Synopsis
Au Burkina Faso, après l’insurrection populaire d’octobre 2014, Bikontine, un jeune poète, décide de partir à la rencontre de ses concitoyens le long de l’unique voie ferrée du pays.
Du Sud au Nord, de villes en villages, d’espoirs en désillusions, il met à l’épreuve son rôle de poète face aux réalités d’une société en pleine transformation et révèle en chemin l’héritage politique toujours vivace de Thomas Sankara.
Commentaires
Sankara n’est pas mort relève davantage de l’essai documentaire que du film d’histoire. Il faut faire preuve d’une certaine liberté d’esprit, comme celle du voyageur ou du poète à l’écoute du monde, pour se laisser porter par les touches successives de la narration. Le rythme du montage, empreint d’une certaine lenteur, évoque l’expérience de la chaleur écrasante du Sahel qu’adoucit la fraîcheur réconfortante des nuits. La temporalité du film se calque alors sur celle du voyage, de l’alternance du temps diurne et du temps nocturne, du temps pour soi et du temps de la rencontre. Cette traversée du pays, étrangement lyrique et prosaïque tout à la fois, nous dresse le portrait intime d’un pays marqué par la pauvreté, mais toujours porté par l’espoir ténu du changement.
Les regards en présence, celui de la réalisatrice dont la caméra sait se faire oublier, du poète Bikontine, frappé d’insomnie et à la voix triste, grave et belle, qui scande ses poèmes sur la musique vibratoire de Rodolphe Burger, nous entraînent sur la trajectoire de l’unique voie de chemin de fer du pays. La ligne, construite sous le régime colonial par le travail forcé des populations locales entre 1890 et 1935, sera achevée vers 1950. Il faut néanmoins encore aujourd’hui, une douzaine d’heure pour parcourir les 350 km qui séparent les deux plus grandes villes du pays, Bobo-Dioulasso et Ouagadougou. Enfin, un tronçon inachevé qui s’étend vers Kaya plus au nord dont la construction fut lancée sous la Révolution (1984-1987) par Sankara – projet aussitôt abandonné par Blaise Compaoré -, clôture cet arc ferroviaire qui s’achève sur quelques mètres littéralement dans le vide. Aujourd’hui, le rail burkinabè est aux mains de l’homme d’affaire Vincent Bolloré, épilogue cynique s’il en est de la « Bataille du rail » au Burkina Faso.
Les méditations contemplatives de Bikontine, l’homme-escargot qui trimballe son bagage sur son dos, suivent une ligne de crête comme le doigt suivrait le tracé de la ligne du chemin de fer sur la carte, ou comme le suggère Lucie Viver, sur la cicatrice du cours des choses et de l’Histoire. Les poèmes de Bikontine, dont le nom signifie « l’enfant adulte » en langage lobiri et dont la destinée n’est pas sans rappeler celle du « cycliste Sankara », se sentant mal-aimé et seul sur la pente raide des exigences du futur, trouvent leur écho dans les archives que nous délivre le film. Comme Sankara, Bikontine part à la rencontre de ses concitoyens.
Différentes scénettes issues de rencontres ou de rendez-vous pris par la réalisatrice dans les villes et villages illustrent cette traversée. Mais la volonté d’élargir la démarche poétique à une perspective documentaire est parfois brouillée par les nombreuses ellipses narratives. Il n’est pas toujours aisé pour le spectateur « non-averti » de se faire une idée tangible de ce qui se joue aujourd’hui concrètement dans le pays. Mais là n’est probablement pas l’ambition de la réalisatrice.
Pour terminer cette question, pourquoi un film au Burkina Faso sur le Burkina Faso par Lucie Viver ? Cette question que d’aucun n’hésiteront pas à poser à une jeune réalisatrice française, trouve à n’en pas douter de nombreuses réponses à l’intérieur même du film : il suffit pour s’en convaincre de se laisser porter par la poésie de Bikontine, par les plans de paysage qui rappellent l’un des plus beaux travellings de l’histoire du cinéma, celui de Roberto Rossellini dans « Un voyage en Italie », et par les ponctuations qu’apporte au récit la voix de Sankara.
Frédérique Lagny
La bande annonce de Sankara n’est pas mort
Mini bio – Lucie Viver
Après des études d’histoire et de philosophie, Lucie Viver travaille comme assistante à la réalisation. Elle a notamment collaboré aux films d’Otar Iosseliani, de Mati Diop et de Rabah Ameur-Zaïmèche. En 2013, elle se forme à l’Atelier Scénario de La FEMIS. Depuis, elle développe plusieurs projets de documentaires et de fictions. SANKARA N’EST PAS MORT est son premier long-métrage documentaire.
On trouvera à https://blogs.mediapart.fr/cedric-lepine/blog/280420/entretien-avec-lucie-viver-pour-son-film-sankara-n-est-pas-mort une interview de Lucie Viver sur le film dans laquelle est répond avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité sur la génèse du film.
Fiche technique
109 minutes, France-Burkina Faso, 2020
Sortie en e-cinema le 29 avril 2020 voir https://www.25eheure.com/e-cinema-1/
UN FILM ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR Lucie Viver
AVEC Bikontine
IMAGE ET SON Lucie Viver
MONTAGE Nicolas Milteau
MONTAGE SON ET MIXAGE Dominique Vieillard
MUSIQUE Rodolphe Burger
ÉTALONNAGE Kévin Stragliati
PRODUCTION Les films du bilboquet – Eugénie Michel-Villette
DISTRIBUTION – Météore films 11, rue Taylor – 75010 Paris Tél. 01 42 54 96 20 films@meteore-films.fr
AVEC LE SOUTIEN DE : La Scam « Brouillon d’un rêve », la Sacem, le Centre de résidence « De l’écriture à l’image » de Saint-Quirin, le CNC (Fonds d’Aide à l’Innovation – Écriture et développement, FSA), Région Ile-de-France, Région Hauts-de-France (Pictanovo), Procirep- Angoa, TV5MONDE, Lyon Capitale Tv, Le Fresnoy – Studio National des Arts contemporains, Périphérie – Centre de création cinématographique, Archipel Productions, Prix « Films en cours » – Festival Entrevues Belfort 2018 (CinévidéoCim, Cosmodigital, Poly Son Post Production, La Puce à l’Oreille).
Programmation et récompenses
2020
- Oruro Film Festival (BOLIVIA)
- Göteborg Film Festival (SWEDEN)
- Global Film Festival (Santo Domingo, DOMINICAN REPUBLIC)
- Budapest Independant Film Festival (HUNGARY) – Best Documentary Feature
- Big Sky Documentary Film Festival (Missoula, USA)
- FECISLA (Cartagena, COLOMBIA)
- De la littérature au cinéma (Fontenay-le-Comte, FRANCE)
2019
- Cinéma du Réel (Paris, FRANCE)
- Etonnants Voyageurs (Saint-Malo, FRANCE)
- FIDADOC (Agadir, MOROCCO)
- Camden IFF (USA) – John Marshall Award for Contemporary Ethnographic Media
- Corsica.Doc (Ajaccio, FRANCE)
- DOK Leipzig (GERMANY)
- MIDBO (Bogota, COLOMBIA)
- Augen Blicke Afrika (Hamburg, GERMANY)
- Benin City Film Festival (NIGERIA)
- AFRIFF Africa International Film Festival (Lagos, NIGERIA) – Special Jury Prize
- Les Ecrans Documentaires (Arcueil, FRANCE)
- Lumières d’Afrique (Besançon, FRANCE)
- Les rencontres de Cinessonne (Dourdan, FRANCE)
- Festival International du Cinéma Francophone en Acadie (Moncton, CANADA)
- Out of Africa International Film Festival (Nairobi, KENYA)
- Festival Film Dokumenter (Yogyakarta, INDONESIA)
- Ciné Droit Libre (Ouagadougou, BURKINA FASO)
- Avant-première à Bobo-Dioulasso (BURKINA FASO)
PRESSE :
MAKNA PRESSE Chloé Lorenzi Tel. 01 42 77 00 16 info@makna-presse.com
Page réalisée par Frédérique Lagny
Marseille 17 mars 2020 (premier jour de confinement en France )
Sankara Thomas était tout simplement un des “prophète ” dont l’Afrique a besoin pour dominer le monde. C’est sachant cela que l’Occident s’est servit de quelques apatrides pour l’éliminer.
Nous prierons toujours pour Thomas Sankara comme nous prions pour les autres prophètes !