Ce discours a été prononcé après le coup d’Etat du 7 novembre qui a renversée le CMRPN (Comité Militaire de Redressement National) et la prise du pouvoir de militaires regroupés au sein du CSP (Comité du Salut du Peuple). Sankara sera nommé premier ministre le 10 janvier 1983 après un lutte interne au sein du CSP, entre les militaires “progressistes” regroupés autour de Sankara et ceux qui seront qualifiés de “réactionnaires”.


Discours prononcé par le capitaine Thomas Sankara, devant le congrès du SUVESS le 10 décembre 1982

Notre pays, la Haute-Volta, parce que, néocolonial, subit durement les conséquences de la crise, tel que le stigmatisait le chef de l’Etat dans son discours du 10 décembre 1982.

Plus près de nous, çà et là, les peuples africains affirment de manière responsable, avec des visions nouvelles engagées, leur détermination à battre chez eux toutes les forces de l’exploitation.

C’est ce courant de luttes libératrices qui a gagne les casernes et en a fait sortir les militaires pour les intéresser à la résolution des contradictions auxquelles sont confrontés leurs peuples.

S’il est vrai que dans plus d’un cas, les coups d’État sont d’essence messianique, spontanéiste ou volontariste, il n’en demeure pas moins que, malgré leurs limites objectives, ils ont constitué parfois un apport positif, allant du sentimentalisme généreux à l’alliance idéologique avec les masses populaires.

L’armée voltaïque vit les mêmes contradictions que le peuple voltaïque. Elle a suivi et subi les convulsions fascistes du CMRPN (Comité Militaire de Redressement National  NDLR)  défunt :

– suppression des droits syndicaux ;

– anéantissement de tous les privilèges sociaux et économiques déjà conquis de haute lutte par les travailleurs ;

– licenciements, persécutions et déportations des travailleurs ;

– emprisonnement d’élèves et étudiants.

Chers congressistes,

Votre thème “Le SUVESS (Syndicat unique voltaïque des enseignants du secondaire et du supérieur NDLR) en dix ans d’existence : théories et pratiques syndicales”  nous paraît particulièrement opportun en ce tournant de l’Histoire de notre pays où, soit confusément, soit dans une analyse claire, chacun a le sentiment que jamais plus rien ne sera comme avant en Haute-Volta.

Dans la vie d’un syndicat, il y a des périodes de flux et de reflux.

Manifestement la période de 1980 à 1982 a constitué une période de reflux pour le mouvement syndical voltaïque en général.

C’est ainsi que, ramant  à contre-courant contre l’élan démocratique et progressiste que d’honnêtes gens avaient réussi à créer en Haute-Volta pour secouer puis ébranler les forces antipopulaires et anti-démocratiques, des organisations syndicales nous imposaient le spectacle désolant de la sclérose qui frisait la décrépitude finale.

Les collusions entre ces organisations de lutte et les forces oppressives des masses, les allégeances contre nature avec des milieux que les travailleurs avaient si courageusement contribués à démasquer comme antisociaux, les désaffections de militants sincères des rangs syndicaux et finalement l’état de délabrement qui guettait le syndicalisme, ont douloureusement été ressentis par tous les démocrates de ce pays, qu’ils soient civils ou militaires.

Oui, il faut l’affirmer, la période écoulée a été la plus noire du syndicalisme voltaïque.

Mais vous avez résisté aux assauts destructeurs des forces de division et de chloroformisation de la conscience militante du travailleur.

Votre thème est en ce sens hautement éloquent. II aura permis de faire le bilan des dix dernières années de votre organisation, du moins nous l’espérons. En tout cas, pour notre part, nous retenons que pour une organisation, la capacité de critique et d’autocritique est un critère fondamental de sérieux.

Chers Congressistes,

Le CSP (Comité de Salut du Peuple NDLR ) souhaite que par-delà les intérêts matériels et moraux des militants du SUVESS, votre lutte s’élève et s’affirme dans son utilité sociale nationale pour aider à rendre à tout travailleur voltaïque sa dignité, Le CSP fait sienne l’obligation de faire comprendre et de faire soutenir en son sein votre mobilisation, tant qu’elle sera responsable et conforme aux intérêts des masses populaires.

Cependant, il s’interdira tout dirigisme, tout autoritarisme. Car nous soutenons qu’il n’appartient qu’aux travailleurs et à eux seuls de définir leurs organisations les plus représentatives de leurs intérêts.

C’est dans ce style nouveau que nous entendons créer avec les organisations des travailleurs un dialogue franc, sincère et constructif ni par une habile manœuvre de récupération et ni par un ” A-plat-ventrisme” qui nous indisposerait nous-mêmes. C’est pourquoi nous œuvrerons pour une relation d’apports critiques mutuels.

Chers congressistes,

Notre point de vue est que, si votre XIe Congrès a atteint ses objectifs d’introspection décennale et s’il a ouvert une ère nouvelle tant pour vos militants que pour tous ceux qui, écoliers, élèves, étudiants et parents d’élèves, attendent de vous plus encore dans votre activité professionnelle d’enseignants, alors, ce Congres, vous l’aurez rendu historique.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs les Congressistes du Syndicat Unique Voltaïque des Enseignants du Secondaire et du Supérieur,

votre tribune m’offre l’heureuse occasion de formuler pour tous les travailleurs et au nom du CSP, de toutes les instances du CSP et de son Président, des vœux très ardents d’unité, de cohésion dans vos rangs et de vie militante meilleure pour une Haute-Volta réellement démocratique.

– Vive le Syndicat Unique Voltaïque des Enseignants du Secondaire et du Supérieur !

‘ – Vive les organisations démocratiques de travailleurs débarrassées de la féodalité syndicale !

– Vive la classe laborieuse !

– Vive la démocratie pour le salut du peuple !

Cet article a été publié dans :

– le quotidien L’Observateur à  Ouagadougou, 4 janvier 1983

– le numéro 9 de la revue Politique africaine de mars 1983 (voir http://www.politique-africaine.com).

 

 

 

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1 COMMENTAIRE

  1. Un homme droit.
    Mr Sankara thomas etais vraiment un homme d’exception et ses visions etaient cousues sur mesure pour l’Afrique et visionnaires de surcroit.
    Paix a nos âmes

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