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L’effet Sankara. Mohamed Maïga. 20 juin 1983

Afrique Asie N°298 du 20 juin 1983

Nous continuons la publication des articles de Mohamed Maïga, journaliste d’Afrique Asie, proche de Thomas Sankara qui a publié de nombreux articles de décembre 1982 à décembre 1983, la période de préparation de la Révolution et les premiers mois de la Présidence de Thomas Sankara. Dans cet article, il poursuit l’analyse des forces en présence qui a évolué depuis le putsch du 17 mai, commencé l’article précédent, précisant que la gauche (NDLR : il nomme ainsi les militaires rassemblés autour de Thomas Sankara et les civils qui les soutiennent) parait renforcée . Dans le même numéro (voir à ) il raconte en détail le déroulé du putsch. Pour situer ces évènements dans l’histoire de la Haute Volta qui deviendra le Burkina, vous pouvez consulter la chronologie à https://www.thomassankara.net/chronologie/. Cet article a été retranscrit par Gérard Amado Kaboré, membre de l’équipe du site. Vous trouverez l’ensemble des articles de Mohamed Maïga à https://www.thomassankara.net/?s=Mohamed+Ma%C3%AFga

La rédaction


UNE LIBERTÉ TROP SURVEILLÉE

A peine libéré, le premier ministre voltaïque, Thomas Sankara, se voit priver, une fois de plus, de sa liberté : « Il a été placé en résidence surveillée car nous craignons qu’on ne lui fasse du mal, nous dit-on. S’il a, en effet, bien des amis, il a également beaucoup d’ennemis… » Quelle mauvaise excuse et quel flagrant déni de justice ! Comment le chef de l’État peut-il libérer les éléments les plus endurcis du néo-colonialisme qui a prévalu plus de vingt ans en Haute-Volta et empêcher celui que les masses populaires voltaïques considèrent, à juste titre, comme leur “libérateur”, de reprendre sa place dans la vie publique ?

A vrai dire, le maintien de Thomas Sankara en résidence surveillée ne modifie en rien l’analyse que nous avons faite dans ces colonnes des graves évènements qui secouent la Haute-Volta. Les partisans du maintien du néo-colonialisme, de la perpétuation des structures archaïques laissées par maints régimes et gouvernements, de la corruption, de la soumission aux intérêts étrangers, de l’alignement sur les positions des régimes conservateurs et réactionnaires du continent, de la prolongation du statu quo n’ont aucune intention de désarmer, de permettre à leur pays de se dégager de l’emprise étrangère et de leurs fantoches locaux. Ils ont peur, disions-nous, de Thomas Sankara, devenu le symbole de cette révolte populaire qui s’étend un peu partout sur notre continent, de l’ouragan qui souffle sur les régimes néo-coloniaux et qui finira par les emporter. Mais qu’ils sachent une chose : seuls les tyrans craignent pour eux-mêmes. Et Thomas Sankara sait que le peuple, tout le peuple voltaïque est avec lui.

SM (NDLR : probablement Simon Malley le directeur du journal)


L’EFFET SANKARA 

Par Mohamed Maïga

Quelle que soit l’issue de la crise, le « Capitaine », dont la popularité, aujourd’hui, n’est plus à démontrer, est et sera une constante de la vie politique nationale avec laquelle il faudra compter.

Ouagadougou, 30 mai : l’annonce de la libération de tous les détenus, y compris celle du « Capitaine » Thomas Sankara, arrêté alors qu’il était Premier ministre, a eu un effet extraordinaire. Depuis son incarcération, puis sa mise en « résidence surveillée », le peuple voltaïque n’avait pratiquement plus d’intérêt que pour lui. A Ouaga, il a tenu à signifier aussitôt sa sympathie, sa loyauté, son soutien à l’homme qui, en quelques mois, a réussi à donner à ce petit pays une stature et un prestige jamais connus depuis son indépendance. Des citoyens de tous les âges, des deux sexes et de toutes conditions affluent jour et nuit à sa modeste demeure de la cité de la B.N.D.C., l’un des quartiers de la capitale voltaïque. Ami(e)s et simples anonymes viennent s’enquérir de sa santé et témoigner leur attachement aux idées qu’il a exprimées quand il était « en politique » et ses espérances qu’il a soulevées. L’affluence telle qu’un des pans du mur de sa concession a cédé sous la pression des visiteurs. Ce constat direct avec la population n’est pas sans inquiéter les nouvelles autorités qui envisageaient de transférer les deux détenus au Régiment interarmes (R.I.A.), la garnison de la capitale.

Au même moment, un gouvernement est formé dont sont exclus tous les éléments de gauche. Preuve est donc faite que l’ancien Premier ministre n’est pas seulement « populaire » auprès de l’enthousiaste jeunesse voltaïque, mais que son message a été également perçu par un peuple aujourd’hui éveillé à sa force et dans lequel il est plus que jamais soutenu. Preuve aussi que, comme du temps de la « traversée du désert » du ghanéen Jerry Rawlings (septembre 1979- décembre 1981), la « [donnée] Sankara » est et sera une constante de la vie politique nationale. Qu’à terme, elle puisse être un élément de bouleversement du paysage politique, nul ne peut a priori ni l’affirmer, ni l’exclure. Bien que des actuels tenants du pouvoir œuvrent à faire le lit de la droite dans le cadre de la remise du pouvoir aux civils, prévue pour la fin de l’année prochaine.

Dans cette perspective, on peut poser cette question : le Conseil de salut du peuple est-il ou non dissout ? Le 27 mai, lors d’une adresse à la nation, le chef de l’état, Jean-Baptiste Ouédraogo, a annoncé « la dissolution des instances suprêmes du C.S.P.) »: assemblée générale, secrétariat permanent, commission de contrôle. Mais le médecin-commandant Ouédraogo, également président du C.S.P., s’est bien gardé de préciser si le mouvement des forces armées qui a pris le pouvoir en novembre 1982 a été, en tant que tel, dissout. Ce qui ne cesse d’étonner. D’autant que vingt-quatre heures plus tôt, à l’issue d’une curieuse assemblée générale (1), un nouveau secrétariat général, dirigé par le colonel Gabriel Somé Yorian (l’auteur du coup de force du 17 mai) était hâtivement mis en place. Décision sans surprise d’ailleurs mais qui, étant donné la personnalité des nouveaux hommes forts du pays, a jeté un froid dans la gauche voltaïque. La promotion, au sein du C.S.P., des officiers au profil classique, férus d’un ordre et d’une discipline dont ils sont les garants au bénéfice de la droite nationale, constituait une claire remise en question de l’esprit du 7 novembre 1982. Elle parachève également et confirme que c’est un coup d’État et non un simple recentrage qui a eu lieu le 17 mai.

QUE DEVIENT LE C.S.P.?

Depuis, à Ouagadougou et ailleurs, rumeurs et supputations vont bon train quant aux raisons qui ont poussé le chef de l’État à dissoudre les organes qui, du moins en apparence, lui profitaient. Pour beaucoup, il s’agit d’un singulier pas en arrière de la part du président Ouedraogo. « Le président, confie-t-on, s’est rendu compte qu’il a été manœuvré pour couvrir une entreprise de la récupération du C.S.P. par la droite militaire. Il a préféré tuer la tentative dans l’œuf, laissant le jeu encore ouvert. ». Alors, coup de force ? Le président a-t-il pris sur lui seul la décision de rendre le C.S.P. temporairement obsolescent ou a-t-il été poussé à le faire ? Si oui, par qui ? Autant de questions encore sans réponses, mais qu’éclaire quelque peu la seconde décision annoncée le 27 mai : le retour de l’armée dans les casernes et, par conséquent, son retrait de la scène politique. A qui profite-t-elle? Sans doute à la haute hiérarchie qui espère bien ainsi reprendre en main une troupe qui lui échappait et qui semblait gagnée par le démon de la politique, puisqu’elle commettait le péché de s’intéresser d’un peu trop près aux problèmes de son peuple.

L’argument quant à la nécessité d’une armée classique, disciplinée, au rôle strictement militaire, s’il ne peut et ne doit être écarté avec facilité, n’est plus que prétexte. De même, on ne peut ignorer les passions que suscitait l’action politique des militaires du C.S.P., notamment la fulgurante percée de leur « message » auprès des masses voltaïques. L’enjeu est donc clair. En outre, vouloir aujourd’hui éloigner l’armée voltaïque de la scène politique semble pour le moins une gageure : sa politisation a commencé en 1966 quand le peuple, après avoir chassé le président Maurice Yaméogo, a imposé le colonel Sangoulé Lamizana à la tête de l’État. Le retour dans les casernes se fait au bénéfice des colonels liés à la droite et à la féodalité coutumière, et vise à priver de leur « structure protectrice » les jeunes militaires que seraient encore tentés par la politique.

Cependant, il va de soi que les jeux sont encore loin d’être faits. Car s’il semble que le président s’est ressaisi, il faudra aussi compter avec la détermination de plusieurs soldats, unités militaires et secteurs de l’armée qui refusent encore de voir réduit à néant ce qui a présidé à la naissance du C.S.P. A savoir l’action pour la transformation d’une société féodale capitalisée par une droite immobile. Parmi ceux qui refusent l’enterrement trop facile de la gauche et de son secteur militaire : le capitaine Blaise Compaoré et ses para-commandos de Po, sans qui le coup du 17 mai aurait été entier, la garnison de Bobo-Dioulasso qui fut l’intermédiaire entre Po et Ouagadougou dans les négociations qui ont abouti à la (relative) libération du capitaine Sankara et du commandant Lingani, et bien d’autres qui exigent, en outre, une nouvelle assemblée générale du C.S.P. à laquelle participeraient Sankara, Lingani, Compaoré, Zongo, Kilimité, etc. La majorité du C.S.P. abonde dans ce sens et réclame que, par ailleurs, l’on puisse entendre aussi bien l’ex -Premier ministre et son codétenu que leurs « tombeurs » du 17 mai. Histoire de vérifier si, oui ou non, l’action de l’aile militante du Conseil et la « politisation à outrance de l’armée » mettaient en danger l’unité nationale. Car tel est le motif pour lequel Sankara et Lingani ont été limogés puis arrêtés. Le C.S.P. n’étant pas officiellement et statutairement dissout, il se pourrait fort bien que, sous la pression de plusieurs garnisons unités, l’on s’achemine, à terme, vers une réunion générale qui promet d’être houleuse. Et qui risque surtout de tout remettre en question, au détriment des putschistes de mai. A telle enseigne que, selon diverses sources, ceux-ci, inquiets, se demandent s’ils n’ont pas joué avec le feu.

A DROITE COMME À GAUCHE 

Les supputations sont telles que les esprits féconds voient déjà dans le coup du 17 mai une habile manœuvre de Sankara et de ses proches du C.S.P. qui aurait consister à se laisser écarter pour mieux revenir…La réalité est bien entendu plus simple : le putsch a échoué et à moitié lorsque Blaise Compaoré a pu regagner Po et qu’il a repris le commandement de ses hommes, avant de dicter ses conditions aux dirigeants de la capitale. Mais au-delà des péripéties actuelles ou à venir au sein du Conseil de salut du peuple, il apparaît certain que la bataille politique de l’après – C.S.P. a déjà commencé. Elle promet des étincelles à droite comme à gauche. D’autant que le président, en procédant à la dissolution de fait du C.S.P. et en se posant comme le gestionnaire d’une période strictement transitoire, favorise par là même la préparation des grands combats électoraux de 1984

SANS DÉMAGOGIE 

 D’ores et déjà, les leaders politiques de la 2ème comme ceux de la 3ème République affutent leurs armes. A commencé par le bouillant Joseph Ouédraogo et l’opiniâtre Frédéric Guirma qui, arrêtés le 3 mars, ont retrouvé la liberté au lendemain du 17 mai. Que se passera-t-il quand les Gérard Kango Ouédraogo et autres Joseph Colombo (les deux hommes tout-puissants du temps de Sangoulé Lamizana) retrouveront leur liberté de manœuvre ? Bien plus, les autorités de Ouagadougou viennent de relâcher dans le paysage politique une singulière et redoutable bête politique : Maurice Yaméogo, qui a officiellement recouvré, le 1re juin, tous ses droits civiques et politiques. L’ancien président bénéficie encore de très solides appuis dans certains milieux traditionnels et politiques de son pays. Mais surtout, des haines personnelles opposent les leaders de la droite voltaïque. Échaudés par la brusque montée de la gauche à la faveur de l’action du C.S.P., une gauche dont le peuple a su mesurer le sérieux et la volonté, pourront-ils refaire une unité de façade à l’heure des élections ? Rien n’est moins sûr. Outre les haines personnelles, certains, rompant un pacte tacite, étaient allés chasser sur le territoire des autres quand ces derniers subissaient la disgrâce ou se trouvaient en détention. En politique voltaïque, ces pratiques-là ne se pardonnent (et ne s’oublient) pas.

A gauche également, les reclassements ne tarderont pas à apparaître. Jadis musclés et traqués, les forces de gauche sont irrémédiablement sorties de la clandestinité. Et le peuple voltaïque a pu se rendre compte que, contrairement à la propagande d’antan, elles n’incarnent ni le diable, ni « l’étranger », mais bel et bien l’espoir. Par-dessus tout, comme on le dit à Ouaga et ailleurs, le peuple voltaïque a goûté aux plaisirs qui lui étaient jusque-là interdits: la formation et la responsabilisation politiques au travers de débats sans démagogie. C’est cela qui, en six mois, a profondément changé la scène politique de la Haute-Volta.

Mohamed Maïga

Source : Afrique Asie N°298 du 20 juin 1983

Abdoulaye Cissé, la passion de l’enseignement de la musique

Abdoulaye Cissé
Un article de Merneptah Noufou Zougmoré
Plusieurs décennies dans son compteur de musicien, Abdoulaye Cissé continue de faire plaisir aux mélomanes. Les instruments à corde n’ont aucun secret pour lui. Les chansons, il en a composé à la pelle. Sa carrière d’enseignant bien qu’ayant été assez brève a été également un moment de contact avec le pays profond.
Quand on est piqué par le virus de la musique, l’âge n’est pas une barrière pour la pratiquer. A plus de 70 ans, (son physique jeune ne fait pas son âge) Abdoulaye Cissé continue de procurer de la joie aux mélomanes.
Dans un lieu de réjouissance situé dans le quartier Pissy, dans l’arrondissement 6 de Ouagadougou, avec un groupe composé essentiellement des séniors, il revisite les répertoires de l’Afrique des musiques des décennies précédentes. Avec l’homme à la guitare (c’est son sobriquet) l’orchestre n’hésite pas à faire la jonction aussi avec le présent. Dj Domi avec son concept Aïcha Trembler est invité dans certains morceaux dansants.
Les dandys de jadis et les jeunes épris de musique aujourd’hui chaque week-end vivent le bonheur que l’auteur de « les Vautours » partage, une chanson qui évoque la colonisation.
Qui sont les musiciens qui ont influencé la carrière d’Abdoulaye Cissé ? Deux artistes ont été essentiel dans sa carrière musicale. Il s’agit de Keïta Fodeba, le fondateur des Ballet Africains quand il l’a vue joué à Banfora dans sa prime jeunesse. On était dans la décennie de 1950. Le second à rythmer les soirées et les mariages pour ceux qui ont convolé en justes noces pendant les années 1970. Il s’agit de GG Viky. Chanteur et guitariste hors pairs, GG Viky au sommet de son art n’avait laissé personne indifférent.
Le gentleman Viky a inspiré Cissé et sa génération qu’on appelait les artistes en herbe par la mélodie de sa guitare et par les choix des sujets de ses compositions. Abdoulaye Cissé est un autodidacte de la guitare. A force de s’exercer, il peut dans un orchestre joué tous les instruments à corde. De la guitare d’accompagnement à la guitare solo en passant par la guitare basse, rien de toutes ces machines à musique ne lui est étranger. Il doit la maîtrise des outils à mélodie à sa curiosité mais aussi grâce à son oncle Moumouni Sissao, le père de Awa Sissao. Fonctionnaire à l’époque et musicien à ses temps libres, il a été pour beaucoup dans l’intérêt que le compositeur de « Dawina » a eu très jeune pour la musique.
Au milieu des 1960, Abdoulaye Cissé après ses études au Cours Normal de Koudougou intègre le prestigieux corps des instituteurs. Pendant la période l’administration publique sans le dire n’aimait pas les musiciens. Cissé est affecté loin de Ouagadougou mais il s’arrange chaque week-end à rejoindre la capitale pour s’adonner à sa passion. Avec Désiré Traoré connu sous le nom de Desy et les sympathiques, Jean Claude Bamogo, Paul Gnonnas, le frère de Gnonnas Pedro et bien d’autres, ils égayaient les nuits ouagalaises avec l’orchestre Super Volta. L’un des morceaux culte du groupe qui continue de rappeler les collégiens et lycéens au bon souvenir des compositions de cette époque, c’est cette galette musicale « Les filles de Kolgnaaba très coquettes et câline ».
Une ode chantée à l’intention de ces charmantes filles d’un établissement scolaire à Ouaga tenu par les religieuses catholiques. Cissé concilie la musique et sa profession d’instituteur. Malgré qu’il fasse des sauts en ville pour pratiquer l’art qu’il aime, ses résultats dans les classes ne sont pas médiocres. La méthode Clade et Davaine sont maîtrisés et dispensés aux élèves qui réussissent dans les évaluations. Pour se rapprocher de son centre d’intérêt qui est Ouagadougou où se joue le destin de la musique, il parvient à être détaché de son ministère de tutelle pour la Radio nationale.
Ils sont nombreux les auditeurs qui se rappellent des plages d’animations musicales ou les émissions de musiques comme « Satellite 2000 et Koman Kan. Les deux émissions ont été animé par Abdoulaye Cissé. Il a écrit pour la troupe de théâtre de la Radio nationale à l’époque des pièces de théâtre. Il y eu a joué le rôle des personnages dans certaines pièces. Les musiques des films, il en a composé de même que les musiques de dessins animés.
En 1984, après une année de Révolution, Cissé Abdoulaye, Maurice Simporé, chanteur et saxophoniste sont réquisitionnés pour créer les petits chanteurs au poing levés et les Colombes de la Révolution. L’enseignement le rattrape mais cette fois-ci il a en charge d’apprendre à jouer les instruments et apprendre à chanter aux enfants et femmes que la Révolution a commis à la tâche d’ambassadeur culturel.
Il mène cette activité avec réussite. Malheureusement les événements du 15 octobre 1987 viendront mettre fin à cette expérience qui au Burkina Faso était inédite. Après la communalisation intégrale, la Commune de Ouagadougou crée une section animation. Elle se dote d’une fanfare jouée par les instrumentistes en cuivre et un orchestre de musique dont Cissé assurait la direction.
Après plusieurs décennies au service des arts et au service de son peuple par ce qu’il sait faire le mieux, la musique. Les mélomanes ne sont pas prêt à oublier des titres comme les « Vautours », « Maria Chérie », « Maman Henriette », « Ma solitude », « Dawina »…
Abdoulaye Cissé, c’est aussi le terroir Marka que d’aucuns appellent Dafin. Quelques chansons dans son répertoire dit tout le bien de cet univers culturel et ses pas élégants dont le plus connu invite les amoureux de la danse à se constituer en cercle. Cissé c’est en fin la musique d’engagement à l’affranchissement de l’Afrique du joug colonial et néocolonial. Il chante également l’amour dans toutes ses facettes. « Depuis qu’elle est partie, mon cœur s’est assombri, dans mon cœur il n’y a que des pleurs. Ce soir encore, je suis seul dans mon lit, ce soir encore il faut que je l’oublie mais j’ai peur encore une fois que la nuit m’apporte sa voix. » Ces quelques phrases du morceau « Ma Solitude » illustre bien à propos l’intérêt de l’amour dans les compositions de « L’homme à la guitare ».
Merneptah Noufou Zougmore

Interview d’Ernest Nongma Ouedraogo : « J’ai entendu mon nom (NDLR : à la radio) sur la liste des ministres. »

Pathé Tidina Barry avec Ernest Nougma Ouedraogo

Nous publions ci-dessous une interview réalisée par Pathé Tidiane Barry, qui partage avec nous sa passion pour l’histoire du Burkina. Il est très actif au sein de l’association pour la promotion des Archives au Burkina qui publie de nombreuses archives sur sa page facebook que vous trouverez à https://www.facebook.com/groups/2500194143638843. Il collabore aussi à l’équipe de notre site. Merci à lui, pour cet énorme travail, car il a seul retranscrit cette interview.

Elle a été réalisée en juin 2024 à Tema Bokin où réside Ernest Nongma Ouedraogo, une commune dont il a longtemps été le maire. Pour mémoire, Ernest Nongma Ouedraogo a été ministre de l’administration territoriale pendant toute le Révolution. On le pensait cousin de Thomas Sankara mais il ne le confirme pas ici, précisant qu’enfant, il a été intégré à la famille Sankara, lorsque son père est décédé. Il revient sur ci-dessous sur son itinéraire.

La rédaction du site


 

Bokin, il est 9h 30 quand notre équipe arrive au domicile de Nongma Ernest OUEDRAOGO. Au moment où nous nous apprêtions à taper à la porte, une fille qui tient un kiosque juste à côté nous dit: « Ils ne sont pas là. Ils sont en voyage. Mais ils reviennent ce soir. »

Manque de pot. Mais qu’à cela ne tienne. Nous reviendrons le lendemain après qu’il se soit reposé de son voyage. Cela fait 4 ans que nous pris l’engagement de recueillir le témoignage du vieux pour les membres d’Archives Burkina et il n’était plus question de rater cette occasion. Surtout que lui même nous avait depuis 2020, donné son accord au téléphone puis en face à face il y a deux ans, pour témoigner.

Nous revoilà donc devant la porte de l’octogénaire (il a plus de 80 ans), le lendemain à 10h.

Pathé Tidiane Barry


Archives_Burkina: Vous êtes également connu pour avoir écrit un roman sous le pseudonyme de Kollin Noaga et intitulé « Retour au village ». Pouvez vous nous en dire plus sur les circonstances de son écriture ?

NEO: »Retour au Village » est bien le titre que lui a donné le comité de lecture. Il retrace l’aventure des migrants burkinabé en Côte d’Ivoire

A l’origine c’était un rapport d’une mission que j’ai effectuée en Côte d’Ivoire alors que j’étais commissaire de police de la RAN. J’y ai participé à certain événements très intéressants et au retour j’ai produit ce rapport qui avait été bien apprécié par le comité de direction de l’ENAM qui m’a proposé de le relire pour en faire un  roman.

Archives_Burkina: A partir de quel moment avez vous commencé à vous intéressé à la politique ?

NEO: Jamais je ne m’intéressais à la politique. J’étais tranquille chez moi, commissaire de police quand la révolution est venue. On a fait appel à moi. Je me suis présenté, bien au garde-à-vous.

Archives_Burkina: C’est le président qui vous a appelé ou bien il vous a fait appeler?

NEO: Non, à vrai dire il ne m’a pas appelé. J’ai juste entendu mon nom sur la liste des ministres. Donc je me suis présenté au secrétariat général du gouvernement.

Archives_Burkina : Vous n’avez donc pas été consulté avant d’être nommé?

NEO : Pas du tout.

Archives_Burkina: Vous avez donc été surpris…

NEO: Surpris, pas tout à fait. On en avait juste un peu parlé en privé. Mais je n’ai pas été (formellement) consulté.

Archives_Burkina: Vous et le président ?

NEO: oui

Archives_Burkina : Ou avez vous connu le président Thomas Sankara?

NEO : ici…

Archives_Burkina : Ici, à Bokin?

NEO: …nos parents se connaissaient déjà. Puis mon père avait décidé de m’emmener à l’aventure en Côte-d’Ivoire et finalement nous nous sommes retrouvés à Gaoua. Les deux familles se connaissant, on s’était donc retrouvés ensemble.

Puis, mon père décédé, j’ai été intégré dans la famille des Sankara, j’y ai passé deux ou trois ans avant d’être admis au certificat d’études primaires et affecté au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo.

Archives_Burkina : C’était vous l’ainé ou le cadet?

NEO: J’étais son aîné de 4 ou 5 ans

Archives_Burkina: Pour vous, qui était le président Sankara

NEO : un homme très affable, très touchant, très attachant …

Archives_Burkina : vous n’aviez pas été curieux non plus hein.  Vous n’avez pas cherché à savoir ?

NEO : Non ! Ce n’était pas un lieu de grande curiosité hein. Non non non ! (Rires)

Archives_Burkina : Vous qui suiviez un peu de loin les choses, de quand date selon vous les mésententes entre Sankara et Blaise Compaoré ?

NEO : C’était compliqué. Je suivais mais il n’était pas possible de poser des questions. C’est vrai qu’en privé, il m’arrivait de poser des questions mais ils me répondaient, l’un et l’autre d’ailleurs « noooon ! Ce sont des ragots,  des histoires…

Archives_Burkina : Chacun des deux disait cela?

NEO : Chacun des deux. Et effectivement, je les voyais en conseils, ils continuaient à se fréquenter… même dans la vie privée. Mais on sentait que quelque chose n’allait pas mais on n’arrivait pas à percer le nœud et donc pour le dénouer ce n’était pas facile.

Archives_Burkina : Mais vous n’étiez pas inquiet pour l’avenir de la Révolution ?

NEO : Bien sûr. Mais je ne m’attendais pas à un dénouement aussi rapide, aussi violent.

Archives_Burkina : Il n’y a pas eu de médiation? Vous n’avez pas tenté de les réconcilier ?

NEO : Si ! Ce sont les gens qui disaient : « Écoute, c’est toi l’ainé, fais quelque chose ». Alors, je les ai appelés tous deux et ils m’ont encore répété qu’il n’y avait pas de problèmes entre eux et que tout allait bien.

Archives_Burkina : On raconte que vous auriez dit, au plus fort de la crise que la Révolution en avait fini avec ses ennemis extérieurs et que vous alliez vous occuper de vos amis désormais et que c’est cela qui aurait été le déclencheur du drame.

NEO : Qui raconte cela ?

Archives_Burkina : Certaines personnes.

NEO. Je n’ai jamais tenu de tels propos. Je vous ai dit que je n’étais pas du CNR (là où les grandes orientations se prenaient, Ndlr)

Archives_Burkina : Pour justifier le coup, les tombeurs de Sankara l’ont accusé de « dérives droitières ». C’est quoi « dérives droitières » ?

NEO : Je ne sais pas ce qu’ils mettaient dans ce concept. Ce que je sais est qu’il (Sankara) donnait des ordres à tout le monde… Même au vice-président.

Archives_Burkina : Vice-président ? Blaise ?

NEO : Rires. On peut le dire ainsi.  Lui également recevait des ordres. Et au fil du temps, il avait fini par ne plus supporter cela.

Archives_Burkina : Moins d’un an aussi après l’avènement du CNR, il y a eu le licenciement de près de 1500 enseignants du primaire pour fait de grève. Pour les autorités de l’époque, cette grève était plus politique et visait la déstabilisation de leur pouvoir. 40 ans après, en avez-vous le même avis ?

NEO : Du côté du CNR, ils avaient eu des informations selon lesquelles les grévistes en voulaient au pouvoir. Mais quand on écoute, on comprend que c’était des revendications corporatives essentiellement. Mais bon… un régime aussi dur, comme on disait, ne tolère pas certaines contestations…

Archives_Burkina ; Venons-en maintenant au 15 octobre. Où étiez-vous ce jour-là ?

NEO: Le 15 octobre ?

Archives_Burkina : Oui!

NEO : J’étais dans mon bureau. Quand c’est arrivé, bon ; j’ai entendu des coups de feu hein…comme ça.

Archives_Burkina : Cela vous a complétement surpris…

NEO : oui ! On pensait que ça n’allait pas se passer ainsi, qu’il y avait de possibilités de …

Archives_Burkina : …de résolution pacifique ?

NEO : Voilà !

Archives Burkina : Donc vous ne saviez pas que c’était un coup ?

NEO : Non, je ne le savais pas … Puis on a écouté…… (il hésite, hésite puis finit par lâcher) c’était pénible hein Mais on a fini par s’y faire quoi ! C’était un coup particulièrement dur. Bon, on s’y est fait.

(Note : A ce niveau, nous avions craint que le vieux allait éclater en sanglots. Il donnait l’impression de revivre un moment pénible. Sa voix était devenue presque inaudible.)

Archives_Burkina : Croyez-vous qu’on pouvait éviter d’en arriver là ?

NEO : Mais ! Eviter… ? Ohh ils ont débattu de tout ça au niveau du CNR mais ça n’a pas débouché sur une solution particulière. Il n’y a pas eu de solution.

Archives_Burkina: Mais de toute évidence ça a surpris tout le monde…

NEO : C’est cela !

Archives_Burkina : Avez-vous cherché à vous mettre à labri vu que par la suite pour éviter le courroux des nouveaux maitres du pays parce que tout de suite après c’était comme une sorte de chasse aux sorcières…

NEO : Oui, mais bon ! il n’y avait pas lieu de se cacher parce qu’il n’y avait rien à faire… C’était des amis …. Nous avions des amis dans tous les groupes : Dans celui de Thomas Sankara et dans celui de Blaise. Que fallait-il faire ?

Archives_Burkina : Mais vous n’avez pas été inquiété à titre personnel….

NEO : Mais si ! j’ai été arrêté et envoyé au Conseil de l’Entente.

Archives_Burkina : Mais vous n’avez pas subi de vexations, de privations, de torture ?

NEO : Non ! Pas du tout. Mais enfin ! On travaillait (auparavant) ensemble. Il est vrai qu’après le 15 octobre on n’a plus travaillé ensemble mais il venait me consulter de temps en temps.

Archives_Burkina : Ah bon ? Pendant que vous étiez en prison ?

NEO : Oui !

Archives_Burkina : Par rapport à la marche du pays, à la gestion… ?

NEO: Oui ! Pas sur tout mais…

Archives_Burkina : Pendant que vous étiez en prison ?

NEO : Oui !

Archives_Burkina : Mais pourquoi est que vous acceptiez de collaborer ?

NEO : Pour le pays. On espérait que… Enfin ! Il n’y avait plus d’espoir en pensant qu’ils avaient assassiné Sankara… Il (Blaise Compaoré) continuait à nier de toute façon, qu’il ne l’avait pas fait exprès… C’était fini. C’était la rupture! Après cette rupture-là, on n’a plus continué…

Archives_Burkina : Est-ce qu’après ces évènements, Blaise Compaoré vous a approché ? Ou bien est ce que vous avez assisté à une rencontré avec lui après ces événements ?

NEO : Ohhh, longtemps après.

Archives_Burkina : C’était à quel sujet ?

NEO : Au sujet de son parti…

Archives_Burkina : L’ODP/MT ?  Il voulait que vous y entriez ?

NEO : Voilà !

Archives_Burkina; Et quel avait été votre….

NEO : … ahhh ! non non non ! Je trouvais que c’était trop tôt. Il cherchait des échappatoires quoi. Mais en fait ma décision était bien prise hein.

Archives_Burkina : Il se disait que s’il avait certains éléments de Sankara, il serait mieux accepté ?

NEO: Je crois, oui!

(Note : Ci-dessous la dernière partie du témoignage de Nongma Ernest OUEDRAOGO portant principalement sur les événements politiques du Burkina auxquels il a participé au cours des 40 dernières années.

Nous demandons aux membres du groupe d’être indulgents avec lui parce que le poids de l’âge pèse beaucoup sur lui maintenant avec ce que cela implique comme oublis ou peu de loquacité.

Il a la diction difficile et lente et nous avons dû beaucoup le ménager pour ne pas l’épuiser outre mesure.

Pour vous en donner une idée, nous avons essayé dans cette dernière partie de l’interview, de transcrire ses hésitations (matérialisées par des pointillés) afin que vous compreniez le contexte de l’entretien. )

Archives_Burkina: A l’avènement du multipartisme, avec d’autres camarades, vous avez créé un regroupement politique le bloc Socialiste Burkinabè (BSB) pour continuer les idéaux de la Révolution. Puis par la suite, les sankaristes se sont divisés en de multiples particules aussi impuissantes les unes que les autres. Qu’est ce qui justifie cela ?

NEO : l’immaturité et l’impréparation, à mon avis

Archives_Burkina: l’immaturité des héritiers de Sankara ?

NEO : Tout à fait. Certains pensent qu’ils sont les vrais héritiers du sankarisme. (Or) personne en la matière n’est vrai héritier du Sankarisme. Sankara n’a pas laissé d’héritiers (désignés) Il n’a pas laissé de…. De….

Archives_Burkina: … de testament ?

NEO : Voilà !

Archives_Burkina: A titre personnel, vous-même avez eu maille à partir avec le pouvoir de Blaise Compaoré qui avait arrêté, mis à la retraite d’office et déchus de vos droits à pension. Que s’était-il passé ?

NEO : C’était à l’occasion, je crois du 10ème anniversaire de la Révolution. Nous avons réuni le bureau politique et on a produit une déclaration. C’est de là que c’est parti.

Archives_Burkina: Par la suite, vous avez recouvré vos droits…

NEO : Oui : C’était une grâce…. Grâce… comment ils ont l’ont appelé même encore ? Grâce amnistiante. C’était suite (aux recommandations) de…. De…. L’autre là c’était quoi ?

Archives_Burkina: Le Conseil des sages…

NEO : oui, le conseil des sages… (Pour apaiser la situation nationale)

Archives_Burkina: Contrairement à la plupart des politiciens de votre rang qui préfèrent rester à Ouaga pour profiter des avantages de la ville, d’être toujours près des cercles de décisions, vous avez décidé de « rentrer au village » …

NEO : Mais… je pense que nous chantions « Vivre avec les masses, vaincre avec les masses » C’est ce que j’ai appliqué. Vivre ce que je professais.

Archives_Burkina : Vous avez par deux fois été élu maire de la commune de Bokin, mais au deuxième mandat, vous avez eu quand même des difficultés avec votre « opposition », le CDP… on a failli même vous faire un petit coup d’Etat…

NEO : Oui , oui, oui ! Ce sont eux qui préparaient des coups…. Ils étaient appuyés par notre… notre direction…la direction du parti….

Archives_Burkina : Ah bon hein !

NEO : Ah oui oui. C’était ….

Archives_Burkina : Un membre dirigeant ? Maitre Sankara de l’Unir/ PS ?

NEO : Oui! L’Unir/Ps. Ils ont tenu un conseil à Bokin ici. Ils nous ont tenaillés, tiraillés, insultés … proféré des menaces….

Archives_Burkina : Mais vous étiez dans le même parti…

NEO : Oui… Bon oui et non (rires) Parce que nous travaillions à créer un nouveau parti.

Archives_Burkina : Le parti dont le siège est juste à côté ici ?

NEO : Oui. C’était ça qu’on préparait ; Mais comme il n’y avait rien d’officiel… leur avocat n’a pas pu s’appuyer sur quelque chose de concret…En fin de comptes, ils ont été déboutés… Il y avait également que celui qu’ils avaient désigné comme représentant du parti à Bokin ici pour prendre ma place et aussi être candidats à la mairie avait été contesté par les militants.

Archives_Burkina : Il y a quatre ans je suis passé ici et j’ai remarqué une statue de Sankara isolée et quasi abandonnée sur une place. Pourquoi n’avez-vous pas songé à clôturer la place et en faire un site touristique ou un lieu de repos pour les passants ?

NEO : Des démarches ont été menées pour cela mais elles sont restées infructueuses.

Archives_Burkina : C’est vous quand même qui étiez à la mairie ?

NEO : Oui, mais la mairie n’a pas de moyens.

Archives_Burkina: Comment avez-vous accueilli la chute de Blaise Compaoré ?

NEO : ‘Soupire’. Trop tard…. (Silence). Trop tard mais c’était bien qu’il chute. Nous espérions qu’il chuterait plus tôt mais bon…

Archives_Burkina :  Ils disaient qu’il était là pour approfondir la Révolution…

NEO : il n’a rien fait pour approfondir la Révolution.

Archives_Burkina : Une dernière question : Lors du procès Thomas Sankara, certains de vos camarades disent n’avoir pas été heureux de votre témoignage parce que vous donniez l’impression de ne pas savoir grand-chose alors qu’ils s’attendaient à ce que vous chargiez…

NEO : Tout à fait. Je n’étais pas membre du CNR. Donc je ne pouvais pas charger comme ils le voulaient, les… les… comme on le disait, les étrangers quoi.

Archives_Burkina: Contre la France ? contre l’impérialisme international ?

NEO : Mais je ne pouvais pas les charger. Ni charger qui que ce soit d’ailleurs. Je ne pouvais pas inventer.

Archives_Burkina : Donc ce que vous avez dit au procès c’est ce que vous saviez. Pas un mot de plus pas un mot de moins ?

NEO : Non… (pas un mot de plus pas un mot de moins)

Archives_Burkina: Les membres du groupe Archives Burkina, par ma voix, vous remercient pour votre disponibilité et pour votre part de vérité sur les évènements qui se sont produits dans notre pays en particulier sur la période allant de 1983 à 2014.

Encore une fois, merci !

Propos recueillis en juin 2024 par Pathé Tidiane Barry (sur la photo avec Ernest Nongma Ouedraogo) pour Archives Burkina (voir https://www.facebook.com/groups/2500194143638843

Les limites du putsch de mai. Mohamed Maïga. 6 juin 1983.

Afrique Asie N°297 du 6 juin 1983 2

Nous continuons la publication des articles de Mohamed Maïga, journaliste d’Afrique Asie, proche de Thomas Sankara qui a publié de nombreux articles de décembre 1982 à décembre 1983, la période de préparation de la Révolution et les premiers mois de la Présidence de Thomas Sankara. Dans cet article, il procède à une analyse des forces en présence après le putsch de mai qui a écarté Thomas Sankara. Dans le même numéro (voir à https://www.thomassankara.net/coup-de-cube-maggi-mohamed-maiga-6-juin-1983/) il raconte en détail le déroulé du putsch. Pour situer ces évènements dans l’histoire de la Haute Volta qui deviendra le Burkina, vous pouvez consulter la chronologie à https://www.thomassankara.net/chronologie/. Cet article a été retranscrit par Gérard Amado Kaboré, membre de l’équipe du site. Vous trouverez l’ensemble des articles de Mohamed Maïga à https://www.thomassankara.net/?s=Mohamed+Ma%C3%AFga

La rédaction


Les limites du putsch de mai

Par Mohamed Maïga

La droite rêvait de revanche mais il lui faut compter avec un peuple qui, en six mois, a retrouvé son dynamisme et son sens traditionnel de la lutte.

Lundi 23 mai : première victoire politique et morale des forces de gauche, civiles et militaires : le capitaine Thomas Sankara et le commandant Boukari Jean-Baptste Lingani auraient été discrètement ramenés à Ouagadougou. Décidément, les deux officiers, l’un à Ouahigouya, l’autre à Dori (extrême Nord) devenaient trop « embarrassants » pour les nouveaux hommes forts voltaïques. C’est dire que deux semaines après le coup d’État du colonel Somé Yorian, rien n’était encore acquis en Haute-Volta.

D’autant plus que le coup de force 17 mai 1983 avait provoqué de violentes manifestations antigouvernementales et que la « contre manifestation pro-gouvernementale » du 21 mai organisée à grands renforts de publicité fut un échec cuisant. Depuis, le mécontentement s’étend, la résistance s’organise en même temps qu’est déclenchée la chasse aux éléments progressistes, notamment aux militants de la Ligue patriotique pour le développement (L.I.PA.D.) dont le leader, Philippe Ouédraogo, est recherché par la police.

Dans ces conditions, la mise en place, le 26 mai, du nouveau Conseil de salut peuple est une singulière fuite en avant de la part du nouveau régime voltaïque. La désignation du colonel Gabriel Somé Yorian comme nouveau secrétaire général du C.S.P.? Elle est en soi, logique : Somé Yorian (qui n’a obtenu que douze voix sur cent trente lors des élections qui ont porté, en novembre 1982, Jean-Baptiste Ouédraogo à la tête du C.S.P.) est l’instigateur du putsch du 17 mai tout autant qu’il est le véritable président de la Haute-Volta.

Fuite en avant parce que l’installation des nouvelles institutions politico-militaires et gouvernementales est hâtivement opérée au moment où la situation, des plus troubles, est loin d’être maitrisée par les hommes de Ouagadougou.

A Po, non seulement les hommes du capitaine Blaise Compaoré, renforcés par les commandos libérés de Ouagadougou (à la suite de ses menaces) tiennent solidement ce verrou qui conduit à la capitale, mais plusieurs autres commandos se sont dispersés dans la brousse environnante, rendant improbable toute attaque des troupes de Somé Yorian. Bien plus, la garnison de Po est la mieux équipée du pays et elle peut tenir sous son feu l’ensemble des forces de la capitale.

En outre, l’assemblée générale du C.S.P., tenue du 23 au 25 mai et depuis lors « suspendue temporairement », allant dans la logique du putsch du 17 mai, est, pour le moins, une insulte au débat démocratique. Nombre de garnisons n’y étaient pas représentées. Aucun des officiers jusqu’alors animateurs de la gauche des forces armées (majoritaire au sein du C.S.P.) n’y a pris part. Thomas Sankara et Jean-Baptiste Lingani étaient en détention; Henri Zongo, Hien Kilimité, Blaise Compaoré a Po. Curieuse procédure pour des officiers – de droite il est vrai – qui affirmaient avoir écarté les hommes du 7 novembre 1982 au nom de la démocratie. C’est pourquoi on ne peut accueillir qu’avec un sourire le communiqué annonçant qu’à l’issue de la réunion, qui a vu l’affrontement entre partisans de l’ex-Premier ministre et ceux du chef de l ‘État, « la tendance que dirige le médecin-commandant Ouédraogo a bénéficié d’un large consensus des membres du C.S.P. ».

Jean-Baptiste Ouédraogo, plus otage que jamais, dirige-t-il encore une tendance? Ceux qui l’ont récemment approché ont vu en lui un homme triste, contraint de jouer un rôle singulier à la tête d’un État qu’il ne contrôle ni ne dirige. Un rôle qui, de toute évidence, ne lui sourit guère.

                                               Une aura grandissante

Mais le chef de l‘État savait aussi que Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Jean-Baptiste Lingani et les autres ne sont pas des putschistes. Les deux premiers me confiaient, au mois de février : « Notre tendance est de loin majoritaire au sein du C.S.P., mais nous ne voulons rien imposer; nous préférons convaincre les adversaires et les rallier à nos vues. D’où l’importance de la discussion, fût-elle menée avec un seul adversaire ou un seul sceptique. »

Très certainement, des divergences existaient entre Sankara et Ouédraogo, mais elles n’auraient jamais abouti à une confrontation violente à l’initiative de Sankara.

Ces divergences ont apparu au grand jour, sur la place publique, lors du dernier meeting populaire que les deux hommes ont tenu ensemble. C’était le 14 mai, à Bobo-Dioulasso. Premier orateur, le chef du gouvernement déclarait qu’il n’y aurait pas de ralentissement du processus de changement. Vifs applaudissements des dizaines de milliers de participants qui scandaient son nom. Deuxième orateur, le chef de l‘État prônait la pause. Silence de la foule qui n’attendit pas la fin du discours présidentiel pour déserter la place en hurlant « Sankara! Sankara! » C’est cette aura grandissante, devenue évidente depuis le gigantesque meeting du 26 mars, qui a effrayé la droite voltaïque et régionale. Il fallait arrêter (momentanément) l’élan du peuple voltaïque.

                                             A courte vue

D’autant plus que Thomas Sankara et la majorité du C.S.P. passaient à la phase de mobilisation générale du peuple voltaïque. Non pas autour de slogans mal assimilés, mais sur des problèmes concrets, ceux de la vie quotidienne et ceux qui engagent la vie de la nation.

Cette politique nouvelle effrayait les nantis qui profitent de la faiblesse organisée des peuples. Pour ces possédants, en Haute-Volta, Kadhafi a été un alibi fort commode. Elle effrayait à Ouagadougou comme à Abidjan et Lomé, où les pouvoirs sont assis sur de véritables poudrières. Car, ce putsch, c’est aussi le leur. Ils le souhaitaient même plus violent. Pour l’exemple. Au-delà, la politique officielle française en Afrique suscite un malaise d’autant plus profond que la victoire du 10 mai avait soulevé d’immenses espoirs au sein des peuples africains. Politique d’un statu quo suranné qui se veut réaliste ? Mais n’est-elle pas de courte vue ?…

En attendant, la mise au pas qui s’annonçait en Haute-Volta ne sera pas des plus aisées. Un retournement de situation est loin d’être impossible car six mois d’une action politique somme toute débridée mais volontariste a définitivement mis fin à l’idée d’un peuple voltaïque inféodé et résigné. C’est là un résultat sans prix et porteur de tous les espoirs.

Mohamed Maïga

Source : Afrique Asie N°297 du 6 juin 1983.

Inauguration d’une fresque de Thomas Sankara à Montpellier

Fresque de Viané hommage à Thomas Sankara

Pour rendre compte de cette inauguration, nous vous proposons plusieurs textes ainsi que quelques photos. Un article rendant compte de l’évènement, l’allocution de Mariam Sankara, celle de Gabriel Biba-Nkouka, président du comité Sankara de Montpellier qui est revenu sur les origines du baptême de cette allée et du symbole que cela représente,  et une interview exclusive de Viané l’artiste qui a réalisé la fresque.

La rédaction


Le 7 décembre 2024 a été inaugurée une fresque réalisée par l’auteur plasticien Viané, au lieu dit square Thomas Sankara. Sur trois séries d’une dizaine d’escaliers de l’allée Thomas Sankara, il a réussi à représenter trois fois le visage de Thomas Sankara sur ces escaliers, sur des surfaces non planes. De couleurs volontairement chatoyantes ces fresques viennent ainsi éclairer d’un peu de gaité cet endroit. Bien que mort tragiquement, Thomas Sankara était plutôt quelqu’un de gai, taquin et blagueur, au quotidien et lors des rencontres avec la population.

Sankara a été assassiné parce qu’il dérangeait la Françafrique, mais aussi certains de ses compatriotes, fatigués d’une Révolution à laquelle il faisait semblant d’adhérer, alors qu’ils  n’aspiraient qu’à s’enrichir et profiter des attraits du pouvoir.

Madame Sankara réside à Montpellier depuis 1989. Sans doute était-il temps qu’un hommage soit rendu à son mari, même si on aurait aimé un lieu plus important de la ville de Montpellier plutôt que cette allée un peu reculée.

Baptisé du nom de ce grand dirigeant révolutionnaire, considéré comme un modèle pour tout le continent, cet endroit est devenu ainsi un des lieux où est commémorée sa mort par le comité Thomas Sankara de Montpellier. Ce nom lui a été officiellement été donné le 30 novembre 2013, à l’initiative de la mairie de Montpellier, en présence de Mariam Sankara, des membres du comité Thomas Sankara, devant une assemblée majoritairement composé d’Africains. Une réponse d’une mairie de gauche à l’accueil réservé à Blaise Compaoré quelques mois auparavant à l’Assemblée Nationale. En effet le 5 juin de la même année, Blaise Compaoré était applaudi devant la commission des affaires étrangères de l’assemblée nationale. A cette occasion Élisabeth Guigou, pourtant socialiste aussi, déclarait : « « Ces applaudissements, qui ne sont pas systématiques dans notre Commission, témoignent de notre gratitude pour le rôle que vous jouez et pour la vision que vous avez du développement de votre pays et du continent africain » (voir http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cafe/12-13/c1213069.asp#P9_154).

Le peuple de son pays n’allait pas tardé à la désavouer. L’année suivante, en effet, fin octobre 2014, Blaise Comparé était chassé du pouvoir par une magnifique insurrection populaire, puis exfiltré par les troupes françaises, lui permettant par la même occasion d’échapper à la justice de son pays. Bien qu’absent lors du procès de l’assassinat de Thomas Sankara, il a cependant été condamné par contumace à la détention en perpétuité le 6 avril 2022.

de gauche à droite Mme Clare Hard, Mariam Sankara, Viané, , Gabriel Biba-Nkouka et M. Cote Sebastien

L’inauguration des fresques a été célébrée en présence de plusieurs personnalités, Mariam Sankara, les représentants de la municipalité, Mme Clare Hard, adjointe au maire de Montpellier déléguée aux Relations internationales et Mr COTE Sébastien  (Elu municipal délégué aux commémorations et à la sécurité), Mme MALONGA Grace représentant les employés municipaux et , Me Jean Abessolo avocat de la première heure dans le combat « Justice pour Sankara et ses 12 compagnons et une foule de personnes voulant rendre, par sa présence, un hommage à Thomas Sankara, enfin l’auteur de la fresque Viané.

On trouvera ci-dessous, l’adresse de Mariam Sankara, le discours du Président du comité Sankara de Montpellier et une interview de Vianney Raynal dit Viané, l’auteur de la fresque. Mais de nombreuses personnes ont tenu à prendre la parole pour rendre hommage à Thomas Sankara.

Bruno Jaffré


L’allocution de Mariam Sankara

Je suis très heureuse de participer à l’inauguration de cette fresque dédiée au Président Thomas Sankara.

De son vivant, il était contre le culte de la personnalité. Mais il ne nous en voudrait pas, car il s’agit ici d’un travail de mémoire qui nous rappelle la personne qu’il a été, ainsi que les aspirations de justice et de dignité qu’il a incarnées pour les peuples, à l’intérieur et en dehors de son pays.

Je remercie monsieur Philippe Thines, élu municipal qui a été à l’initiative de l’Allée Thomas Sankara.

Merci à la Métropole et à la Mairie de Montpellier, pour l’hommage qu’elles rendent aux leaders africains panafricains, par la dénomination des places et des voies en leurs noms.

Je remercie également les communautés africaines et françaises d’être venues découvrir cette belle fresque.

Je remercie les membres du CTSM (Comité Thomas Sankara de Montpellier) qui se sont mobilisés pour préparer cette cérémonie.

J’adresse un salut spécial à Vianné, membre du CTSM, qui n’a ménagé aucun effort pour la réalisation de cette magnifique fresque.

Je remercie enfin la mairie de Montpellier d’être restée à l’écoute des requêtes du CTSM et d’avoir autorisé la réalisation de cette fresque dans l’Allée Thomas Sankara.

Comme vous le savez, Thomas Sankara a dirigé le Burkina Faso pendant quatre ans seulement – entre le 4 Août 1983 et le 15 octobre 1987-. Malgré cela, sa pensée et son action révolutionnaire ont marqué le cours de l’histoire de ce pays d’Afrique. Autrefois appelé Haute Volta, ce pays a été dénommé sous la révolution « Burkina Faso » qui veut dire le pays des hommes intègres. Au-delà de cette dénomination, Thomas Sankara a fait de l’éthique, le principe fondateur de la révolution.

Son souci majeur était que les burkinabè et les africains en général changent de mentalité et osent inventer l’avenir en se prenant en charge dans la transformation politique, économique, sociale et culturelle de leur pays.

Partout où il est allé, il a défendu courageusement sa vision des relations équilibrées entre le nord et le sud d’une part, et, d’autre part, les relations de solidarité entre les pays du sud.

Dans les pays du sahel confrontés au terrorisme, le message de Sankara résonne encore aujourd’hui. Il inspire la jeunesse du continent ainsi que les jeunes dirigeants un peu partout en Afrique.

Le message de Sankara reste d’actualité.

Puisse cette Allée faire échos de son œuvre pour les générations actuelles et futures.

Je vous remercie,

Mariam SANKARA


 

L’allocution de M. Gabriel Biba-Nkouka, président du comité Thomas Sankara de Montpellier

Chers amis, Chers compatriotes, Chers invités.

Je voudrais particulièrement remercier la Municipalité et la Métropole à travers leurs délégués légaux ici présents : Mr COTE Sébastien (Elu municipal délégué aux commémorations et à la sécurité) et Mme HART Clare (Adjointe au maire chargée aux relations internationales) en représentation de Mr Mickaël Delafosse, Maire de Montpellier et Président de la Métropole.

Merci aussi aux responsables et agents municipaux que nous avons longuement sollicités et avec qui nous avons patiemment préparé cette cérémonie. Je voudrais remercier particulièrement Mme MALONGA Grace, ici présente, pour son implication infaillible malgré les multiples rebondissements organisationnels

Mes remerciements aux différents Elus de la Municipalité et de la Métropole et plus particulièrement à Philippe THINES élu municipal qui aura été à l’initiative de cet espace public (l’Allée Thomas Sankara)

Mes remerciements aussi à Jean Abessolo, ici présent, avocat de la première heure dans le combat « Justice pour Sankara et ses 12 compagnons ». Une profonde reconnaissance aussi envers tout le collectif des avocats ainsi qu’à toutes les associations citoyennes, au Burkina et en Afrique, en France, en Europe et partout dans le monde, qui ont accompagné Mariam Sankara dans sa quête de droit, de reconnaissance, de Justice.

Un petit clin d’œil à un ami, Christophe Kibodi ici présent, qui quand il a su que nous allons inaugurer les fresques sur l’Allée TS, a manifesté sa vive volonté d’être présent malgré sa mobilité fortement réduite. Une pensée aussi pour Xavier Petitjean, notre trésorier absent cet après-midi en raison de son engagement dans le téléthon du moment. Merci à Guy Guyot de la Maison des Tiers Mondes et de la Solidarité Internationale (MTMSI) qui, malgré son grand âge, nous honore de sa présence en ce jour mémorable.

Merci enfin à vous tous, ici présents, amis et compagnons des luttes panafricaines, engagés dans le combat immuable pour une réelle indépendance et une réelle autodétermination du continent : Thomas Sankara et bien d’autres nous ont montré la voie.

  1. Historique de l’Allée :

En novembre 2013, l’Allée Thomas Sankara a été inaugurée en présence de Mme MANDROUX (maire de Montpellier à l’époque). Je voudrais, aujourd’hui, partager avec vous l’historique de cette épopée qui tient principalement à l’ardente volonté d’un jeune devenu adulte depuis. En effet, dans les années 2010, le jeune Yoan THINES rentre d’un séjour professionnel au Burkina Faso. Malgré la disparition du Jeune Président assassiné, il est séduit par la personnalité omniprésente et vivace d’un Homme profondément Intègre ainsi que par son aura auprès de la jeunesse Burkinabé. Il suggère alors à son père, Philippe THINES (responsable à l’époque de la gestion des espaces publics municipaux), de dénommer du nom de Thomas SANKARA, une rue de la ville. L’Allée Thomas SANKARA est actée lors d’un conseil municipal ainsi que d’autres dénominations en hommage aux héros panafricains notamment la Rue Patrice Lumumba et la Rue Nelson Mandela dans deux quartiers résidentiels de la ville de Montpellier. Lorsque nous avons été informés de cette dénomination, le CTSM s’est immédiatement rapproché de la municipalité pour s’approprier les lieux. Il s’en suivra l’inauguration du 30 novembre 2013.

  1. L’Allée Thomas SANKARA : Un Trait d’Union et une Forte Symbolique

L’Allée, telle que nous la connaissons aujourd’hui est un Trait d’Union, une Passerelle à forte connotation symbolique.

Tous les africains de ma génération se souviennent sans doute encore de leurs moments de scolarité dans leur adolescence ou leur jeunesse. En effet, pour rejoindre le Lycée Victor Augagneur (à côté de l’hôpital Louis Pasteur), je devais pour ma part, emprunter le Bd Charles de Gaulle, passer le Rond-Point François Mitterand, enjamber la lagune grâce au Pont Pierre Savorgan de Brazza.

Aujourd’hui à Juvignac, une commune de la Métropole, les jeunes du quartier des Constellations peuvent emprunter le « Chemin Thomas Sankara » pour rejoindre le complexe scolaire « Nelson Mandela ».

A Montpellier, « l’Allée Thomas Sankara » permet de relier le quartier Antigone à celui des administrations et des établissements scolaires de Joffre et Mermoz. Un Trait d’Union et une Passerelle à forte connotation symbolique :

  • La symbolique d’une part de l’Éducation, de l’Instruction et de la Connaissance avec le Lycée Général Joffre, le Lycée Technique et Professionnel Mermoz dont les enseignants et les élèves empruntent quotidiennement l’Allée
  • La symbolique de la Communication d’autre part, celle de l’Information avec notre fleuron local : la Radio France Bleue Hérault dont les locaux bordent l’Allée.
  • Enfin, la symbolique de la Finance avec, à l’entrée de l’Allée, les bâtiments du Trésor Public et ceux de l’administration des finances, fers de lance de l’économie et de l’entreprise quand ils ne sont pas instruments de dépendance financière et monétaire.
  1. Projet futur : suite de la valorisation de l’année

Pour revenir à notre allée, Vianné (notre artiste) nous fera l’honneur de dévoiler son œuvre artistique qui représente, pour nous, une première tranche d’un projet de valorisation globale de l’Allée. Nous avons en effet, l’ambition de permettre à des jeunes et moins jeunes artistes locaux d’investir les lieux et de faire de l’Allée TS, une succession de tableaux, une sorte de musée à ciel ouvert en honneur au Président Thomas Sankara.

Tout comme il existe à Montpellier, à Odysseum plus exactement, une Place dédiée aux Grands Hommes et Femmes de notre humanité contemporaine. L’espace public qui se juxtapose à l’Allée Thomas Sankara dans sa partie basse, pourrait être dédié aux militants et combattants panafricains. Cet espace pourrait être baptisé : Place de la Paix, Place de la Liberté, Place des Indépendances, que sais-je ……… ou Place des Hommes Intègres.

C’est un projet qui nous tient à cœur et que nous nous efforcerons de faire aboutir en lien et en partenariat avec la Mairie et la Métropole. RDV donc ici et à nouveau dans quelques mois pour célébrer ensemble ces réalisations à venir.

Au nom du Comité TS et en mon nom personnel, je voudrais vous dire toute notre reconnaissance pour votre présence, votre soutien et votre engagement.

Je vous remercie.

Gabriel BIBA-NKOUKA, pour le Comité Thomas Sankara Montpellier


 

Viané le créateur de la fresque: “Ce sont les Burkinabè qui m’ont fait connaître Thomas Sankara “, interview

La fresque est très colorée avec des couleurs chatoyantes. C’est un choix artistique, mais symbolique aussi ?

Oui, j’aime les couleurs qui me rappellent mes voyages en Afrique. En fait les fresques devaient avoir une base de rouge, jaune et vert.

Et puis des contraintes sont venues changer la donne. Il était prévu de peindre des citations de Thomas Sankara mais la mairie souhaitait des images seulement. Une architecte a également donné son point de vue pour mieux intégrer les couleurs à la végétation à coté des escaliers du bas. Finalement il ne reste que les frises de triangles rouges, jaune, vert sur le coté droit des escaliers, qui  symbolisent les couleurs du Burkina Faso et de l’Afrique en général.

Réaliser des fresques dans des escaliers qui ne forment donc pas une surface plane, c’est une difficulté particulière. Comment s’y prend-on ?

Je n’avais aucun mode d’emploi et aucune garantie du résultat. Surtout que les marches n’avaient pas la même taille partout, ce qui augmentait la difficulté.

J’ai beaucoup travaillé en amont, avec les logiciels illustrator et photoshop. J’ai fait imprimer 3 grands pochoirs de 2,70m de large sur 1,80m de haut, que j’ai ensuite découpés en 10 bandes de la taille des marches. En je me suis fait aider pour appliquer les pochoirs sur les marches.

La peinture n’a pas été évidente à réaliser non plus car au bout de quelques jours je me suis fait une entorse au genou, à force de me baisser et de me relever.

Viané au travail

Il faut préciser que j’ai peint les soirs et les week-ends durant un mois.

De nombreux Burkinabè ont critiqué les fresques en disant que l’image de Thomas Sankara allait être piétinée. J’aimerai préciser que son image n’est pas au sol, sur les marches, mais elle est peinte sur les contremarches!

Des collégiens empruntent bien cette allée (d’ailleurs j’ai eu à faire le gendarme pour faire respecter les rubans de balisage lorsque je peignais le soir vers 17h à la sortie des classes.) Ils vont certainement ainsi chaque année découvrir qui était Sankara.

Comment avez-vous découvert le Burkina et Thomas Sankara ? Vous avez commencé vos activités au Burkina en produisant des musiciens, vous êtes toujours dans la musique?

J’ai découvert le Burkina Faso en 1996, en passant d’abord par Abidjan puis en remontant (Bouaké, Korhogo…). J’ai aimé le Burkina et je suis revenu quelques mois plus tard. Ce sont les Burkinabè qui m’ont fait connaitre Thomas Sankara. Je ne connaissais pas le personnage avant, je savais tout juste que c’était un président qui avait été assassiné, sans plus. Les récits ou les légendes que j’ai entendu sur Sankara m’ont poussé à rechercher les deux livres de Sennen Andriamirado que j’ai réussi à dénicher chez un libraire au bord de l’avenue Houari Boumediène (si mes souvenirs sont bons), pour 4000 CFA chacun. Je garde ces ouvrages jalousement!

Avant de venir au Burkina, j’avais acheté un petit clavier MIDI et avec un logiciel de M.A.O (Musique Assistée par Ordinateur), j’avais commencé à composer des instrumentaux de rap. En 1997, on m’a présenté Gilles K, le DJ du Jimmy’s à Ouaga. Son ami Alain venait de le rejoindre au Burkina Faso et on a décidé de monter un groupe: “MASK’A JAZZ”.

En ce moment, je travaille avec un chanteur qui vient d’enregistrer une chanson que j’avais écrite en 2008! On tourne le clip dans quelques jours. Je ne le produis pas vraiment mais je collabore avec lui. Je ne livre pas son nom car je préfère garder la surprise.

Et en 2023 j’avais réalisé un clip à l’aide de l’intelligence artificielle pour des artistes Burkinabè.

A part cette fresque et vos BD vous avez d’autres réalisations en art plastique?

Oui je peins depuis 6 ans maintenant et je compte me professionnaliser dans les prochains mois pour en tirer quelques revenus, en plus de mon travail salarié.

Vous avec fait des bandes dessinés, écrit un roman, maintenant une fresque consacrés à Thomas Sankara. Que représente-t-il pour vous ?

Le roman n’est pas encore terminé! Je suis exigeant avec moi-même et je souhaite offrir aux lecteurs un récit proche de la réalité historique, donc je travaille encore.

Thomas Sankara est un exemple qui m’inspire. Pour réaliser mes ouvrages, j’ai du lire et relire ses discours et ses interviews. Donc je suis emprunt de ses pensées que je trouve clairvoyantes. Il avait des défauts mais quand on écoute ses interviews, il dégage une sincérité, un bon sens, une énergie positive qui mérite d’être partagée au plus grand nombre. C’est ce que j’essaie de faire à travers mes activités.

Propos recueillis par Bruno Jaffré

𝐋a 𝐑osée… 𝐋’espace d’un matin, (hommage à Thomas Sankara) de Marie Angélique Savané

photos du journal Xare bi

Nous vous proposons, ce magnifique hommage à Thomas Sankara, écrit quelques jours après son assassinat par Marie Angéligue Savané dirigeante du parti sénégalais AJ/MRDN (And Jëf/Mouvement Révolutionnaire pour Démocratie Nouvelle) et publié comme éditorial dans l’organe de ce parti Xare Bi (voir l’image). Ce document nous a été passé par Sidiki Abdoul Daff, chargé d’archiver les documents de ce parti qu’il nous a présenté comme “Le bras politique créé par une organisation maoïste en 1974 dans la clandestinité, ouvert à tous les patriotes dans la lutte contre le néocolonialisme“.
La rédaction


𝐋a 𝐑osée… 𝐋’espace d’un matin

Par Marie Angéligue Savané

Son défi était à la démesure des problèmes de l’Afrique. Ses moyens faibles. Pourtant, il voulait atteindre les cimes du bonheur. Alors, il commença à pédaler sur les pentes abruptes. S’il trébuche, d’autres continueront.

Thomas SANKARA est tombé, sous les balles de vrais Taux- amis”. Un jeudi 15 octobre 1987: la veille de la journée Mondiale de l’Alimentation.

Lui qui voulait tant nourrir à sa faim, chaque Burkinabé ! Quelques jours après le forum anti-apartheid.

Lui qui faisait de la libération des noirs d’Afrique du Sud, un enjeu pour tout le continent.

Ces deux évènements délimitent les frontières de ses rêves et de ses ambitions.

Le fait national Burkinabé et l’Afrique.

SANKARA, rebelle à l’ordre mondial, était aussi en dissidence avec les hiérarchies sociales et les inégalités culturelles de son pays. Il voulait le rebâtir en s’appuyant sur ceux que l’histoire avait banalisés, marginalisés. Les paysans,les gagne-petits étaient les héros du roman qu’il avait commencé à écrire sur la terre du Burkina Faso. Les femmes, parce qu’elles avaient été agressées aussi bien par la tradition que par l’économie moderne, elles représentaient le socle sur lequel il voulait fonder l’avenir.

Tom’Sank, le justicier solitaire, l’incompris, celui par qui le scandale arrive, aimait viscéralement son peuple. Pour lui, il organisera des “opérations « commandos» pour l’alphabétisation, pour la vaccination.

Il prononcera un discours d’orientation politique sur la libération des Femmes le 8 mars 1987. Afin que son peuple bénéficie des fruits de son labeur, il lancera le mot d’ordre “produisons burkinabé, consommons burkinabé”.

Le Camarade président : la générosité, la tendresse, la sincérité, la simplicité, la naïveté.

La jeunesse africaine a été séduite par la vitalité, le dynamisme, la joie de vivre et le culot de SANKARA.

Il incarnait l’image d’une nouvelle Afrique pas complexée devant les “toubabs”, capable de parler franc aux “grands” du monde occidental. Il n’allait pas quémander à l’Elysée, ni téléphoner au Quai d’Orsay pour couvrir un scandale ou régler ses affaires.

Les jeunes étaient heureux, de voir enfin, un des leurs, afficher avec bonheur sa différence et effacer aussi le ridicule des présidents africains qui bredouillent devant la presse française.

Tom’Sank courait, dansait, jouait de la guitare, bref, il vivait. Ni momie, ni zombie, malgré l’angoisse qui lui prenait les tripes lorsqu’il parlait des problèmes de son pays si pauvre, si enclavé.

“Sans carat”, c’était surtout le symbole de la probité dans cet océan de corruption qui a envahi l’Afrique où n’importe quel chef d’état, ministre ou cadre fait de la chose publique un bien personnel.

Et puis NON! Thomas SANKARA est vivant ! Son message politique et le symbolisme de ses actes sont ETERNELS.

Il nous a légué des mots, des attitudes; il nous a ouvert des pistes, creusé des brèches. Et par ses erreurs, ses hésitations,

il nous a appris qu’il n’est pas aisé de faire le bonheur du peuple.

Parce qu’il a démystifié la fonction de chef d’état en Afrique, nous regarderons désormais avec étonnement et mépris, nos “responsables” qui ont peur d’approcher leur peuple et qui ne leur parlent qu’à travers leurs fades discours.

Parce qu’il a su être un humble soldat au service du peuple, nous sourirons chaque fois devant la prétention des militaires bornés.

Mais des Sankara, nous serons des milliers, afin que crépitent partout ces bourgeons d’une aube d’espoirs.

Car Thomas n’était pas l’homme d’une vie entière, mais la Rosée du matin qui grossit, perle et meurt dans la terre africaine pour la régénérer.

Marie Angélique Savané

 

 

Création de l’AES : « Il y a beaucoup d’espoir de création d’une monnaie commune », soutient le Pr Taladidia Thiombiano

Professeur Taladidia Thiombiano

En marge des journées nationales d’engagement patriotique et de participation citoyenne, le Pr Talardidia Thiombiano, ancien membre du Conseil national de la révolution (CNR) dirigé par le président Thomas Sankara, a animé le 3 octobre 2024, une conférence publique sur les orientations de la politique économique de la révolution d’août 1983. Pour lui, même s’il n’y avait pas d’insécurité sous Thomas Sankara, il y a des similitudes entre les orientations économiques de l’époque et celles menées actuellement sous le leadership du capitaine Ibrahim Traoré. Le Pr Talardidia Thiombiano a laissé entendre également que si le CNR n’a pas réussi à créer une monnaie nationale pour diverses raisons, il y a beaucoup d’espoir de création d’une monnaie commune avec l’avènement de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Cette conférence panel organisée pour réhabiliter et sauvegarder l’héritage du père de la révolution burkinabè, le président Thomas Sankara, a porté sur le thème : « Vision et orientation politiques de la révolution de 1983 à nos jours ».

Le Pr Talardidia Thiombiano, ancien membre du Conseil national de la révolution (CNR), s’est attardé sur les questions économiques de la révolution démocratique et populaire d’août 1983. Il s’agit notamment des grandes orientations de politique économique, la révolution démocratique et populaire et les relations internationales, les orientations économiques de 1987 à nos jours.

Le présidium lors de cette conférence panel

La révolution d’août 1983, une révolution avec une politique de développement endogène et de croissance auto-entretenue

Pour le Pr Thiombiano, sa communication est centrée essentiellement sur les questions économiques, quels étaient les grands axes du CNR en matière de politique économique ? Et selon ses explications, ces axes de la politique économique du CNR sont repartis au niveau global, ensuite au niveau des régions et aussi au niveau des individus.
« Au niveau global, c’est ce qu’on appelle la macroéconomie. A l’époque, le Burkina Faso était l’un des pays les plus pauvres du monde avec un taux de scolarisation faible, le revenu moyen par habitant ne dépassait pas 150 dollars, les voies d’accès entre les différentes villes étaient défectueuses, etc. Au vu de tout ça, le CNR a estimé qu’il fallait entreprendre une politique de développement des routes, de désenclavement. Dans ce désenclavement, il y avait non seulement les routes mais aussi le chemin de fer tel que Ouaga-Tambao. Il se n’agissait pas seulement d’exploiter le manganèse mais ça devrait avoir un prolongement jusqu’au Niger pour faire une ouverture avec les pays voisins », a-t-il expliqué.

« L’autre aspect que j’ai appelé mésoéconomie, c’était tout simplement au niveau du développement des entreprises, au niveau des régions en particulier. Qu’est-ce qu’il fallait faire ? D’abord l’investissement humain au niveau des masses pour mettre en pratique les plans quinquennaux de développement. Mais ce développement ne devrait pas venir de l’Etat, ce sont les masses qui doivent prendre l’initiative. Si vous voulez construire une école, vous devez trouver les voies et moyens, l’Etat ne peut pas aller prendre un crédit pour construire une école. Comment il va rembourser ? C’est la même chose pour les dispensaires », a ajouté le Pr Thiombiano.

Selon le Pr Talardidia Thiombiano, au niveau des individus, il s’agissait de faire en sorte que les gens aient confiance en eux-mêmes, à la capacité de pouvoir se développer à travers le slogan « Consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons ». « Tout ce que nous voulons produire, il faut que ça soit voulu par nous, ce n’est pas pour exporter. C’est d’abord pour consommer au niveau national, ensuite, pour vendre aux autres pays africains et subsidiairement, on pourrait vendre au plan international. On doit produire ce qui va nous permettre d’éviter d’importer. Avec les importations, on n’économise pas des devises. Si on n’économise pas des devises, cela veut dire qu’on ne peut pas acheter des machines à l’extérieur pour pouvoir vraiment nous industrialiser. C’était une politique de développement endogène et de croissance auto-entretenue et surtout de produire ce dont nous avons besoin et ce que nous voulons consommer et ne pas attendre qu’on nous impose ce que nous devons produire et ce que nous devons consommer », a-t-il précisé.

Similitudes entre les orientations économiques du CNR et du MPSR 2

Le Pr Thiombiano a également essayé de faire le parallèle entre la politique économique de l’époque et celle menée aujourd’hui sous la présidence du capitaine Ibrahim Traoré. A l’en croire, c’est vrai que les contextes ne sont plus les mêmes mais il y a des similitudes.

Le Pr Talardidia Thiombiano voit des similitudes entre les orientations économiques de la révolution du 4 août 1983 et celles conduites aujourd’hui par le président Ibrahim Traoré

« A l’époque de la RDP, il n’y avait pas de terrorisme, l’insécurité, donc on pouvait mettre l’accent exclusivement sur le développement avec la mobilisation des masses pour l’économie. Mais aujourd’hui, dans un premier temps, il faut mobiliser les masses pour pouvoir effectivement défendre l’intégrité territoriale du pays et on n’oublie pas qu’en même temps qu’on mobilise les masses pour défendre l’intégrité territoriale du pays, il faut aussi produire pour consommer, pour pouvoir exporter, transformer, etc. Quand on regarde aujourd’hui la politique qui est suivie par le président Ibrahim Traoré, on sait que c’est dans cette lignée, parce que dans un premier temps, il essaie d’abord de chercher à sécuriser le pays et dans le même temps, il essaie de dire aux gens de produire. Au niveau du secteur agricole, il y a eu de nombreux projets qui sont lancés. Au niveau également industriel, il y a aussi la transformation des produits de l’agriculture en produits industriels. Donc une combinaison entre l’agriculture et l’industrie, ce qui était aussi une philosophie de la RDP de Thomas Sankara. Par conséquent, il y a des similitudes. Un dernier point, c’est compter toujours sur ses propres forces, ne pas attendre que l’extérieur vienne nous dire ce qu’il faut produire, ce que nous devons manger, etc. Si nous avons besoin de manger quelque chose, nous devons chercher à produire et non à importer », a-t-il longuement exposé.

Création de l’AES et espoir de création d’une monnaie commune

A en croire le Pr Talardidia Thiombiano, si la Révolution démocratique et populaire du président Thomas Sankara a n’a pas pu se doter d’une monnaie en raison de son isolement et de la pression internationale, avec la création de l’AES, il y a beaucoup d’espoir de création d’une monnaie commune. « A l’époque de la révolution démocratique et populaire, c’est parce que le Burkina Faso était un seul pays isolé qui pouvait subir toutes les sanctions des pays occidentaux et des pays voisins. Aujourd’hui, on se rend compte qu’avec trois pays qui ont des similitudes, créer une monnaie devient une priorité. Aussi, à l’époque par exemple de la révolution, on n’avait pas encore découvert suffisamment de ressources minières en particulier l’or. L’or, ça peut servir de garantie à la création d’une monnaie. Mais indépendamment de l’or, on a d’autres ressources naturelles au sein de l’AES comme le pétrole », a-t-il indiqué.

Vue des participants à cette conférence panel

« Toutes ces richesses mises ensemble, ça peut nous garantir une certaine solidité monétaire, parce que la monnaie avant tout, c’est la confiance. Aussi, il faut produire parce que si vous avez votre monnaie et vous ne produisez rien, personne n’a besoin de votre monnaie. Par contre, si vous produisez beaucoup de choses, les gens vont vouloir venir acheter. Donc, ils vont demander votre monnaie et c’est comme ça que la monnaie va avoir effectivement une certaine notoriété au plan national et international », a précisé le Pr Talardidia Thiombiano.

Mamadou Zongo
Lefaso.net

Source : https://lefaso.net/spip.php?article133370 8 octobre 2024

Le coup de Cube Maggi. Mohamed Maïga. 6 juin 1983

Afrique Asie N°297 du 6 juin 1983 1

Nous continuons la publication des articles de Mohamed Maïga, journaliste d’Afrique Asie, proche de Thomas Sankara qui a publié de nombreux articles de décembre 1982 à décembre 1983, la période de préparation de la Révolution et les premiers mois de la Présidence de Thomas Sankara.

On se rappelle que Thomas Sankara, premier ministre avait été écarté et arrêté à la suite d’un putsch de la droite de l’armée, le 17 mai 1983. Cet article analyse, ce que Mohamed Maïga appelle “un coup d’État militaire” qui s’est traduit par l’arrestation de Thomas Sankara et un changement d’orientation à la tête du pays. La “Cheville ouvrière du putsch de la droite“, comme le qualifie Mohamed Maïga, n’est autre que Somé Yorian, leader de la droite parmi les militaires que l’on a surnommé Cube Maggi. Mohamed Maïga explique l’origine de ce surnom au début de l’article. Pour situer ces évènements dans l’histoire de la Haute Volta qui deviendra le Burkina, vous pouvez consulter la chronologie à https://www.thomassankara.net/chronologie/. Cet article a été retranscrit par Gérard Amado Kaboré, membre de l’équipe du site. Vous trouverez l’ensemble des articles de Mohamed Maïga à https://www.thomassankara.net/?s=Mohamed+Ma%C3%AFga

La rédaction


LE COUP DE « CUBE MAGGI »

 Une « nouvelle sauce gouvernementale », mijotée par les tenants de l’ancien régime, vise à cuire définitivement la gauche.

PAR MOHAMED MAIGA

Plus que l’écartement et l’arrestation d’un Premier ministre devenu gênant pour les possédants voltaïques, africains et étrangers, c’est un véritable coup d’État militaire qui s’est déroulé à Ouagadougou, à l’aube, le 17 mai 1983. Un coup d’État fomenté par la droite militaire la plus classique dont les principaux instigateurs sont le colonel Gabriel Somé Yorian, chef état-major de l’armée, le lieutenant-colonel Harouna Tarnagda, ministre de l’intérieur et de la Sécurité, le capitaine Kamboulé (mû par la jalousie, étant moins connu que les jeunes capitaines progressistes du 7 novembre 1982), commandant du corps des blindés de la capitale, parent de Somé Yorian, et quelques gendarmes. Cheville ouvrière du putsch de la droite : Somé Yorian, dit « Cube Maggi », profil classique du « sous-off », formé par l’armée coloniale, modèle Bokassa et Amin Dada: Indochine; Algérie; quelques stages à l’étranger. Son surnom épicé lui vient du fait qu’il a été de tous les coups et toutes les « sauces gouvernementales » qu’à connus la Haute-Volta.

Officier d’ordonnance de Maurice Yaméogo (premier président du pays, évincé en 1966), Somé Yorian devient chef d’état-major, puis ministre de I ‘Intérieur, et encore chef d’état-major sous Saye Zerbo. Sentant le vent tourner, il ne s’oppose pas au coup d’État du 7 novembre 1982; il prend même le train en marche et conserve, curieusement, ses fonctions dans le Conseil de salut du peuple(C.S.P.) première version.

Autres comparses de poids : d’abord Adama Fofana, ministre de l’Information, éminence grise du nouveau pouvoir, un homme que l’on dit tenté par les Affaires étrangères. Ensuite l’actuel titulaire de ce poste (qu’il occupait du reste sous Saye Zerbo), Michel Kafando, très proche des « modérés » africains et des milieux néo-coloniaux français. Il semblait déjà au courant du putsch manqué de février dernier.

                                     Une scène étrange

 Ce coup d’État devait se faire en douceur, sur le modèle de celui réussi en 1981 par André Kolingba en Centrafrique. Avant tout, il fallait arrêter les capitaines Thomas Sankara, Blaise Compaoré et le commandant Boukari Jean-Baptiste Lingani (secrétaire général du C.S.P.). Ensuite, on présentait l’opération comme un recentrage du mouvement des forces armées.

Devait ensuite suivre une phase de « normalisation, » comportant notamment l’épuration de l’armée et la chasse à ses éléments progressistes; l’arrestation de leaders syndicalistes et des ministres issus de la gauche voltaïque (ce qui s’est produit le 21 mai avec l’arrestation de Soumane Touré, leader de la Confédération syndicale voltaïque -C.S.V.- et de plusieurs ministres et de leurs proches collaborateurs). La technique du « coup en douceur » s’explique d’abord par le fait que l’opération doit se dérouler sans effusion de sang afin qu’elle ne rencontre pas d’échos trop défavorables dans l’opinion internationale; qu’elle n’entraine pas de soulèvement dans les masses populaires voltaïques; et que soit évitée la réaction des autres unités de l’armée, surtout à l’intérieur du pays.

Dès le lundi 16 mai, il se produit une scène étrange à l’aéroport international de Ouagadougou. L’ambassadeur de France fait en sorte que soient évacués tous les journalistes voltaïques venus attendre l’avion de Guy Penne, le conseiller de I‘Elysée pour les Affaires africaines. Guy Penne ne sera ni filmé, ni photographié à son arrivée dans la capitale voltaïque. Contrairement à l’usage, il va loger chez l’ambassadeur, et non dans la villa prévue pour lui à la « cité du Conseil de l’entente. » L’ambassadeur aurait-il déjà eu vent de ce qui se tramait à Ouagadougou?

Le mardi 17, à quatre heures du matin, cinq blindés légers encerclent la résidence du Premier ministre, le capitaine Sankara, appuyés par une centaine de fantassins. A la même heure, trois blindés similaires (des Cascavel brésiliens offerts par la Libye) et une vingtaine de soldats entourent la résidence du chef de I‘État. Une dizaine de gendarmes font irruption dans la résidence du commandant Lingani et procèdent à son arrestation. Toujours à quatre heures, une dizaine de gendarmes se présentent au domicile du capitaine Blaise Compaoré. Il est absent. Il prolonge son séjour à Bobo-Dioulasso, à la demande du Premier ministre qui l’avait chargé d’une mission. Au même moment, au camp Guillaume, une dizaine de blindés et une centaine de fantassins prennent position autour des baraquements qu’occupaient quatre-vingts commandos détachés de la base de Po pour la sécurité du président et du Premier ministre.

                                               Plus d’armes

Pendant ce temps, les putschistes s’emparent des arsenaux de Ouagadougou : ainsi, toutes les autres unités de la capitale se retrouvent sans une arme. Toujours à l’aube, l’ambassade de Libye est cernée par la gendarmerie. A quatre heures et cinq minutes, le capitaine Sankara, réveillé par sa garde, demande à ses hommes de ne pas résister. Il téléphone au chef de l’État, qui lui confie que sa résidence est également encerclée. Il semblerait que Jean-Baptiste Ouedraogo ait téléphoné au colonel Yorian qui, pour le rassurer, lui affirmera que les blindés ne sont là que pour sa sécurité et qu’en réalité il vient d’engager l’opération visant à éliminer le Premier ministre. C’est peut-être à ce moment-là que le président se rallie aux exécutants du coup d’État. L’occasion est belle pour lui de se débarrasser d’un chef de gouvernement qui lui porte ombrage et gêne son autorité.

Vers six heures, Thomas Sankara demande à ses hommes de se rendre. Il est arrêté et transféré au camp de la gendarmerie; sa résidence restera encerclée jusqu’à treize heures. A dix heures, selon des témoignages sûrs, le président s’est entretenu téléphoniquement avec ses homologues de Côte-d’Ivoire et du Togo. Pour les rassurer sur le « succès » de l’opération ou les informer de son propre ralliement? On se le demande encore… C’est seulement au matin que les écoliers et les travailleurs, qui se rendent à leurs lieux de travail, s’aperçoivent qu’il se passe quelque chose; un air de déjà-vu à Ouagadougou : le camp Guillaume et les résidences des deux dirigeants sont encerclés. Mais, la radio diffusant un programme normal, l’aéroport n’étant pas fermé, on se contente de supputations.

Coup de froid vers six heures du matin: la gendarmerie de Bobo-Dioulasso annonce à Ouagadougou que le capitaine Compaoré a quitté la ville.

Et la chasse à l’homme s’organise à Ouaga. Mais Blaise Compaoré, qui était parvenu dans la capitale vers cinq heures du matin, après avoir longtemps roulé en voiture depuis Bobo, comprend ce qui se trame et parvient à s’enfuir. Se faufilant à travers la ville, il gagne, en fin de matinée, Po, où ses commandos sont déjà en alerte.

A huit heures, les quatre-vingts hommes retranchés à l’intérieur du camp Guillaume et commandés par le capitaine Henri Zongo refusent toujours de se rendre. A neuf heures trente, Guy Penne confère officiellement avec le ministre de I‘Information qui assure l’intérim de son collègue des Affaires étrangères. Ce dernier se trouve à Paris où il négocie de nouveaux accords militaires franco-voltaïques.

A midi, l’armée occupe l’aéroport et la gendarmerie prend la radio. Quelques minutes plus tard, Jean-Baptiste Ouedraogo, otage des nouveaux hommes forts de Ouagadougou, enregistre le texte de Somé Yorian. Il passe sur les ondes à 13 h 2, précédé et suivi de I‘hymne national. Le coup d’État, banalisé, est présenté comme une simple restructuration du C.S.P. On n’annonce pas encore officiellement l’arrestation de Sankara et de Lingani.

A treize heures a débuté, à l’hôtel Silmandé, le déjeuner officiel en l’honneur de Guy Penne. L’ambiance est décontractée. Le ministre de l’Information est en manches de chemise et en pantalon de velours violet : son « battledress » diront certains. Le ministre de l’Intérieur fait figure de héros. A la même heure, les blindés, retirés des abords des deux résidences, sont envoyés sur la route de Po, afin de verrouiller l’accès à Ouagadougou.

A quinze heures, Sankara est conduit à l’aéroport à bord d’une voiture de son escorte, une Datsun blanche. Avant d’embarquer pour son transfert à Ouahigouya, il lance quelques plaisanteries à l’adresse des soldats. Il leur lance surtout un sonore « au revoir et à bientôt ». A la même heure, le chef de I‘État reçoit les officiers de la garnison de la capitale. Il tente sans grand succès de justifier ce putsch pas comme les autres. Plusieurs officiers lui reprochent le non-respect flagrant du règlement du C.S.P., en limogeant et en faisant arrêter le Capitaine et en ayant, par une « initiative personnelle », menacé l’unité de l’armée, La même scène se répète le lendemain lors de la rencontre au camp Guillaume avec les sous-officiers.

On remarquera que les véritables auteurs du coup se tiennent toujours dans l’ombre, laissant au chef de l’État le soin de justifier l’injustifiable. A dix-sept heures, le médecin-commandant Ouedraogo (qui a décidément une journée chargée) reçoit Guy Penne, qui lui remet une invitation à se rendre à Paris et annonce, comme Christian Nucci (ministre délégué à la Coopération et au Développement), quelques jours plus tôt, qu’en 1983, la France accordera à la Haute-Volta une aide sans condition de vingt-deux milliards de francs C.F.A. A dix-huit heures, réception remarquée à l’ambassade de France en I‘honneur de la visite de Guy Penne. Les principaux auteur civils et militaires du putsch y assistent joyeusement.

Vers dix-huit heures, le capitaine Compaoré, qui a repris son commandement à Po, adresse deux messages à Ouagadougou. Le premier au capitaine Kamboulé. Le texte est court : « je suis bien arrivé à Po. Nous nous retrouverons très prochainement. » Le deuxième texte, adressé au chef d’état-major, est une mise en garde contre toute action inconsidérée qui mettrait en danger la vie des commandos retranchés au camp Guillaume. Le message se termine ainsi: « Libérez-les ou nous venons les chercher ». Ils seront libérés le 19 et regagneront Po.

                                    Les acquis de novembre

Devant l’évolution inattendue de la situation, Guy Penne reporte au lendemain son départ, qui devait avoir lieu le soir même pour Dakar. Jean-Baptiste Ouedraogo annule la visite de travail qu’il devait effectuer à la même époque à Bamako (Mali). Guy Penne, murmurent certains, aurait conseillé aux putschistes de négocier avec les hommes restés fidèles au Capitaine » car en cas de coup dur, l’intervention de l’armée française, comme les putschistes pourraient le lui demander, serait impossible compte tenu de la politique définie par le Parti socialiste lui-même dès le 10 mai 1981.

Mais à Po, fief des commandos, on est décidé à se battre, et Henri Zongo, Blaise Compaoré et leurs hommes, comme l’ensemble des forces progressistes voltaïques, semblent déterminés à défendre les acquis du 7 novembre 1982. Car il est certain qu’en cas de victoire des forces conservatrices, la politique qu’elles mèneront sera des plus musclées afin que, comme on le dit à Ouagadougou, « la gauche ne puisse plus à terme, relever la tête »

Mohamed Maïga

Source : Afrique Asie N° 297 du 6 juin 1983

Il y a 40 ans, le massacre des tirailleurs au camp de Thiaroye

Fresque commémorant Thiaroye 44

Comme nous l’avons fait pour toutes les affaires et leurs victimes ou soutien du collectif secret défense, nous présentons, à l’occasion d’un anniversaire, ci-dessous l’affaire du massacre des tirailleurs au camp de Thiaroye au Sénégal le 1er décembre 1944, par l’armée française dont il faisait pourtant partie, puisqu’il avait participé à la guerre contre l’Allemagne nazie. Le gouvernement a longtemps minimisé le nombre de morts, 30 puis 70, alors que le nombre est évalué entre 300 et 400. Il a aussi présenté, mais aussi présenté un version tronquée de ces évènements, évoquant une mutinerie armée alors qu’il ne s’agissait que d’un simple mouvement de mécontentement des tirailleurs qui, contrairement à leur promesse faite n’avais pas touché leur solde. Ainsi pour rendre de cette affaire, nous vous présentons un premier texte d’Armelle Mabon, historienne et membre du collectif secret défense, intitulé Réflexions suite à la commémoration du 1er décembre 2024 où elle fait le point sur ce qu’il reste à obtenir. Un deuxième texte de l’historien Martin Mourre, qui a fait sa thèse sur le sujet. Ce texte publié le 27 novembre 2021, intitulé Le drame de Thiaroye, reprend l’essentiel de ce qu’on sait de l’affaire à l’époque grâce aux travaux des historiens. Le troisième texte est autre texte d’Armelle Mabon, intitulé Le combat en cours pour obtenir la vérité où elle raconte le combat acharnée qu’elle a du mener pour le recherche de la vérité, combat qui n’est d’ailleurs pas terminé comme elle explique dans le premier texte. Pour en savoir plus, elle publie un blog sur médiapart toujours alimenté par les nouvelles péripéties de ses recherches. Elle vient aussi de sortir en novembre 2024 un ouvrage intitulé Le Massacre de Thiaroye, 1er décembre 1944, un mensonge d’État publié chez Le passager Clandestin.

La rédaction


Réflexions suite à la commémoration du 1er décembre 2024

Le discours du président sénégalais a fait forte impression avec des propositions claires concernant ce qui peut être mis en place par le Sénégal comme la journée du tirailleur le 1er décembre et l’intégration de l’histoire du massacre dans l’enseignement scolaire. Par ailleurs, les revendications adressées à l’État français sont particulièrement judicieuses avec la remise de l’intégralité des archives et son aide pour la fouille des fosses communes. Ainsi il sollicite une collaboration.

Par contre la posture des historiens est problématique avec une rhétorique discriminatoire à l’encontre des historiens français : « Désormais nous aurons notre narratif ». A ne pas vouloir s’inspirer des récents travaux des historiens français, le récit repart sur des erreurs historiques comme le chiffre de 2400 à devoir embarquer à Morlaix. Lors d’une conférence de presse suite à la mission de six historiens et archivistes en France, il est surprenant d’entendre qu’il sera possible de contourner l’administration centrale française – en contradiction avec le discours du président sénégalais – grâce à la sollicitation des communes. Il s’agit de 29 communes du Finistère mais les hommes de Thiaroye, bien qu’embarqués à Morlaix n’ont pas fait leur temps de captivité dans le Finistère.

Quant au discours de la France via le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barraut reprenant un courrier du président Macron et notamment ce passage : « Ainsi devons-nous regarder les événements survenus à Thiaroye le 1er décembre 1944. De ce point de vue, la France se doit de reconnaître que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versée l’entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un « massacre », ainsi donc, pour le président Emmanuel Macron, en plus de cette confrontation et un enchaînement de faits qui laissent encore supposer des actions réprimables, un tirailleur n’est pas un militaire. Les mots ont un sens. Le président français ne reconnaît pas « l’entièreté » du massacre et encore moins le mensonge d’État.

Le combat pour les descendants et l’Histoire doit se poursuivre avec toujours la remise de l’intégralité des archives, le procès en révision, la réparation, la fouille des fosses communes.

La mise en place d’une commission d’enquête parlementaire devrait permettre de libérer des paroles institutionnelles permettant de comprendre la réitération du mensonge d’État notamment en 2014.

Armelle Mabon


Le drame de Thiaroye, par Martin Mourre

Les événements de Thiaroye le 1er décembre 1944 sont un des trop nombreux drames de l’impérialisme français en Afrique. Par la nature de la violence qu’il met en jeu, il reste un symbole des massacres coloniaux du XXe siècle. Ces événements concernent l’histoire des tirailleurs dit « sénégalais » – le terme « sénégalais » est une appellation générique puisque les recrutements de ce corps militaire, créé au milieu du XIXe siècle, se sont effectués dans toute l’Afrique sous domination coloniale française, principalement en Afrique de l’Ouest. Mais Thiaroye renvoie aussi à ce moment charnière entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de nouvelles luttes de libération des peuples colonisés de par le monde.

À l’automne 1944, après les débarquements de Normandie et de Provence – pour ce dernier majoritairement composées de soldats coloniaux parmi les troupes françaises –, le territoire métropolitain est en voie de libération. Mais, à cette date, les autorités doivent aussi régler le cas des soldats coloniaux partis se battre en 1940, défaits à la bataille de France, et depuis enfermés dans des frontstalags un peu partout sur le territoire. En effet, par haine raciale, les Allemands ne voulaient pas de leur présence sur leur sol et, après l’intensification du conflit sur le front Est en 1942, ils furent même gardés par leurs propres officiers français.

Avant leur rapatriement en Afrique et leur démobilisation, les autorités doivent régler leur rappel de solde de captivité, leur verser un pécule ou vérifier pour certains les grades FFI. Les textes réglementaires stipulent que le quart de leur solde de captivité doit leur être versée à l’embarquement et le reste à Dakar, lors de la démobilisation. En novembre, un bateau doit quitter Morlaix, en Bretagne, avec à son bord un contingent de tirailleurs africains. Constatant qu’ils n’ont pas touché ce qu’ils estiment devoir percevoir, plus de 300 d’entre eux refusent d’embarquer. Ce refus marque une première mobilisation contre ce qui apparait comme une injustice. D’autres tirailleurs – les différents rapports évaluent le nombre entre 1200 et 1600 – acceptent finalement de s’embarquer. Le bateau arrive à Dakar le 21 novembre.

Illustration 2

À leur arrivée, les tirailleurs sont conduits au camp militaire de Thiaroye, où ils doivent attendre leur démobilisation effective avant de pouvoir regagner leurs foyers en Afrique de l’Ouest. Les paiements tardent et se déroulent de manière compliquée. Un départ en train à destination de Bamako est prévu le 27 novembre pour plus de 500 tirailleurs. Mais ce jour-là, les tirailleurs refusent de quitter le camp, ils craignent de ne jamais toucher leur argent s’ils sont dispersés dans leurs villages.

Le lendemain, le général commandant la Division Sénégal-Mauritanie, Marcel Dagnan – le plus haut gradé militaire présent ce jour-là à Dakar –, se rend à Thiaroye. Dans son rapport, il indique qu’il a échappé à une prise d’otage par les tirailleurs du camp le 28 novembre. Dès cet instant, la logique du droit est remplacée par une logique répressive qui culmine avec la mise à mort d’un nombre important de tirailleurs le 1er décembre.

Pourtant, aucun autre élément ne corrobore les dires de Dagnan et on doit comprendre ses propos comme une justification, a posteriori, de la mise en place d’une force d’intervention. Le 1er décembre, des unités des forces de répression encerclent le camp. Il est 5h30 du matin ce 1er décembre quand les premières unités se mettent en place.

Le dispositif est impressionnant, il concerne l’ensemble des forces de maintien de l’ordre présentes dans la région de Dakar – et même jusqu’à Saint-Louis à plus de 250 kilomètres. En plus de la troupe, on mobilise des armes lourdes. Dans les différents rapports qu’ils écrivent à la suite des événements, les officiers avancent qu’ils ont réagi à un mouvement de protestation des tirailleurs, qu’après avoir parlementé pendant plusieurs minutes, ils ont été contraints d’ouvrir le feu. Les déclarations des tirailleurs faites sur procès-verbaux décrivent une situation qui n’a rien à voir. On les a réunis sur une des esplanades du camp avant d’ouvrir le feu, via des autos-mitrailleuses.

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Une des questions les plus sensibles concernant le massacre de Thiaroye est celle du nombre de victimes. Si le chiffre de 35 morts est fréquemment évoqué dans les sources d’époque, il est pourtant sujet à caution.

Ainsi, il existe deux versions différentes du rapport rédigé par Dagnan le 5 décembre, conservées dans deux fonds d’archives différents. L’un est adressé au Ministère des colonies et conservé aux Archives nationales d’Outre-mer et l’autre, son double, est adressé au Ministère de la guerre et conservé au Service historique de la Défense. Le premier rapport mentionne le chiffre de 35 victimes et le second celui de 70. La variation du nombre de tirailleurs présents ce matin-là – évoqué plus haut dans le nombre de tirailleurs rapatriés, alors que les futurs arrivés de tirailleurs, de janvier au printemps 1945, sont présentés à l’unité près –  est pour le moins troublante.

C’est un indice de la volonté des autorités françaises de minimiser le bilan du 1er décembre.

Par ailleurs, autre indice témoignant de la volonté probable de diminuer ce nombre de victimes, on trouve dans ces documents une mention de la disparition, inexpliquée, de près de 400 tirailleurs lors de leur transport entre la Bretagne et Dakar. Ceux-ci, à l’escale de Casablanca situé plus ou moins au milieu du voyage, auraient quitté le bateau et ne seraient jamais remonté.

Problème, on trouve dans les fonds de la Justice militaire le témoignage d’un officier présent lors de la traversée et qui avance que l’escale de Casablanca s’est déroulée sans incidents. Ces différents éléments – on pourrait en rajouter – suggère une manipulation de plusieurs documents au moment de leur rédaction. Et il laisse planer l’hypothèse d’un massacre dont le bilan serait de près de 400 victimes.

Thiaroye s’inscrit donc dans le contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale en AOF. Si la Fédération a choisi le camp vichyste à l’été 1940, elle bascule du côté gaulliste après le débarquement allié en Afrique du Nord à l’automne 1942 et Pierre Cournarie, un fidèle du général de Gaulle, est nommé à sa tête à l’été 1943. En novembre 1944, celui-ci approuve la mise en place du service d’ordre, prélude au massacre. Quand à de Gaulle, si l’on ne trouve aucune trace d’un télégramme d’une prise de décision de sa part à ce moment-là, il n’eut jamais un mot pour condamner ce qu’il s’était passé.

Ainsi, juste après la tuerie, dans un procédé qui vise à inverser la charge de la faute, des tirailleurs sont arrêtés par les autorités militaires et jugés par le Tribunal militaire permanent de Dakar. En mars 1945, 34 d’entre eux seront condamnés, principalement pour des faits de rébellion, à des peines allant de une à dix années de prison.

L’avocat principal des tirailleurs est Lamine Guèye, l’homme politique ouest-africain le plus en vue à l’époque qui dénonce une parodie de procès. Finalement, les tirailleurs seront libérés, au printemps 1947 suite à une visite du président Auriol en AOF mais non graciés, et certains sont décédés en prison.

Quelques mois après le début de la guerre d’Indochine, quelques semaines après le début des massacres coloniaux à Madagascar et dans un contexte social tendu – les grèves se multiplient en AOF, et en septembre démarre la plus grand grève de l’époque coloniale, celle des cheminots du Dakar-Niger – Auriol, se devait de faire ce geste politique. Par ailleurs, cette libération est le fruit de la mobilisation de plusieurs parlementaires africains, dont Jean Sylvandre ou Mamadou Konaté, alors député du Soudan français (futur Mali) ou Léopold Sédar Senghor, à l’époque député du Sénégal.

À la fin des années 1940 puis dans les années 1950, le souvenir de Thiaroye est vif, et reste un enjeu de mobilisation dans les luttes de libération nationale. Après les indépendances, au Sénégal, Thiaroye continue d’être un lieu de mémoire, qui rappelle l’injustice et la violence du système colonial. En 1988 sort sur les écrans le beau film d’Ousmane Sembène, Camp de Thiaroye, et dans les années 2000, plusieurs pays – Mali, Sénégal, Burkina-Faso – se mettent à commémorer ce drame.

Martin Mourre

Martin Mourre est chercheur affilié à l’Institut des mondes africains (IMAf-EHESS). Il a publié Thiaroye 1944. Histoire et mémoire d’un massacre colonial (Rennes, PUR, 2017), et de nombreux articles sur la mémoire historique au Sénégal. 

Source : https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/271121/thiaroye-1er-decembre-1944-un-massacre-colonial-encore-meconnu

 


 

Le combat en cours pour obtenir la vérité,

par Armelle Mabon

Depuis mon interpellation de François Hollande, Jean-Yves Le Drian et Christiane Taubira, en 2014, au sujet du mensonge d’État sur le massacre des ex-prisonniers de guerre à Thiaroye le 1er décembre 1944, l’obstruction du ministère des Armées tant sur l’accès aux archives sensibles que sur la possible exhumation des corps des victimes des fosses communes devient indécente.

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Seule photo connue d’une victime de Thiaroye : M’Bap Senghor

Le 1er décembre 1944 à la caserne de Thiaroye au Sénégal, contrairement à ce qui est relaté comme récit officiel dans les archives consultables, il n’y a pas eu de mutinerie, ni de rébellion armée nécessitant une répression sanglante faisant 35 morts, 35 blessés. C’est un massacre prémédité sur des soldats mobilisés en 1939 pour défendre la France contre le péril nazi, faits prisonniers par les Allemands qui, à la Libération, ont osé réclamer le paiement de leurs soldes de captivité dont ils ont été définitivement spoliés. Ce n’est ni 35 morts, ni 70 comme annoncé par le président Hollande en 2014 mais vraisemblablement près de 400.

Les autorités françaises ont fait croire que 400 rapatriés avaient refusé d’embarquer à l’escale de Casablanca afin de camoufler le nombre de victimes jetées dans des fosses communes sur le lieu même du massacre. Les mortellement blessés et les blessés achevés à l’hôpital principal de Dakar ont sans doute connu le même sort au sein du cimetière militaire.

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Emplacement des fosses communes

Si le président Hollande, en 2014, a reconnu que ces hommes n’ont pas perçu leur dû, il a annoncé que le lieu de leur sépulture demeurait mystérieux. En février 2021, le ministre Le Drian annonce pourtant la présence de trois fosses communes alors que le ministère des Armées, en janvier 2021 maintient que les tombes sont le lieu de l’inhumation de ces hommes avec des « soldats inconnus de la Seconde guerre mondiale ». Le gouvernement français ne connaîtrait donc pas l’endroit exact des fosses communes ?

Alors que le ministère des Armées évoque comme un mantra qu’il n’existe pas d’autres archives que celles consultables, il se sert pourtant de documents pour les mémoires en défense qui ne sont pas visibles dans les dépôts d’archives. Les autorités militaires ont forcément établi une liste des rapatriés, une liste des victimes, la cartographie des fosses communes et les calculs individuels pour la perception des soldes de captivité et de la prime de démobilisation. Malgré les preuves de l’existence d’archives non inventoriées, ni classées, le tribunal administratif de Paris a rejeté par deux fois ma requête en qualité d’historienne pour contraindre le ministère à les rendre consultables. Un pourvoi a été déposé auprès du Conseil d’État d’autant plus qu’il y a un vice de procédure : le jugement fait état d’un mémoire du ministère qui ne m’a pas été transmis.

Pour le versement des sommes spoliées restées dans les caisses de l’État, nous avons pu démontrer que la tromperie de l’État était continue avec la modification de la date d’embarquement sur les fiches signalétiques des rescapés, des condamnés et des rares victimes qui sont nommées. Cette modification devait permettre de camoufler ce mensonge inscrit sur une circulaire du ministère de la guerre éditée trois jours après le massacre et faisant croire que ce contingent ayant quitté la France le 5 novembre 1944, avait perçu l’intégralité des soldes rendant leurs revendications illégitimes. Là aussi un recours auprès du Conseil d’État a été déposé.

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Document caviardé relatif à la sanction du lieutenant-colnel Le Berre

Le Conseil d’État a également eu à se prononcer sur une demande de désoccultation d’une archive de l’armée grossièrement caviardée (voir photo), relative à une sanction du colonel Le Berre, particulièrement impliqué dans cette hécatombe. Le Conseil d’État a constaté une absence de réglementation pour contraindre l’administration à la désocculter. J’ai donc demandé à le faire moi-même à mes frais avec un laboratoire et, sans réponse du ministère, j’ai à nouveau saisi le tribunal administratif de Paris.

Saisir la justice administrative relève d’une stratégie pour nous approcher de la vérité et contraindre le ministère à donner des informations qui se révèlent contradictoires tant il est compliqué de mentir sur un mensonge. Ce n’est pas tant la révélation de l’ignominie qui pose problème que la réitération du mensonge depuis tant d’années qui empêche d’établir les responsabilités.

Avec l’aide de la justice administrative, et à défaut d’une volonté politique pourtant indispensable, nous croyons à la consultation prochaine des archives restées auprès des forces françaises au Sénégal jusqu’à leur dissolution, à l’exhumation des corps et au procès en révision des 34 condamnés pour rébellion armée, crime qu’ils n’ont pas commis. C’est bien l’armée qui a commis un crime, crime continu tant que les corps ne sont pas retrouvés.

Armelle Mabon

Armelle Mabon est enseignante-chercheuse à l’université Bretagne Sud. Elle est notamment l’autrice de Prisonniers de guerre « indigènes ». Visages oubliés de la France occupée (La Découverte, 2010, réed. 2019).

Source : https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/271121/thiaroye-1er-decembre-1944-un-massacre-colonial-encore-meconnu

Le Mémorial Thomas Sankara lance la récupération des archives sur la Révolution et des objets personnels de Thomas Sankara.

Par Bruno Jaffré

Le 28 novembre 2024, à Ouagadougou, des membres du comité international du Mémorial Thomas Sankara (CIMTS), Daouda Traoré, président, Luc Damiba, secrétaire général et Etienne Lompo, coordonnateur du projet de construction des infrastructures du Mémorial Isidore Thomas Sankara (PCIM-INTS) ont tenu une conférence presse pour annoncer une campagne de récupération des archives sur la Révolution, et les objets personnels de Thomas Sankara.

La conférence de presse

« Pour la préservation de l’histoire du Burkina Faso, nous voulons rassembler les archives et les artéfacts pour alimenter les services d’archives, les bibliothèques et la maison des mémoires et la bibliothèque numérique qui font partie des infrastructures à réaliser dans le projet de construction du mémorial. Ensuite, à travers l’éducation des générations futures, la collecte   de ces documents et objets, nous souhaitons éduquer nos enfants et petits-enfants sur les luttes et sacrifices qui ont façonné notre pays ; enfin la promotion du dialogue le dialogue social : la révolution a été une période d’innovation mais aussi de conflits. En invitant chacun à partager ses souvenirs et ses expériences, nous souhaitons favoriser un dialogue inclusif autour de notre histoire commune, permettant de renforcer notre cohésion sociale »,(voir https://directinfoburkina.net/collecte-darchives-et-dartefacts-de-la-revolution-daout-1983-une-campagne-lancee/)  a décliné comme objectifs de ladite campagne, Etienne Lompo.

Selon Luc Damiba : « Les objets recherchés incluent la guitare et l’alliance de Thomas Sankara, des photos, vidéos, discours, articles de presse, archives administratives, ainsi que des souvenirs et témoignages emblématiques de l’époque révolutionnaire, a précisé le secrétaire général du CIMTS. Les personnes détenant de tels éléments, au Burkina Faso comme à l’international, sont invitées à contribuer à cet effort collectif. Les archives collectées seront centralisées au mémorial, avec un appui régional pour faciliter les dépôts » (voir https://netafrique.net/burkina-faso-des-objets-appartenant-a-thomas-sankara-dont-sa-guitare-et-son-alliance-recherches/). Un appel a donc été lancé à toute personne détenant des archives à se manifester. La campagne soit se dérouler à l’échelle nationale et internationale. Les archives seront récupérées par les directions régionales et centralisées au site du Mémorial.

Les détenteurs de documents d’archives pourront, soit céder les originaux, ou céder des copies. Pour les objets de grande valeur, il sera possible de les vendre. Une négociation interviendra pour en fixer le prix. Un SOS a même été lancé par Etienne Lompo, pour que les personnes qui détiendraient la guitare, l’arme et l’alliance de Thomas Sankara, se manifestent et que soit négociées les conditions d’acquisition de ces objets. Un budget de 15 millions a été mis à la disposition du projet qui soit servir aux déplacements pour la campagne et à sa médiatisation. Une quinzaine de services divers, de ministères sont partenaires, parmi lesquels on note la présence de deux membres de la famille Sankara.

On notera que plusieurs ministères et services ont été associés à cette initiative parrainée, par le ministère de la culture, mais seuls les membres du Mémorial étaient présents à la conférence de presse.

Petit rappel sur une autre méthode suggérée en octobre 2023 et questions sur la méthode annoncée

Dans une longue interview publiée par lefaso.net le 15 octobre 2023, intitulée « Les recherches sur Thomas Sankara et la Révolution sont loin d’être terminées », j’avais déjà attiré l’attention sur la nécessité de récupérer les archives et proposé quelques pistes pour y procéder. Ainsi j’avais déclaré : « Et de nombreux documents non-exhumés sont au Burkina. Je connais pour ma part plusieurs collaborateurs (vivants ou décédés) du président qui ont (avaient) des documents que, pour l’instant, ils ont refusé de rendre publics. Peut-être même sont-ils arrêtés par la douleur qu’ils ressentiraient en les rouvrant. Il faut vite prendre des initiatives pour les récupérer, avant qu’il ne soit trop tard. Ces personnes ont besoin de confiance pour confier leurs archives personnelles. Mieux vaut donc des initiatives hors du monde politique, mais plutôt du côté des historiens, universitaires ou pas, et des archivistes. Pour ma part, je suis prêt à participer à un tel travail. On pourrait imaginer une commission d’historiens, d’archivistes, d’auteurs et éventuellement de membres de la famille Sankara, si elle le souhaite, qui consisterait à aller à la rencontre de ceux qui ont des documents et qu’ils négocient à quelles conditions ils pourraient les confier à un organisme public. Les archives nationales semblent le mieux indiqué ! ».

Ce n’est pas la méthode qui a été décidée. Un membre du Mémorial m’a, il est vrai, proposé d’être associé à cette initiative le lendemain de la conférence de presse. J’ai décliné l’invitation. Aurai-je accepté si on m’avait sollicité ? Je ne le pense pas, car mes rapports avec les membres du Mémorial ne sont pas sous le signe de la confiance. Et puis la méthode n’est pas du tout celle que j’avais préconisée. Si on m’avait consulté auparavant je n’aurai fait que répéter mes suggestions. Elles me semblent toujours raisonnables et aptes à rassurer ceux qui voudraient bien céder leurs archives, dont certaines sont certainement précieuses, et à conserver les archives dans de bonnes conditions.

Lancer une campagne de récupération des archives est en soi une excellente initiative. Il ne faut effectivement pas attendre, sous peine de voire des archives précieuses disparaitre. Mais de nombreuses questions demeurent. Le site du Mémorial est-il près à stocker et à conserver des archives ? Il n’y a qu’un ou deux archivistes associés mais six membres du Mémorial et trois du projet de construction des infrastructures ? Ces personnes ont-elles les qualifications requises pour effectuer ce genre de travail ? Pourquoi ne pas stocker tous les

M. Ouattara Souleymane, dans les rangées de cassettes
Une vue du rangement des archives de la Télévision burkinabè (photo Bruno Jaffré)

documents aux archives nationales qui contiennent déjà pas mal de documents sur la Révolution ? Va-t-on les déménager au Mémorial où n’existe pas du tout les mêmes conditions d’accueil ? Les archives de la télévision nationale sont d’une grande richesse et conservées dans de bonnes conditions de conservation. Va-t-on les extraire alors qu’elles ont été rassemblées et réhabilitées après un énorme travail, particulièrement fastidieux du service des archives de la Télévision dont nous avons déjà loué la qualité et qui manquait à l’époque cruellement de personnel (voir https://www.thomassankara.net/le-service-des-archives-de-la-television-burkinabe-motive-manque-cruellement-de-moyen/ )? Le lancement de cette initiative, annoncé trois jours avant les début des collectes, n’est-il pas précipité ? Les deux membres de la famille Sankara associés ont-ils, l’aval de l’ensemble de la famille ? Les universités, des chercheurs, des historiens, les principaux destinataires des ces archives n’auraient-il pas du être associés ? Voilà les quelques questions que j’aurai posées si on m’avait sollicité.

Bruno Jaffré


On trouvera ci-dessous les renseignements pratiques de cette initiative.

Le processus de collecte est placé sous la supervision du Secrétaire Général du MCCAT (ministère de la communication, de la culture, des arts et du tourisme), Président du Comité  de Pilotage du PCIM-INTS, il sera secondé par un représentant de CIMTS. Les archives et artefacts collectés peuvent être transmis directement aux entités, ci-après, qui constituent des points focaux de cette campagne : les gouvernorats, les directions régionales de la culture, les missions diplomatiques et consulaires, le PCIM-INTS sise au Mémorial Thomas SANKARA, au CIMTS et ses points focaux dans les différents pays. Les instances suivantes sont partenaires de la collecte : Le Musée national, Les archives nationales, la Radiotélévision du Burkina (RTB), l’Etat major Général des armées – Musée des Forces armées nationales.

Pour toute information jugée utile, Monsieur LOMPO Etienne, coordonnateur du PCIM-INTS se tient à votre disposition. Tel+226 04 04 40 40 (WhatsApp) /+226 58 01 04 04

Contacts utiles pour la collecte : Tel+226 04 04 40 40 (WhatsApp) /+226 58 01 04 04 / +226 01 31 31 36 / +226 76 24 14 59 (coordo) Email : collectesank@culture.bf