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Qui sont les ennemis du peuple?- 26 Mars 1983

QUI SONT LES ENNEMIS DU PEUPLE ?

Les ennemis du peuple, ce sont encore les hommes politiques qui ne parcourent la campagne que lorsqu’il y a des élections

C’est en sa qualité de Premier ministre du Conseil du salut du peuple (CSP) que, le 26 mars 1983, Sankara prononce ce discours lors d’un meeting à Ouagadougou. Le CSP dirigé par Jean-Baptiste Ouédraogo avait vu le Jour à la suite du coup d’État militaire du 7 novembre. Le texte ci-après est tiré de l’ hebdomadaire burkinabé Carrefour africain du 1er avril 1983.


Lorsque le peuple se met debout, l’impérialisme tremble

les ennemis, qui sont-ils

En avant pour le combat

…L’impérialisme est un mauvais élève…

…Ouagadougou sera la bolibana de l’impérialisme…

…Si vous avez volé, tremblez ! …

Sur les relations internationales du CSP

…Celui qui aime son peuple aime les autres peuples…

…On nous traite de communistes …

Vive la démocratie !


Lorsque le peuple se met debout, l’impérialisme tremble

Je vous remercie d’avoir bien voulu vous rassembler ici, sur cette place du 3 janvier. Je vous salue d’avoir accepté de répondre à l’appel du Conseil du salut du peuple : vous démontrez ainsi que le peuple de Haute-Volta est un peuple majeur.
Lorsque le peuple se met debout, l’impérialisme tremble. L’impérialisme qui nous regarde est inquiet : il tremble. L’impérialisme se demande comment il pourra rompre le lien qui existe entre le CSP et le peuple. L’impérialisme tremble. Il tremble parce qu’il a peur, il tremble parce qu’ici à Ouagadougou même, nous allons l’enterrer.
Je vous salue également d’être venu démontrer que tous nos détracteurs qui sont à l’intérieur comme à l’extérieur ont tort. Ils se sont trompés sur notre compte. Ils ont cru que par leurs manoeuvres d’intoxication et d’intimidation, ils pourraient arrêter la marche du CSP vers le peuple. Vous êtes venus, vous avez démontré le contraire. L’impérialisme tremble et il tremblera encore. Peuple de Haute-Volta, ici représenté par les habitants de la ville de Ouagadougou, merci. Je vous remercie parce que vous nous donnez l’occasion de vous donner une information saine, une information qui vient de la base.

les ennemis, qui sont-ils?

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de vous dire exactement ce que veulent nos ennemis, ce que veut le CSP et ce à quoi le peuple a droit. Le peuple aime la liberté, le peuple aime la démocratie. Par conséquent, le peuple s’attaquera à tous les ennemis de la liberté et de la démocratie.
Mais qui sont les ennemis du peuple ? Les ennemis du peuple sont à l’intérieur comme à l’extérieur. Ils tremblent actuellement, mais il faut que vous les démasquiez. Il faut que vous les combattiez jusque dans leurs trous. Les ennemis du peuple à l’intérieur, ce sont tous ceux qui se sont enrichis de manière illicite, profitant de leur situation sociale, profitant de leur situation bureaucratique. Ainsi donc, par des manoeuvres, par la magouille, par les faux documents, ils se retrouvent actionnaires dans les sociétés, ils se retrouvent en train de financer n’importe quelle entreprise ; ils se retrouvent en train de solliciter l’agrément pour telle ou telle entreprise. Ils prétendent servir la Haute-Volta. Ce sont des ennemis du peuple. Il faut les démasquer, il faut les combattre. Nous les combattrons avec vous.
Qui sont les ennemis du peuple ? Les ennemis du peuple, c’est encore cette fraction de la bourgeoisie qui s’enrichit malhonnêtement par la fraude, par la corruption, par le pourrissement des agents de l’État, pour arriver à introduire en Haute-Volta toutes sortes de produits dont les prix sont multipliés par dix. Ce sont les ennemis du peuple. Cette fraction de la bourgeoisie, il faut la combattre et nous la combattrons.
Qui sont les ennemis du peuple ? Les ennemis du peuple, ce sont encore les hommes politiques qui ne parcourent la campagne que lorsqu’il y a des élections. Ce sont encore ces hommes politiques qui sont convaincus qu’eux seuls, peuvent faire marcher la Haute-Volta. Or nous, CSP, nous sommes convaincus que les sept millions de Voltaïques représentent sept millions d’hommes politiques capables de conduire ce pays. Voilà les ennemis du peuple; il faut les démasquer et les combattre, et nous les combattrons avec vous.
Les ennemis du peuple, ce sont également ces forces de l’obscurité, ces forces qui, sous des couverts spirituels, sous des couverts coutumiers, au lieu de servir réellement les intérêts moraux du peuple, au lieu de servir réellement les intérêts sociaux du peuple, sont en train de l’exploiter. Il faut les combattre, et nous les combattrons.

En avant pour le combat

Je voudrais vous poser une question : est-ce que vous aimez ces ennemis du peuple, oui ou non ? [Cris de « Non ! »]
Est-ce que vous les aimez ? [Cris de « Non ! »]
Alors, il faut les combattre.
À l’intérieur du pays, est-ce que vous les combattrez ? [Cris de « Oui ! »] En avant pour le combat !
Les ennemis du peuple sont également hors de nos frontières. Ils s’appuient sur des apatrides qui sont ici, parmi nous, à tous les échelons de la société : chez les civils comme chez les militaires ; chez les hommes comme chez les femmes ; chez les jeunes comme chez les vieux ; en ville comme à la campagne. Ils sont là, les ennemis du peuple. Ils sont là, les ennemis extérieurs. C’est le néo-colonialisme, c’est l’impérialisme.
S’appuyant donc sur ces apatrides, sur ceux qui ont renié la patrie, ceux qui ont renié la Haute-Volta, en fait ceux qui ont renié le peuple de Haute-Volta, l’ennemi extérieur développe une série d’attaques. Des attaques en deux phases : la phase non violente et la phase violente.
Nous sommes actuellement dans la phase non violente. Et l’ennemi extérieur, c’est-à-dire l’impérialisme, c’est-à-dire le néo-colonialisme, tente de semer la confusion au sein du peuple voltaïque. Ainsi donc, à travers leurs journaux, leurs radios, leurs télévisions, ils font croire que la Haute-Volta est à feu et à sang.

“…L’impérialisme est un mauvais élève…”

Or, vous êtes là, peuple de Haute-Volta, et votre présence démontre que l’impérialisme a tort, et que ses mensonges ne passeront pas. Vous êtes présents, vous êtes debout et c’est lui qui tremble aujourd’hui.
Un journaliste étranger, dans un pays lointain, assis dans son bureau climatisé, dans son fauteuil roulant, a osé dire qu’actuellement, le CSP connaît un échec dans ses tournées d’information. Est-ce un échec ? Vous êtes là, répondez-moi ! [Cris de « Non !»]
Est-ce que c’est un échec ? [Cris de « Non »]
Je souhaiterais que l’impérialisme soit là, qu’il vous entende dire non. Répétez : est-ce que c’est un échec ? [Cris de « Non ! »]
Voyez-vous, l’impérialisme a tort. Mais l’impérialisme est un mauvais élève. Quand il est battu, quand il est renvoyé de la classe, il revient encore. C’est un mauvais élève. Il n’a jamais appris la leçon de son échec, il n’a jamais tiré la leçon de son échec. Il est là-bas en Afrique du Sud en train d’égorger les Africains, simplement parce que ces Africains pensent à la liberté comme vous aujourd’hui. L’impérialisme est là-bas au Moyen-Orient en train d’écraser les peuples arabes : c’est le sionisme. L’impérialisme est partout. Et à travers sa culture qu’il répand, à travers ses fausses informations, il nous amène à penser comme lui, il nous amène à nous soumettre à lui, à le suivre dans toutes ses manoeuvres. De grâce, il faut que nous barrions la route à cet impérialisme.

“…Ouagadougou sera la bolibana de l’impérialisme…”

Comme je vous l’ai déjà dit, il passera à une phase violente. Cet impérialisme, c’est lui qui a organisé des débarquements dans certains pays que nous connaissons. Cet impérialisme, c’est encore lui qui a armé ceux qui en Afrique du Sud tuent nos frères. Cet impérialisme, c’est encore lui qui a assassiné les Lumumba, Cabral, Kwamé Nkrumah.
Mais je vous dis et je vous promets que, parce que j’ai confiance en vous et que vous avez confiance dans le CSP, parce que nous formons le peuple, quand l’impérialisme viendra ici, nous l’enterrerons. Nous enterrerons l’impérialisme ici. Ouagadougou sera la bolibana de l’impérialisme, c’est-à-dire la fin de sa route. L’impérialisme a essayé par des méthodes qui sont très raffinées, de faire en sorte qu’au sein même du CSP, il y ait la division. Il a fait en sorte qu’au sein même du peuple voltaïque, il y ait l’inquiétude et la psychose. Mais nous n’avons pas peur.
Pour la première fois, il se passe en Haute-Volta quelque chose de fondamental, quelque chose de tout à fait nouveau. Le peuple n’a jamais eu le pouvoir d’instaurer ici une démocratie politique. L’armée a toujours eu la possibilité de prendre le pouvoir, mais elle n’a jamais voulu la démocratie. Pour la première fois, nous voyons l’armée qui veut le pouvoir, qui veut la démocratie et qui veut se lier réellement au peuple. Pour la première fois aussi, nous voyons le peuple qui vient massivement pour tendre la main à l’armée. C’est pourquoi nous considérons que cette armée qui est en train de prendre les destinées de la Haute-Volta, c’est l’armée du peuple. C’est pourquoi je salue aussi ces pancartes qui parlent de l’armée du peuple.

“…Si vous avez volé, tremblez ! …”

Nos ennemis de l’intérieur comme ceux de l’extérieur s’appuient sur un certain nombre d’éléments pour nous nuire. J’en citerai quelques-uns et je vous laisserai le soin de compléter la liste. Ils essaient de faire croire que le CSP va arrêter la marche normale de l’appareil de l’État, parce que le CSP a pris des décisions contre des cadres civils. Si nous prenons ces décisions c’est simplement parce que nous estimons qu’à cette phase de notre lutte, il y a des hommes qui ne peuvent pas suivre notre rythme. Il y a des fonctionnaires qui ne viennent au bureau qu’à 9 heures et qui ressortent à 10 heures 30 pour aller dans leurs vergers et surveiller leurs villas. Est-ce que c’est normal ? Quand nous voulons chasser ce genre de fonctionnaires, nos ennemis disent que le CSP veut bloquer l’appareil de l’État. Mais qui a peur de qui ?
Nous, nous sommes avec le peuple. Eux, ils sont contre le peuple. Alors nous prendrons des décisions qui seront contre les ennemis du peuple, parce que ces décisions iront en faveur du peuple, le peuple militant de Haute-Volta. Est-ce que vous êtes d’accord que nous maintenions dans notre administration des fonctionnaires pourris ? [Cris de « Non ! »]
Alors il faut les chasser. Nous les chasserons.
Est-ce que vous êtes d’accord que nous maintenions dans notre armée des militaires pourris ? [Cris de « Non ! »]
Alors, il faut les chasser. Nous les chasserons.
Cela va nous coûter la vie peut-être, mais nous sommes là pour prendre les risques. Nous sommes là pour oser et vous êtes là pour continuer la lutte coûte que coûte.
Nos ennemis disent que le CSP se prépare à nationaliser, que le CSP se prépare à confisquer leurs biens. Qui a peur de qui ?
Lorsque vous faites un tour à Ouagadougou et que vous faites le compte de toutes les villas qu’il y a, vous verrez que ces villas n’appartiennent qu’à une minorité. Combien d’entre vous, affectés à Ouagadougou à partir des coins les plus reculés de Haute-Volta, ont dû tourner chaque nuit parce qu’on les avait chassés de la villa qu’ils avaient louée ? Et chaque jour le propriétaire qui fait monter un peu plus les prix. Pour ceux qui ont acquis normalement leurs maisons, il n’y a pas de problèmes, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Par contre, ceux qui ont acquis leurs terrains, leurs maisons grâce à la magouille, nous leur disons : commencez à trembler. Si vous avez volé, tremblez ! Parce que nous allons vous poursuivre. Non seulement le CSP va vous poursuivre, mais le peuple se chargera de vous. Oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Citoyens honnêtes, même si vous avez mille villas, n’ayez crainte ! Par contre, citoyens malhonnêtes, même si vous n’avez qu’un demi-carré en zone non lotie, « entrée coucher », commencez à trembler, le CSP arrive ! Nous n’avons pas commencé pour nous arrêter en si bon chemin. Nous ne sommes pas là pour collaborer, nous ne sommes pas là pour trahir le peuple.
On nous dit que nous voulons nationaliser. Le CSP ne comprend pas et ne comprendra jamais, comme vous également vous ne comprendrez jamais, que l’on vienne s’installer en Haute-Volta, qu’on crée en Haute-Volta une entreprise, que l’on réussisse à obtenir des faveurs exonérations de taxes diverses sous prétexte qu’on veut créer des emplois, qu’on veut contribuer au développement économique et puis, qu’après un certain nombre d’années d’exploitation éhontée, on déclare : compression de personnel. À quelle condition vous avait-on donné ces faveurs ? À la condition que vous créiez des emplois pour les Voltaïques. Aujourd’hui que vous avez pressé le citron, vous voulez le rejeter. Non ! C’est à cela que nous disons non !
Nos ennemis disent que le CSP a proclamé la liberté d’expression et de presse mais que le CSP commence à mettre un frein à cette liberté. Le camarade Jean-Baptiste Lingani l’a dit tout à l’heure et le camarade Jean-Baptiste Ouédraogo le dira mieux que moi tout à l’heure. Nous ne voulons pas meure fin à la liberté. Seulement nous disons que la liberté de critiquer déclenche la liberté également de protester. Et la liberté pour les hommes sincères ne doit pas être la liberté pour les hommes malhonnêtes.
Ceux qui utilisent la liberté que le CSP a créée pour s’attaquer au CSP, pour en fait s’attaquer au peuple voltaïque, à ceux-là nous allons retirer la liberté. Nous leur retirons la liberté de nuire et nous leur donnons la liberté de servir le peuple. Nous ne pouvons pas donner la liberté de mentir, d’intoxiquer collectivement les consciences voltaïques. Ce serait travailler contre les masses populaires de Haute-Volta.

Sur les relations internationales du CSP

On dit également du CSP que certains de ses éléments, comme le capitaine Thomas Sankara, sont allés en Libye et en Corée (du Nord) et que cela est dangereux pour la Haute-Volta. Peuple de Haute-Volta, une question : la Libye ne nous a jamais rien fait; la Corée n’a jamais exploité la Haute-Volta; la Libye n’a jamais attaqué la Haute-Volta. Pourtant nous connaissons des pays qui ont attaqué la Haute-Volta, qui ont mis nos parents en prison. Nos grands-parents sont morts sur des champs de bataille pour ces pays. Nous coopérons avec eux et l’on ne se plaint pas.
Sangoulé Lamizana est parti en Libye. Saye Zerbo a été en Libye et en Corée. Pourquoi ne s’est-on pas plaint ? Il y a de la malhonnêteté quelque part. Hier, on a préparé le voyage de Saye Zerbo chez Khadafi avec l’avion de Khadafi et on en a fait une publicité. Aujourd’hui que nous partons en Libye, on se plaint.
Mais nous sommes partis en Libye de manière responsable et intelligente ! Nous sommes partis en Libye après que le colonel Khadafi nous eut envoyés par trois fois des émissaires. Nous avons dit aux dirigeants libyens que nous n’avons rien contre la Libye, mais que nous avons nos positions. Sur le plan idéologique, nous ne sommes pas vierges. Nous sommes prêts à collaborer avec la Libye, mais nous sommes prêts à lui dire aussi ce que nous lui reprochons, de manière responsable. C’est après trois démarches que nous avons décidé d’y aller, et nous avons posé des conditions concrètes, conformes aux intérêts du peuple voltaïque.
Lorsque le ciment va venir de Tripoli et que nous en vendrons à bon prix, est-ce que le peuple sera content, oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Pourquoi voudrait-on le ciment de Khadafi et ne voudrait-on pas que nous allions négocier avec Khadafi ? Lorsque nous allons négocier avec certains pays deux millions, trois millions de francs CFA’, on en parle à la radio. Avec Khadafi, nous avons négocié 3,5 milliards [de francs CFA]. Et alors ? Le peuple est-il content, oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Le peuple aime la coopération entre les États qui respectent leurs peuples. Le peuple de Haute-Volta ne veut pas qu’on lui indique sa voie. Nous disons non à la domestication de la diplomatie voltaïque ! Nous disons non au despotisme de la diplomatie voltaïque ! Nous sommes libres d’aller où nous voulons.
Et je vais vous dire une chose, un secret. Ne le répétez pas aux impérialistes. Ceux qui nous reprochent d’avoir été en Libye ont pris les dollars de Khadafi pour développer leurs pays. Se croient-ils plus malins que nous ? Ils vont traiter avec Khadafi. Pourquoi ? Qui est plus malin que qui ?
Nous irons partout où se trouve l’intérêt des masses voltaïques. Nous avons vu des réalisations sociales en Libye : des hôpitaux, des écoles, des maisons et tout cela, accessible gratuitement. Comment la Libye a-t-elle pu réaliser ces investissements sociaux ? Grâce au pétrole. Ce pétrole existait sous l’ancien régime du roi Idriss, mais ce pétrole était exploité par les impérialistes et au profit du roi. Le peuple ne bénéficiait absolument de rien. Aujourd’hui, les Libyens ont des maisons gratuitement, des routes bitumées. Si demain, nous pouvions transformer la Haute-Volta comme Khadafi a transformé la Libye, seriez-vous contents, oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Donc, lorsque dans nos rapports avec les autres États, nous prenons ce qu’il y a de bon chez eux, nous ne faisons qu’appliquer une politique d’indépendance diplomatique, appliquer une règle du CSP : travailler pour le peuple. Il n’y a pas de honte à se mettre à genoux lorsqu’il s’agit des intérêts du peuple.
Nous sommes en train de vous parler et nous savons que dans cette foule, il y a des gens qui voudraient bien nous fusiller actuellement. Ce sont des risques que nous prenons, convaincus que c’est pour l’intérêt du peuple. Nous leur disons : tirez ! Lorsque vous allez tirer, vos balles feront demi-tour et vous atteindront. C’est ce qui s’appelle la victoire du peuple sur les ennemis du peuple. Aujourd’hui nous parlons avec la force du peuple et non avec notre propre force.

“…Celui qui aime son peuple aime les autres peuples…”

Les ennemis du CSP disent que certaines fractions du CSP sont favorables à tels pays, à tels camps, au camp pro-occidental, etc… Nous, nous disons que nous ne sommes contre aucun camp, nous sommes pour tous les camps. Nous l’avons répété à New Delhi, au sommet du Mouvement des pays non alignés : nous sommes pour tous les camps.
Nous disons également que celui qui aime son peuple aime les autres peuples. Nous aimons le peuple voltaïque et nous aimons le peuple du Nicaragua, d’Algérie, de Libye, du Ghana, du Mali, tous les autres peuples.
Ceux qui n’aiment pas leur peuple n’aiment pas le peuple voltaïque. Ceux qui sont inquiets actuellement à cause des transformations qui se font en Haute-Volta, ceux-là n’aiment pas leur peuple. Ils s’imposent par la dictature et par des manoeuvres policières contre leur peuple. Nous ne sommes pas de ceux-là.
On nous dit que le CSP a une certaine admiration pour le capitaine Jerry Rawlings. Rawlings est un homme ! Tout homme doit avoir des amis et des ennemis. Si Rawlings a des admirateurs en Haute-Volta, à qui la faute ? C’est la faute à l’impérialisme. C’est parce qu’on a créé au Ghana une situation telle que les nouvelles autorités étaient obligées de lutter pour les intérêts du peuple ghanéen. Lorsque le Ghana était prospère, nous, Voltaïques, nous en profitions bel et bien ! Aujourd’hui que le Ghana se trouve dans des difficultés, pourquoi voudrait-on que nous oubliions le Ghana ?
Non, nous sommes sincères. Le peuple garde ses attachements. Peut-être des hommes peuvent se trahir, mais les peuples ne se trahissent pas. Le peuple ghanéen a besoin du peuple voltaïque comme le peuple voltaïque a besoin du peuple ghanéen.
Lorsque le capitaine Rawlings a fermé ses frontières’, on a protesté. Vous n’aimez pas Rawlings, il ferme ses frontières pour rester chez lui et vous protestez ?
Le Ghana ne peut rien nous imposer. Nous non plus, nous ne pouvons rien imposer au Ghana. Rawlings ne peut pas nous donner des leçons. Mais nous non plus, nous ne pouvons pas donner des leçons à Rawlings. Cependant lorsque Rawlings dit : « No way for kalabule I », c’est-à-dire halte à la magouille, il dit cela pour l’intérêt du peuple ghanéen. Mais c’est en fait pour l’intérêt de tous les peuples, parce que le peuple voltaïque est aussi contre la magouille,
Les ennemis du CSP disent aussi que nous sommes des « rouges », des communistes. Cela nous fait plaisir ! Parce que cela prouve que nos ennemis sont en désarroi. Ils sont perdus. Ils ne savent plus ce qu’il faut faire, ce qu’il faut dire. Nous n’avons rien fait de communiste ici, nous avons simplement dit : assainissement, justice sociale, liberté, démocratie. Lorsque nous avons pris la décision de supprimer le décret du CMRPN [Comité militaire de redressement pour le progrès national], qui défendait l’ouverture des bars à certaines heures, nous avons entendu des gens du peuple dire : Ces gens du CSP, qu’ils soient des rouges ou des verts, des communistes ou non, nous, nous avons nos intérêts et nous préférons cela. C’est ce qui s’appelle être près des masses populaires. Ce ne sont pas les étiquettes qui comptent.

“…On nous traite de communistes …”

On nous traite de communistes pour effrayer le peuple. On nous taxe de communistes et on dit au peuple que le communisme est mauvais. Nous n’avons pas l’intention de vous dire que le communisme est bien, non plus de vous dire le contraire. Nous avons l’intention de vous dire seulement que nous poserons des actes avec vous et pour vous. Peu importe l’étiquette qui sera collée sur ces actes.
Les ennemis du peuple disent également que nous nous attaquons aux étrangers. Non. Nous aimons tous les étrangers : ceux qui sont ici ou qui y viendront. Nous les aimons parce que nous supposons qu’ils aiment le peuple voltaïque. Nous ne considérons pas qu’ils sont des étrangers qui veulent nous exploiter.
Le CSP entend créer avec vous les conditions de mobilisation, de travail. Nous voulons que le peuple s’organise pour le travail, pour le combat qu’on va mener. Par exemple, nous savons que dans certaines régions de Haute-Volta comme à Orodara, il y a des cultures de fruits et de légumes qui sont très réussies. Mais nous savons aussi que dans ces régions, les fruits et les légumes pourrissent par manque de moyens d’évacuation. Alors, nous disons que le peuple mobilisé à Orodara construira des pistes d’atterrissage et des avions se poseront là-bas. Les mangues viendront à Ouaga, iront à Dori et ce sera bon pour le peuple de Haute-Volta.
Il s’agit de ce genre de travail. Nous voulons que chaque jour maintenant car nous allions commencer les grands chantiers, vous sortiez massivement pour construire. Nous allons construire un monument et un théâtre populaire à Ouagadougou. Nous construirons les mêmes choses dans tous les départements et cela se fera avec la jeunesse. Vous allez construire pour démontrer que vous êtes capables de transformer votre existence et de transformer vos conditions réelles de vie. Vous n’avez pas besoin qu’on aille chercher des bailleurs de fonds étrangers, vous avez seulement besoin qu’on donne la liberté et le droit au peuple. Cela se fera.
Le CSP entend également mettre fin à certaines pratiques. Lorsque vous allez à l’hôpital pour une hémorragie ou une fracture, même si vous êtes sur le point de tomber en syncope, on préfère vous laisser sans soins et s’occuper du rhume d’un président, d’un Premier ministre ou d’un ministre, simplement parce que vous êtes homme du peuple, ouvrier. Il faut dénoncer tout cela chaque jour. Nous y mettrons fin. Ayez confiance. Nous allons mettre fin à la spéculation, au détournement, à l’enrichissement illicite. Et c’est pourquoi nous internons et nous internerons tous ceux qui vont voler l’argent du peuple.

“Vive la démocratie !”

Nous disons au peuple d’être prêt à se battre, d’être prêt à prendre les armes, à résister chaque fois qu’il sera nécessaire. N’ayez crainte, il ne se passera rien. L’ennemi sait que le peuple voltaïque est désormais mûr. C’est pourquoi lorsqu’on nous dit que deux ans c’est peu pour le retour à une vie constitutionnelle normale, nous disons que c’est bien suffisant. Parce que lorsque vous donnez la parole en toute liberté et en toute démocratie au peuple, en 30 minutes, le peuple vous dira ce qu’il veut. Donc nous n’avons pas besoin de deux ans.
Le CSP vous remercie parce que vous êtes mobilisés. Il a eu raison de vous donner sa confiance, il a eu raison de s’engager à vos côtés pour le combat contre les ennemis du peuple : l’impérialisme.
C’est pourquoi nous devons crier ensemble :
À bas l’impérialisme,
À bas l’impérialisme,
À bas l’impérialisme !
À bas les ennemis du peuple !
À bas les détourneurs des fonds publics !
À bas les « faux-types » en Haute-Volta ! Fini le « faux-typisme » !
À bas les hiboux au regard gluant !
À bas les caméléons équilibristes !
À bas les renards terrorisés !
À bas les lépreux qui ne peuvent que renverser les calebasses !
À bas ceux qui se cachent derrière les diplômes du peuple, et qui à cause de leurs diplômes se permettent de parler au nom du peuple, mais sont incapables de servir au nom du peuple !
À bas ceux qui sont contre les liens entre l’armée et le peuple !
À bas ceux qui sont contre les liens entre le peuple et l’armée !
À bas ceux qui se cachent sous des habits divers blancs ou noirs contre le peuple !
L’impérialisme sera enterré en Haute-Volta ! Ses valets seront enterrés en Haute-Volta !
Vive la Haute-Volta !
Vive la démocratie !
Vive la liberté !
Je vous remercie et à très bientôt !

Source : Carrefour africain du 1 er avril 1983

 

Les fichiers joints

Diverses interventions de Thomas Sankara (audio)

 

Sur cette page nous essayons de regrouper les discours, interviews et émissions sur le Capitaine Thomas Sankara

 

Si toute fois vous avez des documents audios , vous pouvez nous les faire parvenir via le lien de contact : Contact

 


Thomas Sankara, nous parle de son Burkina, pays pauvre et enclavé, situé en Afrique occidental….

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Discours de Thomas Sankara en Octobre 1987

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Discours du Capitaine Thomas Sankara lors d’une visite avec la population locale.

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Extrait d’interview réalisé par J.P Rapp – Consideré comme l’homme de Kadafi, l’homme de la lybie…
Sankara réponds…

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A propos de la culture et du développement, Thomas Sankara réponds en ces termes ..

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En ce qui concerne la coopération avec l’Occident, nous devons avoir le courage de dire … de leur tendre la main…

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La conférence de Berlin (1884-1885) a montré , comment un groupe d’homme peut décider pour un groupe d’homme de cultures différentes …

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A propos de l’émancipation de la femme burkinabé, Thomas Sankara réponds avec ferveur … que – « La vraie émancipation des femmes , c’est celle qui responsabilise la femme ,qui l’associe aux activités productives , aux différants combats auxquels est confronté le peuple . L ‘émancipation, tout comme la liberté , ne s’octroie pas , elle se conquiert . »

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Lorsque le Capitaine fait fermer les discothèques oaugalaises, en faveur des bals populaires, il livre le pourqauoi de cette fermeture à traveur cet interview réalisé par JP-Rapp

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Pour le développement économique du Burkina Faso, Thom Sank nous donne les possibilités…

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Notre révolution vise à donner au peuple burkinabé sa dignité. Nous pouvons nous aussi avoir nos normes de développement…

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Pourquoi le service national au Burkina Faso? Quelles sont les modifications apportées à ce service sous la révolution? Thomas Sankara nous réponds …

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La course au pouvoir

La course au pouvoir!!!

Longtemps connu sous le nom de " Pays des Mossi " en référence à ce grand peuple ouest africain et son puissant empire séculaire(multiséculaire), après être tombé sous la domination coloniale française à la fin du XIXème siècle, il baptisé " Colonie du Haut Sénégal-Niger " en 1904 . C’est en 1919 qu’elle devient la " Colonie de Haute Volta ". En 1932, le pays est divisé et administrativement intégré dans les territoires des colonies voisines( Côte d’Ivoir, Mali et Niger). Ce n’est qu’en 1947 qu’elle retrouva ses frontières et conservera son nom <> pendant une période de trente sept années. Après les réformes de l’union française en 1957, la Haute-Volta est devenue, en 1958, à une république autonome .

Un gouvernement a été formé, dirigé par Maurice Yaméogo. En 1959 Haute-Volta adhère le conseil de l’Entente (une association basés sur des intérêts politiques et économiques mutuels) dont les autres membres étaient : la Côte d’Ivoire , le Niger , le Dahomey (actuel Bénin ), et le Togo . Elle accède ainsi à l’Indépendance en 1960 (plus précisément le 05 Août 1960), sans que ne soient modifiés, ni ses frontières, ni son nom, ni ses couleurs qui fait référence aux trois fleuves la traversant : le Mouhoune ,le Nazinon et le Nakambé (Volta Noire, Volta Rouge et Volta Blanche) . Maurice Yaméogo a été  premier Président élu. La Haute Volta devient également membre de L’Organisation des Nations Unies .

Maurice Yaméogo

En 1965, une nouvelle élection est organisée et Maurice Yaméogo est réélu dans ses fonctions de Président de la République. Il le sera jusque en janvier 1966.

Le Lieutenant Colonel Sangoulé Lamizana

Le 3 janvier 1966,  le Lieutenant Colonel Sangoulé Lamizana prend le pouvoir .1971 – Proclamation de la deuxième République par le Général Lamizana. En 1977, un Référendum permet d’approuver la nouvelle Constitution qui prévoit le retour à un régime civil. 1978 – Confirmation du général Lamizana à la tête du pays à la faveur des élections présidentielles et proclamation de la troisième République.

le Colonel Saye Zerbo

E n 1980, le Colonel Saye Zerbo      succéda au Colonel Sangoulé Lamizana ; il institue et dirige le (C.M.R.P.N) Comité Militaire de Redressement pour le progès(c’est la même année qu’a lieu la visite du Pape en Afrique et notamment à Ouagadougou).

Le Commandant Jean Baptiste Ouédraogo

1982 – Le Commandant Jean Baptiste Ouédraogo prend le pouvoir et créé un nouvel organe de direction des affaires de l’Etat, le (CSP) Comité de Salut du Peuple .

Thomas Sankara

Le capitaine Thomas Sankara devient président en 1983,et crée le Conseil National de la Révolution .

C’est enfin en 1984 que la  Haute  Volta  changea   de  nom  pour devenir  le Burkina Faso ( La terre des hommes intègres ).

Blaise Compaoré

Après le coup d’état  en Octobre 1987 , le capitaine Blaise Compaoré devient le nouveau président. Dépuis 1987, Blaise Compaoré s’atèle à conserver le pouvoir autour de lui et ne veut plus le quitter. Arpès 17 ans au pouvoir , l’homme de Ziniaré, ne pense pas laisser son trône… Et l’histoire s’arrête ici…

 

Histoire du Burkina Faso

Histoire du Burkina Faso


L’histoire de tout un peuple!





-1er millénaire avant J.C. : Des pierres taillées, poteries et gravures évoquent une civilisation néolithique encore mal connue.
Les premiers agriculteurs qui défrichèrent la forêt, précédèrent les ancêtres des Mossi actuels, qui peuplent la plus grande partie du pays.
L’origine de ces cavaliers est mal connue. Constitués en une aristocratie militaire, ils passèrent des accords avec les autochtones, restés propriétaires du sol, comme en témoignent les rapports traditionnels existant entre les ” chefs de terre ” et les chefs de canton, qui détiennent le pouvoir politique.




La mosquée à Bobodioulasso.

Les morceaux de bois dépassant du bâtiment servent à armer la construction en torchis.


-Du XIème et le XIVème siècle : Arrivée des Mossi.



Les quatre royaumes moi (issus d’une fusion ethnique entre les conquérants et les populations locales) furent progressivement constitués mais ne parvinrent jamais à l’unité politique.
Le plus important, le royaume du Yatenga, au nord, fut en contact direct avec les empires soudanais contre lesquels il mena des expéditions (prise de Tombouctou en 1329). Il dut notamment résister aux entreprises d’islamisation de l’empire Songhaï. L’administration, très centralisée, permettait de mobiliser rapidement des forces de défense.
La personne du roi, le mohro naba , était sacrée.
Les autres populations du Burkina Faso eurent leur propre histoire faite du brassage avec d’autres peuples (Gourmantché, Bwa, Sénoufo, Gan). Dans le Nord, les Touareg, les Peul, les Songhaï et les Djerma s’installèrent plus récemment.



-XVème siècle : Arrivée des marchands dioula (à l’origine de Bobo-Dioulasso).







Le Moronaba (mohro naba)
du Ouagadougou.



La pénétration française

Au XIXème siècle, le pays dut de nouveau faire face aux tentatives des talibans (disciples) d’El-Hadj Omar, des Bambara de Ségou, des Peul du Macina.


 
-1810 : Islamisation de l’Est voltaïque par les Peul.



-1895 : Tentative de création d’un État dans la savane par Samory Touré.



-1896 : Les Français, craignant d’être pris de vitesse par les Britanniques dans la région, profitèrent des craintes soulevées par cette tentative de conquête chez les souverains locaux pour établir un protectorat sur le royaume mossi de Ouagadougou, tandis que les autres royaumes mossi, affaiblis par des querelles dynastiques, étaient également placés sous leur domination.



-1904 à 1919 : Rattachement de ces nouveaux territoires de l’Empire colonial français à la colonie du Haut-Sénégal-Niger, intégrée à l’Afrique-Occidentale française.



-1916 : Résistance à la conscription.
Les Mossi constituèrent l’essentiel des bataillons de “Tirailleurs Sénégalais” (appelés ainsi parce qu’ils embarquaient pour l’Europe à Dakar) qui combattirent aux côtés des troupes alliées durant la Première Guerre mondiale.


-1919 : Création de la colonie de Haute-Volta.



-1932 : Démembrement de la Haute-Volta sous la pression des colons européens de Côte-d’Ivoire, du Soudan français (actuel Mali) et du Niger. Elle constituait en effet un important réservoir de main-d’ouvre pour les plantations et la construction du chemin de fer Ouagadougou-Abidjan. Le centre et le sud de la Haute-Volta furent annexés à la colonie de Côte-d’Ivoire, le nord intégré au Soudan français et au Niger. Le travail forcé, l’impôt (et la répression des soulèvements) avaient déjà profondément marqué les consciences, ils furent encore renforcés.



-1947 : Le pays, dont beaucoup d’habitants avaient combattu pour la France libre sur les champs de bataille européens de la Seconde Guerre mondiale, retrouva son unité.

De la Haute-Volta au Burkina Faso

-1958 : La Haute-Volta devient une république autonome au sein de la Communauté française, sous la direction de Maurice Yaméogo, chef de l’Union démocratique voltaïque.


 
-1959 : Adhésion au Conseil de l’Entente, (organisation regroupant les pays francophones de la région, Côte-d’Ivoire, Niger, Dahomey (actuel Bénin) et Togo).



-5 août 1960 : Accession à l’indépendance. Yaméogo, demeuré président de la République, instaure un régime de parti unique, appuyé sur l’Union démocratique voltaïque.



-Janvier 1966 : les mesures d’austérité prises par le gouvernement provoquent un soulèvement populaire encadré par les syndicats et les partis progressistes. Le président Yaméogo est contraint de laisser le pouvoir au chef d’état-major, le colonel Sangoulé Lamizana, qui bénéficie de la confiance de la population. Celui-ci prend la tête du Conseil supérieur des forces armées et élabore un nouveau plan de remise en ordre de l’économie.



-1970 : Promulgation d’une Constitution instaurant l’élection du président au suffrage universel pour quatre ans et garantissant le multipartisme.



-1971 : Participation d’une dizaine de partis politiques aux élections législatives.



-1974 : Reprise du pouvoir par l’armée, annonçant le retour au régime de parti unique, tandis qu’un conflit frontalier oppose la Haute-Volta et le Mali, sur la bande d’Agacher.


 
-Décembre 1975 : Première grève générale marquant l’émergence d’une contestation populaire.
-1977 : Chute du gouvernement militaire. Une nouvelle Constitution, approuvée par référendum, restaure le multipartisme, limité cependant aux trois principaux partis.



-1978 : Election du général Lamizana à la Présidence de la République.


 
-1980 : Blocage des salaires et ‘augmentation du prix des denrées de base suscitant une nouvelle vague de mécontentement. Coup d’État militaire portant au pouvoir le colonel Saye Zerbo qui suspend les institutions et instaure un Comité militaire de redressement pour le progrès national.



-1982 : Zerbo est renversé par de jeunes officiers, à la faveur d’un mouvement de grève. Le nouveau gouvernement militaire était dirigé par le capitaine Thomas Sankara, tandis que le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouedraogo prend la présidence du pays.

De la révolution à la démocratisation

-Août 1983 : Arrestation du Premier ministre déclenchant l’intervention des parachutistes et ouvrant une période d’exaltation révolutionnaire. Nommé président du Conseil national de la révolution (CNR), après l’éviction de Ouedraogo, Sankara, que les pays occidentaux accusent d’être un allié du colonel Kadhafi, le dirigeant libyen, met en place des comités de défense de la révolution et s’engage dans une politique économique nationaliste et progressiste. Des campagnes sont lancées contre la mendicité et la prostitution, pour le sport de masse et le port du “Faso Dan Fani”, le costume national érigé en uniforme.



-3 août 1984 : Premier anniversaire du coup d’État, le pays est officiellement rebaptisé Burkina Faso. La révolution de Sankara modifie peu la vie des populations rurales, majoritaires, mais Sankara est en grande partie demeuré, dans l’esprit des Burkinabés, une figure héroïque, représentant un idéal d’émancipation nationale et de progrès.



-Octobre 1987 : Thomas Sankara est évincé puis exécuté lors d’un putsch qui porte à la direction du pays le numéro deux du régime, le capitaine Blaise Compaoré. Celui-ci lance sans tarder une “campagne de rectification”, visant principalement à réajuster la politique économique du pays.


 
-1991 : Signature d’un premier plan d’ajustement structurel avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et adoption par référendum d’une Constitution démocratique.



-Février 1992 : Echec d’un Forum de réconciliation nationale. La vie politique demeure dominée par le parti du président Compaoré. Celui-ci joue désormais un rôle diplomatique important dans la région.



-Septembre 1994 à avril 1995 : Négociations entre le gouvernement du Niger et les mouvements touareg rebelles de ce pays sous l’égide du président Compaoré. Le président burkinabé, qui soutient le mouvement armé libérien de Charles Taylor, intervient également dans les discussions concernant le conflit du Liberia.



-1998 : Sommet de l’OUA à Ouagadougou. Le président Compaoré profite de ce succès et de la santé relativement satisfaisante de l’économie pour se présenter à la présidentielle du mois de novembre.



-Novembre 1998 : Élection de Compaoré avec 87,5 % des suffrages exprimés.
La participation a été de 56 % après la campagne de boycott lancée par l’opposition.



-Décembre 1998 : Décès dans un accident de la route suspect du journaliste de l’Indépendant Norbert Zongo qui renaître envers le régime une hostilité latente qui remonte aux conditions mêmes de son arrivée au pouvoir liée à la mort de Sankara dont le pays commémore le dixième anniversaire. Depuis, l’affaire Zongo a dépassé le cadre du Burkina et a considérablement terni la réélection du chef de l’État. Après celle-ci, Campaoré a par ailleurs fait amender la Constitution afin de profiter du droit de se représenter à la présidence autant de fois qu’il le souhaite.

“Thomas sankara , quinze ans après sa mort” par Lionel AKPADIE

 Hommage à Thomas Sankara

THOMAS SANKARA, QUINZE ANS APRES SA MORT

de Lionel Akpadie

Cet article a été posté le 15 octobre 1982 sur le site togoforum à l’adresse http://www.togoforum.com

Avec l’assassinat, le 15 Octobre 1987, du Capitaine Isidore Dieudonné Thomas Sankara, s’écroulait l’espoir de la jeunesse Africaine qui se reconnaissait en lui. On découvre quinze après sa mort, son originalité et sa grandeur.

L’Homme et ses Croyances
Né le 21 décembre 1949 à Yako (Nord du Burkina), de père Peuhl et de mère Mossi, Thomas Sankara fréquente l’école Primaire de Gaoua (Sud-Ouest du Faso) ou son père est en fonction aux PTT (Poste et Télécommunication). Il commence ses études secondaires au Lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo et sera plus tard admis au Prytanée Militaire de Kadiogo (PMK). Le Bac en poche, Sankara entre à l’Académie Militaire d’Antsirabé (Madagascar). Il en sort Sous-Lieutenant en 1972. De là, les Centre de Parachutistes de Pau (France) et de Rabat (Maroc) l’accueillent successivement. Lorsqu’il regagne le bercail en 1974, le latent conflit qui couvait entre le Mali et l’ancienne Haute Volta vient d’éclater. On l’y envoie. Pour Thomas Sankara, la guerre est insensée, mais il n’a pas choix. En 1976, deux ans après le “cessez-le-feu” imposé par la défunte OUA, Sankara se voit nommé instructeur parachutiste des Para-Commandos de PO (Sud-Est). En Septembre 1971, le Colonel Saye Zerbo, alors Président du Conseil Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN) lui confie le poste de Secrétaire d’Etat à l’Information. Alors que lors du premier conseil des ministres, Sankara fait son déplacement à vélo, il démissionne de son poste le 12 avril 1982 en prenant bien soin de marteler: “Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple.”

Le 7 Novembre 1982, le malheur frappa effectivement Saye Zerbo qui se voit destitué par le Colonel Some Yorian Gabriel, alors Chef d’Etat-major, lequel confie la présidence au Médécin-Commandant Jean Baptiste Oudraogo. Celui-ci crée le Conseil de Salut du Peuple (CSP) et nomme Thomas Sankara, Premier Ministre.

Mais le “PM” ne cache nullement ses sympathies pour le Colonel Muammar Kaddafi, véritable bête noire des régimes africains. Sankara est arrêté le 11 mai 1983.

Avec lui, Jean-Baptiste B. Lingani et Henri Zongo (tous deux militaires et amis du PM). Manque à l’appel une autre tête brûlée, le Capitaine Blaise Compaoré qui a, entre temps, remplacé Sankara à la tête des para-commandos de PO. Celui-ci va entrer en rebellion après s’être retiré discrètement dans son fief, PO, qu’il proclame “République” au grand dam du pouvoir central de Ouagadougou. Et comme on tarde à libérer ses amis, Compaoré se fâche et investit Ouagadougou le 4 août au petit matin, chasse Jean-Baptiste Ouedraogo du pouvoir, libère ses amis avec l’aide du peuple qui menace alors de tout saccager si le “le capitaine peuple” n’est pas libéré sans conditions.

L’oeuvre de Thomas Sankara
En 4 ans de pouvoir jalonnés de grandes succès mais aussi de tracas de toutes sortes, qu’a t-il bien pu faire pour marquer à jamais la mémoire collective de l’humanité?
– Le 2 octobre 1983, il présente au peuple Burkinabè un discours-programme tenant lieu de manifeste de l’instance dirigeante du pays. Il porte le nom de Discours d’Orientation Politique (DOP). Pour la première fois dans l’histoire du pays, une place importance est accordée aux artistes et autres créateurs d’oeuvre de l’esprit. Mais Sankara n’était-il pas lui même un artiste musicien, chef de l’orchestre “Tout-à-Coup Jazz?”
– Le 29 octobre le la même année, Sankara se fache, la Côte d’Ivoire de Houphouet Boigny s’étant opposée à ce que la présidence de la CEAO (dont le siège est à Ouaga) revienne au Faso. Or cette présidence s’assume par rotation entre les pays membres. Ce premier choc pèsera lourd dans les relations futures entres les deux voisins. Beaucoup en voient même l’une des causes de son assassinat.
– Le 9 décembre 1983, Sankara met à la disposition des régions du Nord dévastées par la sécheresse une Caisse de Solidarité Révolutionnaire (CSR) et invite tous les patriotes et amis du Faso à y cotiser.
– Le 20 décembre 1983, il lance la première Semaine Nationale de la Culture qui va plus tard se tenir en dehors de la capitale, rassemblant des milliers d’artistes toutes catégories confondues.

Les années d’après sont davantage marquées d’initiatives créatrices visant à sortir le Faso de la dépendance étrangère.

– 1984. D’abord le 3 janvier, Sankara lance les premières assises des Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR).
– Le 28 mars 1984, il fait adopter par le conseil des ministres un projet de construction permanent des “Cités du 4 Août” à raison de 20 villas dans chacun des 30 chefs-lieux de province.
– Le 31 mars 1984, “Thom Sank” est contre toute attente, le premier Chef d’Etat à se rendre en République Arabe Saharaouie Démocratique (RASD) pour apporter à ses combattants de la liberté le réconfort moral.
– Le 5 avril 1984, il lance le premier quotidien gouvernemental du pays. Son non SIDWAYA signifie en langue nationale Mooré “Voici venue la Vérité.”
– Le 26 avril 1984, il donne le coup d’envoi des travaux d’aménagement de la vallée du Sourou. D’une superficie de 41000 hectares, cette vallée regorge de potentialités non négligeables et est capable de couvrir les besoins
alimentaires et en eau de plus de sept millions de Burkinabé.
– Le 8 juin, il lance le Programme Populaire de Développement (PPD). Objectif: décentraliser au maximum l’administration afin qu’elle soit davantage plus proche des administrés.
– Le 3 août 1984, La Haute Volta disparaît au profit du Burkina-Faso – La Patrie des Hommes Intègres. Pour Sankara, le nom Haute Volta est loufoque tandis que Burkina-Faso, dérivé de deux langues du pays, renferme une signification profonde en ce qu’il invite au travail dans l’ordre, la discipline et une gestion rigoureuse et scientifique des ressources publiques.
– Le 1er octobre 1984 voit la suppression de l’impôt de capitation à cause duquel nombre de Burkinabé ont de tout temps immigré vers les pays voisins en vue de rechercher du travail.
– Le 3 octobre 1984, Sankara est aux États-Unis. Ce jour est la veille de son discours musclé qu’il va prononcer à la Tribune de l’ONU. Alors il se rend dans la cité du Harlem à New York. Là, il impressionne plus d’un Américain noir par son discours révolutionnaire frappé du sceau d’une verve pathétique jamais vue auparavant. Sérieusement déçu par les méthodes de l’impérialisme, il dégaine son Colt (pistolet) et le pointe au ciel. Les “Black Brothers” de “Harlem City” se laissent convaincre qu’il a ainsi tué dans l’oeuf “the sad imperialism.”
– Le 21 octobre 1984, Sankara est de retour au Faso où il met à la disposition des Ouagalais les premiers bus de transport en commun, X9.
– Le 25 novembre 1984, débute sur l’ensemble du territoire national la “vaccination commando.” En 15 jours, 2.500.000 d’enfants de 9 à 14 ans sont vaccinés contre la rougeole, la méningite et la fièvre jaune. L’UNICEF s’est
félicité de la volonté politique de Thomas Sankara.

L’année d’après, 1985, Sankara engage plusieurs combats:

-“La bataille du Rail” le 1er février. Il s’agit là de la construction du chemin reliant Ouagadougou à Tambao, long de 345 km en vue de désenclaver le Sahel. Puis ce fut “Les Trois Luttes” (22 mai) contre la coupe abusive du bois, les feux de brousse et la divagation des animaux.

Le 19 septembre 1986, Sankara crée l’Union des Femmes du Burkina (UFB). L’année d’après qui marque aussi la fin de son règne, il contribue à l’innovation du VIe Festival Panafricain du Cinema de Ouagadougou (FESPACO).
– Le 7 février 1987, il crée et comparait lui même devant une “Commission du Peuple chargée de la Prévention de la Corruption”. Il entend ainsi lutter contre les détournements de deniers publics et juguler la corruption car “s’il y a des corrompus, c’est qu’il y a des corrupteurs,” disait-il. Il voulait aussi lutter contre certains bonzes du Conseil National de la Révolution (CNR) qui commencent à “se beurrer.”
– Le 11 mars 1987, il organise les paysans au travers d’une “Union Nationale des Paysans du Burkina” (UNPB), qu’il reçoit en présence du ministre de la Question Paysanne au Palais Présidentiel.
– Le 30 mars 1987 est organisé la 2è Conférence Nationale des CDR. Occasion pour lui de constater l’émoussement de l’élan révolutionnaire de certains camarades.
Il le leur dit clairement et le leur répète le 4 août.
– Le 21 août 1987, Sankara célèbre à Tenkodogo (Est du pays) le 4ème anniversaire du DOP.
– Le 8 octobre 1987, autre anniversaire: celui de la mort de CHE GUEVARRA (20è) célébré par le capitaine peuple en présence du fils du CHE.
– Du 8 au 11 octobre se tient sous son égide une “Conférence Internationale sur l’Apartheid.” A cette occasion, le Mozart africain fait installer un “Comité BAMBATTA”, du nom d’un chef guerrier Zoulou d’Afrique du Sud mort les armes à la main. Sankara se doutait-il un seul instant que 4 jours plus tard, il va rejoindre au Panthéon de l’Histoire Panafricaine, d’autres combattants Africains que furent Sylvanus Olympio, Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Amilcar Cabral, Samora Machel, Annouer El Sadate.

Quelques lignes de Thomas Sankara
1983, Paris, Conférence Internationale sur l’arbre et la forêt :
“Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre 20 années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture là. Il faut ranimer la confiance du peuple en lui-même en lui rappelant qu’il a été grand hier et donc, peut-être aujourd’hui et demain “Fonder l’espoir.”
“La plus grande difficulté rencontrée est constituée par l’esprit de néo-colonisé qu’il y a dans ce pays. Nous avons été colonisés par un pays, la France, qui nous a donné certaines habitudes. Et pour nous, réussir dans la vie, avoir le bonheur, c’est essayer de vivre comme en France, comme le plus riche des Français. Si bien que les transformations que nous voulons opérer rencontrent des obstacles, des freins.”

A un journaliste américain – “L’esprit de liberté, de dignité, de compter sur ses propres forces, d’indépendance et de lutte anti-impérialiste [.] doit souffler du Nord au Sud, du Sud au Nord et franchir allègrement les frontières.
D’autant plus que les peuples africains pâtissent des mêmes misères, nourrissent les mêmes sentiments, rêvent des mêmes lendemains meilleurs.”

Août 1984, Conférence de presse – “Nous n’avons pas compris comment ils [Jonas Savimbi de l’Angola et Pieter Botha d’Afrique du Sud, pro Apartheid] ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en portent l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours.”

Novembre 1986, discours fait à François Mitterrand, en visite à Ouagadougou – “Parce que de toutes les races humaines, nous appartenons à celles qui ont le plus souffert, nous nous sommes jurés de ne plus jamais accepter sur la moindre parcelle de cette terre le moindre déni de justice.”

Lionel Akpadie

“Tant mieux si la jeunesse africaine fait de Thomas Sankara l’un de ses héros” de Bruno Jaffré

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Ce texte est la conclusion du llivre “Biographie de Thomas Sankara, la patrie ou la mort”, publié chez l’Harmattan en 2007 (voir la présentation à http://thomassankara.net/?p=441

Désarroi d’un homme toujours en avance sur son entourage, trahison d’une amitié, déchirement d’une famille perdant un être cher, la vie de Thomas Sankara s’est terminée en tragédie. La hauteur avec laquelle il s’est toujours refusé, malgré les fortes pressions de son entourage, à éliminer son adversaire qui était aussi son meilleur ami, suffirait à le classer parmi les grands hommes de l’histoire moderne. L’un repose en paix en accord avec lui-même l’autre doit vivre avec sa conscience.

La jeunesse a besoin de héros. Mieux vaut que ce soient des êtres de chair et de sang que ces machines à faire de l’argent, fabriquées par des multinationales que sont les vedettes du show business. Mieux vaut qu’ils fassent rêver par leurs qualités humaines et leur action contre l’exploitation et l’injustice et pour plus de solidarité que pour les sommes phénoménales qu’ils brassent et qui surtout retombent aux mains de ceux qui dans l’ombre les manipulent comme des marionnettes.

Originellement le mot héros désigne des demi-dieux, c’est-à-dire des êtres mi-humains mi-dieux. Les ” héros ” fabriqués par des sociétés de marketing ont perdu toute forme d’humanité bien que les gains de leur promoteur soient eux très réels. Les doutes, les interrogations, les hésitations voire les erreurs de Thomas Sankara viennent nous rappeler qu’il était profondément humain. Il avait de plus un grand sens du concret.

Sa popularité réside dans les qualités qu’il a déployées au pouvoir, dans son énergie, son intelligence, sa créativité, sa résolution, l’ampleur du travail qu’il était capable d’accomplir, sa capacité à entraîner son entourage et son peuple mais aussi dans son intégrité et sa rigueur morale. Autant de qualités somme toute très humaines et très réelles. Mais elles sont rares chez le même homme et atteignent rarement la même force. Son héroïsme réside surtout dans la valeur d’exemple qu’il représentait, ce qui décuplait sa capacité à faire rêver, à entraîner derrière lui son entourage mais aussi son peuple, tout en restant toujours très proche des gens, par la proximité physique mais aussi par son langage qu’il voulait accessible.

Les hommes de pouvoir doivent passer par tellement d’étapes, jouer de tant de malignité, passer par tant de compromission ou de compromis, se débarrasser de tant de rivaux que lorsqu’ils arrivent au sommet ils en ont souvent oublié leur engagement initial quand il n’était pas dès le départ des ambitieux motivés essentiellement par leur propre avenir. Thomas Sankara tranche avec tous ceux-là, il est arrivé très jeune au pouvoir. Il a tenté de l’exercer sans perdre le contact avec la population, bien au contraire puisqu’il prenait sur son sommeil pour le faire. Il sortait incognito et se présentait impromptu dans un village ou une permanence de CDR à la recherche de contacts directs et improvisés débarrassés de tout protocole.

Il s’est efforcé de démystifier le pouvoir avec humour. Il a réussi à en éviter les fastes et les travers dans lesquels tant de révolutionnaires déclarés se sont égarés. Il a au contraire assumé dignement la pauvreté de son pays non comme une honte mais comme le résultat d’un processus historique et des conditions naturelles dues à sa position géographique. Comme nous l’avons vu il a plusieurs fois refusé de prendre le pouvoir avec ses camarades, qui pourtant l’y poussaient. Ce n’était en effet pas le pouvoir qui l’intéressait mais ce qu’on pouvait réaliser avec, pour son peuple. Il sentait alors qu’il n’était pas encore temps.

Thomas Sankara nous ramenait sans cesse à la réalité. Plus que de faire rêver à ce que pourrait être demain, il communiquait son énergie pour construire un monde réel, tout de suite. Quels étaient les objectifs de la Révolution ? Il a cru nécessaire de les rappeler au plus fort de la crise en déclarant peu avant sa mort : ” Notre révolution est et doit être permanemment, l’action collective des révolutionnaires pour transformer la réalité et améliorer la situation concrète des masses de notre pays. Notre révolution n’aura de valeur que si en regardant derrière nous, en regardant à nos côtés et en regardant devant nous, nous pouvons dire que les burkinabé sont, grâce à la révolution, un peu plus heureux, parce qu’ils ont de l’eau saine à boire, parce qu’ils ont une alimentation abondante, suffisante, parce qu’ils ont une santé resplendissante, parce qu’ils ont l’éducation, parce qu’ils ont des logements décents parce qu’ils sont mieux vêtus, parce qu’ils ont droit aux loisirs ; parce qu’ils ont l’occasion de jouir de plus de liberté, de plus de démocratie, de plus de dignité. Notre révolution n’aura de raison d’être que si elle peut répondre concrètement à ces questions. “

Est-ce donc rêver que de construire une société où ce minimum puisse être réalisé ? Certes même des pays bien plus riches comme la France ou les Etats Unis n’arrivent pas à satisfaire ces besoins pour tous. Ce n’est pas faute d’en avoir les moyens, mais plutôt mondialisation oblige, que le moteur de la société reste la recherche de la rentabilité plutôt que la satisfaction des besoins. Le mot révolution est désormais absent des débats politiques, il a été tellement dévoyé, mais comment remettre la satisfaction des besoins au premier plan ?

Dans le Burkina Faso de Thomas Sankara, on faisait la révolution. L’économie devait être tirée par les besoins et surtout on s’en donnait les moyens en luttant contre ceux qui s’y opposaient. On ne rêvait pas à réaliser ses objectifs, on y travaillait, durement. Il ne s’agissait pas d’un rêve. La part de rêve consistait peut-être dans la vitesse avec laquelle on voulait les atteindre. Tant d’aînés de Thomas Sankara s’étaient fixé les mêmes objectifs qui à force de réalisme, d’étapes historiques à respecter, de planifications soigneusement élaborées se sont perdus dans les méandres de l’histoire pour finir à force d’excuses et de compromissions par s’enrichir personnellement sur fond de dictature pendant que le peuple s’enfonçait toujours plus dans la misère. C’est à la lumière de ces révolutions trahies, de la Guinée de Sékou Touré, au Bénin de Mathieu Kérékou, de Madagascar de Didier Ratsiraka au Congo de Sassou Nguesso que nous pouvons mieux juger de l’oeuvre de Thomas Sankara. Retour ligne manuel
Le rêve n’était pas tant que ces objectifs étaient irréels mais plutôt qu’il voulait qu’ils se réalisent vite, presque tout de suite. Mais c’est aussi pour ne pas être responsable du énième échec qu’il était si exigeant. Les seuls véritables reproches qu’on pourrait lui faire, c’est d’avoir accédé au pouvoir trop jeune, d’avoir voulu aller très vite dans une situation pourtant extrêmement difficile en regard des objectifs que s’était fixée la révolution et des moyens disponibles pour les atteindre. Ce qu’on peut lui reprocher c’est finalement d’avoir été trop humain, trop sensible. C’est son humanité qui l’avait amené à pousser son entourage à s’atteler à une tâche que beaucoup pensait inhumaine car trop ambitieuse.

Nous touchons ici aux limites de l’action d’un homme face aux réalités objectives dans un contexte historique précis.

Les forces productives n’étaient guère développées en Haute-Volta. La révolution ne consistait pas à se saisir des biens des bourgeois détenteurs des moyens de production quasiment inexistants, pour les remettre aux mains du peuple, mais plutôt à créer une industrie nationale. Ce qui ne peut se faire en quatre ans. La paysannerie était au centre des préoccupations, mais elle était peu politisée, une grande partie demeurait sous l’emprise de la chefferie. Et dans bien des endroits les méthodes de culture en étaient restées à ce qu’elles étaient avant la colonisation. Seuls le coton avait bénéficié d’une attention particulière. La révolution s’entendait ici par le développement des forces productives, la modernisation et la rationalisation de l’agriculture, le développement de filières, la mise à sa place d’un circuit de commercialisation qui libère les paysans de l’emprise des commerçants spéculateurs mais aussi la formation des paysans, l’alphabétisation et lutte contre la chefferie. Les ennemis du peuple se résumaient pour l’essentiel aux quelques politiciens qui s’étaient partagés le pouvoir jusqu’ici et leur quelques alliés. Mais on ne les a guère entendus durant le processus, les leaders arrêtés, leurs partis ont cessé d’exister, montrant par là leur peu de réalité.

La révolution a donc surtout consisté à mettre en place une véritable économie nationale et à tenter de se libérer des pressions extérieures économiques et politiques, à résister aux tentatives de déstabilisation. Nous avons montré à ce propos tous les obstacles que le Burkina Faso a rencontrés de la part des bailleurs de fonds. Enfin, la Haute-Volta n’a guère de richesse dans son sous-sol, une bonne partie de son territoire souffre de sécheresse.

C’est dans ce contexte qu’a éclaté la révolution. Sur quelles forces pouvait-elle s’appuyer en l’absence d’une classe ouvrière ou d’une paysannerie consciente. Sur la petite-bourgeoisie urbaine constituée essentiellement des salariés fonctionnaires ou d’intellectuels, d’une partie de l’armée dont l’engagement est forcément limité, de la jeunesse scolaire et de celle encore plus nombreuse au chômage.

Quant aux forces politiques organisées, capables de diriger le processus, elles étaient faibles et la mieux structurée a été écartée dès la première année. Les autres se sont perdues dans des querelles intestines. C’est dans ce contexte que l’armée a pu prendre tant de poids dans la prise du pouvoir puis dans la direction de la révolution et enfin dans le dénouement tragique de la crise.

C’est peu dire que les conditions objectives pour la réussite de la révolution n’était guère réunies. Ce n’est pas d’avoir voulu aller trop vite que la révolution a échoué, dans le sens où elle a été interrompue, mais bien du fait que le contexte était trop défavorable. Replacé dans ce contexte, le bilan est plus que positif, il est même remarquable.

Thomas Sankara aurait pu se débarrasser de ses ennemis, il en avait les moyens, beaucoup dans son entourage le suppliait de le faire. La révolution est plus importante que ta rigueur morale lui a-t-on sans doute affirmé. Peut-être aurait-il du mieux se protéger ? Il ne pouvait en tout cas pas imaginer que son ami viendrait à être responsable de son assassinat. En tout cas, il ne voulait pas tomber dans le cycle sans fin des clarifications sur fond d’assassinat sous prétexte d’étapes supérieures qui cachent souvent une simple lutte pour le pouvoir. Au contraire il a cherché à élargir la base de la révolution et s’est opposé à ceux qui portaient des exclusives. Il s’est battu politiquement, mais en face on a préféré l’éliminer physiquement ce que nous pourrions interpréter comme un aveu de faiblesse. Thomas Sankara savait que s’il venait à employer ces méthodes, il aurait cessé d’être celui qu’on aimait, celui en qui on avait confiance, celui qui rassurait au moment des doutes par son intégrité et sa rigueur morale. Bien d’autres n’ont pas eu cette attitude qui se sont vite dévoyés.

L’itinéraire de Thomas Sankara de l’enfance à la présidence de la république n’en fait pas un héros. Certes il avait de bonne disposition, et a vécu, malgré les difficultés qu’il a connues, une enfance privilégiée par rapport à la masse des petits voltaïques de sa génération. Mais pour le reste, les clés de son ascension sont, le travail, l’observation, l’étude, la persévérance, la résolution, l’écoute, la curiosité, la soif de savoir, la fidélité.

A reprendre les différentes étapes de sa vie, on a l’impression qu’il a vécu l’esprit perpétuellement en éveil et qu’il a su faire fructifier chacune de ses expériences pour en tirer le meilleur. De son enfance il se rappelle combien l’injustice est insupportable, de son éducation religieuse il conserve les leçons d’humilité de Jésus et un certain humanisme, de son adolescence il tire surtout la formation classique et sans doute quelques leçons sur la révolution française, de sa rencontre avec le marxisme, la rigueur de l’analyse des rapports sociaux et les perspectives de changement, de son séjour à Madagascar, de précieuses leçons d’économie mais aussi une expérience vivante de révolution, de la guerre avec le Mali, une horreur du sang versé inutilement. Faut-il continuer ?

A la fin de sa vie, il s’apprêtait à faire fructifier l’expérience acquise depuis qu’il était au pouvoir pour donner une nouvelle impulsion à la révolution. Il avait compris qu’il fallait en ralentir la marche, il voulait prendre des distances avec le pouvoir pour mieux se consacrer à ce qui lui semblait une tâche urgente qui devenait primordiale pour toute nouvelle avancée : unir les différentes factions qui soutenaient la révolution et en rallier de nouvelles. Non qu’il avait un goût particulier pour la construction d’un appareil. On sentait au contraire qu’il voulait mettre sur pied une organisation d’un type nouveau, qui tout en étant efficace dans la direction de la révolution conserverait la diversité nécessaire à la réflexion créative. Mais à l’étape où en était la révolution il sentait qu’il n’était plus possible que tous les cadres engagés perdent leur énergie à lutter les uns contre les autres au lieu de se rassembler et de s’unir dans une même structure entièrement consacrée à la réflexion collective pour aller de l’avant et lutter politiquement contre les véritables adversaires. C’est un dirigeant qui venait juste de franchir une étape nouvelle qui a été assassiné.

Oui, Thomas Sankara peut être montré en exemple comme un homme de son temps. Et tant mieux si la jeunesse africaine s’en empare comme une lueur d’espoir, comme un phare qui éclaire son chemin, comme l’exemple du possible et de l’intégrité que l’on jette à la face de tous les autres présidents du continent toujours à se chercher des excuses dans leur incapacité à entraîner leur peuple et à améliorer sa situation. Certes la marge de manoeuvre d’un pays qui se voudrait indépendant semble aujourd’hui encore plus petite qu’en 1983. Mais l’histoire ne se répète jamais et réserve souvent des surprises. Et tant mieux si la jeunesse africaine fait de Thomas Sankara l’un de ses héros. Son exemple mérite d’être suivi. Nous ne pouvons que souhaiter qu’il suscite des vocations.

@ Bruno Jaffré

LE DITANYE (L’HYMNE NATIONAL )

La Patrie ou la mort nous vaincrons

L’HYMNE NATIONAL, L’HYMNE DE LA VICTOIRE ( LE DITANYE)

Ecouter

I. Contre la férule humiliante il y a déjà mille ans

La rapacité venue de loin les asservir il y a cent ans

Contre la cynique malice métamorphosée

En néocolonialisme et ses petits servants locaux

Beaucoup flanchèrent et certains résistèrent

Mais les échecs, les succès, la sueur, le sang

Ont fortifié notre peuple courageux

Et fertilisé sa lutte héroïque.

REFRAIN

Et une seule nuit a rassemblé en elle l’histoire de tout un peuple

Et une seule nuit a déclenché sa marche triomphale

Vers l’horizon du bonheur une seule nuit a réconcilié

Notre peuple, avec tous les peuples du monde

A la conquête de la liberté et du progrès.

La Patrie ou la mort nous vaincrons.

II. Nourris à la source vive de la révolution,

Les engagés volontaires de la liberté et de la paix

Dans l’énergie nocturne et salutaire du 4 août

N’avaient pas que les armes à la main mais aussi et surtout

La flamme au cour pour légitimement libérer

Le Faso à jamais des fers de tous ceux qui,

Çà et là en polluaient l’âme sucrée

De l’indépendance de la souveraineté

III. Et séant désormais en sa dignité recouvrée

L’amour et l’honneur en partage avec l’humanité

Le peuple de Burkina chante un hymne à la victoire

A la gloire du travail libérateur, émancipateur

A bas l’exploitation de l’homme par l’homme,

Hé ! en avant pour le bonheur de tout homme

Par tous les hommes aujourd’hui et demain

Par tous les hommes ici et pour toujours.

IV. Révolution populaire nôtre, sève nourricière

Maternité immortelle de progrès à visage d’homme

Foyer éternel de démocratie consensuelle

Où enfin l’identité nationale a droit de cité

Où pour toujours l’injustice perd ses quartiers

Et où des mains des bâtisseurs d’un monde radieux

Mûrissent partout les moissons des voux patriotiques

Brillent les soleils infinis de joie.

La Patrie ou La mort Nous Vaincrons


 

English Version:

ONE SINGLE NIGHT
Against the humiliating bondage of a thousand years
Rapacity came from afar to subjugate them for a hundred years.
Against the cynical malice in the shape
Of neo-colonialism and its petty local servants.
Many gave in and certain others resisted.
But the frustrations, the successes, the sweat, the blood
Have fortified our courageous people and fertilized its heroic struggle.

Chorus:
And one single night has drawn together
The history of an entire people,
And one single night has launched its triumphal march.
Towards the horizon of good fortune.
One single night has brought together our people With all the peoples of the World,
In the acquisition of liberty and progress.
Motherland or death, we shall conquer.

Nourished in the lively source of the Revolution,
The volunteers for liberty and peace
With their nocturnal and beneficial energies of the 4th of August
Had not only hand arms, but also and above all
The flame in their hearts lawfully to free
Faso forever from the fetters of those who
Here and there were polluting the sacred soul of independence and sovereignty.

Chorus

And seated henceforth in rediscovered dignity,
Love and honour partnered with humanity,
The people of Burkina sing a victory hymn
To the glory of the work of liberation and emancipation.
Down with exploitation of man by man!
Forward for the good of every man
By all men of today and tomorrow, by every man here and always!

Chorus

Popular revolution our nourishing sap.
Undying motherhood of progress in the face of man.
Eternal hearth of agreed democracy,
Where at last national identity has the right of freedom.
Where injustice has lost its place forever,
And where from the hands of builders of a glorious world
Everywhere the harvests of patriotic vows ripen and suns of boundless joy shine.

Chorus

Slogans et chansons

MARCHE POUR LA REVOLUTION

Peuple, du Burkina lève et marche

L’heure de la révolution a sonné

Dis non à l’impérialisme et l’oppression

A l’exploitation de tes opinions

Retouvé ta fierté et ta dignité

Tous mobilisés, mobilisés

CNR en avant, en avant

CDR, CDR en avant, en avant

la patrie ou la mort nous vaincrons.

 

.…. Pionnier! ….

Osez lutter savoir vaincre, vivre en revolutionnaire,

Mourir en révolutionnaire les armes à la main,

la patrie ou la mort nous vaincrons.

 

Annexe:

Qu’est-ce-qu’un pionnier?

Le pionnier est le plus jeune militant organiser par la révolution

—-

Quelques dates importantes du mouvement pionnier

27 au 29 décembre 1984 : séminaire de réflexion sur le mouvement national pionnier (MNP) à Ouagadougou.
17 mai 1985 : directive n° 85-007 publiée par le secrétaire général national du comité de défense de la révolution (SGN-CDR) qui trace l’ossature générale du Mouvement national pionnier
12 mai 1985 lancement officiel du MNP
28 au 30 décembre 1986 : séminaire des SOFA.

-Les catégories de pionnier

Les pionniers étaient scindés en trois grands groupes :
Le niveau I regroupait les élèves du CEII (11 ans) qui étaient désignés par le nom « Janto » qui signifie « ne m’oublie pas » en Dioula. Ils portaient autour du cou, un foulard vert.
Le niveau II était composé des élèves des classes de CMI et CMII (12-13 ans). Ils arboraient autour du cou un foulard jaune et étaient symboliquement appelés « Djambou ». C’est un terme lélé (gourounssi) qui veut dire « enfant intrépide sur qui on peut compter ».
Le niveau III était formé par les élèves des classes de 6ème et de 5ème. On les reconnaissait par leur foulard rouge et par leur nom « Abga ». C’est par ce nom que les moose désignent la panthère, cet animal agile, vivace dans l’action.

-Les lieux de regroupement

Le mouvement national pionnier était formé des enfants scolarisés. Par conséquent, les écoles étaient les lieux de rassemblement permanent des pionniers. Ces écoles prenaient le nom de Keego (camp d’initiation). Le Keego était divisé en compagnie correspondant aux classes. Par exemple les élèves de la classe de CEII formaient une compagnie.

La compagnie était subdivisée en section de 10 à 12 pionniers.
Si la section était dirigée par un chef de section, la compagnie elle, était dirigée par un commandant. Chef de section et commandant de compagnie étaient des pionniers démocratiquement élus par leurs pairs.
Le chef de section rend compte des questions de disciplines, d’organisation des activités au commandant qui répond devant le SOFA (encadreur de pionnier). Au niveau du keego le conseil des chefs de section et des commandants se tient tous les derniers jeudi du mois.

-Les SOFA

Les conditions pour être SOFA étaient les suivantes :
être un militant convaincu de la RDP
Avoir fait ses preuves dans les activités de son CDR de base.
Avoir l’amour pour la masse enfantine
Avoir de l’initiative dans le sens de l’organisation et de l’animation des enfants.
Les SOFA de chaque province se réunissaient en conseil au début de chaque année.

Supervision Les activités du mouvement national pionnier (MNP) étaient supervisées par le SGN-CDR ou un responsable national nommé. Ce dernier est entouré par une cellule permanente de réflexion sur le MNP. La cellule comprend outre le responsable national, ceux chargés du volet formation, de la section formation, de la section production et de l’animation.

-Quelques insuffisances du MNP

1 Il fallait être scolarisé pour accéder au MNP
2. Il n’y avait pas un cérémonial solennel pour entrer au MNP
3. La répartition se faisant conformément au niveau scolaire, on retrouvait parfois des enfants d’âge très disparate dans un niveau du MNP.
4. Le MNP n’avait pas un budget régulièrement voté malgré ses activités multiformes. (jardin, poulaillers, terrain de jeu, … )

Source : Kaboré Victor ; l’organisation et l’animation des pionniers au Burkina Faso. Mémoire de conseiller principal de jeunesse, INSS, Yaoundé, 109 p.

15 octobre 1987, une histoire de tubes digestifs ?

15 octobre 1987, une histoire de tubes digestifs ?

A la faveur des méandres de l’histoire, cet autocrate s’est hissé à la tête de notre Révolution pour mieux l’étouffer de l’intérieur. Cette haute trahison s’est illustrée par le bafouement de tous les principes organisationnels, les reniements divers des nobles objectifs de la RDP, la personnalisation du pouvoir, la vision mystique, quant aux solutions à apporter aux problèmes concrets des masses, toutes choses qui ont engendré la démobilisation au sein du peuple militant.". Extrait de la Proclamation du 15 Octobre 1987.
"Peuple du Burkina Faso, l’accélération de l’histoire fait souvent défiler les événements à une allure telle que la maîtrise par l’homme des faits devient impossible, rendant celui-ci artisan de situations non désirées. Les instants tragiques que nous avons vécu le 15 octobre courant font partie de ce type d’événements exceptionnels que nous fournit souvent l’histoire des peuples. En tant que révolutionnaires, nous devions avec courage assumer nos responsabilités. Nous l’avons fait à travers la proclamation du front populaire. Nous continuerons à le faire sans faille et avec détermination pour le triomphe des objectifs de la Révolution d’août. Ce dénouement brutal nous choque tous en tant qu’êtres humains et moi plus que quiconque pour avoir été son compagnon d’armes, mieux, son ami. Aussi, pour nous, il reste un camarade révolutionnaire qui s’est trompé. " in Message à la nation du président du front populaire, le camarade capitaine Blaise Compaoré le 19 octobre 1987.

 

 

Le jeudi 15 octobre 1987, le processus de la Révolution démocratique et populaire qui avait cours au Burkina était brutalement arrêté sur le coup de 16 heures. Dans l’après midi de ce jeudi là, plus d’un militant de la RDP a été atteint d’une stupeur indicible. Après la pétarade des kalachnikov qui a duré toute la soirée, la proclamation signée d’un front populaire est tombée drue comme une pluie mêlée de grêle, surprenant de la même façon certains militants de la RDP tout comme ceux qui ne trouvaient pas d’intérêt à la Révolution et se tenaient à distance d’elle.
Depuis un certain temps, on savait qu’une crise grave minait le conseil national de la révolution (CNR). Ses principaux dirigeants, jadis unis n’arrivaient plus à s’entendre sur l’orientation et la stratégie d’action. Les quatres (4) chefs historiques (Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Boukary Lingani, Henri Zongo)de la RDP paraissaient de plus en plus " trop nombreux " pour diriger le mouvement révolutionnaire. Mais la grave crise qui secouait les dirigeants de la RDP restera en grande partie cachée aux militants de base, à tel point qu’ils seront surpris par l’ampleur et la brutalité du dénouement du 15 octobre. Aussi, beaucoup de militants sincères regrettent-t-ils encore aujourd’hui, le dénouement du 15 octobre tel qu’il s’est présenté, se disant que les instances où des débats d’idées auraient dû se tenir ne manquaient pas pour que l’on en arrive là. Mais ceux qui ont fait le coup couraient un risque important en laissant la parole à Thomas Sankara dans quelque cadre de concertation que ce fût, car il avait une telle force d’argumentation qu’il en serait sorti peut-être " victorieux ". C’est cette même capacité de persuasion qui aboutissait à certaines décisions, jugées à posteriori " spontanéistes, volontaristes " alors qu’en son temps, il n’y eut pas de critiques conséquentes. Et c’est ce même trait de personnalité du défunt président qui sauva la tête de plus d’une personne que de proches collaborateurs voulaient une fois de plus sacrifier sur l’autel de la contre- révolution.

20 octobre 1977, Sankara (en tenue) et Blaise (en blanc)  assistent au mariage du S/Lt Ilboudo Christophe - 32.8 ko
20 octobre 1977, Sankara (en tenue) et Blaise (en blanc) assistent au mariage du S/Lt Ilboudo Christophe

 

En fait, il faut convenir d’une chose : le 15 octobre et la rectification sont intervenus précisément parce que les camarades qui avaient commencé la RDP avec Thomas Sankara, étaient essoufflés (déjà) et qu’ils ne se sentaient ni la force ni l’âme de continuer. Et comme les adversaires du processus existaient et étaient influents, tant en dehors que dans les rangs même des révolutionnaires, ils n’ont pas eu de la peine à rallier à eux tout un monde pour contrebalancer la RDP. La raison toute trouvée de la " trahison de la voie initiale " a été vite évoquée.
Or le capitaine Thomas Sankara a été le premier à se rendre compte de la nécessaire démocratisation du processus, lui qui professait en août 1987 à Bobo Dioulasso qu’il " fallait au Burkina, un peuple de convaincus et non un peuple de vaincus, de soumis qui subissent leur destin ". Il avait commencé ainsi la véritable " rectification " de la RDP marquée du reste par l’élargissement de plusieurs détenus politiques et de droit commun. Les sanctionnés à tort retrouvaient la possibilité de reprendre leur carrière.
Mais cette politique initiée par Thomas Sankara a vite été " court-circuitée " par le 15 octobre et revendiquée par le front populaire. Il fallait laisser l’image d’un Sankara fermé et hostile aux ouvertures. Aussi, les choses s’accélèrerent très vite après le discours de " réconciliation " d’août 87 à Bobo où Sankara disait notamment : " Dans le proche passé, nous avons parfois commis des erreurs. Cela ne devra plus se produire sur la terre sacrée du Faso. Il doit y avoir de la place dans le cœur de chacun de nous pour ceux qui ne sont pas encore parfaitement en harmonie avec le discours d’orientation politique et les objectifs de notre plan quinquennal. Ce sera à nous d’aller à eux et de les gagner à la cause révolutionnaire du peuple… Nous devons préférer un pas ensemble avec le peuple plutôt que de faire dix pas sans le peuple ". (In Thomas Sankara, oser inventer l’avenir p.264 Ed Pathfinder et l’harmattan 1991).
Après ce discours, il fallait se dépêcher d’arriver au pouvoir, car laisser le temps à Thomas Sankara d’amorcer réellement la démocratisation de la RDP , ce serait se priver de prétexte justificatif d’un coup d’Etat militaire.

Cpt Sankara le 5 août 1983 - 36.1 ko
Cpt Sankara le 5 août 1983

 

La commémoration du discours du 2 octobre à Tenkodogo sera l’occasion pour les comploteurs d’accélérer leurs manœuvres de liquidation de la révolution et d’entreprendre ce faisant, le 15 octobre 1987 .

La crise qui prévalait depuis un certain temps sur le terrain politique a gagné comme à l’accoutumée le terrain militaire, et il fallait dès lors que les armes parlent pour la dénouer. Telle a toujours été la tactique des hommes politiques au Burkina Faso . Ils créent toujours une pourriture qui oblige les militaires à intervenir. Dans le cas du CNR, il faut y ajouter le fait que la rigueur prônée n’était pas du goût de tout le monde, notamment de certains commandos, artisans du coup d’Etat révolutionnaire du 4 Août 1983 .Ceux-ci revendiquaient avec insistance une bonne part du gâteau. Chose à laquelle Thomas Sankara aurait opposé une constante fin de non recevoir, arguant que le militaire doit " vivre avec les masses " et prônant " un quart de poulet par jour et par militaire ". C’était mal connaître ceux-là qui revendiquaient qui une villa , qui un galon afin de jouir du fruit du risque encouru dans la nuit du 4 Août . Il nous revient à cet effet que ces derniers lors des réunions régulières avec leur chef posaient constamment cette doléance. Ce à quoi le chef en question répondait qu’il n’y voyait pas d’inconvénient mais que " c’est Sankara qui s’oppose ". Les miliaires répliquaient : " pourquoi ne l’enlève-t-on pas ?". A force de se répéter tous les jours, on finit par " enlever " Thom Sank le 15 octobre 1987.

 

 

Que s’est – il passé ce jour là ?
Gilbert Diendéré
déclare dans " Sankara, Compaoré et la révolution burkinabè " de Ludo Martens, aux pages 65 et 66 : " le 15 octobre donc, à la réunion des officiers, des éléments du palais ont accusé les militaires de Pô d’être venus pour tramer un complot . L’atmosphère a chauffé. Nous nous sommes séparés sans qu’un accord soit réalisé. Il paraît qu’au même moment, une autre réunion se tenait à la présidence, à laquelle Sigué et d’autres chefs de corps assistaient. Mais le registre de la présidence a disparu après le 15.
Comme les soldats de la garde présidentielle appartiennent à notre bataillon, tous n’étaient pas partisans de l’affrontement. Ainsi le chauffeur de Sankara, le caporal Der et d’autres sont venus nous prévenir que Compaoré, Lingani et Zongo seraient arrêtés ce soir. Pendant la réunion de l’OMR (ndlr : Organisation militaire révolutionnaire), le conseil serait encerclé par les troupes de la FIMATS (ndlr : Forces d’intervention du ministère de l’administration territoriale et de la sécurité) et de l’ETIR (ndlr : Escadron du transport et d’intervention rapide). Un groupe de militaires devrait mettre les trois en état d’arrestation, tandis que le gros des forces devrait se tenir prêt à toute éventualité. Bien qu’on ne nous eût pas exactement parlé de liquider les trois, nous étions convaincus qu’une tuerie ne pourrait être évitée. Les trois ne se laisseraient pas prendre sans réagir et des hommes comme Sigué et Koama n’hésiteraient pas une seconde à les descendre. Notre réaction a été qu’il fallait arrêter Sankara avant que l’irréparable ne se produise. La décision a été prise dans un climat général d’inquiétude proche de la panique. Nous n’avions pas vraiment le choix. Nous n’avons jamais pu croire que Sankara allait s’en prendre à ses trois compagnons. Blaise était à la maison, malade. Nous n’avons pas voulu le prévenir parce que nous savions qu’il ne serait pas d’accord pour arrêter Sankara. C’était une décision grave, mais il faut s’imaginer la panique qui régnait à ce moment parmi nos soldats.
Nous savions que Sankara avait une réunion au conseil à seize heure et nous avons décidé d’aller l’arrêter là-bas…
Peu après seize heures, la Peugeot 205 de Sankara et une voiture de sa garde sont arrivées devant la porte du pavillon ; une deuxième voiture de la garde est allée stationner un peu plus loin. Nous avons encerclé les voitures. Sankara était en tenue de sport. Il tenait comme toujours son arme, un pistolet automatique, à la main. Il a immédiatement tiré et tué un des nôtres. A ce moment, tous les hommes se sont déchaînés, tout le monde a fait feu et la situation a échappé à tout contrôle …
Après les événements, j’ai téléphoné à la maison de Blaise pour le mettre au courant . Quant il est arrivé, il était fort découragé et mécontent, surtout quand il a constaté qu’il y avait treize morts "
.
Le coup a été donc fait à l’insu de Blaise Compaoré !
Ce dernier d’ailleurs, déclare dans le livre précité à la page 67 : " lorsque je suis arrivé au conseil de l’entente après la fusillade et que j’ai vu le corps de Thomas à terre, j’ai failli avoir une réaction très violente contre ses auteurs. Cela aurait sans doute été un carnage monstre dont je ne serais certainement pas sorti vivant. Mais quand les soldats m’ont fourni les détails de l’affaire, j’ai été découragé, dégoûté. Je suis resté prostré pendant au moins vingt-quatre heures …
Quand j’ai demandé à mes hommes pourquoi ils avaient arrêté Sankara sans me le dire, ils m’ont répondu que s’ils l’avaient fait, j’aurais refusé. Et c’est vrai. Je savais que mon camp politique était fort. Thomas ne contrôlait plus l’Etat. Je n’avais pas besoin de faire un coup d’Etat. Mais, mes hommes ont pris peur quand ils ont appris, l’après- midi, que nous devions être arrêtés à vingt heures "
.

 

 

Sankara à l'école d'enfants de troupes. 1966-1969 - 10.9 ko
Sankara à l’école
d’enfants de troupes. 1966-1969

 

Et pourtant !
Le " Matin de Paris " en date du 27 octobre
1987, repris dans " Il s’appelait Sankara " de Sennen A. cite le témoignage d’un élément commando qui dit : " Le Lieutenant nous a prévenu le matin seulement de nous préparer pour anéantir le président parce que maintenant, il était insupportable. Blaise le connaît mieux que quiconque : il sait que même si on allait l’enfermer, il allait sortir par un trou de fourmi ".
Et pourtant !
En vérité, ce jour-là, Thomas Sankara se trouvait en réunion de travail avec quelques-uns de ses collaborateurs dans une salle au Conseil. A 70 mètres de là, toujours dans le conseil, une 504 blanche démarra. A son bord, 7 personnes. Le véhicule arrive sur le lieu de la réunion. Les quelques éléments de la garde devant la salle ne s’en inquiètent pas outre mesure, parce que ce sont leurs collègues. Le véhicule se gare, ses occupants en descendent et ouvrent le feu immédiatement. Un gendarme et deux chauffeurs sont fauchés. Ils s’écroulent. Thomas Sankara dans la salle où il se trouve entend la fusillade et se lève, son pistolet à la main et dit à ses collaborateurs "restez, restez, c’est moi qu’ils veulent !". A peine a-t-il franchi la porte qu’il est pris par la mitraille nourrie d’un des "anéantisseurs". Il s’écroule.
S’arrête-t-on là ? Non. Les assaillants rentrent dans la salle et exécutent ses collaborateurs.

Bref, supposons -difficilement- que la thèse qui veut que le capitaine Blaise ait été mis devant le fait accompli soit vraie. Cela le disculperait- il pour autant ? N’aurait-il pas été de façon indirecte à la base des événements tragiques du 15 octobre ? N’en est-il pas le grand bénéficiaire ?
L’homme, s’il n’a jamais eu vraiment soif du pouvoir comme il le prétend, laisse tout de même sceptique l’observateur de la scène politique burkinabè. En effet, après le 15 octobre, il a prouvé que le pouvoir ne se partage pas. L’apprendra à son dépend toute la cohorte d’intellectuels qui constituait le " comité insurrectionnel " qui a préparé psychologiquement l’avènement du 15 octobre par une série de tracts orduriers et d’intrigues de bas étage.
L’apprendront à leur dépend le commandant Boukary Lingani et le capitaine Henri Zongo.

Aujourd’hui 16 ans après que retenir ?
Au- delà
de toute rhétorique " dialecticienne ", Sankara est mort pour avoir été un paquet de convictions patriotiques et progressistes mais aussi pour avoir empêché de par la synergie entre sa théorie et sa praxis, certains de ces camarades civils comme militaires de manger goulûment, de boire frais et pétillant, de roter gras, de dormir mou et de se la couler royalement au détriment de leur peuple.

Publié dans bendre

Complot du 18 septembre 1989 : Que retenir 14 ans après?

L’article que nous publions ci-dessous a été publié dans l’hebdomadaire l’Indépendant (voir à l’adresse http://www.independant.bf) le 29 septembre 2003 sous la signature de Michel Zoungrana.

COMPLOT DU 18 SEPTEMBRE 1989 : QUE RETENIR 14 ANS APRES

br />Voici quatorze ans que sont morts Jean Baptiste Boukary Lingani et Henri Zongo. Accusés de comploter contre le régime du Président Compaoré, les deux chefs historiques de la révolution ont été expéditivement passés par les armes et inhumés dans la clandestinité en même temps que le Commandant Koundamba et l’Adjudant Gningnin. " Qui ignore son passé, compromet son avenir." a-t-on coutume de dire. C’est au nom de ce devoir de mémoire que nous sommes obligé de revenir souvent sur certaines pages sombres de notre passé récent. Le souvenir de certains faits, nous semble-t-il, pourrait avoir des vertus pédagogiques dans un pays qui cherche encore ses marques en matière de démocratisation.
L’année 1989 a été incontestablement l’une des plus douloureuses pour les Burkinabè qui se réclamaient encore du marxisme léninisme , ou plus exactement ceux qui s’étaient laissés convaincre que l’avènement du Front populaire le 15 Octobre 1987 marquait effectivement le début d’un approfondissement de leur Révolution. Les conclusions des assises nationales sur le bilan d’un an de Rectification (qui se sont tenues les 26, 27 et 28 janvier 1989) les avaient galvanisés dans leurs convictions ; mais ils devaient vite déchanter pour les plus avertis. En effet, moins d’une semaine après la clôture de ces assises dominées par les clivages idéologiques au sein de l’appareil d’Etat, Moïse Traoré, le Président du comité du thème était relevé de ses fonctions de ministre délégué à l’Habitat et à l’Urbanisme pour laxisme dans la conduite des débats. En clair, il n’a pas su contenir la fougue marxisante des délégués des comités révolutionnaires totalement remontés par les nouvelles orientations du Front populaire, un an après la tenue des assises nationales sur le bilan de quatre années de Révolution.

Putsch réel ou imaginaire ?

Après Moïse Traoré, tous les ministres issus du GCB (Groupe communiste burkinabè) et de l’ULC (Union des luttes communistes) ont quitté le gouvernement à la suite d’un remaniement qui sanctionnait le refus de leurs formations d’aller à l’ODP/MT, un jeune parti créé à l’initiative du Chef de l’Etat pour rassembler les marxistes-léninistes du Burkina. Le ralliement des transfuges de ces deux organisations à la nouvelle formation politique n’a rien ôté à la tension qui montait dans le landernau politique, bien au contraire. Désormais persuadés qu’ils avaient été bien grugés par le discours du président du Front populaire, certains cadres des deux formations, pétris d’expériences en matière de clandestinité ont renoncé avec la lutte souterraine. Les tracts hostiles ont refait surface en même temps que les rumeurs relatives à la mésentente entre les trois principaux dirigeants du régime. Blaise Compaoré est traité de tous les noms d’oiseau, alors que Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo sont magnifiés dans cette presse à poubelle animée par les nostalgiques de la Révolution. Bousculé sur son aile gauche, le Chef de l’Etat ne l’était pas moins sur son aile droite, pressée qu’elle était, de voir le pays retourner rapidement à une vie constitutionnelle normale.

Or, sur ces divergences de fond, Blaise Compaoré n’a jamais voulu engager un débat franc au sein du Front populaire dans la mesure où Thomas Sankara et ses compagnons ont été exécutés pour déviationnisme, pour trahison à la Révolution d’Août et tentative de restauration de l’ordre réactionnaire. Malgré la grande mobilisation des anciens partis de droite représentés dans le Front populaire sans les sigles aux couleurs marxisantes (Convention nationale des patriotes progressistes ; Mouvement des démocrates progressistes, Groupe des démocrates et patriotes, etc), Blaise Compaoré n’était pas assuré de remporter le débat sur la démocratisation au sens occidentale du terme. L’autre école qui soutient que les poulets et les renards ne pouvaient être libres ensemble dans un même poulailler avait déjà démontré sa force de frappe lors des dernières assises nationales.

Pour mettre en cause la Révolution, il fallait encore fragiliser davantage le camp des révolutionnaires. Au niveau des forces de l’ordre, les divergences entre le commandant de la Gendarmerie nationale, Palm Mory Jean Pierre et le Directeur général de la police, Alain Ouilima sont notoires. Chacun surveille l’autre pour trouver de quoi l’affaiblir auprès du Président Compaoré. Dans cette guerre des chefs "les grandes oreilles de la république" sont mises à contribution.

La plus grande intoxication dans l’histoire des services de renseignement du Burkina remonterait à ces écoutes téléphoniques. Pendant le long périple qui a conduit Blaise Compaoré en Asie, le commandant de la Gendarmerie a même invité certains responsables du Front populaire pour leur faire écouter des enregistrements d’entretiens téléphoniques compromettants. Certains sont tombés des nues quand ils se sont aperçus que leurs propres lignes étaient mises sur table d’écoute. La rupture de confiance est totale surtout que les Togolais chargés de surveiller les mouvements du " lion " au Ghana pour le compte du régime burkinabè ont écrit dans une de leur fiche que le capitaine rebelle avait un complice haut placé dans les instances du Front populaire.

Le 18 septembre 1989, le Commandant Lingani, le Capitaine Henri Zongo, le Commandant Koundamba Sabyamba et l’adjudant Gnignin sont arrêtés et passés par les armes après des interrogations musculées. La thèse officielle évoquée est l’échec d’un coup d’Etat fomenté par l’aile militaro-fasciste du Front populaire. Le héros de cet échec est le Capitaine Gilbert Diendéré qui aurait reçu l’ordre d’immobiliser l’avion présidentiel en bout de piste et de bousiller le Président Compaoré au cas où il voudrait opposer une résistance à son arrestation. Le Commandant Koundamba aurait reçu et accepté en sa qualité de commandant du bataillon des transmissions, la mission de transmettre des messages aux différentes unités de l’Armée à travers le pays pour le compte du nouveau pouvoir. Curieusement, les civils n’ont pas été ciblés dans cette affaire militaro-militaire. On ne sait pas exactement quel rôle a joué Henri Zongo qui était même présent à l’aéroport pour accueillir le Chef de l’Etat. Pour toute preuve du complot, on a exhibé un bout de papier sur lequel sont griffonnées les instructions supposées du Commandant Lingani, écrites (toujours selon la version officielle) de sa propre main et un enregistrement à peine audible de l’interrogatoire censé contenir les aveux des conjurés.

Quatorze ans après, les faits demeurent énigmatiques.

On ne sait pas si la Commission présidée par le ministre d’Etat Ram Ouédraogo dans le cadre de la réconciliation nationale et qui avait entre autres pour rôle funeste d’indiquer les tombes aux familles des victimes de violence en politique s’est rendue à Kamboinsé pour confirmer que les corps des quatre militaires y avaient été bel et bien inhumés. On ne saura probablement jamais la vérité sur cette histoire que les historiens auront du mal à décrypter. Pour l’indemnisation des ayants droit, le gouvernement de la IVè république a fait valoir ce que les juristes appellent la règle d’Errecta : celui qui choisit d’être indemnisé ne pourra plus faire valoir son droit à intenter une poursuite pénale quelconque. Manifestement, nos dirigeants actuels sont hantés par l’hypothèse que la vérité sur ces exécutions sommaires comme sur bien d’autres, puisse éclater un jour.

On ne sait vraiment pas pourquoi ils ont procédé ainsi dans la mesure où même régi par les dispositions d’un régime d’exception , le Burkina Faso n’en demeurait pas moins astreint à l’observation des traités et accords internationaux auxquels il a souscrit dont la Déclaration universelle des droits de l’homme. Une fois neutralisés, les conjurés ont été présentés devant un tribunal compétent pour être jugés dans des conditions qui garantissent le respect des droits de l’accusé.

Comme "IB"

Le récent cas du Sergent-chef Ibrahim Coulibaly interpellé en France pour tentative de déstabilisation du régime ivoirien, nous édifie sur ce qui est la voie en de pareilles circonstances. L’ex-putschiste ivoirien qui a pu bénéficier de l’assistance d’un conseil, a retrouvé la Liberté le 17 septembre 2003, c’est-à-dire à la veille du triste anniversaire de l’exécution des Lingani, Zongo, Koudamba et Gnignin. Malgré le fait que les services secrets français aient saisi au domicile de Me Diomandé Mamadou ( l’acolyte de " IB " un projet de gouvernement dont le Sergent-chef serait le Président, la cour d’appel de Paris a estimé que les charges n’étaient pas suffisantes. Même le recrutement de légionnaires n’a pas été aux yeux des juges français une menace suffisante contre le pouvoir ivoirien dans la mesure où leur destination n’a pas été clairement établie.

En Afrique, les exécutions ont souvent une fonction pédagogique. Depuis l’affaire de ce fameux complot, plus personne n’a contesté la marche des choses véritablement au Burkina. Il a fallu que le pouvoir franchisse le rubicon un certain 13 décembre 1998 à Sapouy.

Michel Zoungrana

Norbert ZONGO
Journaliste Burkinabé Intègre
Mort dans des circonstances suspectes
Le 13/12/98 au BURKINA FASO