribuera les bons points à ceux qui ont fait le choix du bon côté de la construction de la nation et les mauvais à ceux qui ont choisi de construire un pouvoir personnel à la limite monarchique avec une patrimonialisation de l’Etat, des châteaux et des cités de l’impunité, les crimes économiques et de sang, le viol des consciences, les mensonges, les flagorneries et la gestion clanique du bien public au détriment de la construction de l’édifice commun.
La réalité est là, aujourd’hui, triste et interpellatrice de toute conscience humaine: l’opulence de l’élite politico-économique contraste avec le Burkina de la misère en quête du strict minimum vital (se nourrir). L’investissement d’aujourd’hui, producteur de richesses pour tous demain, relève d’une fable et met à nu l’inconséquence des politiques publiques. L’échec du système de gouvernance post révolution a posé les bases d’une faillite progressive de l’Etat. Quand et qui sortira le Burkina de ce cercle vicieux de cette culture institutionnelle aventuriste sans repère éthique ni valeurs morales et faite de projets personnels et personnalisés, de dérives et de scandales politico-économiques ?
En attendant, la raison des vainqueurs reste toujours la meilleure. Mais les morts ne sont pas pour autant les perdants. Les fins misérables et pitoyables de Mobutu, Abacha, Conté, Tandja et autres sont des exemples illustratifs de ce que le mensonge ne peut prospérer indéfiniment. La vérité prend toujours sa revanche et sa victoire est toujours sans appel. «Aux yeux des insensés, le juste a paru mourir». Mais les justes ne meurent jamais. Ils hantent les esprits et la vie toute entière des insensés.
Par Boureima OUEDRAOGO
Source : Le reporter N° 51 du 1 au 15 aout 2010 http://www.reporterbf.net/
Révolution du 4 août 1983 : Que reste-t-il de l’héritage de Thom Sank ?
slt a tous les Jeunes Revolutionnaire.Certe on constat un arret officiel au processus Revolutionnaire du 4 Aout,mais rappelons le ce arret n’est que Officiel.La revolution Democratique et populaire c’est reincarner, il s’est meme ressussiter si vous me permetter car moi, jeune revolutionnaire et certe d’une certaine immaturiter a décider d’emtammer un processuss Revolutionnaire meme si cela semble etre dificile car je ne detiens aucun poste du genre ministerielle ou présidentielle.Mais comme on le dit “Oser Inventer L’Avenir”.
Thomas Sankara n’est pas mort mes chers car l’idée n’est pas encore mort.