Nous avions reçu une première version de ce discours, que nous avait confiée Dadoua Coulibaly. Aujourd’hui membre de l’équipe du site, il avait lui-même pris l’initiative de se rendre à Sidwaya consulter les archives du journal où il avait trouvé ce discours ainsi que plusieurs autres.

Nous avons reçu récemment une version audio de ce discours envoyé par le journaliste suisse Christophe Koessler, parmi d’autres documents qui lui avaient été confiés lors d’un séjour au Burkina. Ces documents étaient sous forme de cassette audio. Nous avons du les transformer en fichier mp3. Il a ensuite fallu les retranscrire, ce qui a été fait par Cléophas Zerbo. Achille Zango a vérifié et corrigé la retranscription discours, Tous les 2 sont membres du l’équipe du site thomassankara.net. Cette version, issue d’un enregistrement audio est donc fidèle au discours prononcé.

L’équipe du site.


Thomas Sankara est de retour d’un sommet du Conseil de l’Entente. Créé en 1955, Le Conseil de l’Entente regroupe outre la Haute- Volta, la Côte-d’Ivoire, le Niger, le Bénin et le Togo, Il s’était donné alors comme objectif historique d’empêcher et de briser toute forme fédérative de regroupement notamment la Fédération du Mali, alors qu’Houphouët Boigny n’a accepté que contraint l’indépendance; préférant jusque là défendre l’idée d’une Union française, afin d’éviter une indépendance réelle.

Cette réunion du Conseil de l’Entente a été convoquée à la suite d’explosions au Togo et au Niger pour évoquer les questions de Sécurité. Thomas Sankara s’exprime dès son arrivée à l’aéroport dans un ton plus mesuré que lors du meeting qui se tiendra le lendemain. Il s’est senti indexé lors de cette réunion par les dirigeants des autres pays. Il revient ici sur les attaques dont sont l’objet les pays révolutionnaires ou les noirs d’Afrique du Sud, et rappelle dans quelles conditions est assurée la sécurité. 

A propos de ses incidents au Togo, il y a bien eu une attaque d’opposants togolais à partir du Ghana et qu’elle a échoué. Le Burkina a été accusé d’y avoir participé. Selon une interview que j’ai réalisée d’Etienne Zongo, l’aide de camp de Thomas Sankara, en août 2000, il explique que les opposants togolais sont bien venus au Burkina demander de l’aide. Thomas Sankara a désigné Blaise Compaoré pour gérer cette question. Etienne Zongo ne nie pas l’implication du Burkina. Il explique que certes, Thomas Sankara aurait bien aimé, que Eyadema s’en aille, mais qu’au départ, il s’agissait de les aider s’organiser et à faciliter leur unification. Etienne Zongo affirme que ni lui, ni Thomas Sankara n’ont été informés de la suite des évènements, ni de la préparation d’une attaque. Mais il soupçonne Blaise Compaoré d’avoir participé à l’organisation de cette attaque.

Etienne Zongo est aujourd’hui décédé. Cette épisode n’est plus guère évoqué. Son témoignage doit bien sur être consolidé et confronté avec d’autres personnes vivantes aujourd’hui.

Bruno Jaffré


Notre peuple saura se défendre pour consolider sa révolution. Discours de Thomas Sankara du 10 septembre 1985, prononcer à l’aéroport à son retour d’un sommet du Conseil de l’Entente.


Camarades militantes et militants,

Je me réjouis de voir que notre peuple sait se mettre debout,

Je me réjouis de savoir que notre peuple reste mobilisé,

Je me réjouis de savoir que notre peuple reste un de ceux-là qui savent faire trembler l’impérialisme ses valets locaux,

En effet j’aurais pu me dérober derrière les prétendus secrets de délibérations pour éviter d’avoir à vous livrer certaines informations ce soir, mais l’exigence du peuple, sa mobilisation, sa détermination n’autorisent pas de tels comportements.

[Applaudissements]

Aussi je me sens dans l’obligation de vous répondre accomplissant ainsi un devoir militant, un devoir révolutionnaire.

Nous revenons de Yamoussoukro où j’ai conduit la délégation burkinabè à un sommet du conseil de l’entente, à ce sommet il a été question de sécurité. Nous nous y sommes rendus simplement parce que nous estimons que membre du Conseil de l’entente, élément de la sous-région nous ne pouvions nous soustraire à la question touchant la sécurité car le Burkina Faso en tout premier lieu sait ce que c’est que la sécurité et accourt et applaudi lorsque des solutions sont à rechercher pour que chacun puisse vivre en paix pour que les peuples qui nous entourent et nous-mêmes puissions vivre en paix. Nous avons été attaqués, nous avons été agressés, nous avons été menacés nous avons été dénigrés et tout cela touche à notre sécurité tout cela touche à la sécurité de la révolution au Burkina Faso.

Nous avions donc un mot à dire et ce que l’on a dire, on doit avoir le courage de le dire haut et fort.

Il a été question de la sécurité suite aux derniers événements survenus au Togo à Lomé précisément. Les radiodiffusions nous apprennent que dans la capitale togolaise des explosions successives ont troublé la quiétude du vaillant peuple togolais. Ces explosions, nous n’en connaissons ni l’origine ni les auteurs. Des explications nous ont été données, des descriptions ont été faites. Le peuple burkinabè est solidaire du peuple togolais, solidaire du peuple togolais dans le bonheur mais surtout dans le malheur et nous apportions donc un témoignage au président la république togolaise afin qu’il puisse transmettre ce témoignage là au peuple togolais, en même temps nous apportions un témoignage aux autres peuples du Conseil de l’entente pour que aujourd’hui et demain ces peuples sachent qu’ils peuvent compter tout temps en tout temps et en tout lieu sur le peuple du Burkina Faso.

[Applaudissements]

Mais vous comprendrez que ce soutien que nous apportons au peuple togolais ne nous permet pas, nous autorise pas à nous immiscer dans les affaires intérieures du Togo. Aussi avons-nous estimé que si ces explosions étaient le fait d’opposants togolais contre le régime togolais cela ne pouvait qu’être l’affaire des seuls togolais. Par contre si ces explosions impliquaient une tierce partie, un autre État un autre peuple et bien que l’on dise clairement le nom de ce peuple, le nom de ce pays afin que nous Burkinabè nous puissions également nous prononcer clairement. Nous avons été plusieurs fois menacés, il y a eu des explosions, certains de nos camarades sont tombés. Jamais une larme n’a été écrasée pour pleurer nos morts jamais l’on ne s’est indigné contre ces agressions nombreuses multiformes dirigées contre notre peuple. Jamais le Conseil de l’entente n’a cru devoir convoquer un sommet pour nous soutenir ne serait-ce que moralement et cela aussi nous avons tenu à le dire.

C’est pourquoi lorsque dans le communiqué après la critique que nous avons formulé il a été question de faire figurer le Burkina Faso nous avons dit non. Nous ne sommes pas venus nombreux à Yamoussoukro pour demander que l’on pleure à retardement.

[Applaudissements]

Nous estimons que notre peuple saura se défendre parce qu’il a toujours su se défendre et parce que, pour consolider sa révolution, il doit se défendre. Nous avons donc refusé purement et simplement que l’on fasse figurer le Burkina Faso dans la liste de ceux qui ont été éprouvés. Nous estimons que le Conseil de l’entente, le sommet du Conseil de l’entente ne saurait être un avis et communiqué de nos joies et nos peines où l’on reprend [Applaudissements], où l’on le prend donc tous les malheurs survenus çà et là. Du reste s’il fallait le faire ce serait chaque semaine que le Conseil de l’entente aurait dû se réunir sur le cas du Burkina Faso, nous n’en voulions pas et il n’a donc pas été question du Burkina Faso dans cette liste.

Et bien lorsque les chefs d’État se réunissent, lorsque nous sommes appelés à prendre des décisions à nous prononcer sur des projets comme cet accord tel qu’il figure dans le communiqué final et bien nous estimons que, il y à réfléchir à deux fois avant de se prononcer. Nous avons des opposants, il existe des opposants parce qu’il existe des hommes, des régimes des pouvoirs pour les nourrir pour les engraisser et à quoi servirait de signer des documents des papiers si la volonté de mettre fin à l’activité nocive de ses opposants là n’est pas une volonté sincère, à quoi servirait pour le Burkinabè de clamer haut et fort que nous nous prononçons en accord avec les autres États contre la déstabilisation lorsque nous savons qu’à tout moment la déstabilisation pèse sur nos têtes.

Des Burkinabè sont victimes d’exactions ils sont humiliés ils sont bafoués. Notre régime est insulté. Chaque jour aussi des complots se trament et l’on essaie d’infiltrer dans notre pays, qui des mercenaires, qui des apatrides pour retrouver, pour nouer un pacte avec la réaction locale les contre-révolutionnaires que nous n’avons pas fini de démasquer. Tout cela afin de provoquer par le feux et par le sang la désolation dans un pays qui a choisi de vivre libre.

Nous ne pouvions pas souscrire à de tels engagements. Le jour où des accords sincères seront signés, le Burkina Faso sera au rendez-vous. Mais tant qu’il s’agira de paroles creuses tant qu’il s’agira de parler, d’écrire tout en continuant de nourrir dans l’arrière-cour ces hyènes qui vont être largués contre nous et bien nous disons non. [Applaudissements]

L’on nous a donné des informations sur les Ghanéens donc la presse disait qu’ils étaient victimes de sévices en Côte d’Ivoire à Abidjan principalement. Il semble selon les informations du président ivoirien qu’il n’en est rien. Dans tous les cas nous affirmons que la sécurité du Ghana est la sécurité du Burkina. Dans tous les cas nous affirmons que ce qui touche aux Ghanéens touche aux Burkinabè. Et nous attendrons la décision et la réaction appropriée des autorités ghanéennes, cette réaction donnera simplement le ton et le peuple burkinabè sera fidèle, sera fidèle à ses engagements, nous respecterons notre parole.

[Applaudissements]

Peut-on se croire maintenant en sécurité après une telle réunion?

Alors la vigilance doit être de rigueur. Nous devons redoubler de vigilance, les sommets ne suffiront jamais à créer la sécurité tant que nous entretiendrons des opposants, ils sont là-bas en Côte d’Ivoire, nombreux, très nombreux. Nous n’avons pas besoin d’un accord pour qu’ils soient extradés de Côte d’Ivoire, nous n’avons pas besoin d’attendre un accord ou un sommet pour que, si la volonté est de mettre fin à l’insécurité, pour que nos opposants soient condamnés là où ils sont. Il a bien fallu quelqu’un pour les accueillir.

Aussi nous lançons cet avertissement ceux qui nourrissent contre nous des opposants, ceux qui arment contre nous des contre-révolutionnaires. Non seulement ils perdent leur temps ce qui n’est qu’un minimum, mais aussi, mais aussi et surtout ils prennent un risque très grave, parce que tant que l’on est pas sûr s’être suffisamment armé, de s’être suffisamment paré il ne faut point déranger la ruche.

J’ai dit que nous vivons une situation particulièrement difficile pour ce qui nous concerne c’est pourquoi nous sommes d’accord avec tout le monde lorsqu’il s’agit de sécurité lorsqu’il s’agit de paix. Nous sommes conscients nous aussi que ces éléments-là sont des éléments fondamentaux essentiels pour tout développement. Et c’est le lieu de féliciter nos services qui, chaque jour dans le silence contribuent à déjouer des complots venus de très loin parfois contre le Burkina Faso. Qu’il s’agisse des services du haut commandement, qu’il s’agisse de la gendarmerie, de la direction générale de la sureté, qu’il s’agisse des CDR partout disséminés à travers le territoire et même hors des territoires. Ils ont tous contribué d’une façon ou d’une autre à nous protéger à nous mettre à l’abri. Nous n’avons pas encore dit notre dernier mot sur ces complots dont nous parlerons un jour sur leurs auteurs, surtout sur ceux qui les nourrissent sur ce qui les entretiennent. Nous exposerons le matériel que nous avons saisi, nous exposerons, nous ferons parler les hommes que nous avons arrêtés ce jour-là. Le monde entier saura, ce jour-là, le monde entier saura que le Burkina Faso a réellement été menacé qu’il continue d’être menacé.

[Applaudissements].

Ce jour-là le monde entier saura que lorsqu’il y a eu un débarquement au Bénin en 1977 ce n’était point le fait d’un hasard. Lorsque l’île de Grenade a été saccagé, ce n’était point le fait d’un hasard. Lorsqu’au Nicaragua ils sont menacé chaque jour, ce n’est point le fait d’un hasard. Ce n’est point le fait aussi d’un hasard si en Afrique du sud d’autres hommes sont bafoués dans leur dignité c’est parce qu’ils veulent vivre libres.

[Applaudissements]

Et c’est pourquoi, par déduction, nous savons aussi que même, si cet aéroport où nous sommes, l’on pourra tenter de débarquer, mais alors l’on trouvera dressés des Burkinabè, des révolutionnaires, des hommes dignes. Je voudrais aussi remercier tous ceux qui sans être burkinabè de naissance le sont dans le cœur parce qu’ils ont choisi notre cause, parce que à travers le monde, ils nous font profiter de leur soutien, ils nous font profiter des facilités des informations précieuses qu’ils arrivent à détenir. Ils sont nombreux à aimer le Burkina parce qu’ils souhaitent aussi que ce vent de justice, d’indépendance et de dignité qui souffle sur notre pays puisse un jour souffler sur tous les pays et au profit de tous les peuples.

Et c’est parce que nous aimons tous les peuples, c’est parce que nous aimons notre peuple, c’est parce que nous aimons les peuples de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin du Niger du Mali ces peuples qui nous entourent en tout premier lieu c’est parce que nous les aimons que nous disons oui pour la sécurité, c’est parce que nous les aimons que nous prenons la résolution de combattre tous ceux qui veulent s’opposer à ces peuples là, mais que l’on ne confonde jamais le peuple et autre chose. [Applaudissements]

Je remercie d’être venus nous accueillir,

Je vous remercie d’être venu exprimer la voix du peuple burkinabè,

Je vous remercie d’avoir démontré que lorsque nous parlons nous ne parlons pas à notre nom personnel mais au nom d’un peuple qui sait ce qu’il veut et qui a décidé de ne plus subir, un peuple qui a décidé d’être au courant de tout et d’assumer le pouvoir populaire, un peuple qui veut que partout où nous parlons, nous fassions état de ses objectifs, de son combat, de sa lutte quotidienne,

Je vous remercie d’avoir donné cette belle leçon à ceux qui ne peuvent parler que dans le secret de leurs murs,

La patrie ou la mort, nous vaincrons !!

Je vous remercie camarades !!

[Applaudissements]

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