Nous vous livrons ci-dessous la communication qu’a donné Fidel Kientega, lors du séminaire organisé sur l’environnement dans la cadre de la première édition de Sankara Revival, une initiative à l’initiative du musicien Sams’K Le Jah, pour la première fois en 2009 à l’occasion de l’anniversaire de Thomas Sankara. Vous trouverez un compter rendu de Sankara Revival à l’adresse http://thomassankara.net/?p=890. Fidel Kientega était l’un des proches collaborateurs de Thomas Sankara à la Présidence pendant le Révolution. Il est actuellement, secrétaire des ralatiosn extérieures de l’UNIR/PS et député à l’Assemblée nationale du Burkina Faso

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L’un des axes majeurs de la politique intérieure du Président Thomas SANKARA sous la Révolution (04 août 1983 au 15 octobre 1987) a été son engagement concret et visionnaire en faveur de l’environnement et de l’écologie. Et pour les sankaristes aujourd’hui, héritiers et continuateurs de l’œuvre du Président Thomas SANKARA, l’environnement constitue la pierre angulaire de leur action. C’est ainsi qu’à la Conférence SILVA sur l’arbre et la forêt tenue à Paris en février 1986, SANKARA ramassait tout son programme pour l’environnement à travers cette déclaration : « je ne suis ici que l’humble porte-parole d’un peuple qui refuse de se regarder mourir pour avoir regardé passivement mourir son environnement naturel. » Cet engagement peut être revisité à travers un certain nombre d’actions saillantes parmi lesquelles on peut citer :
– les trois luttes ;
– Inculcation de réflexes environnementaux à l’école ;
– un village un bosquet ;
– la généralisation des foyers améliorés ;
– récolte populaire de semences forestières ;
– instauration systématique de pépinières villageoises ;
– création d’un ministère de l’eau ;
– don symbolique d’un foyer amélioré et d’un arbre à chaque couple nouvellement marié

Les trois luttes

Comme tout le monde a pu le vivre ou le suivre en son temps, une des premières décisions de la Révolution et qui a connu une application quasi intégrale et un succès inédit à l’échelle nationale a été l’instauration de la politique dite des trois luttes :
– lutte contre la coupe abusive du bois,
– luttes contre la divagation des animaux,
– lutte contre les feux de brousse.

La coupe et la commercialisation du bois de chauffe ont été totalement réorganisées et vigoureusement disciplinées. C’est à partir de cette époque que l’obligation d’obtention d’une carte de commerçant de bois de chauffe a été instaurée. Obligation était faite de respecter les zones affectée à la coupe du bois, jusqu’à assurer le reboisement des espèces déboisées. Dans les villes, la divagation des animaux a été quasiment éradiquée et il s’était attaqué à la question de l’élevage extensif qui est l’une des principales causes de la dégradation de l’environnement. La pénalisation des actes de pyromanie a été instituée et ceux qui s’y adonnaient étaient sévèrement sanctionnés. L’obligation de planter un certain nombre d’arbres était une des composantes des sanctions alors infligées.

Inculcation de réflexes environnementaux dès l’école primaire

Après les mesures drastiques prises dans le cadre des « trois luttes » pour la préservation de l’existant et aussi des nouvelles plantations d’arbres, une batterie de mesures ont été prises pour la sensibilisation et la conscientisation des populations afin qu’elles s’engagent dans le reboisement massif.
Pour réduire la consommation excessive de chauffe, et surtout pour que les enfants grandissent avec des réflexes de protection de l’environnement, il a été institué « une école un bosquet » avec des pépinières entretenues dans chaque école, en même temps que les jeunes élèves apprenaient à confectionner des foyers améliorés que chacun d’eux devait offrir à sa mère.

Un village un bosquet

Le slogan 8000 villages 8000 forêts à été adopté et traduit en actes concrets, à commencer par la ville de Ouagadougou qui devait être ceinte par une gigantesque ceinture verte. A titre d’illustration, à la sortie de la ville sur la droite après le barrage de Boulmiougou, un véritable bosquet avait été planté et où il faisait bon se promener. Comme tout est allé à vau l’eau après la Révolution, ces arbres dont les vestiges étaient encore visibles il y a quelques années ont été abattus et vendus. Chaque village devait avoir son bosquet. Pour ce faire, de pépinières ont été créées dans chaque village pour répondre aux besoins locaux. Parlant de ces forêts villageoises, Thomas SANKARA disait qu’il respectait ainsi une tradition ancestrale, jouant ainsi sur la psychologie des populations rurales qui voyaient tout de suite l’utilité de telles mesures non étrangères leurs us et coutumes.

Récolte populaire de semences forestières

Pour mener à bien les opérations de reboisement principalement avec des essences locales mieux adaptées, chaque village devait procéder à la récolte de semences forestières devant servir dans les pépinières sous la supervision de techniciens des eaux et forêts. C est de la que qu’est partie l’idée de la création d’un centre des semences forestières qui fait aujourd’hui la fierté de la sous Région et même au-delà.

Don d’un arbre et d’un foyer amélioré aux nouveaux couples

Toujours dans sa stratégie de procéder à l’éducation des masses en les faisant acquérir des réflexes environnementaux, chaque cérémonie de mariage se terminait par une plantation d’arbres, et le nouveau couple en même temps quil était invité à entretenir l’arbre qu’il a planté, repartait toujours avec un foyer amélioré offert par le ministère de l’environnement.

Création d’un ministère de l’eau

Comme mesure d’accompagnement à la plantation d’arbres tous azimuts à travers le pays et à leur entretien, la Révolution a voulu prendre à bras le corps la question de l’eau par la création d’un ministère en charge spécifiquement de cette question. Ce ministère était chargé, en plus des grands barrages en projet fort onéreux (Kompienga, Bagré, Noumbiel, Samandéni…) et de la réalisation des forages, superviser la construction avec la participation des bénéficiaires, partout dans les villages où il passage d’eau des pluie, de petites retenues d’eau devant servir aux pépinières, à l’arrosages des plants mis en terre, à la pratique des cultures de contre-saison, à l’élevage et surtout, à la restauration de nappe phréatique. Dès 1983, le premier barrage sur investissement humain a été réalisé à Zamsé dans le Bazèga.

La grande ceinture verte transnationale

Mais le Président Thomas SANKARA était convaincu que les actions menées au plan local quel que soient leur pertinence et leur dynamisme avaient des limites objectives. Il rêvait d’une grande ceinture verte transnationale devant s’étendre sur le Niger, le mali, le Burkina Faso, à laquelle pourrait se joindre d’autres pays sahéliens. Il était en contact avec les chefs d’Etat de ces pays de même qu’il avait commencé la sensibilisation de pays comme la République populaire de Chine pour son expérience des grands travaux et pour rechercher les financements nécessaires.

Comme on le voit, la politique environnementale de la Révolution consistait en un ensemble d’actions cohérentes qui, avec l’adhésion populaire que nous avons vécue, nous fondent à croire que n’eût été ce coup d’arrêt donné à la Révolution le 15 octobre 1987, le Burkina Faso aurait eu aujourd’hui un autre visage contrairement à la déliquescence généralisée que nous voyons actuellement et à la recherche du sensationnel mais sans aucun lendemain, destinée aux bailleurs de fonds. En effet, les milliers de plants mis en terre du côté d’Aribinda et laissés à eux-mêmes, au soleil du Sahel et aux animaux ont disparu jusqu’à leurs racines. Or ainsi qu’aimait à le dire le Président Thomas SANKARA, « nous sommes loin d’être maudits ? D’autres contrées sont plus mal loties que nous, qui envient notre position et dont les efforts pour préserver le peu qui leur reste sont d’autant plus titanesques. En effet, le nord du Burkina, la partie la plus aride de notre pays correspond à la zone la plus arrosée pour les pays situés plus au nord, et notre limite sud, la partie la plus arrosée pour nous, correspond à la zone la moins arrosée des pays côtiers au sud du Burkina ; et ainsi de suite.

Comme le Président Thomas SANKARA le disait encore à la Conférence SILVA sur l’arbre et la forêt à Paris, je cite : « mon intention n’est pas d’encenser sans retenue et sans mesure la modeste expérience révolutionnaire de mon peuple en matière de défense de l’arbre et de la forêt. Mon intention est de vous parler de la façon la plus explicite qui soit, des profonds changements en cours au Burkina Faso, dans les relations entre l’homme et l’arbre. Mon intention est de témoigner de la façon la plus fidèle qui soit, de la naissance et du développement d’un amour sincère et profond entre l’homme burkinabé et l’arbre, donc entre l’homme burkinabé et l’environnement, donc entre l’homme burkinabé et la vie. »

Mesdames, Messieurs, anticipant comme toujours et de façon visionnaire sur les grandes préoccupations de son temps, le Président Thomas SANKARA avait posé des actes majeurs, concrets, cernables et applicables par le peuple en faveur de la sauvegarde de l’environnement, donc de la survie en un mot de l’humanité. Si la justesse de certains engagements et actions de la Révolution peut être sujette à discussion, il est incontestable que du point de vue de l’environnement et de l’écologie, le Burkina aurait présenté aujourd’hui un autre visage que celui de la décrépitude et de l’option hasardeuse pour les pesticides à tout vent, les emballages plastiques qui désolent toutes nos terres et endeuillent tous nos éleveurs, les OGM au grand dam du tollé et de la désapprobation quasi-générale.

Fidel Kientega

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