Fiche technique
Documentaire, Burkina, couleur 1 h 20 mn,
Réalisateur : Richard Tiéné
Production : Gcom
Producteur : Dr Beli Biyen, Richard Tiéné (producteur exécutif)
Images : Lucien Kiendrebeogo, Isidor Bouda, Damien Ouedraogo, Pascal Ilboudo
Montage et étalonnage: Pascal Ilboudo
Musique : Mai Lengani, Naël Melerd, Ro Bayala, Asely
Chorégraphie : Danseurs du Centre de développement chorégraphique La Termitière (CDC)
Montage chorégraphique : Raywox Mensah
Contact : 226gcom@gmail.com
La bande annonce
Synopsis
Le 15 octobre 1987, le leader de la révolution burkinabè est tué. Ce n’était pas le premier putsch dans ce pays au cœur de l’Afrique de l’Ouest ; mais sa fin tragique, aboutissant à l’assassinat de Thomas Sankara et de ses douze compagnons, choque le monde. Ce Président dont le règne n’a duré que quatre ans (4 août 1983 – 15 octobre 1987) a marqué les esprits par son charisme, son audace, son panafricanisme associé à sa jeunesse. Il n’avait que 33 ans lorsqu’il accédait au pouvoir. Cette mort tragique sera diversement appréciée par l’opinion publique et la communauté internationale. De nombreux hommages continuent de lui être rendus. Des réalisateurs lui ont dédié des films sous différents angles. Le film « Thomas Sankara : L’Humain » est guidé par l’idéal d’équilibre dans les faits rapportés par des personnes ressources désignées avec rigueur.
On trouvera une interview de Richard Tiéné sur son film “Thomas Sankara l’humain” à http://www.thomassankara.net/richard-tiene-film-sankara-cest-toute-vie/.
Présentation du réalisateur
Boubié Richard Tiéné est un journaliste burkinabè auteur de plusieurs documentaires, de grands reportages audiovisuelles qui a fait ses armes en télévision et en radio. Il est diplômé de l’École Supérieure de Journalisme de Lille en France et titulaire d’un master international en management des médias de l’Université de Lille. Il a, par ailleurs, une maîtrise en sciences et techniques de l’information et de la communication de l’Université de Ouagadougou. Passionné de médias, il est directeur de publication du journal web Radars Info Burkina (radarsburkina.net), correspondant de la DW (Deutsche Welle, la Voix de l’Allemagne), directeur général de l’agence de communication GCOM. Ancien membre du comité technique pour la délivrance de la carte de presse et du laisser-passer, il est détenteur de trois prix Galians décernés dans le cadre de la production de grands reportages radiophoniques.
Boubié Richard Tiéné depuis plus d’une dizaine d’années s’intéresse au grand écran.
En 2009, son film, coréalisé avec Romain André, « Prince 2 la nuit » (court métrage de 14 minutes), figure dans la catégorie panorama du FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou). « Musique, Humour, engagement politique : le poids des mots » est un documentaire (52 minutes) qu’il a réalisé et qui a été projeté au Festival Ciné Droit Libre en 2016. Son dernier documentaire Thomas Sankara l’humain (80mn) a fait partie de la sélection officielle de la dernière édition du Fespaco (2021).
Boubié Richard Tiéné a été membre de jury de plusieurs prix prestigieux tels que celui de la meilleure journaliste et des Kundé édition 2021.
En 2020, il a été élevé au rang de chevalier de l’ordre du mérite des Arts, des Lettres et de la Communication.
Filmographie :
Le prince de la nuit, 2009 Voyage dans l'Univers des sociétés de masques nuni, 2018 Trafic routier, racket multiforme, la sécurité en insécurité, 2019 Bihoun Bambou, un paysan générateur de devise, 2018 Boom minier, la difficile équation de la réhabilitation, 2017 Pionniers des airs, Pierre Yacouba Diasso, premier commandant africain de la base aérienne, 2016, Election présidentielle 2015 au Burkina, les affiches à l'affiche, 2015 Musique, humour engagement politique: le poids des mots, 2015 The Night Prince, 2009 Journey into the Universe of nuni mask societies, 2018 Road traffic, multifaceted racketeering, insecure security, 2019 Bihoun Bambou, a currency generator farmer, 2018 Mining boom, the difficult equation of rehabilitation, 2017 Air pioneers, Pierre Yacouba Diasso, first African commander of the air base, 2016, 2015 presidential election in Burkina, posters on display, 2015 Music, humor political engagement: the weight of words, 2015
Nos commentaires
Commençons par saluer ce premier documentaire professionnel sur l’histoire de Thomas Sankara et de la Révolution issu du Burkina ! Et Richard Tiéné nous livre ici un œuvre d’une grande richesse produite au Burkina Faso entièrement réalisée par une équipe burkinabè.
Passionné, Richard Tiéné déclare “Ce film sur Sankara c’est toute ma vie” dans une très longue interview donnée au point Afrique (voir https://www.lepoint.fr/afrique/richard-tiene-ce-film-sur-sankara-c-est-toute-ma-vie-02-10-2021-2445894_3826.php). Et il précise qu’il lui a fallu sept ans pour le faire. Et ce n’est pas fini. La première version présentée au public burkinabè en octobre 2020 faisait 2h30mn. Celle présenté au FESPACO 2021, 80 mn. C’est dire combien la matière qu’il a accumulé est riche. Et on imagine la souffrance du cinéaste pour réaliser de telles coupes.
Un réalisateur burkinabè n’est pas pris par le temps dans le sens où il tourne et travaille dans son propre pays. Alors qu’un cinéaste qui vient de l’extérieur ne dispose généralement que de peu de temps. Souvent pas plus de 2 semaines, même si les moyens lui permettent de revenir, son temps est compté. Et le nombre de personnes à interviewer forcément limité. Sans compter la méfiance qu’expriment certains protagonistes de la Révolution, d’abord à accepter les rencontres et puis à se livrer.
Cela dit le manque de temps, même s’il n’est pas limité, ce qui semble avoir été le cas pour Richard Tiéné, n’est pas forcément un gage de qualité. Or Richard Tiéné maitrise le langage cinématographique. C’est depuis longtemps un professionnel des médias et ça se voit, dans le rythme, le cadrage, la qualité des images.
Richard Tiéné, réalisateur, burkinabè et de plus passionné a choisi de prendre son temps. Il a d’abord rencontré et interviewé de nombreux collaborateurs de Sankara alors qu’il faisait des émissions radio. D’où la richesse accumulée mais aussi la difficulté sans doute à les choisir. Après ce premier film, il se lance dans un projet de série…
En réalité, tous les documentaires sortis jusqu’ici, ont tenté de traiter globalement de la vie de Thomas Sankara et de la Révolution. A part celui de Géraldine Berger, Les Orphelins de Sankara (voir à http://www.thomassankara.net/les-orphelins-de-thomas-sankara-un-film-de-geraldine-berger/) qui raconte l’histoire des enfants Burkinabè partis étudier à Cuba. Un sujet donc bien circonscrit.
Or cette révolution, est tellement riche en elle-même, la personnalité de Thomas Sankara, tellement complexe, paradoxale, contradictoire même parfois que, si ces films ont tous été jusqu’ici bien accueillis, parce que souvent hagiographiques et répondant à forte demande d’images jusqu’ici bien rares, ils ont souvent aussi produit un sentiment de frustration chez ceux qui souhaitent approfondir le sujet.
Dans ces films on retrouve souvent les même archives issues de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) peu nombreuses, avec quelques images issus du Burkina récupérés ici ou là. On en retrouve d’ailleurs encore quelques-unes dans Thomas Sankara l’Humain… Mais ce dernier nous en fait découvrir de nouvelles, en particulier quelques images de mobilisation des CDR, en noir et blanc souvent.
Richard Tiéné le dit lui-même, il a pu disposer des archives de la Télévision nationale burkinabè. Nous avons souligné le fabuleux travail du service des archives de la RTB et de l’engagement de son personnel (voir à http://www.thomassankara.net/le-service-des-archives-de-la-television-burkinabe-motive-manque-cruellement-de-moyen/) malgré un manque cruel de moyens. Richard Tiéné se plaint avec raison du manque de soin avec lequel ces archives ont été traités sous le trop long régime de Blaise Compaoré. Pourtant, beaucoup ont déjà été récupérés, et de très nombreuses archives n’ont toujours pas été numérisées faute de moyen et de matériel. Mais Richard Tiéné a aussi trouvé des archives privées. Ces nouvelles archives, malheureusement souvent de mauvaise qualité technique n’en produisent pas moins beaucoup d’émotion tant elles restent encore rares. Celles produites en tout cas montrent une indéniable mobilisation populaire. On note aussi une interview intéressante de Thomas Sankara lors d’un sommet de la CEAO où il vante le Faso Dan Fani, ce qu’il a réitéré deux après lors de la réunion de l’OUA Sankara. Des images celles-ci largement popularisées avec celles de son discours sur la dette, dont la vidéo est la plus connue.
Le film de Richard Tiéné, réduit à 80 mn, contient ce défaut déjà énoncé ici pour les films précédents d’avoir choisi d’être généraliste. Mais il tranche par rapport à ce que nous avons vu jusqu’ici par le choix des témoins absents des documentaires précédents. Ainsi pour parler de la personnalité de Thomas Sankara, il a pu interroger Pascal Sankara, l’ainé des petits frères de Thomas Sankara, Valentin Sankara et Ernest Nongma Ouedraogo. Ils nous livrent quelques anecdotes révélatrices des qualités précoces du jeune Thomas et enrichissent le portrait du dirigeant révolutionnaire. Ernest Nongma est présenté comme un collaborateur de Sankara, selon son souhait nous a confié Richard Tiéné. Mais il est aussi et surtout aussi le cousin de Thomas Sankara, avec qui il a partagé l’enfance durant la période de l’école primaire, d’où la légitimité qu’il a à parler de son caractère durant cette période. Il est aussi devenu durant la Révolution ministre de la sécurité et de l’administration territoriale. Pour parler de Sankara il évoque « un lionceau, prêt à attaquer les fauves les plus féroces de la savane politique ».
Le film traite ensuite évidemment beaucoup trop rapidement des réalisations tellement il est difficile de faire autrement, tant elles ont été nombreuses. Il donne la parole à des personnalités émettant des critiques sur le processus révolutionnaire et la gestion du pouvoir par Thomas Sankara. A part quelques remarques un peu rapides dans le film de Robin Shuffield Thomas Sankara l’homme intègre, la première véritable production professionnelle, les autres films ne se livrent pas à ses reculs critiques.
Sont donc mis à contribution, Jean Marc Palm, Mélégué Traoré, Basile Guissou, Béatrice Damiba, Théophile Balima, Touré Soumane et le directeur du quotidien l’Observateur Edouard Ouedraogo. Il est temps de prendre un certain recul critique par rapport à la Révolution et d’ouvrir ce débat. C’est indispensable pour en tirer toute la richesse et éventuellement des leçons pour l’avenir, mais surtout pour contribuer à la formation politique et citoyenne de ceux qui se réclament les héritiers de Thomas Sankara. Souvent admirateur de leur héros, ils ont malheureusement pour la plupart tendance à faire preuve d’intransigeance contre ceux qui émettent la moindre critique.
Pour autant le choix de ces témoins pose problème. Les cinq premiers ont en effet tous choisi de se ranger, après l’assassinat de Thomas Sankara, derrière Blaise Compaoré avec qui ils ont collaboré de très longues années. Sont-ils vraiment légitimes pour critiquer la Révolution ? La plupart ne cherche pas avant tout à faire oublier cette longue collaboration avec un régime chassé par une insurrection populaire.
Touré Soumane, un des anciens leaders du PAI, a connu un parcours particulièrement sinueux depuis qu’il s’est détourné de ses anciens camarades. Ce parti a joué un rôle de tout premier plan pour la victoire de la Révolution et fut sans doute le seul à émettre un point de vue critique souse le CNR, surtout sur la gestion du pouvoir, et la prépondérance des militaires. Mais Touré Soumane s’est fait remarquer dès la première annoncée de la Révolution par des déclarations publiques contre le CNR, que nous savons aujourd’hui, contre l’avis de ses camarades. N’aurait-il pas été plus judicieux de faire parler Philippe Ouedraogo ou Ibrahima Koné, tous deux anciens ministres la première année du CNR, probalement plus rigoureux dans leurs analyses. Quant au directeur de l’Observateur, le seul quotidien, alors, qui a été incendié, il s’est toujours rangé contre la Révolution et souvent de façon radicale.
La contribution de Serge Théophile Balima, enseignant en communication à l’université, est par contre des plus intéressantes. Il était à l’époque conseiller à la Présidence, charge des relations avec la presse internationale. Il nous confie que Thomas Sankara a fait écrire sept versions du discours qu’il devait prononcer face à François Mitterrand, pour finalement improviser une joute oratoire (voir http://www.thomassankara.net/seul-le-combat-peut-liberer-notre/), devenue fameuse pour son culot. Mais surtout il se livre à une analyse pertinente de la communication de Thomas Sankara, vu d’un point de vueu professionnel. Une analyse quelque peu coupé pour les besoins du film mais jamais vue aussi pertinente jusqu’ici.
Ce nouveau film de Richard Tiéné est une contribution importante à la filmographie consacrée à Thomas Sankara. C’est la première issue du Burkina, faisant intervenir des témoins peu vus jusqu’ici. En outre elle renferme de nombreuses archives inédites et ouvre le débat sur les éventuelles erreurs de Thomas Sankara et de ses compagnons à la tête de la Révolution. Il nous promet une suite sous forme d’une série de films, cette fois. Nous ne pouvons que l’encourager.
Le réalisateur est actuellement à la recherche d’un distributeur, on ne peut que souhaiter qu’il en un trouve un rapidement, afin que ce film puisse aller à la rencontre de son public et ouvrir le débat sur la Révolution et ses dérives ou erreurs éventuelles.
Bruno Jaffré